Hypoaffectivité

« Micheeel… »

Le Prince des Archanges ne daigna pas lever la tête, habitué aux pleurnicheries et aux caprices de son troisième cadet immédiat – c'était plus facile de dire non quand il ne voyait pas la moue de cocker détrempé de Gabriel…

« Miiiiiicheeeeeeelll… »

« Quoi ? » grogna le Premier des Anges.

« Je fais de l'hypoaffectivité. »

Il y eut un blanc.

« Et bien, va voir Raphaël. Je ne suis pas médecin, moi. »

Un petit hoquet surpris.

« Heum, Mish… »

« J'ai dit va voir Raphaël ! » s'énerva l'Archange blond. « Il faut que je travaille alors arrête de faire ton sale gosse et fiche-moi le camp ! »

Un second hoquet, cette fois nettement apeuré, et le claquement de pieds nus sur le carrelage tandis que l'adolescent roux fuyait à toutes jambes.

Bon, il avait peut-être été un peu méchant. Mais il avait des choses à faire, et puis il n'y connaissait rien question maladie. Que Gabriel aille voir le spécialiste.


« Luce ! »

Michel ne put s'empêcher de ciller. Même s'il était à l'étage, il entendait Gabriel comme si ce dernier venait de lui crier dans l'oreille.

Curieux et vaguement énervé, il se pencha au-dessus de la balustrade pour voir ce que faisaient ses deux cadets.

« Mmh ? Qu'est-ce qu'il y a, mon chou ? »

« Hypoaffectivité. »

Encore ? L'Archange blond fronça les sourcils. Il avait pourtant dit au Messager d'aller voir Raphaël s'il se sentait patraque ! Pourquoi aller casser les ailes à Lucifer ?

« Ohh, viens là, mon cœur, que je te soigne ! »

Et sous les yeux surpris de leur aîné, l'Étoile du Matin prit dans ses bras l'adolescent roux.


« Raphaël ? »

« Quoi ? » grogna le médecin des anges.

« Qu'est-ce que c'est comme maladie, l'hypoaffectivité ? »

L'Archange brun leva la tête, regarda son frère… et éclata de rire. Michel sentit un tic agiter sa paupière.

« Laisse-moi deviner, c'est Gaby qui t'a appris le mot ? » lança le guérisseur après avoir fait passer son hilarité.

Hochement de tête de la part du blond.

« Je le savais ! Il a tout de suite adoré le mot, quand j'ai fait semblant de le diagnostiquer… »

« De le quoi ? »

« Eh bien, un jour, j'ai vu arriver Gaby qui m'a fait la danse du ventre, soi-disant qu'il avait un besoin brutal d'affection et qu'il pensait qu'un câlin pourrait aider… Le tout en me regardant par en-dessous, tu sais bien, sa mine quand il veut te manipuler ! Moi, j'ai joué le jeu, j'ai pris mon air grave et je lui ai dit qu'il souffrait d'hypoaffectivité, et que oui, ça se soignait par embrassades… »

Raphaël souriait avec attendrissement.

« Il a exigé de commencer le traitement tout de suite, et que pouvais-je faire ? Je suis docteur, après tout. »

Michel ouvrit la bouche, la referma et se fit songeur.

« Donc, quand il dit qu'il fait de l'hypoaffectivité… »

« Il utilise un code pour te dire qu'il veut un câlin, oui. »


« Gaby ? »

L'adolescent roux leva les yeux et sursauta en apercevant Michel.

« Quoi ? » fit-il, la tête rentrée dans les épaules.

« Je voulais savoir… tu te sens bien, ces derniers jours ? »

Le Messager renifla.

« Ou-i. Pourquoi ? Tu as chopé quelque chose ? »

L'Archange blond poussa un soupir et considéra gravement son cadet.

« Et bien, oui. Je crois faire une poussée aigüe d'hypoaffectivité. Tu peux m'aider à soigner ça ? »

Gabriel considéra son frère avec stupéfaction pendant l'espace de trois secondes. Puis un immense sourire apparut sur son visage et il sauta au cou de son aîné.