Coucou !
Je ne sais pas si cette fanfiction a encore des lecteurs depuis le temps. Ecrire sur Shaman King est vraiment devenu difficile pour moi – ou en tout cas sur cette fanfiction – notamment parce qu'elle est associée à une période un peu difficile – ce qui explique pourquoi je n'étais pas pressée de la continuer. Cependant, j'ai retrouvé la foi (ou en tout cas l'envie d'écrire dessus). Ne demeurait alors qu'un problème (enfin plusieurs mais bon) : LA SYNTAXE ET L'ORTHOGRAPHE DE CETTE FIC ! Je ne dis pas que je suis devenue une « grammar nazie » mais avec le temps, j'ai pris plaisir à réapprendre la grammaire, à affiner mon style dans d'autres fanfic. Alors, soyons honnête, quand je jetais un coup d'œil à celle-là, j'avais les yeux qui saignaient.
Deuxième problème de cette fanfic : je me suis rendue compte que pas mal de choses n'auraient pas dû se passer ou que mon interprétation de certains personnages à cette époque n'était pas la bonne. C'est ça qui est assez paradoxal sur ce fandom, parce que si j'ai vraiment passé un sale moment, j'ai aussi rencontré d'autres personnes vraiment géniales qui m'ont fait réfléchir à certains partis pris, à certains personnages.
Donc, je vous propose de tout reprendre. On recommence tout ! Avec une publication un peu hasardeuse, je ne le cache pas (je travaille sur un gros mémoire de recherche en ce moment) mais je pense que ça peut être intéressant car les évènements ne seront pas exactement les mêmes que dans la première publication (si jamais, vous souhaitez avoir les chapitres originaux, sachez que je les garde, donc un MP et je vous les donne).
Je vous embrasse tous et on se revoit au prochain chapitre !
O.O.O.O
Une jeune femme aux cheveux blonds vêtue à la façon d'une souillon marcha sur la nacelle avant d'atteindre le quai. Le contact de ses pauvres pieds fins seulement protégés de la neige par des petits souliers sur le sol gelé la fit tressaillir et elle tenta vainement de se protéger du froid ambiant en serrant contre elle son mince châle rapiécé. Elle leva la tête, inquiète, vers son enfant, restée dans le bateau. Celle-ci avança en tremblant et se colla contre sa mère.
« Je n'aime pas cet endroit ! Il fait trop froid !
— Je sais, Rim, je sais. Mais ici, j'aurai du travail à la mine… Enfin, j'espère. »
La petite jeta un coup d'œil inquiet vers le visage émacié de l'adulte. La faim, le froid, la maladie l'avaient sévèrement marqué. A la voir ainsi, elle ressemblait davantage à une humaine qu'à une shaman. Ladite Rim souffla quelques secondes, se serra davantage dans les haillons de sa mère afin de profiter au mieux de la faible chaleur de son corps.
Les prunelles roses cherchèrent une silhouette familière dans la foule venue s'attrouper sur les quais, attendant les bateaux, accueillant leurs amis ou leur famille. Son cœur se serra. Si leur amie n'était pas là, Rim et elle seraient complètement perdues… Mécaniquement, alors que ses yeux se plissaient, s'agrandissaient, s'évertuaient à trouver quelqu'un, ses mains se crispèrent sur les épaules de la petite fille qui poussa un petit gémissement de surprise. Vite, vite.
Quelques instants plus tard, elle fut soulagée et se précipita vers elle en tenant fermement la main de la petiote, avant de se jeter dans les bras d'une autre jeune femme au visage dissimulé par un lourd châle. Celle-ci l'enserra avant de se soustraire à son étreinte, de prendre ses grosses lunettes, de les nettoyer avec le bout de sa tunique de laine jaunâtre et de les reposer sur son nez retroussé.
« Samy ! Samy ! cria la petite, folle de joie. »
Cette dernière fronça les sourcils et se mit à la hauteur de l'enfant, la regardant droit dans les yeux. « Chut, Rim, autrement tu risques d'attirer l'attention ! » Quand elle eut hoché la tête, signifiant qu'elle avait enfin compris, Samy se releva et posa sa main gantée sur l'épaule de son amie.
« Viens, Tamao. On t'attendait, lui dit-elle d'une voix posée mais aussi audible qu'un murmure. » Son interlocutrice acquiesça, soulagée de ne plus être seule après avoir affronté les violentes tempêtes de la mer du Nord. Il y avait quelques semaines de cela, elle avait embarqué avec sa fille depuis un port d'Allemagne, dans un petit navire de bois qui semblait prêt à couler à n'importe quel moment. Durant la traversé, elle avait serré la petite très fort contre elle dans la cale où elles se trouvaient.
Un peu hagarde Tamao suivit son amie en tenant fermement l'enfant dans ses bras. C'était la première fois qu'elle posait le pied en Norvège et encore plus à Oslo. Avant le Tournoi, quand il y avait encore Internet, elle avait pu regarder avec Manta des images de cette ville. A la place des grands buildings, des hautes tours ou de son bel opéra ultra moderne se tenaient des baraques de bois, de tuile, de chaume. Les allées goudronnées avaient laissé placé à des petits chemins boueux où la terre et la pluie ne cessaient de se mélanger. Loin des bruissements assourdissant des voitures, des cars et des motos, le hennissement des chevaux tirant les quelques charrettes contenant des fruits ou des légumes était la seule chose audible dorénavant.
Après avoir marché quelques minutes dans cette ville maintenant moyenâgeuse, Samy toqua à la porte d'une petite maisonnette, assez proprette avec un toit de chaume. Tamao cligna plusieurs fois des yeux. Si le décor eut été différent, elle aurait pu croire à la maison de Blanche-Neige. La porte s'entrouvrit et les trois amies entrèrent.
L'unique pièce du rez-de-chaussée n'était pas bien grande et était éclairée par de nombreuses bougies. Tamao bougea la tête de gauche à droite pour voir qu'à la gauche de la porte d'entrée se trouvait un petit escalier de bois menant probablement aux chambres, face à elle, il y avait une grande armoire elle aussi faite de bois et à la droite de l'entrée, il y avait une grande cheminée de pierre dans laquelle un feu crépitait et, juste devant celle-ci, une grande table de bois carrée avec plusieurs tabourets. Oui, décidément, la parfaite maisonnette de Blanche-Neige ou celle des Ingalls ! Elle cligna des yeux plusieurs fois.
« Tamao ! Te revoilà ! lança une voix bourrue teintée de gentillesse. »
Elle cligna à nouveau des yeux avant de constater que celui qui se tenait face à lui était un vieil ami, grand, bien bâti, à la peau dorée par un soleil qu'elle n'avait pas vu depuis des années – depuis six années – avec de longs cheveux noirs ondulés. « Karim! » Oui, c'était bien lui, Karim de la tribu Pache, bien qu'il ne portât plus cette longue tenue blanche traditionnelle mais un chaud pantalon bien doublé, de hautes bottes fourrées et une tunique de laine grisâtre. Il avait aussi laissé tomber les plumes et avait opté pour un simple bandeau rouge autour du crâne.
Il y eut comme un moment de flottement, elle demeurait là, sa fille dans les bras, regardant légèrement hagarde cet individu tout droit sorti de son passé. Samy l'avait avertie qu'elle avait retrouvé d'anciens participants mais elle n'avait jamais pensé qu'un Pache aurait pu la rejoindre. Après tout, beaucoup de Paches lui étaient fidèles… L'ex-Gandhara, elle, prit une large cuillère de bois et se mit à touiller dans la marmite qui chauffait dans la cheminée.
« Retire donc cette perruque, Tamao ! Elle ne sert à rien ici ! »
A nouveau, elle cligna des yeux avant d'hocher la tête et de reposer Rim au sol. D'un geste lent, maladroit, elle saisit sa perruque blonde et laissa tomber sur ses frêles épaules ses cheveux couleur framboise.
« Bon retour parmi nous, Tam ! »
Elle hocha la tête, remerciant Karim d'un faible sourire. Rim, elle, n'avait pas bougé d'un poil, attendant que sa mère lui dît quoi faire, où aller.
« Voilà donc la petite Rim ! rajouta l'homme en se penchant sur l'enfant qui paraissait bien intimidée par le géant qu'il était. Elle est bien mignonne, Tamao, félicitations ! »
Encore une fois, comme si elle était anesthésiée, très lentement, Tamao lui sourit à nouveau. Rim, elle, le fixait d'un air interloqué. Jamais elle n'avait vu un homme avec une telle taille, avec une telle peau. « T'es un Shaman, toi ?!
— Bien deviné, je suis un Shaman ! répondit-il en éclatant d'un rire assourdissant qui fit vriller les petites oreilles enfantines.
— Maman aussi est une Shaman !
— Sans blague ! »
Tamao fronça les sourcils, n'aimant pas que Rim évoquât comme cela sa nature shamanique. Cela n'était pas bon car cela attirait l'attention. Elle lui avait plusieurs fois répété que jamais elle ne devait parler de cela, que personne ne devait le savoir autrement, elles risquaient d'être séparées.
« Et toi, petite Rim, es-tu une Shaman ?
— J'crois ! Mais j'ai pas encore de fantôme gardien ! J'ai que six ans, Maman dit que c'est trop jeune ! »
Karim ouvrit la bouche pour rétorquer mais ne sut pas quoi répondre. A ses yeux, un shaman n'était jamais trop jeune pour apprendre à maîtriser ses dons, d'autant plus en ce moment. Un enfant qui savait se battre, se défendre avait bien plus de chances de survivre dans ce monde que plus aucune loi ne régissait.
Quelqu'un descendit les escaliers. Tamao leva aussitôt la tête et constata avec un grand soulagement qu'il s'agissait d'une jeune adolescente avec de beaux cheveux châtain noués en deux belles tresses, vêtue d'une vieille robe rouge rapiécée à manches longues, d'une paire de collants grisâtre et de grosses bottines bien chaudes. Elle plissa les yeux, cherchant à identifier cette nouvelle venue. Elle savait qu'elle l'avait déjà vue…
« Salut, Tamao ! Tu te rappelles de moi ? C'est moi, Seyram ! »
Oui, Seyram ! Seyram ! Elle s'était battue aux côtés de Jun Tao pour les protéger, elle et son frère de ses sbires lors de leur chasse aux âmes. Dès que ses pieds touchèrent le sol, la jeune femme se précipita sur elle et l'enserra violemment dans ses bras comme si elle cherchait à se prouver qu'elle était bel et bien là, qu'elle n'était pas qu'une illusion de son esprit – elle en avait déjà eues beaucoup lors de son exil. Seyram, elle, sourit et après quelques instants, lui tapota gentiment le dos afin qu'elle la lâchât et la laissât respirer.
« Comment as-tu réussi à survivre ? Comment as-tu pu leur échapper ? E-Et Reoseb ? Il est où ? Là, ici, aussi ? »
La jeune adolescente sourit et hocha doucement la tête. « Oui, il est là aussi. Il est en haut, dans notre chambre en train de dormir. Attends, assieds-toi, tu seras mieux, lui dit-elle en dirigeant leur invitée vers un des tabourets où elle l'assit avant d'aller chercher un vieux bol en terre cuite rangé dans l'armoire dans lequel Samy versa une bonne louche de soupe chaude. Tiens, bois ça. »
Tamao saisit le bol fumant dans ses mains. Dieu qu'elle aimait la sensation de chaleur, qu'elle aimait sentir ses mains bruler contre ce bol. Elle avait l'impression que tout son corps était enfin réchauffé. Karim, lui, avait pris la petite fille sur ses genoux et jouait doucement avec elle, laissant la jeune mère se reposer. Celle-ci savourait pleinement chaque bouchée, chaque cuillerée de soupe, n'écoutant que d'une oreille distraite le long récit de la jeune adolescente.
« En fait, on a pu s'enfuir avec Mikihisa. Il nous a protégés et nous a laissés dans une planque à Lyon, en France. Là, après plusieurs mois, on a été pris en charge par Karim. Et là, on est parti vers le nord. On a pensé que c'était un bon endroit pour se cacher vu qu'il n'y a pas tant d'habitants que ça dans ces pays-là – enfin, il y en a beaucoup moins que dans les grands pays européens. Après être arrivés à Prague, alors qu'on faisait une halte pas très loin dans un petit village, Karim a appris par un indic que Samy n'était pas très loin. On a alors décidé de la retrouver pour qu'on parte tous ensemble vers Oslo. La traversée de la Pologne a été un véritable enfer avec cet hiver ! Puis Samy, nous a mis au courant pour toi et Rim. »
Tamao hocha la tête. Elle avait retrouvé Samy dans une forêt des Alpes, quand elle était encore enceinte. Celle-ci avait fui les sbires de Hao qui la traquaient dans le Moyen-Orient où elle avait commencé par se réfugier espérant que le climat y serait plus clément. La jeune femme avait vite déchanté.
« Alors, on a décidé de vous attendre à Oslo. Ici, il n'y a pas d'aristocrates et assez peu de Shamans puissants. En un mot, la Norvège est l'endroit parfait pour se planquer quelques temps. »
Rim, elle, était bien loin de tous ces soucis, savourant la soupe que Samy venait de lui apporter tranquillement alors que Karim lui grattait gentiment le dos. « Tu vas te plaire avec nous, Rim, lui dit-elle en lui caressant ses cheveux bruns. » Celle-ci hocha doucement la tête en faisant bien attention à ne pas renverser le bol de soupe et écoutant avec attention le récit de l'adolescente. L'enfant était non seulement contente de retrouver Samy mais en plus, elle avait l'impression d'avoir trouvé un foyer, d'avoir enfin un lieu où elle pourrait se poser plus longtemps que dans les autres endroits où sa mère et elle avaient pu se cacher. Quand l'enfant eut fini son potage, Samy la prit dans ses bras, saisit une bougie et l'entraina à l'étage, là, elle entra dans une des chambres et posa la petite sur un grand lit de bois. La pièce n'était pas grande, n'avait qu'une fenêtre qui faisait face à ce lit et, contre le mur, il y avait une petite armoire de bois.
Samy retira la robe rapiécée de la fillette ainsi que son petit pantalon. Là, elle s'absenta quelques instants, la laissant grelottante dans le froid de la chambre et revint avec une petite bassine de bois dans laquelle il y avait de l'eau chaude. Elle la posa aux côtés de l'enfant et, prenant un linge, le trempa avant de le passer sur son petit corps bien maigre. Ensuite, la jeune femme se releva, ouvrit l'armoire – une odeur de renfermé embauma alors la pièce –, attrapa un vieux pyjama qui avait appartenu à la fillette Munzer et le lui enfila ainsi qu'un tricot afin de lui tenir chaud. Avec mille douceurs, Samy l'allongea dans le lit et la borda, protégeant corps du froid avec les nombreuses couvertures et édredons. Quand elle fut certaine que la petite s'était endormie, elle retira ses lunettes, les nettoya avec un bout d'une couverture et les remit sur son nez.
En bas, Tamao avait fini son bol de soupe et écoutant dorénavant avec bien plus d'attention les récits de ses amis. Karim parlait avec emphase de comment il s'était débarrassé de ceux qui le traquaient en utilisant son furyoku et son fantôme gardien pour créer quelques doubles de lui-même qu'il avait envoyés aux quatre coins du monde. « Une fois, ils ont bien failli me capturer mais j'ai utilisé Black Sickle et là, ils n'ont rien plus faire ! Je les ai éjectés tellement loin qu'ils ont dû traverser la couche d'Ozone ! »
Tamao sourit, légèrement envieuse. Si seulement elle était une meilleure shamane ou si seulement Conchi et Ponchi étaient encore avec elle, elle saurait se défendre bien plus efficacement.
« Nous, aussi on les a explosés avec le Golem… Mais Mikihisa nous a interdit de recommencer, soi-disant que le Golem était bien trop facilement repérable… expliqua Seyram, une pointe d'agacement dans la voix.
— Le Golem ? Il est où d'ailleurs ? demanda Tamao. J'imagine que vous n'avez pas pu le ramener jusqu'ici, si ?
— Bien sûr que si, il est dans notre chambre. Il est démontable, Papa a vraiment pensé à tout en le mettant au point ! précisa l'adolescente en saisissant un autre bol de soupe.
— C'est vrai que le professeur Munzer a tout prévu ! En plus, ça aurait été dommage de s'en priver, le Golem est vraiment puissant alors si on est attaqué ! »
Quelques minutes plus tard, Samy et un nouveau venu descendirent les escaliers. « Salut, Tamao ! Content de te revoir, lui lança un adolescent avec des cheveux bruns en bataille. » Cette dernière se retourna et le considéra un moment. Il avait bien grandi, il avait mué. Un sourire se dessina sur ses fines lèvres. A la façon dont il se tenait, à sa démarche, à son gros pull de laine négligemment mis au-dessus d'un jean délavé – en dépit du froid – et aux lacets à peine noués de ses bottes, le jeune Munzer ressemblait étrangement à quelqu'un qu'elle avait bien connu – comme quoi, n'importe quel jeune homme en contact avec Mikihisa finissait par adopter une attitude je-m'en-foutiste !
Le cœur de Tamao se serra. Sa tête lui tournait, son cœur battait difficilement, sa gorge était nouée. Il y avait trop d'émotion. Revoir ces gens qui avaient été si bons avec elle, savoir qu'ils l'aideraient à protéger Rim et qu'elles avaient enfin un lieu où se sentir bien – un havre de paix en somme – mais d'un autre côté, il y avait cette douleur qui avait été aussi vivement ravivé que si on avait versé de l'alcool à 90° sur une plaie à peine cicatrisée. La douleur, c'était tous ces souvenirs de sa vie d'avant, d'avant le tournoi, d'avant Hao Asakura, d'avant le chaos. Quand elle voyageait seule avec Rim, son esprit n'avait pas le luxe de se souvenir tant il était obnubilé par le présent. Il fallait penser à tout pour qu'elles pussent survivre : trouver de l'eau et de la nourriture, éviter les pièges, ne pas se faire attraper, trouver un abri pour passer la nuit – que des pensées instinctives, presque animales. Là, assise à la table, entourée de toutes ces connaissances, elle avait enfin le luxe de se poser et de se plonger dans des souvenirs d'une vie si lointaine qu'elle lui semblait n'avoir jamais existée. Il y avait les éclats de rire d'Horohoro, les coups de colère de Ren, la bonne humeur de Chocolove, le sourire de Ryu, l'intelligence de Manta, la rudesse d'Anna, la gentillesse de Faust mais surtout la douceur de Yoh… Il y avait ces moments de pur bonheur à chaque victoire, ces moments d'appréhension lors du départ pour le village Pache et ces moments indescriptibles, ces moments où il n'y avait rien de spécial juste de la bonne humeur, juste le fait d'être tous ensemble, unis face à l'adversité. Un vent de souvenirs passa dans ses yeux ternes – oui, elle les revoyait maintenant presque clairement.
« Au fait, Tamao, comment as-tu fait pour échapper à Hao ? demanda nonchalamment Reoseb en s'assoyant face à elle, un quignon de pain complet dans la main. »
Tamao baissa la tête et contempla son bol vide. « En fait, c'est Mikihisa qui m'a sauvée dans le sanctuaire des étoiles, quand Hao a avalé le Great Spirit. Il a utilisé son furyoku pour m'envoyer loin, très loin, en Amérique du Sud. J'ai été guidée par deux petits esprits qu'il avait dressés jusqu'à une miko qui servait dans le même temple que Keiko qui m'a escortée jusqu'à un port brésilien. Là, j'ai embarqué dans un vieux navire qui devait nous amener jusqu'au Japon. Mais il s'est retrouvé pris par les glaces alors il s'est dirigé vers le Maroc. De là, elle et moi, nous sommes séparées parce qu'on craignait qu'il y ait des sbires d'Hao à nos trousses. Alors j'ai pris un bateau pour l'Italie où Samy m'a retrouvée.
— Sati m'avait envoyée te chercher ! Jamais je n'aurais failli à une mission donnée par ma princesse ! Ma fierté de Gandhara était en jeu ! rit-elle en nettoyant ses lunettes.
— De l'Italie, on est parties vers l'Allemagne.
— Je croyais que vous vous étiez retrouvées dans les Alpes, commenta Seyram.
— Dans les Alpes italiennes, précisa Samy en lui faisant un clin d'œil.
— Mais alors, tu as marché seule pendant un bon moment, Tamao ! dit le jeune homme en poussant un soupire horrifié. Enceinte et seule, dans cette neige !
— Je n'étais pas seule, tu sais. J'ai rejoint des groupes d'humains qui allaient de villages en villages. Beaucoup d'humains se sont regroupés en ligues pour se porter secours et protection à ceux qui s'aventurent sur les routes. Du coup, j'étais rarement seule et il ne m'est rien arrivé. Par contre, dire que le voyage était une partie de plaisir… »
Karim était resté silencieux pendant récit de la jeune femme, se contentant de la dévisager. Qu'elle avait changé. La jeune adolescente aux cheveux roses avec de belles joues framboise lui semblait bien loin. Elle n'avait pas beaucoup grandi, les nuits agitées l'ayant privée d'un bon sommeil et n'avait plus qu'une peau bien abimée sur les os. Son visage était émacié, de lourdes cernes s'étaient incrustées sous ses yeux devenus ternes. Doucement, Tamao serra son long châle rapiécé contre elle pour se protéger davantage du froid – ou du regard curieux qu'elle sentait sur elle.
« Pardon, Tamao, tu veux probablement aller te reposer. Je peux te montrer votre chambre ? Rim y dort déjà, lui proposa Samy d'une voix douce, teintée d'inquiétude. » Celle-ci hocha la tête et suivit son amie jusque dans la chambre où sa fille dormait tranquillement. Là, elle s'assit à côté d'elle alors que la Japonaise la regardait en souriant, une fois qu'elle eut posé la bougie dans un bougeoir sur la petite table près du lit.
« Ça va, Tam ? »
Elle releva légèrement le nez vers elle et hocha la tête plusieurs fois en murmurant « oui, oui ». Que dire d'autre ? La nouvelle venue se sentait certes soulagée mais en même temps, tout se passait tellement vite, tous ses souvenirs qui l'assaillaient sans relâche depuis une heure. Oui, elle avait besoin d'une bonne nuit de sommeil à l'abri du froid et des vagues.
« Tiens. »
Samy avait posé à côté d'elle une longue chemise de nuit que le temps avait jaunie. Elle la remercia d'un nouveau hochement de tête et d'un sourire. En tremblant, elle finit par abandonner son châle sur le dossier d'une chaise en osier à côté de l'armoire, elle retira nonchalamment ses petits souliers abimés – non sans faire attention aux quelques marques d'engelures qui la tenaillaient toujours –, puis, elle défit son jean déchiré et le laissa simplement tomber sur le parquet abimé, les jambes à l'air, elle se mit à grelotter. Vint ensuite le moment tant redouté de retirer sa robe rapiécée. N'ayant plus rien sur le dos, elle tremblait encore plus de froid, à tel point que Samy vint à sa hauteur et la fit enfiler la chemise de nuit. Là, gentiment, elle la guida jusque dans le lit où Tamao plongea avec délice sous les couvertures – aussi rêches fussent-elles. Il y avait bien longtemps que son dos fatigué n'avait pas goûté au plaisir procuré par un matelas.
« Dors bien, Tamao. Tu peux te reposer, t'es en sécurité, ici, lui lança-t-elle en reprenant la bougie. »
La chambre était à présent plongée dans l'obscurité la plus totale. De même, tous les bruits de la vie moderne avaient disparu, ne laissant comme fond sonore que la tempête de neige qui sévissait dehors comme chaque nuit. Quel était donc l'intérêt d'Hao de plonger ainsi le monde dans un hiver sans fin depuis cinq ans ? Pourquoi ? Pour empêcher le développement de la technologie ? Après tout, les individus étant davantage préoccupés par leur propre survie, ils étaient peu enclins à se battre les uns, les autres pour un territoire ou pour sortir un nouvel appareil à la mode. Là, maintenant que tout le confort moderne avait disparu, il leur fallait chasser, élever quelques animaux… Avec son hiver, Hao avait renvoyé la civilisation mille ans en arrière. Peut-être l'avait-il fait pour se sentir davantage chez lui et moins étranger à une époque, que fondamentalement il ne pouvait pas comprendre – tout Shaman King qu'il était. Enfin, Tamao haussa les épaules en s'allongeant sur le flanc à côté de sa fille. Tout ça, elle en avait cure, cela la dépassait de très loin.
O.O.O.O
L'Arno avait gelé, aussi de nombreux enfants florentins savouraient l'insouciance de quelques instants de patinage. Florence n'avait pas échappé ni à l'hiver ni à la fin de la vie moderne. Seuls les anciennes cathédrales et le Ponte Vecchio étaient demeurés intactes, derniers vestiges d'autres siècles plus avancés. Alors, c'était d'autant plus étrange pour les pauvres habitants de la ville de voir une Lamborghini filer au travers des chemins boueux et s'arrêter devant le Palais Pitti – le plus illustre des palazzi de la ville. De là, un homme grand vêtu d'un très long manteau noir et d'un chapeau à plume en descendit bientôt suivit d'une jeune femme flanquée elle aussi d'un très long manteau afin de se protéger du froid. Celle-ci jeta un regard méprisant aux alentours – se demandant toujours pourquoi est-ce que son amant avait choisi de s'installer en plein milieu d'une ville pleine d'humains. Les humains, Kanna n'aimait pas ça. Elle aurait bien préféré s'installer dans des zones qui en était dénuées à l'instar de Namari qui avait opté pour un temple maya ou d'Anahol qui s'était retiré dans une pyramide, bien protégé par le Sphinx.
D'un pas lent, elle lui suivit dans leur demeure. Dès qu'elle eut passé la lourde porte, elle défit son manteau et le laissa tomber dans l'entrée au lieu de l'accrocher là où était celui de son amant. Elle secoua la tête afin de débarrasser sa belle chevelure bleue des quelques flocons qui avaient pu y tomber. Une fois dans leur grand salon, elle prit une cigarette et la porta nonchalamment à la bouche tout en s'assoyant dans un large fauteuil rembourré, tout proche d'un bon feu qui crépitait dans la belle cheminée.
« Rakist, Rakist ! l'appela-t-elle en soufflant la fumée. »
Ce dernier se présenta alors dans l'embrasure de la porte de bois du salon, la fixant avec un air interrogateur. « C'est vrai que tu as mis la main sur les derniers X-Laws ? demanda-t-elle avec un sourire narquois flanqué sur le visage.
— Pourquoi, tu en doutes ? répondit-il en la taquinant. Oui, on les a retrouvés. On lance la grande opération dans quelques jours afin d'en capturer le plus possible. »
Kanna s'enfonça davantage dans le fauteuil, dissimulant son incompréhension. Que des Shamans préférassent lutter contre le Shaman King – contre leur propre roi – pour protéger des humains, vraiment, cela la dépassait. Il leur serait bien plus simple d'accepter le royaume, de prêter allégeance au Shaman King et de vivre tranquillement. Ses longs ongles se faufilèrent dans ses mèches de cheveux, s'égratignant le crâne au passage.
Rakist la considéra quelques instants avant de s'assoir face à elle, de saisir une cigarette dans le paquet de sa douce ainsi que son briquet, de l'allumer et de la savourer.
« T'es quand même au courant que dans peu de temps, tu devras te mettre au calumet étant donné qu'il n'y a plus d'usines, lui lança-t-il en lui faisant un clin d'œil.
— Et bien, je me mettrai au calumet ! Comme ça on fera un calumet de la paix avec les X-Laws !
— T'es incorrigible ! »
Kanna lui sourit, se redressa et se pencha sur lui pour lui murmurer « C'est pour ça que tu m'aimes ». Presque aussitôt, elle tourna des talons pour se diriger à la cuisine demander à ce qu'on préparât leur diner et revint, les mains dans les poches de son jean déchiré aux genoux. « Je vais me laver, à tout de suite. » Les yeux gris de l'homme mûr suivirent sa silhouette jusqu'à ce qu'elle disparût dans le couloir puis dans les grands escaliers de marbre. Se passant une main calleuse sur le visage, Rakist soupira en se disant que décidément, sa compagne était bien impétueuse – voire violente. Lui n'avait pas le goût du sang et ne se lançait dans la chasse aux âmes uniquement lorsque cela était inévitable ou que l'âme en question était d'une telle puissance qu'il ne pouvait passer à côté. Kanna, elle, c'était autre chose, gare à quiconque la croisait lorsqu'elle traquait. Comme une lionne, impitoyable, elle tuait et insatiable, elle ne s'arrêtait que lorsqu'elle en avait envie, qu'elle était lasse de son enivrement de violence. La seule qui avait survécu à l'une des chasses de sa belle, était une petite fille appelée Milly qui leur avait échappée par la suite. Kanna ne lui avait jamais dit pourquoi elle l'avait épargnée et encore moins pourquoi elle tenait tant à la récupérer. Rakist haussa les épaules. Peu lui importait. Si elle la voulait, il la lui donnerait, se promit-il en tirant sur sa cigarette.
O.O.O.O
« Il faut évacuer ! »
Lyserg avait lancé cet ordre d'une voix ferme alors même qu'il avançait dans les couloirs souterrains de leur base secrète. L'ex-X-Laws avançait rapidement, cherchant à rejoindre le cœur de leur Q.G. Il fallait se hâter, leur indic l'avait averti que le bras droit d'Hao allait probablement attaquer dans les heures à venir.
« Lyserg, attends ! »
Il ne s'arrêta pas, préférant continuer sa course. Il eut seulement un regard pour l'albinos qui accourait derrière lui. « Lyserg ! » Il finit par obtempérer et attendit la jeune femme aux longs cheveux blancs. Alors qu'elle arriva haletante à sa hauteur, le jeune homme commençait à s'impatienter. « Lyserg, on ne peut pas évacuer comme ça, on n'a pas assez de preuves ! Si on sort et qu'il n'y a rien, on sera à découvert ! Et là, ce sera une catastrophe !
— Seigneur Maiden, j'ai déjà envisagé cette éventualité mais compte tenu des dires de —
— Et tu le crois ? Je te rappelle qu'il a déjà trahi Yoh !
— Enfin, objectivement, beaucoup de personnes ont trahi Yoh, moi le premier ! lança-t-il alors qu'il se remit en route. »
Le jeune leader de vingt ans se devait d'être ferme, il devait assurer à ses hommes non seulement leur sécurité mais également la réussite de leur mission. Lui qui avait toujours été un suiveur se retrouvait maintenant à la tête d'une organisation de rebelles tous plus bras-cassés les uns que les autres – pas étonnant que leurs rangs diminuassent aussi rapidement. Marco et Meene avaient tous les deux disparu en mission de reconnaissance en Russie, un des lieutenants, Riss, n'avait plus donné signe de vie depuis sa mission d'infiltration en Egypte auprès d'Anahole… Rapidement, il entra dans son bureau et y retrouva Pino et Zoria.
« Salut grand chef, lui lança le blond, un sourire malicieux lancé sur le visage.
— Alors, votre mission ?
— T'as vu, Zoria ? Tout de suite ! Aucun cœur, ce gars ! »
La Russe roula les yeux au ciel, agacée par cette perte de temps. « On a échoué, Lyserg. Quand on allait réussir à libérer l'équipe X-II et les autres prisonniers, Ren s'est pointé et il nous a botté le derrière ! Il est vraiment devenu fort depuis qu'il a rejoint Hao, dit-elle, faisant loucher Pino d'exaspération.
— Donc, c'est un échec, commenta Lyserg.
— Un échec complet, grand chef ! »
Il se mordit violemment la lèvre inférieure au point qu'un filet de sang se mit à couler. Pour l'instant, Hao et ses sbires menaient la danse et eux, ils se faisaient descendre les uns après les autres. Mais après tout, peut-être que le combat était perdu d'avance ? Après tout, Hao était devenu Dieu, comment combattre Dieu ? La seule chose dont Lyserg Diethel était vraiment sûr et certain était qu'il ne voulait pas vivre dans ce nouveau monde qu'il trouvait bien trop violent. Si Yoh lui avait déjà dit que le monde des X-Laws aurait été un monde trop froid, gouverné par une justice aussi froide qu'implacable, au moins il y aurait eu une justice. Dans ce monde-ci, il n'y avait aucune loi, que la violence du plus fort qui écrasait quiconque avait le malheur d'être faible. En somme, une version caricaturée des lois de la nature.
« Quoi qu'il en soit, il faut évacuer dans les plus brefs délais.
— Sans vouloir remettre ta parole en doute, grand chef, ce n'est pas un peu risqué de partir ? Cette planque est la meilleure chose qu'on ait trouvée depuis des années !
— Pino a raison, pourquoi devrait-on partir ? On est en sécurité ici, avec les brouilleurs de furyoku.
— Je sais et c'est pour ça qu'on les embarque avec nous ! On part sur le navire X au plus vite ! »
Il ressortit aussitôt de son bureau afin d'aller s'entretenir avec Manta et d'autres de ses subordonnés, laissant les deux membres de l'équipe Ice Men seuls à nouveau.
« J'espère qu'il ne se plante pas, autrement on est tous foutus … »
O.O.O.O
Hao marchait dans le jardin intérieur du palais du Shaman King situé sur l'île de Mû. Son kimono rouge ainsi que ses longs cheveux bruns flottaient doucement dans le vent hivernal. Pourtant, en dépit du froid, il était pieds nus alors même qu'il s'enfonçait par endroits, dans la poudreuse fraiche. Passé un temps, il leva les yeux, contemplant la lune, les étoiles, l'univers dans cet immense silence. Enfin il avait fait taire ces millions de voix qui le harcelaient, enfin il avait mis un terme à cette bruyante technologie qui anesthésiait tant les humains, enfin il pouvait se reposer dans un complet silence.
Il cligna des yeux. Pour avoir cette tranquillité, il avait dû faire un grand sacrifice, probablement le plus grand de tous les sacrifices – un sacrifice qu'aucun humain n'aurait pu faire. Un sourire se dessina alors sur ses lèvres. « N'est-ce pas, Yoh ? »
Il n'y eut pas de réponse ce qui le fit sourire davantage. Il fit quelques pas et se dirigea vers ses appartements où Opacho dormait tranquillement. Qu'il était doux à voir, perdu dans ses rêves, allongé dans un lit bien trop grand pour lui. Puis, ne voulant le déranger, Hao s'avança à nouveau et sortit sur son balcon.
Hao contempla alors l'univers.
