Chapitre 24 : Tort un jour, tort toujours
Heureuse que Thorin se soit un peu calmé, Aghäte décida d'aller prendre l'air sur les remparts. Dale était toujours aussi lumineuse grâce aux reflets des armures de l'armée du roi des elfes. Quelque chose lui disait qu'il ne tarderait pas à rencontrer Thorin. « Si ce n'est pas aujourd'hui, ce sera certainement demain. Thranduil n'est pas du genre patient. », se disait-elle en observant la ville.
Elle soupira puis décida de retourner à l'intérieur. Dans un couloir, elle croisa Fíli et Kíli qui sortait du grand salon en plaisantant. Elle leur fit un petit signe de la main et ils s'approchèrent tous les deux avec un grand sourire.
- La discussion avec votre oncle s'est bien passée ?
- Cela aurait pu être pire, affirma le blond.
- C'était mal parti mais maintenant ça devrait aller !, s'exclama le brun.
Leur conversation dura un petit moment jusqu'à ce que Óin, le guérisseur nain, s'approchent d'eux et qu'il demande à Aghäte de le suivre. Le jeune Ori s'était blessé pendant l'entraînement et il préférait appliquer un de ses baumes tout de suite avant que la blessure n'empire. Aghäte s'excusa auprès des deux frères et suivit Óin.
La blessure d'Ori soignée, Aghäte resta dans sa chambre jusqu'au déjeuner. Quand elle arriva dans le grand salon, seuls Glóin, Balin et Dwalin étaient présents pour manger. Elle supposa que les nains manquants étaient en train de rechercher l'Arkenstone ou de réparer quelques armures. Une fois s'être servie, elle s'installa à table avec eux.
- Pas de nouvelles de ton fils et de ta femme ?, demanda Dwalin à Glóin.
- Non, je préfère attendre que tout soit fini avant de leur envoyer une lettre, dit-il tristement. Mais je sais qu'ils savent se débrouiller ; surtout un nain comme Gimli !
- Oui c'est sûr !, sourit affectueusement Balin.
Aghäte préférait les laisser échanger sans intervenir. Elle avait déjà vu le fils de Glóin dans son pendentif et il lui en parlait de temps en temps. Elle était heureuse de les voir discuter d'autre chose que l'Arkenstone.
- Vous êtes bien silencieuse !, s'exclama Dwalin en lui tapant violemment dans le dos.
- Ah hum. C'est que je n'ai rien à dire. Par contre, vous venez de me casser trois côtes !, plaisanta-t-elle.
Dwalin éclata de rire à la remarque de la semi-humaine ; suivit de près par Glóin et Balin.
- On ne s'ennuie pas avec vous ! Si vous pouviez faire rire Thorin autant que nous, ça nous arrangerait !
- Dwalin…, soupira Balin.
- Il est toujours sur son trône ?
- Et oui !, répondit Dwalin en perdant son sourire.
- Il a déjeuné ?
- Non. À vrai dire, je n'arrive pas à savoir quand il prend le temps de manger, répondit Balin.
- Je vois… Dans ce cas, je vais lui apporter de quoi déjeuner tout de suite !
Aghäte finit rapidement son bol et le déposa dans l'évier. Elle en prit un propre sur une étagère et le remplit au maximum. Elle servit également un grand verre d'eau.
Les mains pleines, Dwalin lui ouvrit la porte pour qu'elle puisse sortir. Elle le remercia et continua son chemin. Sur le trajet, elle croisa Bilbon. Elle s'avança rapidement vers lui.
- Bilbon ! Comme je suis heureuse de vous voir ! Si je n'avais pas tout ceci dans les mains, je vous aurais pris dans mes bras. Je pensais que vous étiez parti...
- Et bien non, je suis toujours là ! Mais je ne pensais pas que l'idée que je parte d'ici vous peinerait autant.
- Bien sûr que si ! Avec qui est-ce que je pourrais discuter normalement si vous n'étiez pas là ? Et je pense que tout le monde ici serait triste si vous nous quittiez. Après, je pourrais le comprendre avec l'ambiance et tout…
- J'ai compris, Aghäte. Merci, dit-il en souriant chaleureusement. Et pour qui est ce repas que vous tenez dans les mains ?
- Oh il va refroidir ! C'est pour Thorin. Balin ne sait même pas la dernière fois qu'il a mangé. Alors j'essaye. On verra bien.
- Je vois. Bon courage alors.
Bilbon fit un petit signe de tête avant de repartir de son côté. Aghäte, quant à elle, prit la direction du trône.
La salle étant gigantesque, le froid était plus présent que toutes les autres pièces. À peine était-elle entrée qu'elle frissonna. Elle essayait tant bien que mal de ne pas renverser le bol et le verre. Au loin, elle vit Thorin assis sur son trône. Elle approcha et arriva vite en face de lui.
- Bonjour Thorin. Il paraît que vous n'avez pas encore déjeuner, alors je vous ai apporté de quoi manger, dit-elle en lui montrant le bol et le verre.
Perdu dans ses pensées, il mit du temps à relever son regard vers la semi-humaine puis vers le bol tendu devant lui.
- Je n'ai pas la tête à manger. Rapportez cela en cuisine.
- Mais vous ne pouvez pas rester sans manger indéfiniment !, se fâcha-t-elle. Vous êtes très pâle.
- Bien sûr que je peux, dit-il en haussant la voix. Tant que l'Arkenstone-
- Ne pas manger ne fera pas accélérer la recherche de l'Arkenstone !, dit-elle en haussant plus la voix que celle de Thorin.
Dans un grognement, il arracha le bol des mains d'Aghäte et commença à manger. Pour lui faire la conversation pendant qu'il mangeait, elle lui raconta que Bombur avait trouvé un cave pleine de bière et de vin mais que rien n'était consommable. Elle enchaîna sur d'autres sujets comme la bibliothèque qu'elle avait vu ou encore des objets étranges dans la chambre de sa sœur. Qui a besoin d'une hache sous son lit ?
Le futur roi d'Erebor restait silencieux sur son trône. Tant qu'il ne lui demandait pas de partir, elle voulait rester avec lui. Ce n'est bon pour personne de rester seul dans une salle aussi immensément vide. Ne trouvant plus de sujet pertinent pour parler dans le vide, Aghäte se lança sur un des sujets tendus pour le nain.
- Vous ne comptez toujours pas partager votre trésor avec les humains ?
- À votre avis ?, demanda-t-il sans même la regarder.
- Vous allez les laisser mourir de faim ? L'hiver est là et ils n'ont plus rien. Plus rien à cause d'un dragon que vous avez chassé d'ici, je vous rappelle.
- Ce n'est pas mon problème, dit-il d'un ton monotone.
- Thorin. J'aimerais comprendre vos décisions, vous comprendre, mais ce que vous faites n'a aucun sens !, dit-elle en montant d'un ton.
- Vous devriez aller rejoindre vos humains si vous vous inquiétez autant pour eux !, s'exclama-t-il en haussant lui aussi le ton et tournant son regard maintenant énervé sur la semi-humaine.
La colère montait en elle. Quand elle allait lui répondre, il se leva et continua de parler en montant encore le ton.
- Rejoignez aussi les elfes tant que vous y êtes ! Que faites-vous encore ici alors que vos deux races sont dehors juste en face ?
- C'est peut-être ce que j'aurais dû faire depuis longtemps !, répondit-elle sous la colère.
- Partez dans ce cas ! Le dragon est mort. Plus rien ne vous retient !, hurla-t-il. Vous ne serez d'aucune utilité ici !
- V-vraiment …?
Maîtrisant mal ses émotions, Aghäte était rapidement passée de la colère à la déception. Comment pouvait-il dire une chose pareille ?!
Elle recula de quelques pas et baissa la tête. Elle était profondément touchée par ce que venait de dire Thorin. Elle voulait s'enfuir mais ses jambes refusaient de lui obéir.
Aghäte sentit alors que Thorin s'était rapprochée lentement d'elle mais elle ne voulait pas le regarder. Elle tourna sa tête vers la sortie et vit Dwalin. Il avançait vers leur direction. Elle n'avait jamais été aussi contente de le voir. Il regarda d'abord la semi-humaine puis s'avança vers le nain.
- Thorin, il y a du mouvement du côté des elfes. Veux-tu venir voir ?
- Et le roi ?
- Rien d'anormal. On ne le voit ni bouger, ni s'approcher.
- Très bien. Je reste ici et prévenez-moi s'il se passe autre chose.
- Entendu, affirma Dwalin avant de tourner la tête vers Aghäte. Je crois qu'Ori vous cherchait à propos d'une blessure.
- Ah oui !, confirma-t-elle en sentant enfin ses jambes lui répondre. Il faut que je vérifie sa blessure. J'y vais tout de suite.
Après quelques pas fait en direction de la sortie, Aghäte s'arrêta et se retourna lentement pour regarder Thorin dans les yeux. Il la fixait en retour comme s'il attendait qu'elle lui dise quelque chose. Ses yeux débordaient encore de colère. Toute cette colère lui était-elle destinée ? Elle n'en n'était pas sûre mais elle ne préférait pas rester ici pour le savoir.
Elle fit demi-tour et prit la direction de la grande chambre des nains pour retrouver Ori.
.
Après avoir surveillée la blessure d'Ori, Aghäte retourna dans sa chambre. Elle avait terriblement envie de cacher le tableau des trois frères et sœurs dans un coin. « C'est bien par respect pour Dís et Frerin que je ne te décroche pas ! » dit-elle au tableau. Elle alla ensuite rallumer le feu de la cheminée et s'assit sur une des chaises qui était devant.
Les heures passèrent et Aghäte réfléchissait encore si elle devait partir ou non. Elle avait envie de rester mais si Thorin voulait qu'elle parte, elle partirait. « Le mieux à faire est de retourner le voir et de lui demander. J'espère qu'il se sera calmé sinon ça ne servira à rien… » se disait-elle.
Sans attendre une minute de plus, Aghäte quitta sa chambre et alla à la salle du trône. Malheureusement pour elle, le trône était vide. « S'il n'est pas ici, il doit être aux forges. » se dit-elle en prenant une nouvelle direction.
Les forges n'étaient pas loin de la salle du trône. La chaleur était si forte qu'Aghäte n'y restait jamais longtemps sous peine d'avoir mal à la tête l'heure suivante. Elle finit par voir Thorin et Balin discuter au loin. Il semblait s'être calmé mais Aghäte préféra se cacher dans un coin, attendant que leur conversation finisse.
- Je pense que nous avons fini de restaurer toutes les armures et les armes dont nous pourrions avoir besoin, affirma Balin.
- Très bien. C'était tout ce que nous devions discuter ?
- Hum, à vrai dire, il y a un autre sujet que j'aimerais aborder avec toi, hésitait Balin. Toi, Thorin.
- Pardon ?, s'exclama-t-il surpris.
- Je sais que ce ne sont pas dans nos habitudes de parler de ces sujets-là. Pourtant, il est important pour toi de comprendre que c'est une mauvaise idée. Je te rappelle que dans peu de temps tu seras le roi d'Erebor.
- Je le sais très bien. Où veux-tu en venir ?
- Ce n'est pas la peine de faire semblant avec moi, Thorin. Je te connais depuis longtemps. Ou alors peut-être que tu ne t'en es pas rendu compte toi-même…, dit-il en prenant une pause avant de continuer. Je te parle de la seule personne qui arrive à te calmer, à te faire manger et même à te faire rire. Et ce, même depuis que nous sommes à Erebor. Vois-tu maintenant de qui je veux te parler ?
Thorin esquiva le regard de Balin et grogna. Plus cachée que jamais, Aghäte écoutait attentivement la conversation. Son pouls s'accélérait au fur et à mesure que la discussion progressait. Elle retenait même son souffle sans s'en rendre compte. Dans un nouveau grognement, le nain grincheux reprit la parole.
- Je vois très bien de qui et de quoi tu parles. Mais alors tu devrais aussi savoir qu'un nain n'aime qu'une seule personne durant toute sa vie !
- Thorin…, soupira Balin semblant comprendre la détresse dans la voix du nain.
- Ce n'est pas moi qui ai choisi d'aimer une semi-elfe qui-
Un bruit métallique, comme une pince en fer qui tombe au sol, résonna soudainement dans toute la forge. Thorin et Balin s'arrêtèrent immédiatement de parler pour regarder autour d'eux. Thorin hurla pour demander qui était là et surtout se cachait comme un rat.
Au même moment, deux personnes sortirent de leur cachette. Balin, mais surtout Thorin, ouvrirent grand leurs yeux sous la surprise. Aghäte et Bilbon se regardèrent sans pouvoir dire un mot. Tout le monde était évidemment gêné par la situation. Dépité, Thorin se passa sa main sur son visage.
- Hum, je-je pense que je vais vous laisser…, articula Aghäte du mieux qu'elle pouvait.
- Moi aussi…, murmura Bilbon.
- Non ! Approchez !, ordonna-t-il.
Bilbon s'exécuta. En revanche, Aghäte recula de quelques pas. Balin se racla la gorge et annonça qu'il allait partir. Avant qu'il ne fasse un seul pas, la semi-humaine s'excusa et s'enfuit en courant. Hors de lui, il lui hurla de revenir mais elle continua son chemin. Gênée, effrayée et plus rouge que jamais, elle ne voulait et ne pouvait pas lui faire face tout de suite. Elle devait prendre le temps de réfléchir à ce qu'il venait de se passer. Elle repensa d'ailleurs à Bilbon qui était caché mais qu'elle n'avait pas du tout vu...
Enfin arrivée dans sa chambre, elle prépara ses affaires pour prendre un bon bain bien chaud. Ses joues se teintèrent quand elle aperçut le tableau avant de quitter la pièce.
Dans la salle d'eau, elle se fit couler un bain. La pièce était déjà chaude et agréable. Elle savait qu'à cette heure-là personne ne se lavait. Les nains étaient encore aux forges ou à rechercher l'Arkenstone. Elle n'était jamais dérangée.
Contente de ne pas avoir perdu ses savons elfiques lors de la bataille contre le dragon, Aghäte profita du temps qu'elle avait pour se laver soigneusement les cheveux. Une fois détendue dans l'eau, elle repensa à la discussion entre Balin et Thorin. Elle n'était pas sûre d'avoir bien compris. Avec la distance, peut-être qu'elle avait mal entendu. C'est la seule raison possible !
En pleine réflexion, Aghäte sursauta lorsqu'elle entendit quelqu'un toquer à la porte.
- Oui ? Je suis désolée mais j'en ai encore pour un bon moment.
- Alors dépêchez-vous !, s'exclama une voix grave qu'elle connaissait très bien, surtout quand elle était en colère.
- Th-Thorin ? Je dois encore me laver les cheveux. Ça va prendre un bon moment.
- Si vous n'avez pas fini dans 10 minutes, je forcerai la porte.
- Vous n'oseriez pas !?, s'écria-t-elle.
- Vous voulez le savoir ?
- Je vous avoue que j'hésite mais ce serait dommage d'abîmer une si belle porte.
- Alors dépêchez-vous !
- D-d'accord !
Elle essaya d'aller le plus vite possible mais avec la longueur de ses cheveux c'était plus que compliqué. Aghäte était soulagée que Thorin patiente derrière la porte.
Ses cheveux étaient enfin rincés et elle allait pouvoir sortir de l'eau. Au moment où elle voulut se lever, elle entendit frapper à la porte.
- J'ai presque fini !, paniqua-t-elle.
- C'est ce que vous m'avez déjà dit tout à l'heure. Dépêchez-vous de sortir !
- Raah mais si vous n'êtes pas content, partez ! Je vous retrouverai plus tard et-
Aghäte n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'elle vit la poignée de la porte pivoter et la porte s'ouvrir. Elle se rendit compte bêtement qu'elle n'avait pas fermé la porte à clefs. Le nain grincheux entra dans la pièce, d'un pas décidé, et ferma la porte derrière lui. Elle se recroquevilla précipitamment dans la baignoire, espérant cacher le maximum de sa nudité.
Contenant sa colère, Thorin avança vers elle et la regarda de haut. Aghäte voyait qu'il se contenait pour ne pas exploser.
- V-vous n'avez pas l'impression de dépasser les limites ? Même pour un futur roi ?, demanda-t-elle en essayant de garder son sens froid.
- Pas du tout !
Thorin alla chercher une grande serviette posée près de la cheminée et l'apporta à Aghäte. « Comment se fait-il qu'il ne soit pas gêné par la situation ?! Il est peut-être aveuglé par sa colère mais tout de même… » se disait-elle en prenant la serviette. Voyant qu'il la fixait toujours dans les yeux, elle attendit mais le nain ne réagissait pas.
- Excusez-moi mais serait-ce trop vous demander de vous retourner pour que je puisse sortir de la baignoire ?
- B-bien sûr, bafouilla-t-il.
Il se retourna et avança vers la porte. Aghäte avait eu le temps de voir la gêne apparaître sur son visage. Peut-être venait-il de se rendre compte de la situation !
Il croisa les bras et ne bougea plus. Elle en profita pour sortir du bain rapidement et s'enrouler de la serviette. Elle se plaça devant la cheminée et se frottait pour sécher le plus vite possible. Alors qu'elle en était à enfiler ses sous-vêtements, elle prit la parole pour éviter de continuer le silence devenu gênant.
- Comment saviez-vous que j'étais ici ?
- Vous occupez toujours la salle d'eau en fin de journée depuis que nous sommes ici. Ne vous trouvant ni dans votre chambre ni avec mes neveux, j'en ai déduis que vous étiez ici.
Aghäte ne savait pas quoi répondre. Elle-même n'avait pas remarqué qu'elle se lavait tous les jours à la même heure. Il faisait plus attention à elle qu'elle ne le pensait.
Enfin habillée, Aghäte devait maintenant se sécher les cheveux. Elle les essorait et frottait toujours dans l'empressement.
- Avez-vous bientôt fini ?, s'impatientait-il.
La semi-humaine éclata de rire. Ne comprenant pas la raison de son rire, Thorin se retourna vers elle et se rendit compte qu'elle était habillée. Il la fixait, toujours surpris.
- Je suis désolée, dit-elle en se calmant. C'est que vous vous forciez tellement à rester poli alors que vous êtes en colère que s'en est drôle. Bon, je m'attache les cheveux et on peut y aller.
- Asseyez-vous sur la chaise. Je vais vous faire une tresse.
- Non, je-
- Pourquoi êtes-vous toujours obligé de contester ce que je vous demande ?
- Parce que vous me l'ordonnez ?, murmura-t-elle sachant qu'il l'avait bien entendu.
Aghäte finit par s'asseoir sur la chaise comme lui avait demandé Thorin. Il en prit une autre et se plaça derrière elle. Aghäte avait déjà peigné ses cheveux. Il n'avait plus qu'à la coiffer. Thorin se racla la gorge avant de parler.
- Avez-vous entendu notre discussion avec Balin ?
- Oui…
Aghäte sentit le tressage s'arrêter quelques instants puis reprendre. Elle attendait que Thorin reprenne le fil de la discussion mais il n'avait pas l'air de le vouloir. Elle prit son courage à deux mains et l'interrogea.
- Vous n'avez rien d'autre à me dire ? Vous êtes venu ici, dans la salle d'eau alors que je me lavais, juste pour me poser cette question ? Je pensais que les nains étaient pudiques mais j'ai eu un beau contre-exemple aujourd'hui...
- Je vous avais demandé de venir vers moi mais vous vous êtes enfuie, lança-t-il d'un ton dur mais calme.
- Parce que je devais rester à discuter normalement aux côtés de Bilbon et Balin après ce que vous avez dit ? Voyons Thorin, c'est ridicule ! Avouez-le !
- Vous…
La voix de Thorin ne continua pas. Elle avait changé. Elle semblait mélancolique et hésitante. Pensant qu'il allait encore s'énerver, Aghäte se retourna vers lui pour lui faire face. Quand son regard croisa celui du nain, il l'esquiva pour revenir sur le tressage.
Aghäte sentit un pincement au cœur à le voir comme cela. Elle commença à regretter ce qu'elle avait fait. Posant doucement sa main sur la joue du nain pour lui faire tourner son regard vers elle, Thorin sursauta faiblement. Il continuait à fixer la tresse.
- Expliquez-moi, dit-elle doucement.
- Vous m'avez blessé… Vous vous êtes enfuie alors qu'il s'agissait d'un sujet important !
- Mais je pensais que… Mais Balin a dit…
- Balin peut dire ce qu'il veut, dit-il fermement en revenant sur les yeux embarrassés de la semi-humaine. Si même le roi d'Erebor ne peut choisir sa compagne, qui le peut ?!
- C'est justement parce que vous serez bientôt roi que… Et puis je suis une semi-elfe et-
- Je fiche de tout cela !, s'écria-t-il en la coupant. À dire vrai, je ne me comprends pas moi-même. La seule chose dont je suis certain, ce sont mes sentiments pour vous. Aghäte, je vous aime. Plus que vous ne pouvez imaginer.
Tout en parlant, Thorin avait pris les mains d'Aghäte dans les siennes. Il continuait à la fixer, attendant une réponse de sa part. Les joues cramoisies et le cœur battant à tout rompre, elle réalisait progressivement ce qu'il lui disait. Le futur roi d'Erebor l'aimait. Et vu son attitude, il ne mentait pas.
Aghäte savait qu'elle avait des sentiments pour lui depuis bien longtemps mais elle ne pouvait l'accepter.
- Thorin, je ne suis qu'une simple semi-elfe.
- Vous êtes beaucoup plus que cela.
- Mais je… et vous…
La voyant gênée et hésitante, Thorin reprit ses mains pour en glisser une derrière la tête d'Aghäte et l'attirer vers lui. Il attendit un petit moment avant de déposer ses lèvres sur celle de la semi-humaine, lui laissant le temps de reculer si elle le souhaitait. Quand leurs lèvres se rencontrèrent enfin Aghäte répondit tout de suite au baiser. Piquant et doux à la fois, elle n'imaginait pas que leur baiser lui réchaufferait autant son cœur. Elle se sentait fondre sous l'émotion.
Plus que ravi qu'elle ne le rejette pas, Thorin commença à approfondir leur baiser. Peu de temps après, ils entendirent quelqu'un frapper à la porte. Ils s'obligèrent à mettre fin au baiser. Après avoir repris sa respiration, Aghäte se racla la gorge avant de répondre.
- Oui ? J'ai bientôt fini !
- Aghäte, je te cherchais !, s'écria Kíli derrière la porte. C'est bientôt l'heure du dîner.
- Nous cherchons aussi notre oncle, enchaîna Fíli. Est-ce que tu sais où il se trouve ?
Complètement paniquée, Aghäte regarda Thorin puis la porte. Il se leva lentement, visiblement exaspéré qu'il soit dérangé, et avança vers la porte. Elle alla lui demander ce qui lui prenait mais elle n'en n'eut pas le temps. Thorin ouvrit brusquement la porte, se retrouvant face à des neveux abasourdis.
- Je suis là. Que me voulez-vous ?, demanda-t-il le plus normalement du monde.
- Ah. Hum. Mais-, bafouilla Kíli.
- N-nous sommes désolés de vous avoir déranger. Il est bientôt l'heure de dîner et nous-
Les joues empourprées d'embarras, les deux jeunes nains s'embrouillaient et ne semblaient plus se rappeler la raison de leur venue. Si la situation n'était pas aussi gênante, Aghäte aurait éclaté de rire. Mais là, elle sentait les regards des neveux passer de leur oncle à elle à répétition.
Thorin grogna en demandant à ses neveux d'attendre là où ils étaient. Il s'avança vers Aghäte et se pencha à son oreille.
- Rejoignez-moi dans ma chambre dans la soirée.
Sans lui laisser le temps de répondre et surtout de protester, Thorin repartit vers ses neveux. Aghäte se laissa le temps de digérer tout ce qui venait de se passer avant de repartir dans sa chambre.
Évitant de regarder le tableau, elle se laissa tomber sur son lit. Le trop plein d'émotions l'avait épuisé. Elle prit le temps de réaliser ce qu'il s'était passé dans la salle d'eau avant d'aller dîner.
Le repas se passa brièvement. Il y avait peu de nains dans le grand salon. Il était déjà tard, les autres étaient peut-être déjà partis se coucher.
En retournant vers sa chambre, Aghäte croisa Fíli et Kíli qui partait dîner. Ils s'approchèrent d'elle, hésitants.
- Hum, nous sommes désolés pour tout à l'heure, lança le jeune brun en souriant bêtement.
- Au-aucun problème. Ce n'est pas de votre faute.
- Alors comme ça notre oncle et toi…, commença le blond.
- Ah ! Hum. Ce n'est pas ce que vous croyez ! C'est que…
- Tante Aghäte ! Haha !, plaisantait Kíli. Ça te vieillit !
- Mais quel crétin..., souffla son frère.
- Tais-toi, idiot ! Si les autres l'entendent, Thorin va avoir des problèmes.
- Mais non ! Notre oncle ne peut pas avoir de problème, c'est le roi, affirma Kíli fièrement.
- Bon on va s'arrêter là, dit Fíli avant qu'Aghäte ne puisse répondre. Je te souhaite une bonne soirée, Aghäte.
Kíli n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit d'autre car son frère le força à le suivre. Aghäte continua à les regarder partir en riant de la situation. Elle ne s'ennuyait jamais avec ces deux-là.
Par automatisme, elle retourna dans sa chambre. À l'intérieur, elle ne put s'empêcher de fixer le tableau des trois frères et sœurs. Elle fixait Thorin et réfléchissait à ce qu'il lui avait dit dans la salle d'eau :
« Est-ce que je dois le rejoindre dans sa chambre là maintenant ? Je ne vais tout de même pas aller le voir comme si de rien n'était. J'imagine qu'il a bien des arrières pensés à m'inviter dans sa chambre à une heure tardive. Cela m'étonnerait que l'on prenne le thé avec des petits gâteaux. Oh qu'est-ce que je donnerais pour des gâteaux là tout de suite ! Bref ! Aghäte reprend toi ! ».
Elle se frappa les joues pour se réveiller puis elle reprit ses pensées : « Et un bon verre de vin ! Il m'aiderait à réfléchir, lui ! ». Elle souffla. « Bon. Roi ou pas, ce serait pareil. Et j'ai le sentiment que je le regretterai toute ma vie si je ne vais pas le voir. »
Aghäte se motiva et sortit de sa chambre pour se trouver face à la porte de celle de Thorin. Elle hésitait encore à entrer. Elle se retourna plusieurs fois, prête à repartir dans sa chambre, puis se reconcentrait sur la porte. Elle finit par toquer timidement en se disant que si elle ne se dépêchait pas, quelqu'un finirait par la voir.
Elle attendit un moment puis n'ayant aucune réponse, elle fit demi-tour. Sans avoir le temps de faire un pas, elle se sentit tirer vers l'intérieur de la chambre. Thorin lui avait pris le bras, l'avait attiré à l'intérieur puis il avait refermé la porte.
Dos à la porte, Aghäte hésita à avancer dans la chambre. Cette dernière était grande et richement décorée ; une vraie chambre de prince. Le feu de la cheminée crépitait et il y avait même une fenêtre donnant sur le ciel étoilé.
Thorin, qui tenait toujours le bras d'Aghäte, finit par se tourner vers elle. Sans attendre, il s'approcha d'elle et l'embrassa passionnément. La semi-humaine était prise au dépourvu et ne pouvait reculer. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il soit aussi entreprenant. Il la serra fort contre lui et finit par séparer leurs lèvres. Reprenant à peine ses esprits, Aghäte sentit Thorin descendre ses baisers dans son cou. Un frisson parcourut l'ensemble de son corps.
- Je commençais à penser que vous ne viendrez pas, souffla-t-il.
- J-j'ai hésité mais… je me suis dit que je le regretterais si je ne venais pas.
Thorin retourna sur les lèvres de la semi-humaine qu'il aimait, sans lui laisser le temps de parler. Aghäte ne voulait pas le laisser agir comme il le voulait. De ses deux mains, elle prit le visage du nain et le força à reculer.
- Thorin, écoutez-moi… Nous ne pouvons pas-
Cependant, il n'en fit qu'à sa tête et se rapprocha une nouvelle fois des lèvres d'Aghäte pour l'embrasser. Elle n'arrivait pas à se l'avouer mais elle fondait totalement sous ses baisers. Ses jambes commençaient à ne plus pouvoir la soutenir.
Elle comprit que Thorin l'avait lui-même deviner puisqu'il la porta, telle une princesse, jusqu'à son lit. Il la déposa plus délicatement qu'Aghäte n'imaginait qu'un nain puisse faire. Placé au-dessus d'elle, il continuait à l'embrasser mais, à bout de souffle, elle réussit à articuler quelques mots.
- Thorin, attendez-
- J'ai assez attendu, affirma-t-il en s'arrêtant et la regardant dans les yeux.
- Mais-
- Pas de « Mais » ce soir.
Thorin reprit ses baisers. Aghäte cessa d'argument et le laissa faire comme il le voulait ; puisqu'elle le voulait tout autant que lui.
.
Les premiers rayons du soleil traversaient la fenêtre de la chambre du futur roi d'Erebor. Sous des draps bien chauds, Aghäte ouvrait doucement ses yeux. Au premier abord, elle ne réalisait pas où elle se trouvait. Puis, en voyant Thorin dormir paisiblement à ses côtés, tout lui revint. Ses joues s'empourprèrent et elle pivota pour se retrouver sur le ventre, la tête dans l'oreiller.
Dans un grognement, Aghäte sentit Thorin remuer à côté d'elle et s'approcher pour lui déposer un baiser dans sa nuque. Elle frissonna et enfouit encore plus sa tête dans son oreiller.
- Pourquoi cette timidité ?, rit légèrement Thorin.
- Et pourquoi vous, vous n'êtes pas gêné ? Je veux dire, je pensais que les nains étaient plus réservés pour ces sujets-là. Quoique l'épisode de la salle d'eau m'a déjà prouvé le contraire…
- Nous sommes seuls à cet instant, disait-il en lui caressant la tresse qu'il lui avait faite la veille. Et vous n'êtes pas une naine.
- Et cela changerait quelque chose ?, hésita-t-elle à demander.
- Absolument pas.
Aghäte se retourna pour être sur le dos, tout en restant caché par les draps. Thorin perdit son sourire et continua la conversation.
- Hum, hésitait-il, je tenais à m'excuser pour hier ; quand vous êtes venu m'apporter le déjeuner. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris d'autant m'énerver contre vous. Je vous avoue que les mots ont dépassé mes pensées. Vous avez évidemment votre place parmi nous. Et dorénavant, il est hors de question que vous nous quittiez. Que vous me quittiez.
Embarrassée par ses déclarations, Aghäte ne savait pas quoi répondre. Elle acquiesça d'un signe de tête. Hier, elle se demandait encore ce qu'elle ferait une fois Erebor repris par les nains. Maintenant, elle avait sa réponse ; même si elle hésitait encore comment gérer cette relation avec Thorin.
- J'aurais une chose à vous demander, dit-il en tenant son visage avec sa main, visiblement déjà embarrassé avant même de poser la question.
- Je vous écoute, répondit-elle inquiète de l'attitude du nain.
- Pourrions-nous nous tutoyer ?
- Pardon ? Ah hum. Je ne sais pas si j'en serais capable, bafouilla-t-elle totalement prise au dépourvu. Je veux dire, vous - hum - tu vas être le roi d'Erebor et ce ne serait pas correct si-
- Alors, disons seulement quand nous sommes seuls ?, négocia-t-il en souriant.
- O-ok, je vous - hum - te promets d'essayer, rit-elle de la confusion.
Calée dans les bras de Thorin, Aghäte le regardait lui caresser affectueusement la joue. Ils se regardèrent un moment pour profiter de leur instant d'intimité au maximum. Il lui déposa un léger baiser sur son front puis sur ses lèvres. Posant doucement ses mains sur le torse du nain, Aghäte lui annonça qu'elle devait aller se préparer dans sa chambre avant le petit-déjeuner. C'est dans un grognement long et fatigué qu'il la laissa partir après un dernier baiser passionné.
Aghäte quitta rapidement la chambre de Thorin pour éviter de rencontrer un nain ou même un hobbit. À cette heure-ci, elle ne pouvait que tomber sur Balin, Dwalin ou Bilbon. Et elle n'avait aucune envie de les rencontrer maintenant.
.
La suite au chapitre 25
