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Prologue: La proposition

Ou comment finir écoeuré de l'alcool en une seule soirée.

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Il était piégé.

Son corps trop, beaucoup trop alcoolisé titubait, se frappait contre les murs tanguant de la ruelle. Le sol se cabrait par vagues, la réalité se distordait: elle devenait aussi fou que lui. Des couleurs inconnues dansaient devant ses yeux, lui donnaient la nausée.

Il en riait, à vrai dire. À s'en exploser les poumons, à en avoir mal au ventre. Ça aurait pu être une très bonne soirée, un peu -beaucoup- d'alcool, un bon massacre et une belle crise de fou rire. Malheureusement, ce qui avait causé cette dernière n'était pas, mais pas drôle du tout. Rire lui permettrait seulement de repousser momentanément l'échéance. De toute façon, au vu du silence émanant de l'homme toujours debout quelques mètres derrière lui, il avait parfaitement compris sa réponse à la proposition qu'il venait de lui soumettre.

"Vous devez forcément savoir ce que signifie votre refus" dit-il simplement.

Cette voix, mais cette voix! Elle le ferait vomir. Il avait envie de le tuer, de le massacrer. De le noyer dans son propre sang. Mais il ne le pouvait pas. Il avait abusé, encore. Il n'aurait décidément pas du boire cette dernière bouteille. Peut être même les deux dernières. Il avait oublié, de toute façon. Marcher lui semblait déjà difficilement faisable, et même si tuer était devenu une sorte de réflexe chez lui, il ne pouvait même pas espérer approcher l'homme. Plus de balles dans le canon désespérément vide de son bon vieux Magnum 500 Smith & Wesson, et il était bien trop saoul pour attaquer qui que ce soit au couteau. De toute façon, il ne faisait aucun doute que des snipers étaient postés sur les toits environnants, il aurait plus vite fait de se tirer lui même une balle dans la tête. Alors il riait, en attendant d'avoir un plan, un échappatoire, au moins une meilleure option. Il ne se rendrait pas si facilement, cela dit. Qui sait ce qu'il ferait de lui s'il attrapait?

Non, question stupide. Il savait pertinemment ce qu'il ferait de lui.

Il se retourna, et entre deux éclats de rire, agita un doigt réprobateur.

"Mais mon refus est ca-té-go-rique! ...Comment as-tu pu.. Penser que j-j'accepterais?"

L'homme ne répondit pas, et se contenta de le fixer de ses yeux perçants. Il esquissa un pas en avant, le Joker en fis deux en arrière, toujours dans ce grand éclat de rire qui terrorisait Gotham.

Il continua de tituber vers la sortie de la ruelle, moitié rampant moitié marchant et une fois arrivé dans la grande rue, il se plaça sous la lumière d'un réverbère. Il glissa sur la neige, se redressa, laborieusement, et salua un public imaginaire en face de lui.

"Tu voudrais lui faire subir le même sort qu'à nos protecteurs, là bas, derrière? Mais je suis un artiste vois-tu, et il est… Ma muse!"

L'homme ne daigna même pas tourner les yeux vers l'horrible massacre commis quelques minutes auparavant dans la dite ruelle. Cet espèce de pince sans rire rabat-joie. Il n'y connaissais vraiment rien à l'humour. Le Joker se tordait assez de rire pour deux, de toute manière.

"Protecteurs?" Répéta t-il d'un air absent.

Ils s'étaient révélés être de piètres défenseurs, il est vrai. De simples hommes de mains, sept pour être exact, amenés ici par les deux protagonistes. Quatre géants à la mine patibulaire pour son interlocuteur, et trois jeunes de quartier un peu trop ambitieux pour le Prince de Gotham, Ça avait quelque chose de drôle que les mercenaires censés les protéger aient étés exterminés si rapidement. Rien de tel qu'un bon massacre pour finir la journée, pas vrai? Alors il les avait fait hurler dans un spectaculaire éclat de rire, sous le regard neutre de son interlocuteur. Les coups de feu, d'abord. Placés maladroitement, aléatoirement dans les corps se tordant de douleur sous sa gâchette chatouilleuse. Puis, quand les balles avaient commencé à manquer, mais que les cadavres en devenir traînant avec peine leur propre poids hors de sa portée étaient de toute façon trop faibles pour se défendre, le couteau. Élégant, précis. La peau partait en lambeaux, taillant des sourires sur les visages grimaçants des pauvres victimes, priant sa bonté et sa miséricorde. Ils tentaient de s'enfuir, de survivre à tout prix. Cette vision de ces hommes-larves l'avait fait s'étrangler de rire, laissant derrière leurs corps rampants à ses pieds cette traînée rouge et poisseuse. Il n'avait que pris plus de plaisir à les mutiler, délogeant les yeux de l'un, éviscérant l'autre. Chaque corps étendu à ses pieds était un nouveau tableau blanc. Et il avait été très inspiré, ce soir.

"C'était drôle!" S'esclaffa t-il, se tenant les côtes. "Tu ne trouve pas?"

"Eux?" Demanda t-il avec une moue dédaigneuse, première vraie expression qu'il laissait transparaître, "Non, pas particulièrement."

"Oooh, je vois" hoqueta t-il," Un difficile, hein? Qu'est ce que tu trouve drôle, alors?"

"Toi" répondit-il en passant à un tutoiement condescendant, causant une légère irritation chez le clown. "Tu es la chose la plus amusante que j'ai vue depuis des années."

L'homme s'approcha alors d'un pas vif, si bien que le Joker n'eut le temps que de reculer contre un lampadaire coupant sa route. Il l'agrippa à la gorge dans un mouvement brusque et précis.

"J'aurai ces informations", cracha t-il avec ses yeux morts qui le caractérisait si bien. "Et ce, que tu me les donnes ou non."

"Vous êtes plus similaires que tu ne le pense!" Répondit-il dans un éclat de rire, "Lui aussi me fait des misères quand je ne suis pas sage!"

Son interlocuteur le lâcha, un léger air moqueur venant maintenant maculer son visage trop souvent impassible.

"Batman?" Dit-il, presque comme une insulte "Comme si il en avait quoi que ce soit à faire de toi."

Le rire du Joker se fit jaune. Il détestait l'alcool, finalement. Il aurait réduit qui que ce soit à un tas de chair fumante pour avoir osé ça habituellement, mais au contraire de ces idiots de subalternes, lui était parfaitement conscient qu'il n'aurait rien pu faire contre eux s'ils s'étaient débattus. Quelle belle brochette d'abrutis. Bof, la sélection naturelle, dira t-on. Or, l'homme en face de lui était un autre calibre. Il était impuissant, et il détestait ça.

Le visage en face de lui repris une expression vide, et tourna les talons en ajoutant:

"Tu es dégueulasse, et beaucoup trop saoul pour que je puisse tirer quoi que ce soit de cohérent de toi ce soir. Je repasserait chercher ce que tu me dois plus tard."

"...Pas si tu ne me retrouve pas."

Il s'arrêta au milieu de la route déserte, et se retourna partiellement vers le Joker.

"Je te retrouverai" affirma t-il simplement.

"Pourquoi ça" soupira t-il avec amusement en disparaissant dans la neige, "C'est tellement plus drôle de jouer à cache-cache!"


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Salut à tous! Ca faisait très longtemps que je n'avais rien publié ici, mais je ne vous avait pas oublié pour autant!

Review? :)