Chapitre 1 : L'arrivée à Poudlard

En ce matin du 1er septembre 1976, une effervescence régnait dans la gare King's Cross à Londres. Un vacarme assourdissant résonnait dans le large bâtiment en pierre âgé d'un peu plus d'une centaine d'années, qui semblait s'être transformé en une foire en ce jour un peu particulier. En effet, il y avait là un peu moins de trois cent élèves et leurs familles rejoignant le quai pour prendre le train Poudlard Express qui les amènerait à l'école.

Entre le bruit métallique des chariots qui roulaient sur le sol ou s'entrechoquaient par le jeu de jeunes enfants, les piaillements de dizaines de hiboux qui protestaient à leur enfermement dans une cage, le bruit d'une malle mal attachée à un chariot qui s'écrasait sur le sol – répandant tout son contenu sur le carrelage face aux réprimandes d'un employé du Ministère déguisé pour l'occasion en agent de la gare – les cris de joie des adolescents qui retrouvaient leurs amis après deux mois de séparation, les pleurs des Premières Années effrayés à l'idée de quitter pour la première fois leurs parents, les gémissements de leurs cadets qui, eux, abandonneraient volontiers le nid familial pour fréquenter l'école de magie et les secousses de trains dévalant les 11 voies que comptait la gare on ne s'entendait plus.

Après avoir zigzagué entre deux chariots où l'entassement périlleux de plusieurs malles menaçait à chaque instant de lui tomber dessus et évité un chat poursuivant un crapaud ainsi qu'un plateau d'échec version sorciers échappé d'une valise et occupé à s'autodétruire, Sirius réussit enfin à se frayer un chemin jusqu'à l'un de ses meilleurs amis, Remus Lupin.

C'était un adolescent plutôt grand mais légèrement voûté, aux cheveux châtains clairs et avec un visage au teint pâle et maladif recouvert de cicatrices. Ses vêtements, usés et rapiécés, trahissaient des origines assez modestes. Ses amis le surnommaient Lunard à cause de son désagrément mensuel. Non, Remus Lupin ne souffrait pas de l'événement désagréable auquel les individus de sexe féminin font face une fois tous les mois qu'on appelle scientifiquement menstruation, mais il était un loup-garou. Quand ses amis l'avaient découvert, trois ans auparavant, plutôt que de le rejeter, comme lui-même s'y était attendu, ils avaient décidé de l'aider à supporter ses douloureuses transformations en devenant des Animagi. Ainsi, ils se changeaient en animaux les soirs de pleine Lune pour lui tenir compagnie. Bien sûr, il s'agissait d'un acte non déclaré et seuls eux quatre étaient au courant de cette véritable prouesse magique.

Remus était en train de discuter de façon animée avec un de leurs autres meilleurs amis, Peter Pettigrow, et son visage montrait un plaisir évident de retrouver ses camarades ainsi que son école. Sirius accélérera encore pour les atteindre.

- Salut les gars ! Comment ça va ? Pressé de reprendre les cours, Remus, j'imagine ?

Avec un grand sourire, il échangea une accolade avec lui ainsi que Peter.

- Évidemment ! Toi aussi, je suppose ? répondit Remus d'un ton ironique

- Oh que non ! Et encore moins de retrouver ce vieux gâteux de Slughorn ! Mais bon, si c'est ce qu'il faut endurer pour vous retrouver et retourner au château...

- Je me trompes ou tu deviendrais émotionnel, mon cher Patmol ? dit Remus avec un sourire moqueur

- Jamais de la vie enfin ! Je suis simplement pressé de jouer des sales coups aux Serpentards

- T'as bien raison mon pote. Cette année sera encore plus démente que la précédente ! dit James Potter, émergeant d'une foule de touristes moldus Japonais occupés à tenter de déchiffrer une énorme carte de Londres, pour venir étreindre Remus et Peter.

- Ouais, James et moi on a prévu pleins de nouvelles blagues pour cette année ! renchérit Sirius

Sirius Black, surnommé Patmol par ses amis car il pouvait se transformer en un gros chien noir, faisait partie de la fameuse lignée des Black qui, de génération en génération, avaient étudié à Poudlard dans la maison Serpentard. Sirius, lui, faisait figure d'exception. Il avait compris depuis déjà quelques années à quel point les opinions de ses parents – que la devise de la maison Black « Toujours Purs » suffisait à résumer – étaient erronés et s'était retrouvé, à sa plus grande joie, à Gryffondor. Après maintes disputes avec eux peu après le début des vacances d'été, il avait fini par quitter la maison familiale et les parents de James avaient été ravis de l'accueillir chez eux comme un second fils tandis que la famille Black l'avait renié.

James était comme un frère pour lui, et d'autant plus depuis le mois de juillet précédent. C'était un jeune homme assez grand et athlétique. Il avait les cheveux noirs et ébouriffés, se dressant en épi derrière sa tête, les yeux noisette derrière des lunettes rondes et un visage fin, souvent orné d'un sourire malicieux. Il avait l'habitude de se passer la main dans les cheveux pour leur donner un aspect désordonné tel un joueur de Quidditch descendant tout juste de son balai. Il jouait d'ailleurs dans l'équipe de Gryffondor au poste de poursuiveur et il était excellent. Il était surnommé Cornedrue à cause de son Animagus en forme de cerf.

- Bon c'est pas tout mais on ferait peut-être bien de passer la barrière pour aller au quai, non ? fit Remus, avant que les moldus ne s'intéressent de trop près à cette abondance de hiboux et de robes noires dans une gare.

- Et qu'ils nous attirent à nouveaux des ennuis avec le Comité des Inventions d'Excuses à l'Usage des Moldus ! continua James avec un sourire

En effet, par ces temps de guerre, le Ministère de la Magie était submergé par les violations du Code international du secret magique, qui garantissait le secret de la condition magique des sorciers, et les Oubliators, chargés de faire oublier ces « tours de magies » aux moldus, étaient débordés et facilement irritables. James et Sirius en avaient fait l'expérience en révélant par mégarde des indices sur leur condition à une jeune moldue, plutôt bien renseignée, qu'ils tentaient de draguer. Enfin, surtout Sirius.

Sirius était un grand brun aux cheveux suffisamment longs pour qu'ils retombent sur ses yeux gris clair pétillants. C'était un très beau jeune homme aux traits aristocratiques hérités de sa famille et à l'allure athlétique renforcée par son appartenance à l'équipe de Quidditch de Gryffondor au poste de batteur. Il était vêtu de façon détendue avec le col de sa chemise blanche ouvert pour échapper à l'étouffante chaleur de ce début de mois de septembre et ses manches étaient négligemment retroussées. Ces vêtements lui servaient d'une part à ne pas attirer l'attention des moldus avant le franchissement du mur menant à la voie 9 ¾, mais trahissaient aussi une habitude de défier sa famille si méprisante envers les êtres humains dépourvus de pouvoirs magiques. Et puis évidemment, c'était aussi une façon de jouer l'élégance négligée, car il savait son apparence plus que séduisante. Il s'attirait en tout cas de nombreux regards de la part de la gente féminine, sorcières et moldues confondues.

Tous quatre franchirent donc discrètement la solide barrière de pierre entre les voies 9 et 10 qui permettait d'accéder au quai 9 ¾. En effet, il ne fallait pas agir de façon trop voyante car les moldus auraient trouvé étrange que quatre adolescents disparaissent soudainement à travers la muraille d'une gare.

Si le tumulte du hall de la gare leur avait paru extrêmement bruyant, ce n'était rien à côté de la cacophonie qui agitait le quai à côté du Poudlard Express. En effet, pour de nombreuses familles, il était venu le temps des adieux – certains plus déchirants que d'autres, et notamment pour les plus jeunes. James et Sirius étaient venus seuls à la gare et avaient donc déjà dit au revoir à Mr. et Mrs. Potter. Peter et Remus avaient quitté les leurs du côté moldu. Ils marchèrent donc résolument vers le train lorsqu'ils les virent.

- Oh, euh, tu veux peut-être qu'on passe par un autre endroit Sirius ? fit Peter, sans doute un peu plus fort qu'il ne l'aurait dû

Trois regards se tournèrent vers eux l'espace d'une seconde. Orion et Walburga Black se tenaient sur le quai avec Regulus, le jeune frère de Sirius, qui rentrait en cinquième année à Serpentard. Les deux adultes firent de leur mieux pour prétendre qu'il n'y avait personne mais leur plus jeune fils n'avait pas encore développé le même jeu d'acteur.

- Non, répondit leur fils aîné, j'ai envie de passer exactement par cet endroit.

Il passa devant pour leur montrer le chemin tandis que Remus lançait un regard réprobateur à Peter qui baissa les yeux.

Peter parlait peu mais les trois autres maraudeurs l'appréciaient pour sa gentillesse et, concernant Sirius et James, pour l'admiration qu'il éprouvait pour eux. C'était un jeune homme assez timide que Remus avait pris sous son aile et c'est ainsi qu'il avait rejoint leur groupe d'amis. Il était plutôt petit pour son âge, avait un visage au teint terreux, des cheveux fins et décolorés et des yeux petits et humides. Il avait également une voix couinante qui lui conférait une ressemblance assez surprenante avec un rat. C'était d'ailleurs son Animagus et, pour cette raison, il était surnommé Queudver.

Les quatre garçons se postèrent derrière la locomotive en attendant que le train ouvre ses portes et se mirent à discuter de leurs résultats aux B.U.S.E.S. passées au mois de juin précédent. Sirius et James avaient réussi sans trop se fouler, comme d'habitude, Remus s'en était bien sorti, et Peter avait eu juste assez pour réussir un peu plus de la moitié de ses examens. Ils allaient donc enfin pouvoir se débarrasser de la Divination et de l'Histoire de la Magie…

- … pour se focaliser sur les vraies matières ! finit Sirius

- Espérons qu'ils ont trouvé quelqu'un de compétent cette fois pour la DCFM, fit remarquer Remus

- Quelqu'un qui se mette pas à hurler dès qu'on mentionne Voldemort, renchérit James en levant les yeux au ciel

Peter fut traversé d'un frisson à l'entente du nom que de plus en plus de sorciers se refusaient à prononcer.

- Vous croyez que Dumbledore pourrait décider de faire les cours lui-même ?

- Voyons Peter, le vieux fou à autre chose à faire que d'apprendre 'Expelliarmus' à des gamins de onze ans !

Le garçon rougit suite à la raillerie de James.

- Il n'a pas tort, après tout Dumbledore a vaincu Grindelwald, dit Remus avec un haussement d'épaules, ce serait pas…

Sirius aperçut alors quelque chose qui pourrait bien retenir l'attention de son ami :

- Eh James, regarde qui voilà ! Mais oui, c'est bien Lily Evans !

Remus et lui échangèrent un regard ironique alors que James tourna la tête si vite qu'il faillit attraper un torticolis et se mit à fixer ostensiblement la jeune fille pendant quelques secondes avant de déglutir.

- Ah oui tiens, je n'avais pas remarqué, dit-il sur un ton faussement détaché tandis que sa voix grimpait dans les aigus.

Il s'éclaircit ma gorge avant de reprendre :

- Vous savez quoi les mecs ? Cette année, je vais réussir à l'avoir !

Il reprit sa contemplation quelques instants.

- En tout cas, je suis content de voir qu'elle traîne plus avec cet imbécile de Servilus.

- Après ce qu'il lui a dit, elle n'est pas prête de lui reparler, ça c'est sûr ! fit remarquer Remus

- Oui et puis peut-être qu'elle a enfin compris qu'il faut vraiment qu'il lave ses cheveux gras ! ajouta Peter, suivi d'un silence d'une demi-seconde

- Mais bravo, Peter ! Cinq ans après tout le monde, tu arrives enfin à faire une blague sur Servilo ! Y a donc de la lumière là-haut ? T'as fait installer l'électricité ?

Peter rougit un peu à la remarque de Sirius et baissa les yeux.

- T'occupes pas de cet idiot, dit Remus en riant

Ils furent interrompus par le sifflet de la locomotive qui signalait un départ imminent et embarquèrent dans le train. Ils réussirent à trouver un compartiment vide et s'y s'installèrent tous les quatre. Ils commencèrent alors à discuter des différents tours qu'ils allaient jouer aux autres élèves et aux professeurs cette année. James et Sirius débordaient d'imagination lorsqu'il s'agissait de s'amuser. Remus, bien que parfois réticent à certaines blagues qui frisaient la méchanceté, ne put s'empêcher de sourire à plusieurs reprises, anticipant déjà de nombreux fou rires. Peter, quant à lui, montrait tout son enthousiasme à travers de multiples éloges à l'égard de ses deux amis.

- D'ailleurs, la toute première blague de l'année commence demain, annonça Sirius avec un sourire triomphant

- Comment ça ? On n'a rien de prévu pour demain, répondit James surpris

- Toi peut-être, mais moi si !

- Alors comme ça tu fais des plans en solo ? D'accord, j'ai compris ! dit James sur un ton faussement offensé

- Mais non, il s'agit juste de vous surprendre les gars ! Ça sera plus drôle vu que vous savez pas ce que je vais faire.

- Et qu'est-ce que tu vas faire exactement ?

La porte du compartiment venait de s'ouvrir sur Lily Evans, la rousse aux yeux verts qui occupait régulièrement les rêveries de James, et ses amis, Taylor Hale, grande blonde qui jouait dans l'équipe de Quidditch de Gryffondor, Mary MacDonald, plus petite et aux cheveux châtains, et Darren Lockwood, un brun qui était un peu plus grand que Taylor, sa meilleure amie.

- Ça vous dérange si on s'installe avec vous ? Demanda ce dernier, les autres compartiments sont pleins.

- Pas de problème, répondit James avec un clin d'œil dans la direction de Lily

- Oh crois-moi Potter, si j'avais pu en choisir un autre, je l'aurais fait avec joie ! lui répondit-elle sur un ton glacial

Ils s'écartèrent un peu pour faire de la place aux nouveaux arrivants.

- Vas-y, Black, dis-moi ce que tu vas faire cette année.

- Ça ne te regarde absolument pas, ma chère MacDonald !

- Non, mais ça regarde la préfète, fit remarquer Taylor

- Puisqu'apparemment le préfet s'en fiche, je risque pas d'aller bien loin, soupira simplement Lily

Remus essaya de prendre un air coupable mais ne put s'empêcher de sourire.

Un silence s'installa quelques instants entre les deux groupes qui n'avaient pas l'habitude de passer du temps ensemble, à part aux moments des repas ou le soir, dans la salle commune. Puis Sirius pris la parole :

- Eh James, ça te dit une partie d'échecs ?

Ils sortirent le plateau et commencèrent à jouer et Remus extirpa alors de sa malle un livre intitulé Théorie de la numérologie qui, de part son aspect élimé, avait vraisemblablement été acheté d'occasion. La partie s'annonçait très serrée, d'autant plus que les pions de Sirius, ayant appartenu à son oncle Alphard qui était allé à Serpentard, étaient de très mauvais perdants et ne cessaient de tenter de déconcentrer James et de crier à la tricherie dès que ses pions s'apprêtaient à les massacrer.

Pendant ce temps, les filles discutaient de leurs vacances respectives. Lily avait dû supporter les remarques désobligeantes de sa sœur qui était revenue de Londres, où elle suivait des cours de dactylographie, pour les vacances. Celle-ci avait passé la moitié de l'été à la traiter de monstre et l'autre moitié à faire de grands discours sur la difficulté de ses études et combien il fallait de courage pour effectuer ce travail. C'était, selon elle, quelque chose qui nécessitait des efforts et de la réflexion et ne pouvait pas être accompli à l'aide d'un bout de bois et de quelques mots dans une langue que plus personne ne parlait depuis des siècles. Enfin, dans son temps libre, elle racontait à ses parents tous les derniers potins sur les habitants de son immeuble qui, selon elle, étaient des gens stupides et grossiers. Lily s'était contentée de lever les yeux au ciel et pour éviter tout conflit et avait fini par ne plus écouter un mot de ce que sa sœur disait.

- Et moi, si vous saviez ce que j'en ai marre de ma mère ! déclara ensuite Mary

Un grand bruit retentit alors. Un mouvement brusque de la part de James avait renversé l'échiquier et toutes les pièces s'étaient fracassées sur le sol, heureusement sans se briser. Le jeune homme était figé en plein mouvement avec une expression d'intense tristesse étalée sur son visage. Un silence se fit alors dans le compartiment, rompu uniquement par les morceaux de bois qui grommelaient à propos de gamins maladroits et de compagnies de trains trop parcimonieuses pour fournir des tables dignes de ce nom. Au bout d'une longue seconde, James se leva en marmonnant qu'il devait aller aux toilettes et sortit dans le couloir, sous les regards inquiets de ses amis et incompréhensifs des autres élèves.

- Qu'est-ce qu'il lui prend ? demanda Lily

- Je n'ai rien compris ! s'exclama Taylor en réponse

Elles se tournèrent vers les Maraudeurs en continuait de commenter la scène et Sirius finit par s'énerver.

- Ça vous regarde ?

- C'est juste une question, calme-toi Black ! Répondit Mary, j'y peux rien si Potter nous fait un caprice

- Il a raison, la coupa Darren, ça ne nous regarde pas.

Sur ce, le débat fut clos et chacun reprit ses activités. James revint au bout d'une dizaine de minutes avec un grand sourire et Lily ne put s'empêcher de le suivre des yeux. Il y avait décidément quelque chose de différent chez James Potter, et elle n'arrivait pas à placer son doigt dessus.

Mais chez elle aussi il y avait quelque chose de différent. Elle avait envie de changer. Elle avait envie de tenter de nouvelles choses cette année, de rencontrer d'autres gens. La fin de son amitié avec Severus l'avait fait réaliser à quel point elle s'était investie dans cette relation, au point de négliger un peu les autres aspects de sa vie sociale. Mais cela allait changer. Il était temps pour elle de vivre un peu.

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Finalement, après une intense querelle entre la tour de James et le roi de Sirius qui refusait la défaite, James gagna la partie in-extremis. À ce moment-là, il fut temps pour les élèves de revêtir leurs robes de sorciers puis de descendre du train pour aller à l'école. Alors que Remus s'apprêtait à quitter le compartiment, James le retint par la cape :

- Ça te dit une promenade en barque, Rem' ?

Ce fut glissés sous la cape d'invisibilité de James que les quatre amis descendirent du train, ayant ensorcelé leurs bagages pour qu'ils suivent les diligences Ils rejoignirent un groupe composé d'une quarantaine d'élèves mené par le Garde-Chasse de l'école, Hagrid.

- Allez, dépêchez-vous les Premières Années ! leur criait-il

Ceux-ci le suivaient en échangeant, pour ceux qui l'apercevaient pour la première fois, des regards d'appréhension. En effet, Rubeus Hagrid avait une apparence des plus inhabituelles : il mesurait près de 3m de haut, était au moins cinq fois plus large que la moyenne et arborait une chevelure noire longue et emmêlée qui se confondait, au niveau de son menton, avec une gigantesque barbe hirsute de la même couleur. Pour des yeux inconnus, il ressemblait à un véritable sauvage et son ton brusque et ses geste bourrus n'aidaient pas vraiment. On pouvait alors comprendre la peur qu'éprouvaient les jeune élèves de onze ans face à lui. Cependant, les quatre amis qui le connaissaient bien savaient qu'il ne fallait pas s'arrêter à son apparence un peu rustre et que c'était un homme d'une profonde gentillesse, d'une grande générosité et surtout d'une loyauté indéfectible. Les quatre garçons aimaient néanmoins le faire tourner en bourrique et ils n'éprouvèrent pas de scrupule par rapport au tour qu'ils s'apprêtaient à lui jouer.

Ils marchèrent avec leurs jeunes camarades pendant quelques minutes dans l'obscurité sur une chemin étroit et raide avant d'atteindre des arbres. À ce moment-là, ils décidèrent de retirer la cape. De toute façon, les dernières calèches devaient être déjà parties depuis longtemps, Hagrid n'aurait plus d'autre choix que de les laisser venir avec lui.

- Vous devriez pouvoir apercevoir Poudlard d'ici, dit-il en désignant un endroit situé à quelques mètres de l'avant du groupe, juste après un virage.

À la vue de l'immense château illuminé dans le noir, beaucoup d'entre eux ne purent retenir des exclamations d'admiration.

- Et oui, reprit Hagrid en se tournant vers eux avec un doux sourire, c'est beau n'est-ce p... Par la barbe de Merlin, MAIS QU'EST-CE QUE VOUS FAITES LÀ TOUS LES QUATRE ?!

Malgré l'obscurité et le fait qu'ils se soient placés derrière tous les autres élèves, les quatre amis étaient nettement plus grands que leurs camarades de onze ans et n'avaient pu échapper aux yeux noirs et brillants de Hagrid dès que celui-ci avait tourné la tête.

Ce fut Sirius qui répondit en masquant un sourire.

- Ah oui, désolé, on avait oublié de vous prévenir mais on s'est perdus.

- Comment ça « perdus » ? – La colère provoquée par l'insolence du jeune homme lui fit esquisser un mouvement si brusque qu'il faillit projeter un Première année dix mètres plus loin – Non mais vous vous fichez de moi ou quoi ?

- Pas du tout enfin ! C'est juste qu'il faisait noir et puis y avait du monde et du coup... commença Sirius

- On n'a pas su où aller alors on vous a suivi, acheva James

- Épargnez-moi ces balivernes, grommela-t-il, et expliquez-moi plutôt la vraie raison de votre présence ici !

- Non, mais en fait on est descendus trop tard du train et les calèches étaient déjà toutes parties alors on s'est dit qu'on n'avait qu'à prendre les barques avec vous, expliqua Remus

- Oui, et comme il ne nous reste plus que deux ans avec vous, on a pensé qu'il fallait en profiter, renchérit Sirius

- Et puis ça nous rappellera notre première année, ajouta ¨Peter

Hagrid ne put retenir un léger sourire qui traversa son visage l'espace d'un instant, avant qu'il ne le remplace par un regard qui se voulait sévère, et ce fût d'une voix légèrement enrouée qu'il reprit :

- Bon, très bien mais attention, je ne veux pas qu'il y ait un mauvais coup là-dessous ! Après ce sera moi qui aurai des ennuis.

- Promis, pas d'entourloupe, assura Sirius

- Bon alors écoutez tout le monde, vous allez monter dans les barques avec ces quatre plaisantins pour aller au château, pas plus de quatre par barque. Allez, restez pas plantés là, dépêchez-vous ! ajouta-t-il en voyant qu'ils fixaient tous le groupe des quatre maraudeurs, comme ils s'étaient auto-proclamés, avec un mélange de surprise et d'admiration.

James et Sirius s'installèrent avec un jeune garçon au regard timide et apeuré qui n'avait visiblement jamais mis les pieds dans un endroit aussi impressionnant. Remus et Peter prirent quant à eux place aux côtés d'un adolescent affichant un air hautain et blasé, comme si il effectuait sa centième rentrée à l'école de Poudlard. À peine avaient-ils commencé à avancer que celui-ci s'adressa à eux :

- Alors, vous êtes tous les deux de Gryffondor c'est ça ? Ça ne m'étonne pas, mon père dit que tous les Gryffondors sont des imbéciles et des vauriens, déclara-t-il d'un ton dédaigneux

- Et lui-même est un être hautement supérieur je suppose ! répondit Remus, sarcastique. Je suis sûr que tu finiras à Serpentard toi ! Et comment tu t'appelles d'abord monsieur je-suis-le-fils-du-Ministre-de-la-Magie ?

- Je m'appelle Fallyn Fawley, répondit-il pompeusement, et mon père est un haut responsable auprès du ministre qui pourrait vous faire renvoyer de Poudlard avec une simple lettre alors vous me devez du respect !

Remus grimaça. Floyd Fawley était en effet un représentant haut placé du ministère et s'attirer ses foudres pourrait s'avérer mal avisé pour son propre père qui travaillait au Département de contrôle et de régulation des créatures magiques. Mais son orgueil fut plus fort que ses craintes et il décida de tenir tête à cet enfant de onze ans qui avait franchement besoin d'être recadré.

- Pour demander du respect, encore faut-il en donner. J'ai cinq ans de plus que toi et sûrement plus d'expérience alors je ne vais certainement pas me laisser marcher sur les pieds. Quant à tes histoires sur les Gryffondors, sache que nous ne sommes pas la maison qui a engendré le plus de mages noirs et de Mangemorts.

- Normal, vous accueillez n'importe qui, y compris les Sang-de-Bourbe, riposta Fallyn, bientôt vous prendrez même des moldus ! Nous au moins à Serpentard on sélectionne les meilleurs magiciens aux origines les plus pures. Personne ne viendra souiller le sang des nobl...

Sa phrase fut interrompue par une forte secousse. En effet, leur embarcation venait d'être heurtée par une autre barque, un peu à la façon de ce que les moldus appelaient « auto-tamponneuses ». Fallyn chuta au fond du canot sous la force du choc tandis que Peter mit carrément une jambe dans l'eau. Remus dut alors le tirer par les bras pour éviter qu'il ne tombe entièrement pendant que l'autre garçon, qui s'était relevé, riait à gorge déployée. Remus s'apprêtait à lui adresser une remarque désobligeante quand il s'aperçut que les auteurs de cette collision n'étaient autre que James et Sirius accompagné d'un autre Première Année.

- Oups, désolé, fit Sirius sans pouvoir masquer un sourire, ça va Pete' ?

- Super, répondit ce dernier après que James lui eut lancé un exaresco pour sécher ses vêtements.

- Oui, on est vraiment désolés de t'avoir coupé dans ton discours passionnant sur la pureté du sang ! dit James, mais je t'en prie, continue !

Le jeune garçon, ne semblant pas avoir décelé l'ironie, répondit :

- Je suis content de voir que certains Gryffondor ont du bon sens mais je suis navré de t'informer que tu as sur ta barque un sale Sang-de-Bourbe. Je l'ai entendu parler dans le train, son père est un fermier moldu.

Il cracha ces derniers mots avec un mépris considérable

L'élève en question, visiblement intimidé par son jeune adversaire, n'osa pas faire de commentaire et resta silencieux.

- Et alors, qu'est-ce que ça peut bien faire ? Tu crois que parce que ton père est un sorcier – un riche qui n'a rien fait de sa vie à part soudoyer le Ministère de la Magie – tu vaux mieux que lui ? répondit Sirius

- Les moldus et les nés-moldus sont tout aussi respectables que ceux qui ont des parents sorciers. Et bien plus que toi et ton père, espèce de petit crétin ! ajouta James

Face à cet affront, le Première Année sortit sa baguette magique, probablement dans l'intention de jeter un sort à James, mais ne réussit qu'à produire quelques étincelles vertes avant que Sirius heurte à nouveau leur barque de façon à le faire tomber dans l'eau. Le jeune garçon cria et se débattit jusqu'à ce que Remus consente à le sortir de là, décidant qu'on ne pouvait pas risquer que ce soit le calamar géant qui le repêche.

- Mille gargouilles, qu'est-ce qu'il se passe ici ? demanda Hagrid en entendant les cris, je vous avais prévenu que je ne voulais pas de bêtises !

- C'est rien, répondit Sirius, juste cet imbécile qui s'est trop penché sur le bateau et qui est tombé

L'intéressé tenta de protester mais Remus le fit taire avec un silencio. Heureusement pour eux, on n'y voyait plus grand chose à cette heure.

- Très bien, maugréa Hagrid, pas vraiment convaincu, faites ce que vous voulez mais débrouillez-vous pour qu'il soit sec quand on arrive au château, je veux pas avoir d'ennuis avec Dumbledore à cause de ce môme, compris ?

Une fois que Remus lui eut rendu la parole, Fallyn reprit ses bougonnements

- Vous allez pas vous en sortir comme ça, je vais l'dire à mon père et il va vous faire renvoyer !

- Je ne crois pas non, lui répondit Sirius, car tu vois, si tu dis un seul mot à qui que ce soit, on va lancer Peeves sur toi. Tu le connais ? Tu sais de quoi il est capable ? Il fera de ta vie un enfer alors je serais toi, je la bouclerai. Et j'éviterai aussi les insultes sur les né-moldus, Dumbledore n'aime pas trop.

Furieux mais résigné à ne pas s'attirer les foudres de l'esprit frappeur de l'école, il se terra dans un coin de la barque et ne décocha plus un seul mot jusqu'à ce qu'ils atteignissent la côte.

- Tu t'appelles comment ? demanda Remus au jeune garçon qui avait été la cible des moqueries de Fallyn

- Keith Kegg, répondit-il timidement, merci pour ce que vous avez fait.

- Y a pas de problème et si jamais il t'embête encore, préviens-nous, lui dit Sirius avec un clin d'œil

- Ou si il y a quelque chose que tu comprends pas sur le monde magique, on peut t'expliquer, assura James

-Merci les gars, dit Keith avec un sourire reconnaissant

Ils prirent un chemin dans la roche, éclairés par une lampe tenue par Hagrid puis, après avoir gravit les escaliers de pierre, Hagrid frappa trois coups sur la porte de chêne. Ce fut le Professeur McGonagall qui leur ouvrit et elle ne cacha pas sa surprise à la vue des quatre garçons de Sixième Année :

- Pourrais-je connaître les raisons de votre présence ici et non avec vos camarades dans la Grande Salle, messieurs ?

Elle les toisa avec l'air autoritaire de quelqu'un qui attend une explication par-dessus les verres carrés de ses lunettes.

- Euh oui, il y a eu une petite erreur. Mais... tout va bien ! On est arrivé sain et sauf, non ? fit Sirius avec un sourire gêné. Le Professeur McGonagall était un des seuls professeurs qui pouvait encore parfois l'effrayer

- Soit, répondit-elle en plissant les yeux, je n'apprécierais pas de devoir retirer des points à ma maison alors que l'année n'a même pas encore commencé donc je ne dirai rien pour cette fois. Mais je vous conseille d'aller rejoindre les autres élèves immédiatement avant que je ne change d'avis. Et d'éviter de vous faire remarquer une nouvelle fois dans la soirée !

Les quatre amis partirent alors vers la Grande Salle pendant que les Premières Années se dirigeaient vers une antichambre pour que le Professeur McGonagall leur explique le fonctionnement de l'école avant de les mener à leur tour dans la Grande Salle pour la cérémonie de la Répartition. Ils quittèrent donc leur jeune camarade avec un signe de la main de la part de Peter.

- Ben dis-donc, elle est drôlement gentille pour le coup. Elle n'a même pas crié nos noms de famille ! dit Sirius alors qu'ils échangeaient des regards interloqués

- On a du vraiment lui manquer pendant les vacances !