Bien évidemment, le match avait eu ses conséquences. Contrairement à l'épisode des Deuxièmes Années, l'entièreté de l'école avait assisté à la contre-performance de Gryffondor. Il semblerait que certains avaient eu la fierté piquée quand d'autres, notamment chez Serpentard, s'en amusaient volontiers. La tension était palpable dans les couloirs ; des « blagues », des rires moqueurs, quelques remarques balancées derrière l'épaule. Chaque interaction entre les deux maisons pouvait potentiellement mettre le feu aux poudres et, au-delà, la plupart des élèves avait noté la faible cohésion d'équipe de Gryffondor ; l'image des héros commençait doucement à être questionnée. D'ailleurs, il m'avait semblé que les Gryffondor s'étaient particulièrement retranchés sur eux-mêmes en réponse, les espaces collectifs du château étaient de moins en moins peuplés de cravates rouges. C'était définitivement inquiétant et Miller avait considérablement augmenté tant la durée que le nombre de nos rondes. J'avais pourtant l'esprit trop ailleurs ces derniers jours pour m'en plaindre.
Nous discutions avec les filles dans la salle commune en toute fin de soirée lorsque j'eus enfin le courage de faire ce que mes entrailles souhaitaient que je fasse depuis quelques jours maintenant. Enfin, je ne savais pas si c'était tant du courage qu'une question de survie ; mon corps ne pouvait plus supporter cette angoisse permanente qu'était devenue la mienne. Alice était assise dans un fauteuil tandis que nous partagions un canapé avec Emily. À cette heure-ci, il restait majoritairement les élèves les plus âgés – Peter avait déjà crié après les plus jeunes pour qu'ils regagnent leurs dortoirs respectifs, et ils étaient suffisamment loin pour ne pas nous entendre.
- Je t'ai menti l'autre soir, dis-je soudainement. Ce n'est pas Miller qui a envoyé le première année.
- Oh, fit Alice. C'était bien un rencard, constata-t-elle simplement.
Elle ne paraissait ni particulièrement surprise, ni particulièrement contente. Mon ventre se serra.
- Tu ne m'as jamais dit qu'il y avait quelqu'un qui t'intéressait, reprit-elle sur un ton bien trop calme. Emily ne semble pas surprise. Qui a envoyé le première année ?
L'appréhension me semblait plus grande encore que le soir où Lilith m'avait transmis ce bout de parchemin et je ne comprenais pas ce qui rendait cette discussion si difficile. Mon cœur me faisait mal et le stress allait finir par définitivement nouer mon estomac. Il me semblait avoir lu quelque chose sur le sujet l'autre jour à la bibliothèque en regardant les manuels de potions ; il devait exister un moyen de me dénouer l'estomac qui n'incluait pas de parler à Alice. Je secouai la tête ; je ne faisais qu'essayer de gagner du temps, et posai mes yeux sur le bout de la table. J'inspirai et répondis enfin.
- Parker.
- Parker ? Le deuxième année ?
Elle avait prétendu pendant des jours que je ne lui avais pas menti et maintenant elle prétendait ne pas comprendre lorsque je lui disais la vérité. Mon appréhension se transforma si brusquement en colère que je fus complètement dépassée par la suite des évènements.
- Non mais tu t'entends Alice ? Un deuxième année, sérieusement ? insistai-je. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi !?
- Je savais que j'aurai dû faire bouillir les feuilles de mandragore avant de les ajouter au chaudron. J'aurais eu plus qu'un acceptable.
Mon cœur rata un battement avant de s'écraser contre ma poitrine. J'avais toujours eu le pressentiment que quelque chose se briserait entre nous si elle venait à l'apprendre, la distance que j'avais instauré entre nous n'était pas anodine, mais ça n'avait rien à voir ; Alice était en train de me briser le cœur. J'avais chaud, terriblement chaud et l'impression étrange de trembler de l'intérieur.
- Peut-être que ce que tu aurais dû remarquer, rétorquai-je hors-de-moi, c'était l'odeur de son philtre pour avoir la présence d'esprit de ne pas y foutre de feuilles de mandragore tout court.
- Ouais, répondit-elle doucement, j'aurai dû être plus attentive à ce que Shadlakorn faisait. J'aurais fait un meilleur antidote.
Sa voix était si calme et ses yeux si absents, le contraste avec ma colère était grand. Nous étions inséparables depuis nos 7 ans ; l'été de notre rencontre Alice n'avait fait que pleurer après que mes parents m'avaient fait quitter le Chemin de Traverse pour retourner à Uppsala, et j'avais refusé de leur parler tous les samedis matins de cet été - spécifiquement les samedis matins, jusqu'à ce qu'ils acceptent de m'y ramener pour passer le week-end avec elle. J'avais appris plus tard qu'ils n'avaient aucune idée de qui était cette blonde avec qui j'avais partagé une simple glace. Alors que je faisais ma grève matinale avec dévouement, ils avaient passé le mois à essayer de retrouver ses parents afin de pouvoir organiser, enfin, une sortie.
Et tout ce qu'elle trouvait à me répondre 9 ans plus tard, c'était qu'elle aurait souhaité que Lilith ne soit pas ma binôme de potions ; annuler jusqu'à ce qu'il s'était passé entre nous. J'avais déjà été en colère ; contre nos professeurs, les Carrow, les mangemorts, Carter, Lilith même, mais pas comme ça. Pas cette colère aussi chaude et vive. Pas cette crainte viscérale qu'elle me blesse plus encore. Pas Alice.
- Vas te faire foutre, Alice.
- Eyrin… tenta Emily.
- Non, répondis-je fermement en ignorant complètement la blonde. C'est un putain de miracle qu'il y ait encore des mecs dans ce foutu château qui ne lui aient jamais fourré leur langue dans sa bouche et elle veut me juger, moi !? Non. Hors de question. Qu'elle aille se faire foutre.
