Merci beaucoup d'être là, de lire et de reviewer cette histoire commencée il y a quatre ans déjà. Plein d'amour, et bonne lecture !
Rar : Ilona
Haha oui, les cliffhangers sont des sales gosses, mais c'est satisfaisant d'en mettre de temps en temps. Ravie que tu aies aimé le chapitre précédent, j'espère que tu aimeras celui-là !
Bastille _ (I Just) Died In Your Arms (Cutting Crew Cover)
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-
Clint a le moral dans les chaussettes. Loki et lui n'ont absolument rien trouvé au cinéma. Ils ont un peu terrorisé le projectionniste, mais ce dernier a maintenu sa version. Le directeur n'a pas paru mal à l'aise de les voir revenir, et a poliment accueilli toutes leurs questions. Il ne leur reste plus à voir que le guichetier, tout près de l'entrée. Ils l'ont très peu vu depuis le début de l'enquête, juste le soir du meurtre, et Clint veut le revoir. Il s'agit toujours du même étudiant boutonneux, et bien qu'il tente de le voir d'un autre œil, il ne lui trouve toujours pas la carrure pour un meurtre prémédité. Il a un air apeuré et triste quand il répond à leurs questions :
"Je vous ai déjà tout dit, répète-t-il, je vois passer tellement de monde... Je peux juste vous dire qu'elle prenait son pop corn salé, parce que j'en faisais exprès pour elle le mardi. A part ça...
-Très bien, soupire Clint. Vous n'avez pas le profil, on vous laisse tranquille."
Le guichetier ferme les yeux, et souffle de soulagement en avouant :
"Je suis bien content que tout ça soit terminé. Même avant toute cette histoire, je n'avais plus le même plaisir qu'avant.
-Notre enquête n'est pas terminée, monsieur, rappelle Clint avec une menace sous-jacente dans sa voix, prêt à le soupçonner de nouveau.
-Non non, pardon, bien sûr, je parlais de mon job. Le directeur va fermer le cinéma. Il ne vous l'a pas dit ? s'enquiert-il en réaction aux sourcils froncés de Clint. Au moins pour un temps, précise-t-il. Les affaires marchaient déjà mal, et avec ce meurtre pour un vol de portefeuille... On n'a pratiquement fait aucune entrée, à part quelques psychopathes qui voulaient s'asseoir dans le même siège que la vieille dame assassinée. J'ai failli me faire tabasser un soir, quand je leur ai dit que la salle était fermée."
Au fil de l'exposé du guichetier, une lueur d'avertissement s'allume dans la tête de Clint. Il avait déjà deviné que les finances du cinéma allaient mal, mais pas au point de fermer quelques jours plus tard. Les raisons révélées par le guichetier étaient en soit crédibles, mais il était suspect que le directeur ne leur en ait pas parlé. Le lieutenant jette un regard à Loki, qui fronce les sourcils lui aussi.
"Très bien, merci", fait-il au guichetier avant de s'éloigner.
A quelques mètres d'oreilles indiscrètes, il souffle :
"On remonte à son bureau lui parler de cette fermeture, il y a quelque chose de louche là-dedans."
Le bleu hoche la tête, et ils gravissent de nouveau les escaliers en moquette rouge aux rampes dorées.
Ils trouvent la porte fermée à clef, et ni leurs coups d'épaules ni leurs jurons colorés ne parviennent à l'ouvrir. Ils redescendent dans le hall en courant, et croisent le projectionniste qui rentrait chez lui.
"Le directeur ? lance Loki en ralentissant à peine.
-Il vient de partir, balbutie le témoin. Pourquoi ?
-Connaissez-vous son adresse ?
-Non... murmure-t-il.
-Je les ai toutes sur mon tableau, marmonne Clint en sortant son téléphone."
Après quelques secondes, il le porte à son oreille. Steve décroche à la deuxième sonnerie.
"Oui, Clint ?
-L'adresse du directeur, Philip Grant, sur mon tableau."
Ayant senti l'urgence dans sa voix, Steve ne rajoute rien de plus. Clint sort du cinéma avec Loki à sa suite, tentant d'apercevoir le directeur, mais il s'est envolé depuis longtemps. Il peste silencieusement, mais après un bruit de roulettes de chaise de bureau et quelques pas pressés, il entend dans son téléphone.
"7ème avenue, numéro 237.
-Merci, mon vieux, souffle-t-il. Loki, en selle, 7ème avenue, 237.
-C'est à dix minutes, on y sera dans cinq, affirme le motard en lui tendant le casque."
Clint croit mourir trois fois, mais ils sont devant l'appartement dans le délai annoncé. Il applique la méthode de Tony sur l'interphone, mais son ton est trop nerveux et pressant, et la personne qui avait répondu raccroche sans leur avoir ouvert. Il jure bruyamment, et Loki répond d'un ton plus bas :
"Cela a l'air d'être la seule sortie, soit il est encore là-haut, soit il est reparti. Rien ne presse.
-S'il est reparti, je ne vois pas comment on va le trouver", maugrée-t-il en rappuyant sur tous les boutons, en omettant celui qui est légendé "Grant" d'une écriture fine et penchée.
On finit par leur ouvrir, et ils se précipitent dans les escaliers. Loki attrape au passage un extincteur, et attend tandis que Clint tambourine à la porte de leur suspect.
"Monsieur Grant ! NYPD, brigade criminelle, ouvrez !
-Pousse-toi, annonce Loki en soulevant son extincteur."
La serrure cède à la troisième tentative, et ils pénètrent l'arme au poing dans l'appartement. Ils font prudemment le tour des pièces, mais ils sont seuls parmi les affiches de films.
"Il n'y a pas son manteau, et il y a un emplacement vide de chaussures, affirme Loki en fouillant dans les placards. Il est parti.
-Merde ! jure Clint. Bon, Tony va nous aider."
Il sort son téléphone, et voit les sept appels manqués de son ancien formateur. Merde de merde. Il va en entendre parler, décrocher est la première chose que lui ait exigé Tony quand il était arrivé à la Brigade. Le huitième appel s'affiche sur son écran, et il répond en éloignant sa main de son oreille.
"Clint ! Règle numéro un ! Décroche le putain de téléphone !
-Abrège, Tony !
-J'ai trouvé une photo de leur mariage : c'est le directeur Grant !
-On avait compris ! maugrée Clint en se reprochant d'avoir résolu l'enquête après que leur tueur ait pris la fuite. On est chez lui, il a filé ! Où il est parti, d'après toi ?
-Comment veux-tu que je le sache ? Je suis flic, pas tueur de vieille dame en fuite !"
Clint réfléchit à toute vitesse. S'ils ne l'attrapaient pas, il n'y aurait personne à accuser à la place des Cardenas. S'ils plaidaient coupable comme ils avaient l'intention de le faire, ils allaient être condamnés, et mourir en prison.
"Philip Evans" reviendrait quelques semaines ou mois plus tard chez le notaire, avec aucune raison de ne pas toucher légalement l'héritage.
Pas question.
"Vérifiez la salle de bains et la chambre, commande Tony. Est-ce qu'il manque des produits, la valise, est-ce qu'il y a des cintres nus ?"
Clint montre la salle de bain à Loki avant de se diriger vers la chambre. Il ouvre les placards et examine les vêtements tandis que Loki lui lance depuis l'autre pièce :
"Il manque la brosse à dent.
-Les piles de fringues sont à moitié vides et je ne vois aucune valise, décrit amèrement Clint.
-Il est parti loin et longtemps, conclut Tony.
-Il faut absolument qu'on le rattrape. S'il se fait oublier jusqu'au procès, il pourra revenir comme une fleur et toucher l'héritage d'Evelyn.
-Vous l'avez loupé de peu ?
-Oui, on l'a vu il y a une demi-heure au cinéma, sa valise devait déjà être prête.
-A sa place, je partirais à l'étranger. S'il venait de partir quand vous êtes arrivés, il doit être encore sur le territoire. Il faut qu'on l'intercepte ici, on n'aura jamais assez d'éléments pour l'extrader s'il s'envole pour le Pérou.
-Je te mets en attente, Tony, je mets Darcy sur le coup."
Il décolle précipitamment son téléphone de son oreille, et appelle leur ingénieure scientifique. Cela sonne six fois, et tous les "décroche" du monde que Clint supplie au micro n'y changent rien. A chaque fois que cela lui arrive, il se dit qu'en effet, la règle numéro un se justifie d'elle-même.
Il réessaye, et réessaye encore, mais personne ne lui répond. La quatrième fois est la bonne, et Darcy explose dans le téléphone :
"Quoi, Clint ?! Il est dix-neuf heures, et j'essayais de faire l'amour à ma copine !
-Trouve-moi un billet d'avion au nom de Philip Grant, c'est urgent !"
Darcy semble ravaler sa frustration, et marmonne :
"Quelle compagnie ?
-Aucune idée, toutes.
-Je ne peux pas, Clint, ce n'est pas possible. Je suis flattée, vraiment, mais je ne suis pas une déesse omnisciente.
-Il part ce soir, Darcy ! Si on ne l'attrape pas, c'est foutu, il reviendra quand le procès sera terminé, et il touchera l'héritage sans qu'on n'ait rien à y redire !
-Putain, fais chier. Il part où, à ton avis ?
-Loin et longtemps."
Loki retourne au pas de course dans la chambre, et examine l'armoire. La pile de t-shirts est plus petite que celle des pulls.
"Pays chaud, Clint ! crie-t-il à travers la pièce.
-Dans un pays chaud, répète Clint dans le téléphone.
-Clint, c'est la moitié de la planète que tu me demandes, là ! Tu sais combien d'aéroports et de compagnies ça fait ?
-Essaye, je t'en prie !
-D'accord, j'essaye. Essayez de me trouver plus d'indices, est-ce qu'il a fait des vaccins, est-ce qu'il avait besoin d'un visa ?"
Clint et Loki se dirigent vers le bureau, et retournent les tiroirs. Ils trouvent tous les papiers du cinéma, les quittances de loyer, les rappels et les devis.
"Fouille ses papiers, Loki. Attends Darcy, je demande à Tony."
Il rappuie sur son téléphone, et lance à son ancien formateur :
"Si tu étais un tueur directeur de cinéma, tu irais te cacher où ?
-Dans une galaxie lointaine, très lointaine, répond Tony d'un ton badin et un peu agacé.
-Son film préféré, réalise Clint dans un murmure. Loki ! Trouve-moi son film préféré."
Loki revient et lève avec lui les yeux vers les murs. Il y a beaucoup trop de films : Le Parrain, Laurence d'Arabie, Tigre et Dragon... Ils sont toujours à la moitié de la planète.
"La chambre, lance Tony, c'est là où tu mets le plus intime."
Ils y retournent, et contemplent le poster des Dix Commandements.
"Les Dix Commandements, Tony ? Ça se passe où ?
-Clint, sérieusement ! En Egypte, bien sûr.
-Merci mon vieux, marmonne Clint en rappuyant sur son second appel. Darcy, regarde pour l'Egypte !
-Reçu, je checke les compagnies."
Ils restent plantés un long moment au milieu de la chambre de leur tueur, attendant la réponse avec une tension nerveuse. Enfin, la voix de leur ingénieure sonne comme de la musique à leurs oreilles :
"J'ai un vol pour le Caire à JFK dont l'embarquement ouvre dans trente minutes, avec un Philip Grant comme passager.
-Tu sais que je t'aime ? Merci, embrasse Jessica.
-Compte sur moi, cockblock.
-Tony, fait-il après avoir raccroché avec Darcy, il a pris un vol pour l'Egypte dans une heure à JFK, on fonce.
-Ok, je vous rejoins là-bas !
-Essaye aussi d'appeler la compagnie ou l'aéroport pour les empêcher de décoller. Loki, fait Clint en raccrochant, tu as l'autorisation de battre tous les records de vitesse à moto.
-Bien reçu, lance le bleu en courant vers le couloir."
-o-o-o-o-
Clint a bien essayé de téléphoner à l'aéroport pour leur dire de ne pas faire embarquer leur tueur, mais il croit bien mourir six fois sur l'autoroute 678, et ne compte plus les queues de poisson effectuées par Loki. Ils se font même prendre en chasse par des collègues de la municipale. Ils les interpellent toutes sirènes dehors à l'aéroport, et ils sont tous les deux obligés de leur crier dessus en montrant leur badge. Quelle bande de bras cassés, la police, maugrée Loki en silence.
Ils entrent dans le hall de JFK en courant, levant la tête vers les vols.
"Egypt Air, finit par trouver Clint, Le Caire, Terminal B, embarquement à 19h50 porte 43.
-Merde, marmonne Loki, c'est dans deux minutes, et on est au terminal A.
-Je déteste les aéroports, jure Clint en se mettant à courir vers un agent de sécurité. Bonsoir, lieutenant Barton, Brigade Criminelle de New York, je dois interpeler un suspect qui doit prendre un avion vers le Caire au Terminal B. Y'a-t-il un raccourci ?
-Je... Vous pouvez prendre le métro souterrain...
-Le temps presse ! Il n'y a pas plus rapide ?"
L'agent les regarde un instant, puis se tourne et se met à courir. Loki et Clint le suivent en sprintant et en attirant tous les regards sur eux. Loki réalise soudain qu'ils manquent cruellement de moyens à la Brigade, dans un film d'action, ils auraient été au moins dix flics à débarquer à l'aéroport, toutes sirènes hurlantes.
Ils prennent un petit escalier derrière une porte interdite au public, et après plusieurs portes coupe-feu, débarquent sur la piste. Leur agent de sécurité, un homme noir d'une cinquantaine d'année, court vers une collègue en gilet de signalisation et échange quelques paroles pressées. La femme trapue les fait rapidement monter dans sa voiture jaune, et leur dit d'attacher leurs ceintures.
Clint se sent un peu surpris et nauséeux quand il réalise que cette femme va encore plus vite que Loki, et qu'ils ne frôlent plus des camions, mais des Boeing 747 dont les roues sont plus grosses que leur véhicule.
"Quelle porte ? finit-elle par dire alors qu'ils manquent de renverser un empilement de grosses valises.
-43, répond Loki en ayant l'air d'avoir lui aussi l'estomac secoué.
-C'est là-bas, ils ont l'air de finir d'embarquer. Je vais vous déposer devant.
-Merci, madame, marmonne Clint d'une voix blanche."
Il se remercie d'avoir couru à travers la ville toute la journée sans manger, sinon il aurait très probablement rendu son hot dog sur le tarmac en descendant.
Ils bondissent de la voiture arme au poing et Clint monte deux à deux le petit escalier en métal derrière le dernier passager. L'hôtesse de l'air égyptienne le regarde monter, essoufflé et armé, avec un petit air de panique.
"Brigade Criminelle de New York, je viens arrêter Philip Grant, vraisemblablement passager de cet avion."
Elle s'efface pour le laisser entrer, et Clint fait quelques pas dans le couloir de l'avion. Il passe la première classe sans voir leur suspect, et tire le rideau de la seconde.
Philip Evans Grant, à l'arrière de l'avion, lève la tête aux petits cris effrayés émis par les passagers, et écarquille les yeux en voyant l'un des policiers qui le traquent depuis des jours. Il pose discrètement son magazine de duty free, et s'excuse auprès de son voisin pour aller voir les soutes. Il se remercie silencieusement d'avoir pris son billet au dernier moment et d'être à la dernière rangée, ce qui lui permet d'atteindre l'escalier à l'arrière de l'appareil. Le clic de la sécurité le stoppe net, et l'officier Odinson lui lance :
"Philip Grant, vous êtes en état d'arrestation pour le meurtre d'Evelyn Evans."
Le directeur du cinéma grimace tandis qu'on le retourne contre le placards pour lui mettre les menottes.
"Bien joué, le bleu, soupire de soulagement Clint. C'était moins une."
La conductrice de l'enfer et l'agent de sécurité les félicitent quand ils descendent de l'appareil, et Loki les remercie pour leur aide. A la demande de Clint, ils les ramènent plus lentement au hall de l'aéroport. Ils y attendent Tony, qui arrive avec leur voiture toutes sirènes hurlantes, et se gare à l'emplacement des taxis.
"Je hais cette putain de ville et ces putains de bouchons. Je ne critiquerai plus jamais ta moto, Loki.
-Les voitures d'aéroport sont encore plus rapides, avoue-t-il modestement."
Clint monte avec leur suspect à l'arrière, derrière la vitre qui les sépare du conducteur. Il le fixe durant tout le trajet, se retenant de démarrer l'entretien avec leur suspect, colère et soulagement se heurtant dans ses artères.
Ils ont réussi.
En salle d'interrogatoire, leur suspect reste les bras sur la table et les yeux rivés sur la surface froide, battu. Il ne répond pas grand-chose à leurs accusations. Sa plus longue phrase vient vers la fin, prononcée dans un soupir fataliste, comme si toute vie s'échappait de lui :
"La Roxy, c'est toute ma vie... Je refusais de voir mourir mon cinéma pour une banale question d'argent. Evelyn en avait tellement...
-Elle aimait beaucoup ce cinéma, souffle Tony. Elle a refusé de vous aider à le sauver ?"
Le tueur relève la tête à la remarque, une étincelle choquée dans ses yeux bleus.
"Vous ne lui avez même pas proposé ? murmure le lieutenant."
Clint quitte la salle avec une expression furieuse et dégoûtée, laissant Tony terminer avec lui, et lui remettre papier et stylo pour les aveux.
Loki le rejoint en sortant son paquet de cigarettes, lui en proposant une d'un geste.
"Merci, refuse poliment Clint, mais je ne veux pas reprendre, pour les gosses.
-Plus pour moi, répond Loki, ce que Clint traduit par "aucun problème". »
Parfois, ces répliques acerbes lui rappellent le caractère bourru de Tony, et le font sourire.
"Beau travail d'équipe, cher collègue, lance-t-il derrière son épaule alors que Loki part vers le balcon.
Clint le voit se retourner du coin de l'œil avec un discret sourire aux lèvres.
"En effet, cher collègue."
Clint sourit à son tour, et attend que Tony sorte.
Son ancien formateur arrive quelques minutes plus tard, un étrange mélange de satisfaction et de gâchis sur le visage.
"On l'a eu, affirme Clint.
-On l'a eu, confirme Tony. Evelyn est vengée.
-Tu lui as demandé comment il a déposé l'arme du crime chez les Cardenas ?
-Oui. Evelyn gardait une clef dans son sac, pour pouvoir déposer secrètement de l'argent en plus chez Nadia. Et apparemment, Nadia le lui remettait dans le micro-ondes. C'était un jeu, entre elles. Il a pris la clef en même temps que ses papiers, puis il est allé déposer le couteau chez eux dès qu'ils ont été en garde-à-vue. Il avait planifié tout ça depuis des mois, cherchant une vieille dame riche et âgée parmi ses clientes. C'est sans doute pour ça qu'il n'a même pas demandé à Evelyn d'investir dans son cinéma. Ca dérogeait du scénario.
-Le pire est qu'elle aurait dit oui. Comment avait-elle fait fortune, au fait ? On le sait, ça ?
-Elle le lui avait dit. Quel est le point commun entre Titanic, Forrest Gump et Mission Impossible ?
-Je ne suis pas d'humeur, Tony."
Sous le regard insistant de son collègue, il soupire :
"Ce sont des classiques du cinéma ?
-Ce sont des cartons phénoménaux, qui ont tous été produit par Paramount, qui a lui-même fait un bon énorme en bourse dans les années 80. Ce faisant, il a rapporté énormément d'argent à ses investisseurs de la première heure. Des grosses entreprises, des boursiers, et pour une petite minorité, des passionnés du cinéma.
-Comme notre Evelyn Evans, qui a gagné des millions sans le dire à personne.
-Sauf à une mauvaise personne, qui n'a même pas pris la peine de lui dire qu'il avait besoin d'argent.
-Peut-être qu'elle n'aurait pas voulu se marier s'il lui avait dit qu'il avait une idée derrière la tête en la séduisant. Peut-être qu'il avait trop honte pour lui dire que son cinéma coulait.
- Je pense qu'il était tombé amoureux d'elle, et qu'en la poignardant encore et encore, c'est lui qu'il cherchait à faire souffrir, pour se punir de ce qu'il lui faisait.
-Veuillez accueillir chaleureusement Tony, notre enquêteur criminel philosophe de comptoir... raille Clint dans une petite courbette.
-Allez, allez, moque-toi, tu feras pareil plus tard, tu verras."
Clint n'a pas le cœur de lui rappeler qu'il compte changer de département, et ne répond rien. Tony s'attarde un instant sur son silence, et semble prêt à dire quelque chose, mais Loki revient de sa pause clope et s'approche d'eux.
"C'est fini, alors, murmure-t-il après un temps. On va libérer les Cardenas, et leur dire de partir se planquer à San Francisco.
-Je n'en reviens pas qu'il ait embauché Nadia exprès, se soit renseigné sur sa mère, ait déposé le couteau... C'était bien un meurtre de passionné de cinéma, complètement tiré par les cheveux.
-Evelyn aurait adoré qu'on en fasse un film, commente Clint.
-Je veux bien te croire, approuve Tony dans un sourire. Ça aurait été... fait-il en levant la tête pour réfléchir, une "comédie dramatique policière et romantique."
-Ca sonne bien, accorde Loki.
-Vous avez réussi, les garçons ? S'enquiert Natasha en arrivant dans le bureau.
-Yep ! Répond Tony avec fierté. Coupable sous les verrous et dans les temps.
-Bien joué. Dites-le à Steve, il avait du mal à partir sans avoir le fin mot de l'histoire, mais vous ne répondiez pas au téléphone. Ta règle, Tony.
Ce dernier sort son téléphone et a une légère grimace en voyant les appels manqués. Il le porte à son oreille, et attend que son collègue décroche pour lui raconter la course-poursuite à l'aéroport. Loki lance qu'il va remplir la paperasse pour libérer les Cardenas, laissant Clint et Natasha seuls au milieu des bureaux.
"Laura a essayé d'appeler, glisse-t-elle doucement. L'école n'a pas réussi à t'avoir, alors elle est allée chercher les jumeaux.
-Merde, marmonne Clint en regardant sa montre."
Bien sûr, il est vingt-et-une heure trente. Il les a encore abandonnés.
"Merci Natasha, souffle-t-il doucement. Je vais la rappeler."
Elle pose une main affectueuse sur son épaule, et part prendre son manteau. Clint appelle sa messagerie, et écoute son nouveau message.
"Je ne vais pas encore t'engueuler pour ne pas m'avoir prévenue que tu ne pouvais pas récupérer les enfants ce soir. A la place, je vais te demander si tu voulais passer pour leur anniversaire, mardi prochain. Ils sont chez moi normalement, mais ils seraient contents que tu sois là. Seulement, il faut que tu sois sûr d'être là, pour qu'ils ne soient pas déçus. Bonsoir, Clint."
Le "encore" était perceptible derrière le "déçus", et cela lui faisait encore bizarre d'entendre son prénom dans sa bouche, à la place du "chéri" qu'elle avait utilisé des années durant.
Il a un long soupir, et soupèse son téléphone en réfléchissant à sa réponse.
Il n'hésite pas longtemps, parce qu'il ne peut pas garantir qu'il sera chez Laura mardi prochain à dix-neuf heures pile. Son boulot est comme ça, si un taré décidé de trucider sa famille, ils auront besoin d'être tous sur le pont. Ils sont en sous-effectif de manière ridicule dans cette brigade, et malgré ça, lui veut en partir.
Clint rappelle Laura et lève les yeux vers le plafond en écoutant les tonalités. Alors qu'elles résonnent, il songe à la mort, à la vie, à la famille, à l'amour.
Il songe qu'à force de dédier ses journées et ses nuits à la première, il est en train de passer à côté des trois autres.
Laura ne décroche pas, et il baisse son téléphone. À cette heure-ci, ses enfants dorment déjà, ça ne sert à rien d'aller chez Laura pour les voir, et il sera sans doute mal accueilli. Il s'assoit à son bureau, et commence à rédiger le rapport d'enquête en broyant du noir, attendant que leur assassin ait terminé d'écrire ses aveux.
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-
...Un jour, c'est toi qui pleureras
Non, pour te plaindre, il n'y aura
Personne d'autre que toi,
Personne d'autre que toi.
Suzane – « Laisse tomber les filles »
