Bien le bonjour, je débarque dans le quartier Twilight avec cette fanfiction de mon cru, qui j'espère vous plaira.

Disclaimer: Les personnages appartiennent à Stephenie Meyer, je ne fais que jouer avec pour passer le temps.

On se retrouve en bas!


Chapitre 1

[Iron and wine-such great heights]


- On n'était tout simplement pas sur la même longueur d'ondes, ça arrive à n'importe qui Bell's.

Je baissai les yeux, honteuse de la situation que j'avais créée, honteuse de le faire souffrir par pur égoïsme.

- Je suis vraiment désolée, Jake.

Désolée n'était sans doute pas un mot assez fort. Vraiment désolée non plus d'ailleurs. Voilà comment je venais de ruiner toute relation avec mon meilleur ami. Lorsqu'il posa sa main sur la mienne, je ne pus retenir un gémissement. Je lui brisais le cœur et c'était lui qui se sentait obligé de me réconforter parce que la culpabilité me rongeait de l'intérieur. Super. J'aurais vraiment tout foiré du début à la fin.

Une dose minime de courage trouvée au fin fond de mon subconscient me donna finalement la force de relever les yeux vers Jacob, dont l'éternel sourire ne trompait personne en cet instant. La lueur que j'avais toujours vue dans ses yeux, que j'avais toujours admirée, s'était éteinte, et c'était de ma faute. Encore une fois, le dégout que ma propre personne m'inspirait me fit détourner le regard, pour se poser sur nos mains entrelacées. Je serrais à présent la sienne de toutes mes forces. Comme si ça pouvait le retenir. Si j'avais vraiment voulu le garder avec moi, je n'aurais pas lancé cette conversation. J'avais voulu faire ce qui s'apparentait le plus au bon choix pour une fois. Le bon choix aurait été de repousser Jake la première fois qu'il m'avait embrassée, à la réserve trois mois auparavant. Aujourd'hui c'était trop tard, mais j'avais quand même fini par le repousser. Pour ne pas continuer à m'enliser dans ma bêtise. Résultat, mon refus, qui à l'époque n'aurait été que bon sens, aujourd'hui n'était que de la pure cruauté. Jake continuait de me fixer, d'une souffrance bienveillante qui me brulait la nuque. Lorsque j'appellerai Alice, probablement dans la foulée du départ de Jacob, son statut de BFF la contraindra à me déculpabiliser de ce que je venais de faire. Je n'étais pas certaine que ça marche. Elle m'avait trop souvent répétée que je faisais une erreur en sortant avec mon meilleur ami pour croire en la sincérité de son réconfort. 1er commandement de notre amitié: Alice a toujours raison. Moi qui me faisais toujours un plaisir de lui démontrer le contraire, j'allais passer un sale quart d'heure.

Mes dérives vers Alice furent interrompues par un léger mouvement du matelas sur lequel Jake et moi étions installés. Une cuisante sensation de froid m'envahit lorsque la main de mon ex - j'avais toujours vomi cette expression - délaissa la mienne. Je me levais à mon tour, redoutant le moment fatidique où il m'annoncerait que notre amitié était terminée. Je ne me voilais pas la face, je ne méritais rien d'autre. D'ailleurs si j'avais été à sa place, je me serais auto-cassé la gueule.

- Le peu que ça a duré... c'était pas si mal, hein?

Son timbre inhabituellement rauque m'arracha un frisson. Pendant une fraction de seconde, je crus percevoir une lueur danser au fin fond de ses prunelles d'ébène. Différente, certes mais c'était déjà mieux que le puits sans fond que j'avais provoqué ce soir. Alors que je me noyais dans son regard, la lueur réapparut. Un pauvre sourire naquit sur mes lèvres lorsque je réussis à l'identifier. A défaut de son habituelle lueur de bonheur, lueur qu'il avait toujours lorsqu'il posait ses yeux sur moi, c'était désormais une lueur d'espoir. Il espérait tant de la réponse que j'allais lui fournir. Il espérait trop. Je ne pouvais décemment pas éteindre ce feu là aussi, tout comme je ne pouvais pas me permettre de lui reprendre ce que nous avions vécu pendant trois mois. Je lui avais déjà pris tout espoir d'un futur ensemble, qui étais-je pour lui supprimer l'espoir d'avoir vécu trois mois formidables? Ma voix tressaillit lorsque je murmurais ces mots:

- C'était génial, même.

Jacob ne souriait plus mais il m'adressa un regard reconnaissant que je ne méritais pas. J'avais vraiment été la pire petite amie du siècle. La pire amie aussi. Mon désormais ancien meilleur ami fit quelques pas sur la droite vers la fenêtre de ma chambre, cherchant l'éclat d'une voiture de police garée sous le lampadaire. Le soulagement se peignit sur son visage lorsqu'il réalisa qu'il n'aurait pas à affronter Charlie en partant. Mon père l'avait toujours bien aimé et je savais que c'était réciproque. Jacob préférait éviter d'avoir à cacher sa déception à un père qui n'avait sans doute pas la moindre idée de ce qu'il pouvait bien se tramer entre sa fille et son meilleur ami. J'en profitai pour me foutre une énième claque mentale. J'avais toujours caché ma relation avec Jacob à Charlie. Si ça, ça n'était pas un signe de ma mauvaise volonté...

Jake atteignit la porte de ma chambre sans un mot et se retourna une dernière fois vers la traitresse qui avait tout gâché: moi.

- Tu sais Bella...

Il m'avait appelée Bella. C'était le début de la fin. La fin des surnoms. La fin d'une profonde amitié. Je fis de mon mieux pour masquer ma déception même si je doutais avoir été à la hauteur. Après tout, je n'avais aucun droit de me plaindre de la façon dont il daignerait me traiter à partir de maintenant.

- ... Ce n'est pas parce que je viens de réaliser que tu ne m'aimeras jamais comme je le voudrais, que ça me fait t'aimer moins. Et là je ne te parle pas de Bella ma petite amie mais de Bella la meilleure amie que j'aurais jamais. Je ne veux pas que toi et moi, ça se termine. Jamais. Ce serait trop bête. Mais… je pense que je vais avoir besoin de temps pour digérer tout ça. Pour qu'on puisse reprendre une relation saine toi et moi, où je ne serai pas tenté de te rendre la monnaie de ta pièce...

J'eus beau me contenir, ça ne m'empêcha pas de sentir les traits de mon visage se déformer sous la grimace. J'étais irrécupérable.

-... Ecoute, si tu n'as pas de nouvelles de moi pendant un moment ne le prends pas mal surtout. Ne cherche pas à en prendre de ton côté d'accord?

Je me forçai à bouger faiblement la tête pour lui donner ma parole.

-... Je finirai par revenir. Je le fais toujours.

Sur ces mots, il m'adressa un faible sourire qui parvint pourtant à m'éblouir, comme il le faisait toujours. A présent j'attendais juste qu'il s'en aille. Il m'avait promis de m'accorder à nouveau son amitié dans un futur que j'espérais pas si lointain. C'était plus que ce que je méritais. En attendant, le deuil n'était pas encore fait et j'allais devoir ronger mon frein avant de pouvoir bénéficier à nouveau de sa confiance. Je ne pouvais que m'y attendre, mais ça faisait mal quand même. J'espérais donc juste qu'il me laisse seule pour que mon petit cœur, dévasté par ma propre méchanceté, puisse verser les larmes qu'il retenait depuis le début. Jacob ne me tortura pas plus longtemps et referma la porte derrière lui. C'était la première fois que je ne le raccompagnais pas. Lorsque je l'entendis enfin claquer la porte d'entrée, je me contentai de m'asseoir avec discrétion sur le bord de mon lit, comme si j'avais peur de réveiller quelqu'un. La honte de moi même sans doute. Mon poignet gauche se mit alors à me démanger furieusement, ce qui me valut de jeter un coup d'œil à ma montre pour m'apercevoir qu'il était déjà 19h30. Charlie était soit débordé, soit accaparé par Billy. J'espérais sincèrement pour Jacob que mon père ne soit pas en ce moment même à la réserve, affronter le regard du sien serait suffisamment difficile comme ça, il n'était pas nécessaire pour sa santé mentale d'y rajouter celui du père de la fille qui venait de le plaquer.

19h30, les Cullen devaient avoir fini de dîner. Une seule tonalité suffit à Alice pour décrocher son portable.

- Alors?

Merci Alice, pour l'entrée en matière. Je soufflai de résignation en guise de bonsoir.

- Alors tu as un énorme pot de glace dans ton congélateur?

Je l'entendis sourire malgré elle.

- Il est possible que j'ai prévu le coup.

Bien sur qu'elle avait prévu le coup. Elle prévoyait tout. C'était lorsqu'elle ne voyait pas les choses venir qu'on pouvait s'inquiéter.

- Vanille et noix de macadamia?

- Uh uh, caramel brownie pour ce soir. J'ai tout donné pour aller chercher de la glace en urgence à l'épicerie après ton coup de fil à 18h. J'ai dû attaquer le pot à coup de pic à glace à la maison pour savoir quel parfum j'avais embarqué. Ca devait être là depuis cinq ans au moins, ce truc.

J'avais d'abord pensé à grogner d'indignation face au menu de ce soir. Ce n'était pas vraiment le moment de vexer ma meilleure amie. De toute façon, de la glace restait de la glace. A la guerre comme à la guerre.

- Ramène tes fesses dès que tu peux.

- Sors deux cuillères, je suis là dans dix minutes.

~*~

Pile dans les temps, Alice se tenait sur le paillasson Swan, un sac à dos sur l'épaule qui contenait sans doute ses affaires de rechange, BFF jusqu'au bout de ses ongles manucurés, elle dormirait ici, ainsi qu'un pot de crème glacée sous l'aisselle droite qu'on mettrait au moins trois ruptures à éliminer. C'était l'amour de ma vie et elle était formidable. Mon lutin laissa toutes ses affaires s'échouer sur le sol pour me prendre dans ses petits bras.

- Comment tu te sens?

Je me contentai de hausser les épaules, ne sachant trop quoi répondre. Probablement mieux que Jacob. Et encore, la culpabilité était un sentiment plus pénible que la déception.

Alice plissa les yeux et esquissa un sourire malicieux.

- Ton petit cœur ne doit pas souffrir tant que ça pour que tu ais renoncé à tes noix de macadamia.

Une vague d'irritation me submergea. Evidemment que mon cœur n'était pas brisé. J'avais brisé celui de Jacob. Je n'étais pas irritée contre Alice, j'étais irritée contre moi même. Encore.

- Je suis horrible Alice.

Je m'étais laissée tomber comme une masse contre ma meilleure amie qui m'avait ouvert littéralement les bras. On avait beau être debout, toujours dans l'entrée, la respiration d'Alice me berçait. Je me sentais apaisée maintenant qu'elle était là. Elle dut sentir qu'il fallait qu'elle me secoue avant que je ne m'endorme définitivement dans une position inconfortable, alors elle dégaina la réplique parfaite pour me réveiller en sursaut.

- Il vaudrait mieux pour tes fesses que Mike ne soit jamais mis au courant.

~*~

- Alors Bella, j'ai appris que toi et Black c'était fini.

J'allais tuer Jessica.

Hier soir, Alice et moi étions venues à bout du tiers du pot lorsque mon portable avait sonné et qu'avec ma grande naïveté j'avais décroché, tombant sur la voix de crécelle de Jessica Stanley. Dire que je n'aimais pas Jessica était un peu exagéré. J'avais simplement du mal à la supporter. Cela venait surement du fait qu'elle m'utilisait pour traîner avec Mike newton. Newton, qui n'était pas le moins du monde mon ami et que j'évitais le plus possible depuis qu'il avait décidé de mettre ses charmes à contribution pour me faire succomber, autrement dit depuis mon premier jour au lycée de Forks. C'était vraiment dommage pour lui comme pour moi que je me sois découverte totalement hermétique à ses tentatives de séduction car il pouvait s'avérer marrant et attentionné quand il s'en donnait la peine. C'était d'ailleurs sur ses recommandations que ses parents qui possédaient l'unique boutique de sport de la ville avaient décidé de m'embaucher en tant que vendeuse, au même titre que Mike d'ailleurs. On était affublé d'un atroce gilet orange fluo – Alice, sors de ce corps – mais la paye était généreuse et les Newton étaient des gens charmants. J'y travaillais tous les samedis et dimanches matins. Ca tombait bien, on était samedi matin. Et comme à chaque fois qu'on se voyait, à la boutique comme au lycée, Mike se sentait obligé de se mêler de ma vie privée pour trouver un sujet de conversation. Aujourd'hui c'était donc ma rupture. Super. La moquerie d'Alice au sujet de Mike hier soir prenait tout son sens. J'allais vivre un enfer maintenant qu'il savait que j'étais célibataire, parce que Jessica avait eu la bonne idée de nous inviter à sa fête, moi et Jacob, que je lui avais répondu que ça n'allait pas être possible, qu'elle m'avait évidemment demandée pourquoi, que je lui avais encore répondu, en pensant que sa dévotion pour Mike la priverait de tout lui répéter puisqu'elle avait parfaitement conscience de l'intérêt à la limite de la pathologie que le blond me portait. Je pensais la logique de mon raisonnement à toute épreuve. Raté. J'avais surestimé Jessica, qui avait sans doute considéré que son futur avec Mike n'était rien à côté de la satisfaction qu'elle aurait à jouer les commères.

Mike me fixait toujours, avec un petit sourire gêné. J'aurais pu compatir si je savais que c'était l'indiscrétion de sa question qui le mettait dans cet état mais je commençais à bien connaître le bougre : ce qui le gênait, c'était la possibilité qu'il ait été mal informé.

Je croisais les bras, adossée à ma caisse, encore bluffée par la rapidité avec laquelle ma tranquillité d'esprit avait été anéantie. Je détaillais Mike avec minutie, tant pis si ce grand beta se méprenait sur la nature de mon examen. Il avait grandi en un an et demi. Malgré tous ses efforts, il restait tout de même plus petit que Jake, son rival le plus sérieux. Enfin selon lui. Mike était un bon sportif, je devais bien lui concéder ça. Il faisait partie de l'équipe de football américain du lycée et c'était un bon élément. Enfin c'était sa réputation. Comme si j'étais capable de reconnaître un bon d'un mauvais en sport, alors que moi-même je peinais à tenir debout. Ses cheveux blonds et ses yeux bleus lui conféraient un air plus gamin que la moyenne. Ses joues potelées aussi. Si je devais lui reconnaitre un autre atout, c'était sans doute son sourire. De toute ma mauvaise foi, je ne pouvais pas ne pas le trouver un minimum attirant lorsqu'il souriait. Mais Mike Newton, ça n'était pas qu'un sourire, c'était aussi un adolescent aux hormones en ébullition et aux blagues vaseuses qui avait une fâcheuse tendance à l'extrême susceptibilité.

Mon examen terminé, je me contentais de le fixer froidement, en attendant qu'il s'explique, ce qu'il eut l'intelligence de faire sans plus tarder.

- En fait, j'ai croisé Black ce matin en arrivant alors je lui ai parlé de la fête de Jessica ce soir, comme je savais qu'il était invité…

Comment ça Jacob ? Jacob n'était pas prévu. Il n'avait pas osé me faire ça quand même?

- Et ?

Mike se passa nerveusement la main dans les cheveux. Un poids conséquent vint s'échouer au fin fond de mes entrailles.

- Et, c'est tout justement, je lui ai seulement demandé s'il venait alors il a commencé à me dire que vous aviez rompu la veille…

Je voulais mourir. J'avais passé la soirée à engloutir des kilos de glace en me flagellant pour la garce que j'étais alors que Jacob avait détruit ma vie en l'espace de deux minutes. Ce sale peau-rouge l'avait fait exprès, il avait toujours connu ma détresse face à l'acharnement de Mike et il tenait là sa vengeance pour ce que je lui avais fait. Je voulais mourir et je voulais le tuer. Pas forcément dans cet ordre. Le choc et l'incrédulité durent se lire sur mon visage car Mike me renvoya un regard apeuré. Cet idiot devait penser que Black s'était payé sa tête. La situation aurait au moins l'avantage de faire marrer Alice lorsque je lui raconterai.

- Alors ?

Là ce fut à moi de me passer la main dans ma masse informe de cheveux bruns. Je n'aimais pas le ton que cet abruti prenait avec moi pour un sujet aussi intime. Comme si ça le concernait, de toute façon.

- Alors lâche-moi Mike.

J'avais beau lui avoir quasiment tourné le dos – c'était la seule façon, puérile certes, que j'avais trouvé pour marquer mon indignation – j'arrivai tout de même à saisir le frémissement de ses lèvres du coin de l'œil. Qu'il se garde bien de sourire devant moi celui là. J'étais désespérante. Mike était peut-être un idiot, mais Jake s'en était servi contre moi. Ca me faisait mal de l'admettre, mais il n'était que la victime d'une mauvaise blague. Une très mauvaise blague. A cet instant précis, c'était peut être mesquin, mais j'espérais vraiment que le coupable ait du mal à se remettre de la rupture qu'il venait de jeter en pâture aux loups. D'accord je l'avais dit à Jessica, mais c'était sans arrière pensée. Contrairement à certains.

La matinée passa à une vitesse ahurissante. Le magasin n'avait pas désempli en trois heures. La fin de mon calvaire sonnerait d'ici dix minutes et je n'avais pas adressé à nouveau la parole à Mike depuis l'incident de toute à l'heure. Heureusement pour lui, il n'avait rien fait pour attirer mon attention, ce dont je lui fus malgré moi reconnaissante. Alors que le dernier client de la boutique empoignait ses achats de randonnée, mon corps entier se contracta lorsque l'eau de toilette bon marché de mon collègue m'agressa les narines, juste derrière moi. Il me touche et je crie, c'est simple. Miraculeusement, il dut sentir le danger et se contenta de m'effleurer le bras, m'obligeant à tenir compte de sa présence et à tourner la tête vers lui. Il me dévisageait d'un air gêné, de ses grands yeux de poupin.

- Hé Bella, tu pourrais m'aider à ranger vite fait la réserve avant de partir ? Ma mère me l'a demandé et je pensais qu'à deux, on n'en aurait pas pour longtemps…

Le pauvre jaugeait ma réaction. Je l'avais traumatisé avec ma mauvaise humeur. Je jetai un rapide coup d'œil à l'horloge murale de la boutique. 12h23. Je sortirai sans doute en retard mais je ne pouvais décemment pas lui refuser ce service. A chaque fois que j'avais eu besoin de son aide au magasin, il me l'avait toujours donnée, sourire aux lèvres. A défaut de sourire, je pouvais au moins le dépanner.

- Donne-moi cinq minutes, histoire de compter l'argent, d'accord ?

Le pauvre garçon fut à la limite de sautiller alors qu'il se dirigeait tout guilleret vers le fond de la boutique. Il ne s'agissait pas d'une tâche affreusement pénible, dans la mesure où les Newton étaient de grands maniaques, on était donc chargé de « remettre de l'ordre » dans la réserve assez souvent pour que ça ne soit jamais le bagne. J'empoignai les liasses de billets, étonnamment généreuses aujourd'hui et commençai à en faire le compte. Les Newton avaient suffisamment confiance en moi pour ne pas superviser le récapitulatif des sommes enregistrées. Mis à part le fait que je n'aurais jamais assez de cran pour basculer dans l'illégalité, trouillarde comme j'étais, fille à papa chef de la police de Forks de surcroît, j'étais satisfaite de mon salaire. Les billets à l'abri dans une enveloppe dissimulée sous mon comptoir, j'essayai de trouver la motivation nécessaire pour affronter la mission rangement. Si j'avais su.

Surprise par l'initiative de Mike d'avoir fermé la porte derrière lui, chose qu'il n'avait jamais faite jusqu'à présent, je mis un certain temps pour réaliser ce que j'avais en face de moi. Même après plusieurs secondes, mon cerveau refusait d'analyser concrètement la scène que j'avais sous les yeux. La main toujours sur la poignée de la porte, la mâchoire probablement décrochée, je scrutais avec effarement Mike Newton, nu comme un ver, posé nonchalamment sur une pile de cartons de balles de golf. Peut-être que si je lui hurlais dessus, je me réveillerais. J'essayai vraiment de prononcer le moindre son, n'importe quoi qui pourrait le faire se rhabiller, mais ma gorge s'était desséchée à vitesse grand V. Je ne parlais plus, ne bougeais plus. Avant de me reprendre. La seule chose que je me trouvai capable de faire était de refermer la porte. De m'arracher les yeux aussi avant de les faire bouillir mais ça, ça viendrait plus tard. La bouche toujours grande ouverte, je ne pus résister à la tentation de vérifier s'il s'était rhabillé, ou s'il s'était jamais retrouvé nu d'ailleurs. J'étais souvent sujette à des illusions d'optique, mon esprit aimait me jouer des tours, quoique celui là remportait la palme du grand n'importe quoi haut la main. J'ouvris donc la porte, encore. Ma mâchoire n'eut pas à se décrocher deux fois puisqu'elle n'avait jamais récupéré sa place initiale. L'enfoiré était toujours nu. Logique. Honteuse de mes propres pulsions inexpliquées, je ne pus m'empêcher plus longtemps de laisser mes yeux divaguer vers lui. Et là je le vis… Mikey. Celui-ci semblait d'ailleurs très heureux de me voir. Le choc me fit fermer les yeux de toutes mes forces. C'était vraiment celui de trop. Un afflux de salive me permit brusquement de pouvoir enfin lui dire ma façon de pensée.

- Mais bordel, c'est quoi ton problème Mike ?

A en juger par la vitesse presque surhumaine avec laquelle il cacha mon copain avec la première chose qui lui passa sous la main, en l'occurrence un ballon de basket, la fête était finie.

- Oh merde, Bella… Je suis vraiment désolé, je… j'étais sûr que ça marcherait.

Il était vraiment navré. Ca ne serait pas suffisant pour se racheter, j'étais bien traumatisée moi. Ce crétin pensait réellement que brandir son… truc devant moi serait la clé de notre amour ? Il allait franchement être déçu. Voyant que je ne l'aiderai pas à se sentir moins seul, Mike se crut obligé de se justifier de lui-même.

- Tu sais… The naked man ?

Je faisais de mon mieux pour lui lancer un regard lourd de confusion. J'avais vraiment besoin qu'il sache que je me foutais royalement de ce qu'il avait à me dire. Je voulais juste oublier ce que j'avais vu. Et mourir. Evidemment, il n'eut pas l'air de comprendre le message.

- C'est une théorie super connue, et logiquement super efficace…

L'exhibitionniste se frotta l'arrière du cuir chevelu avec une force que je ne lui connaissais pas. Il pourrait s'écorcher vif que ça lui ferait toujours moins mal que la honte cuisante qu'il subissait en ce moment. Si mes yeux ne me brûlaient pas encore, j'aurais été peinée pour lui.

- … si tu veux tenter ta chance avec une fille et qu'après avoir tout essayé, tu considères que tu n'as plus rien à perdre, c'était mon cas avant de réaliser qu'il me restait encore ma dignité, et que là je viens de faire une croix dessus… bref le but du jeu est de se foutre à poil. Dans deux tiers des cas, la fille rigole et tombe sous le charme, sans doute par pitié mais en tout cas ça marche…

Bizarrement, je sentais ma rancœur s'évaporer à mesure que j'écoutais Mike excuser son comportement de gros porc. Je l'avais progressivement vidé de tout amour propre.

- Et pour le tiers restant ?

- Et bien, la fille vomit en jetant un regard entre l'horreur et le dégoût à… l'arme du crime. Un peu comme toi en fait.

Le pauvre sourire qu'il se força à m'adresser eut raison des reproches que j'aurais bien eu envie de lui balancer. Je n'avais pas vomi, mais pour ce qui était du regard dégoûté, je plaidais coupable. Pendant que Mike rassemblait le peu de fierté qu'il avait réussi à conserver malgré tout pour se rhabiller entièrement, un élan de compassion me submergea. J'avais été atroce avec lui. Si j'avais eu son courage pour me déshabiller face au garçon qui me plaisait, et que cet ahuri m'avait ri au nez, ou pire, m'avait lancé un regard répugné par ce qu'il voyait, exactement comme celui que j'avais eu, Bella Swan serait probablement allée directement se pendre au fond des bois. D'un autre côté, Bella Swan n'aurait jamais eu l'idée de se mettre nue pour arriver à ses fins, elle. J'avais agi de façon peut être spontanée mais avant tout cruelle, j'avais été cruelle, et c'était la deuxième fois en deux jours. Mon visage se figea dans une grimace de dégoût pile au moment où Mike se retourna vers moi. Le pauvre la prit pour lui mais je ne voulais pas lui faire plus de peine que je n'en avais déjà fait.

- Non, le… ça…

Dis-je en pointant mon visage toujours déformé.

-… Ca n'a rien à voir avec toi Mike. C'est moi qui me dégoute. Moi et mes a priori. Je suis vraiment désolée que le coup du Naked man n'ait pas marché sur moi, vraiment. Tu te donnes du mal pour avoir ce que tu veux et même si ça n'a pas vraiment l'effet escompté, je t'envie d'avoir osé. Il faut du courage pour ça, Mike et… si tu ne m'en veux pas trop de la façon dont je me suis comportée avec toi, et bien… j'aimerais vraiment qu'on essaie d'être amis.

J'étais sincère. Tous les reproches que j'avais pu faire à Mike s'envolèrent lorsque je réalisai le calvaire que je lui faisais vivre. Je n'avais pas été facile de mon côté non plus. J'avais vraiment envie d'essayer de reprendre notre relation à zéro. C'était juste dommage qu'il ait eu à me montrer la bête pour que ça me traverse l'esprit. Lorsque je vis son regard pétiller, je commençai à m'affoler, pensant avoir été mal comprise.

- Enfin, sans ambigüité… bien sûr.

Son sourire s'élargit et je compris que je jouais là le rôle de la parfaite idiote.

- J'avais compris, Bella.

Rassurée sur ses intentions, je lui tendis volontiers la main, pour conclure notre accord dans les formes.

- Alors amis ?

- Amis, Swan.

~*~

J'arrivai au Peaks Bar, le seul branché de Port Angeles avec une vingtaine de minutes de retard. On avait l'habitude de se retrouver ici avec Alice avant d'aller faire du shopping. Enfin, elle, elle achetait et moi je souffrais. Ca marchait généralement comme ça puisque mes deux ans d'amitié avec elle n'avaient pas eu raison de mon absence d'intérêt envers toute manifestation de ma féminité. Je m'étais quand même arrangée depuis que je la connaissais. Lorsqu'on sortait, en général au Peaks, elle avait le droit de m'habiller avec robe et talons si ça lui faisait plaisir. Il m'avait quand même fallu une quinzaine d'heures d'entrainement à la maison, en l'absence de Charlie, pour maitriser l'art de rester debout sur des échasses. J'étais assez fière de moi sur ce point, j'avais évité l'hôpital. Pour l'instant. Ca faisait également un moment que je ne m'habillais plus comme un sac. Je ne m'habillais pas non plus comme Alice, qui montrait ses jambes à tout bout de champ, mais mon amour des jeans avait évolué pour un look moins asexué que mes pantalons informes et mes pulls à capuche taille XXL de l'époque. J'avais par contre mis un point d'honneur à garder toutes mes paires de converses. Alice avait craqué, comprenant que ça relevait plus du sentimentalisme qu'autre chose. J'aimais mes chaussures. Je dormirais avec si je le pouvais.

Evidemment, la voiture d'Alice était introuvable. Pour une séance shopping, elle pourrait faire du 130 afin d'arriver à l'heure. Aujourd'hui c'était différent, c'était une session shopping « intello ». Bizarrement, c'était son idée. Les évènements d'hier avaient eu leurs avantages puisqu'elle avait eu pitié de moi et avait accepté de ne rentrer que dans des boutiques où les séances déshabillage n'étaient pas nécessaires. Aujourd'hui, c'était magasins de vinyles et librairie. Alice allait décéder. Je me dirigeai alors vers l'entrée du bar. Généralement, je n'aimais pas faire ça, une fille seule qui traine dans un bar vide, c'est un appel à se faire emmerder par un vieil alcoolique, mais j'avais soif, connaissant Alice elle ne risquait pas d'arriver dans la minute, et le Peaks était un bar suffisamment jeune et bien tenu pour que le risque de me faire embarquer par un fou ne me fasse pas reculer.

Je poussai avec difficulté la lourde double porte en verre de l'entrée et ne fus pas étonnée de ne trouver quasiment personne à l'intérieur. C'était principalement un bar de nuit. Sex on fire des Kings of Leon résonnait discrètement, en musique de fond, ce qui changeait considérablement de ce que j'avais l'habitude d'entendre lorsqu'on venait ici. J'aimais cette ambiance, plus intimiste qu'avec l'électro commercial dont on nous bombardait les vendredis et samedis soirs. En m'avançant vers le comptoir, je dépassai une masse affalée sur un tabouret de bar, un verre de whisky posée à côté de sa tête dissimulée entre ses bras. Folle ambiance. Pas de barman. Il devait faire une sieste. Ca n'aurait pas dérangé grand monde puisque j'étais quasiment la seule encore debout, avec un groupe de filles blondes à l'autre bout de la salle, sur un coin banquette. Je reculai un tabouret bien trop haut pour moi et posai mes fesses dessus, cherchant sans aucune motivation ce que j'allais bien pouvoir commander. Une porte claqua sur ma gauche et des bruits de pas résonnèrent dans ma direction. Le barman avait fini sa sieste. Ou sa clope. Une masse noire vint alors rompre le contact visuel que j'avais établi avec une bouteille de whisky d'une magnifique couleur dorée. Lorsque je relevai les yeux, la masse noire se matérialisa comme un T-shirt avec écrit dessus : Peaks en lettres blanches. Un T-shirt qui moulait parfaitement bien les pectoraux qu'il couvrait. Un top model, le propriétaire du T-shirt et des pectoraux en question, me dévisageait sans grande passion. Face à mon manque total de réactivité, il crut bon de me rappeler par un raclement de gorge qu'il n'était là que pour me servir un verre, comme tout barman qui se respecte et non pas pour se laisser mater sans honte. Fort aimable. D'accord j'avais manqué de discrétion mais son attitude blasée me gonflait déjà. C'est vrai ça, s'il n'aimait pas être regardé, il n'avait qu'à arrêter la muscu. Il attendait toujours sa réponse et si je ne voulais pas être jetée dehors, il valait mieux que je me concentre sur quelque chose. N'importe quoi. Vite.

- Whisky.

Un haussement de sourcil me fit deviner qu'il n'avait pas compris, ou bien n'avait tout simplement pas envie de comprendre. Je m'appliquai donc à y mettre les formes cette fois.

- Un whisky, s'il vous plait.

Une grimace m'échappa lorsque je réalisais l'absurdité de ma commande. J'avais horreur du whisky. Comme si c'était une heure pour en boire de toute façon. Et accessoirement, comme si j'avais l'âge, du haut de mes dix-sept ans. J'aurais cru que mon grand ami trainerait des pieds pour me servir, ou me chercherait des noises en me demandant ma carte d'identité. On ne me l'avait jamais demandée ici. Parait-il que je faisais bien plus que mon âge. Ce qui n'était pas le cas d'Alice. Chose que je n'aurais pas crue possible deux minutes auparavant, alors qu'il me toisait derrière son comptoir, monsieur top model éclata de rire avant de souffler d'un air douloureux. Sans doute le plus beau rire que j'avais jamais entendu. En une seconde, il s'était décongelé. Ma commande le faisait marrer ? J'étais prête à boire tous les whiskys du monde.

- Oula, mauvaise journée ?

Certainement la plus belle voix aussi. Je devais me reprendre, c'en était lamentable. Cherchant à me concentrer sur ses mots et non pas sur ses fesses, je me mordis la lèvre. Signe de déstabilisation chez moi. Je lui lançais un maigre sourire, intimidée par ce changement radical d'attitude.

- Mauvais karma.

Ca on pouvait le dire, avec les évènements de ces deux derniers jours. Il y avait une forte probabilité cosmique pour qu'un météorite m'écrase sur le chemin du lycée dans les prochains jours. J'étais assez fière de constater que ma réponse avait élargi son sourire. Et curieuse lorsque je réalisai que d'accord je l'avais vu, mais je ne l'avais pas regardé. Je savais qu'il était beau, d'une manière générale, maintenant j'avais envie de découvrir en détail pourquoi. Tout ce que j'avais su capter pour l'instant était le magnifique effet décoiffé de sa tignasse, son sourire éblouissant et sa carrure imposante. Je décrétai, lorsqu'il déposa mon breuvage de la mort devant moi, que c'était le moment ou jamais d'enfin relever la tête pour un examen discret mais détaillé.

Je ne fus pas déçue. Ses cheveux. Savamment décoiffés, que je qualifierais de cuivrés et non pas de vulgaire roux, le roux ayant une connotation négative alors que sa couleur de cheveux était juste… parfaite. J'en avais des vertiges. Rien qu'avec des cheveux. J'étais pathétique. Ses yeux. Pas simplement verts. Ca ne voulait rien dire des yeux verts. C'était un vert soutenu, inhabituel. Un regard chaleureux et rieur. Un regard, qui me regardait moi. Un regard qui me rappelait quelqu'un sans réussir à y mettre un nom. C'était le cadet de mes soucis, ceci dit. Il avait un nez droit et fin, parfait comme le reste mais je devais avouer que son nez n'était pas ce qui me passionnait le plus chez lui. Sa mâchoire carrée, mal rasée et ses lèvres fines étaient un appel aux assauts par ma propre bouche que je pouvais presque sentir palpiter d'excitation. Pour sa défense, ma bouche n'avait pas l'habitude de se sentir appelée par une autre. Quant à ses mains, c'était celles d'un pianiste. J'avais pris des cours de piano à huit ans, le monde était décidément petit.

Je souffrais du syndrome Cocktail, du syndrome barman. Peut-être que ce syndrome, auquel j'étais peu habituée, n'était qu'un voisin de l'effet moniteur de ski. Celui qui vous faisait vibrer rien qu'en vous souriant sur sa planche, avec le kit bronzage et lunettes de soleil mais qui ne ressemblait plus à rien, quand on le croisait au retour des vacances dans un resto new-yorkais. Peut être que Monsieur-je-suis-le-roi-des-sex-on-the-beach perdait tout charisme en short et sandales. J'en doutais quand même fortement.

L'examen pouvait sembler un peu long comme ça, mais en réalité, ça n'avait duré que trois secondes tout au plus. Plus n'était pas nécessaire pour comprendre à quel point monsieur le barman était au dessus de mes moyens. Enfin ce n'était pas comme si j'étais le genre de filles à draguer un barman. Je me concentrai alors sur mon whisky, qui après une gorgée de bébé s'était révélé infect. J'avais quasiment réussi à occulter sa présence lorsque pour une obscure raison, il se sentit obligé de relancer la conversation.

- Tu veux en parler ?

Je me serais probablement étouffée dans mon verre si j'avais réitéré l'expérience du whisky mais la première fois avait été trop douloureuse pour que je m'entête. Plus sobrement qu'en lui recrachant ma boisson au visage, j'écarquillai les yeux suffisamment pour lui faire comprendre que je ne comprenais pas comment il pouvait avoir envie de me faire la conversation. Par son manque total de réaction, j'en déduisis que la proposition était sérieuse et j'étais bien tentée d'y répondre. Pourtant je me rappelai du lieu où nous étions, de qui il était et de sa mission qui était de faire consommer les clients. Quand on racontait sa vie, il arrivait toujours un moment où on avait soif. Ce n'était donc pas par intérêt pour ma personne. Désillusion quand tu nous tiens.

- Si c'est pour déballer mes problèmes existentiels à un type payé pour ça, franchement, je préfère aller voir un psy.

Loin de se décourager, le gaillard haussa les épaules avant de m'adresser un sourire en coin à tomber.

- Je suis quand même moins cher.

- Et moins diplômé.

Son rire se fit alors communicatif et je ne pus m'empêcher de sourire à mon tour.

- Je ne parierais pas là-dessus si j'étais toi. Allez, ton verre est pour moi. Comme ça, l'idée de me raconter ta vie ne te rebutera plus autant.

Mon apollon venait de se pencher sur le comptoir, réduisant considérablement la distance entre nous, et déjà j'arrêtai de respirer.

- Non merci.

Gagné, il s'était redressé. Monsieur ne semblait pas comprendre mon entêtement. Je le comprenais de moins en moins moi-même. Il voulait vraiment m'offrir ce verre, ô combien imbuvable.

- Quoi, non merci ? C'est d'avoir un verre gratuit qui t'indigne à ce point ?

- Non, c'est juste…

Je ne pus retenir un sourire gêné. C'est juste que je ne voyais pas où il voulait en venir puisqu'on ne faisait clairement pas partie du même monde. J'avais dépassé le stade de l'auto-dévalorisation depuis que j'avais rencontré Alice. De banale, j'étais passée à mignonne lorsque je me regardais dans la glace. Mais monsieur canon en face de moi qui ne me quittait pas des yeux ne se contentait pas d'être mignon. Il était sublime. Il n'était donc pas le moins du monde en train de me draguer. CQFD. Alors quoi à la fin, c'est en commandant mon whisky que je lui ai démontré à quel point je pouvais être une nana intéressante ? Il s'ennuyait et j'étais sa porte de sortie ?

- … Est-ce que tu es le genre de barman à sortir avec tes clientes ?

Qu'on soit bien d'accord, je n'avais pas la moindre idée du pourquoi du comment de ce que je venais de dire. Je ne savais pas ce qu'il m'avait pris, pendant un moment je crus même l'avoir rêvé, jusqu'à ce que je vois les sourcils de Monsieur canon s'arquer tellement haut sous le coup de la surprise que je ne pouvais que pleurer face à ma bêtise. J'allais me prendre le plus beau râteau de ma vie, et je ne l'avais même pas prémédité. Comme ça, je pourrai enfin comprendre la détresse de Mike lors du fiasco de ce matin. Au moins je resterais habillée. D'un autre côté, c'était sorti parce que je voulais que ça sorte. Je ne comprenais toujours pas pourquoi il s'accrochait à notre discussion sommaire, je n'étais qu'une cliente parmi tant d'autres après tout, et c'était à cause de cette ignorance qu'une minuscule partie de moi préférait s'imaginer que c'était par réel intérêt de sa part. Une partie suicidaire, sans doute. Je fermai les yeux d'appréhension lorsque je l'entendis prendre une inspiration.

- Et bien, moi qui pensais être tombé sur une jeune fille en détresse… Voilà qu'elle m'agresse.

Cet idiot souriait visiblement amusé par la situation foutrement embarrassante dans laquelle je m'étais enlisée. Je ne pus m'empêcher de piquer un fard, ce qui ne fit qu'accroître ma gêne. Je venais de passer pour une dépravée.

- Non, je… C'est pas mon genre de… Enfin tu vois…

Non, il ne voyait surement pas. Tout ce qu'il devait voir, c'était une fille sans assurance qui avait voulu jouer dans la cour des grands. Il ne se débarrassait pas de son sourire en coin et franchement je ne savais pas si c'était une bonne ou une mauvaise nouvelle.

- Donc je dois me sentir honoré par cette prise de risque ?

- Honoré je ne sais pas, mais compatissant sans aucun doute.

Monsieur le barman s'avança à nouveau vers moi, se penchant par-dessus le comptoir, comme s'il cherchait à préserver notre conversation d'oreilles indiscrètes. Je pouvais sentir son souffle atrocement chaud contre ma joue, ce qui ne calma en rien ma nervosité extrême.

- Pour ton information, non seulement je me montre compatissant, mais…

Un bruit de porte nous fit nous redresser, chacun de notre côté du bar. Une tornade brune se matérialisa à mes côtés, pas le moins du monde honteuse de son retard. Elle pourra s'excuser tout à l'heure pour son avance lorsque je lui raconterai. Je me retournai en quatrième vitesse vers Monsieur compatissant, priant pour que l'arrivée inattendue d'une perturbatrice en mini jupe ne le fasse pas perdre le fil de notre discussion. Il avait été coupé dans son élan et c'en était devenu vital pour moi qu'il finisse sa phrase. Pourtant ce ne fut pas sa voix suave qui me berça les oreilles et je sursautai de surprise lorsque ma meilleure amie prit la parole, pour s'adresser à lui. Lui qui faisait une drôle de tête. Il était comme choqué de la voir. Alice faisait cet effet sur beaucoup de gens.

- Alors frangin, je vois que tu ne m'as pas attendue pour faire enfin connaissance avec ma sœur de cœur.

Maintenant on était deux à être choqués. Moi sans doute plus que « frangin » encore. Avant de commencer à paniquer, j'avais vraiment besoin d'une explication. Tout ce que mon cerveau fut capable de formuler fut :

- Attends, Alice… quoi ?

Au moins, pour Alice la situation semblait limpide. Ce qui ne fit que m'inquiéter encore plus.

- Ben oui, mon frère, ma meilleure amie.

C'est sûr, dit comme ça c'était limpide. Mon cerveau refusait d'enregistrer l'information. Il y avait deux minutes, j'étais en tête à tête avec un garçon trop parfait pour être vrai. Maintenant, j'étais en enfer. Comment ça son frère ? Il ne vivait même pas ici. Son frère s'appelait Edward, il faisait des études d'architecture à Berkeley et il avait aux bas mots… 25 ans. Monsieur canon devait bien avoisiner cet âge. Mon corps accusa un hoquet. Ca c'était le signal que je n'allais pas tarder à faire une crise d'angoisse. J'attendais désespérément qu'Alice se mette à rire en criant à la blague vaseuse. Il fallait qu'elle le fasse. Alice finit par comprendre au bout d'un moment que l'information avait du mal à être assimilée, tant chez moi que chez « frangin ». Elle se chargea alors des présentations officielles.

- Bella, je te présente Edward, 24 ans et de retour chez papa maman depuis deux jours car incapable de trouver un cabinet qui veuille bien de lui. Edward, c'est Bella ma meilleure amie mais je t'en ai déjà parlé.

Si j'avais pu me liquéfier sur place, littéralement, je l'aurais fait. A la place, je ne pus que rougir furieusement à l'idée que j'avais pu draguer le frère de ma meilleure amie. Mes rougeurs redoublèrent lorsque je réalisai qu'il aurait été possible, deux minutes plus tôt, qu'il y réponde favorablement en plus. Chose que je ne saurais jamais. A en juger par la fréquence à laquelle il se passait la main dans les cheveux, le corps penché le plus en arrière possible, je n'étais pas la seule à me sentir mal. Il fuyait désespérément mon regard, ce qui n'était pas pour me déplaire car je n'étais pas prête à soutenir le sien. Vert, comme Carlisle. Alice, elle, tentait désespérément d'accrocher le mien, c'est alors que la ressemblance entre les deux me frappa. Cette même peau laiteuse, cette même façon de sourire. C'était leur mère toute crachée, Esmée. Si maintenant, le lien entre tous s'établissait comme une évidence, même avec la meilleure volonté du monde, je n'aurais pas pu deviner. J'essayai de me ressaisir de cette façon. Franchement, j'avais connu plus efficace. Les photos n'étaient pourtant pas ce qu'il manquait chez les Cullen. Moi, la d'habitude si grande observatrice, étais-je incapable de me souvenir du visage du frère de ma meilleure amie pour ne pas le reconnaître en chair et en os? Honnêtement, je ne me rappelais pas d'une photo de famille relativement récente qui m'aurait permise de l'identifier.

Alice me fixait, comme si la lecture des expressions de mon visage allait l'aider à comprendre la source du malaise ambiant. Elle avait de l'intuition, ça n'était pas impossible. Le problème, c'était qu'elle me connaissait trop bien pour savoir que draguer un barman inconnu ne faisait pas partie de mes loisirs. Je ne le savais pas moi-même. Elle ne le devinerait jamais, et tant mieux. A moins qu'Edward ne crache le morceau. S'il le faisait, il pouvait compter sur moi pour dire à sa sœur qu'il avait commencé ce petit jeu. Mais face à son air désolé, je ne pensais pas avoir du souci à me faire. La seule personne avec laquelle j'allais devoir batailler serait moi-même probablement. S'il s'agissait du frère de ma meilleure amie, et qu'il était revenu habiter à Forks, je le recroiserai obligatoirement. Mon raisonnement me fila des crampes d'estomac.

- Bon ben… On a des trucs ennuyeux à mourir à aller acheter alors… Bella ?

Je sursautai sur mon tabouret. Alice m'offrait une porte de sortie. L'atmosphère était franchement devenue étouffante ici.

- Oui, on s'en va…

Edward releva la tête mais jugea préférable de porter son attention sur sa sœur, ce qui n'était pas une mauvaise idée. Soudain, une possibilité que je n'avais pas envisagée jusqu'ici m'arracha un frisson. Peut-être n'était-il pas seulement atrocement gêné, comme je pouvais l'être. Peut-être Edward était-il en colère contre moi. Après tout, j'étais lycéenne et je lui avais dissimulé mon âge. J'avais volontairement flirté avec un type majeur, l'induisant en erreur sur ma propre date de naissance car de toute évidence, s'il faisait plus de 17 ans, et pour cause, moi aussi. Assumer ma honte était une chose, supporter sa rancœur en était une autre, surtout si j'étais amenée à le revoir aussi souvent que je le craignais.

Mes craintes s'envolèrent lorsque nos regards se croisèrent par accident, lorsque je glissai de mon tabouret pour retrouver la terre ferme. Il n'était pas furieux. Pas même agacé. Juste abasourdi et profondément honteux, ce que je pouvais comprendre mieux que personne. Alice lui adressa un bref signe de la main avant de me tirer par le bras, comme si j'allais m'enfuir. Les jambes tremblantes, je priai pour ne pas m'étaler par terre, ce qui m'achèverait sans aucun doute. Je n'eus même pas à me forcer à ne pas me retourner, j'avais subi assez d'émotions pour aujourd'hui. Je voulais juste quitter cet endroit. Je retrouverais Edward Cullen bien assez tôt de toute manière.


Voilà, j'aimerais beaucoup que vous me disiez ce que vous en pensez, que l'impression soit bonne ou mauvaise, tout est constructif.