Un mois plus tard

Juliet

— Surpriiiise !

Mes lèvres se fendant en un sourire éclatant tandis que Adrian cligne des yeux et n'en revient à peine. Debout derrière lui, mes mains déballent le tissu qui couvrait ses yeux. Je passe devant et le tire par la main pour lui faire découvrir les lieux.

Nous sommes le 12 juin 1981 et pour l'occasion, je tiens à lui offrir une soirée spéciale pour ses vingt quatre ans. J'éclate de rire alors que son visage ébloui détaille la pièce.

— Mais… Comment t'as fait ? demande-t-il en écarquillant les yeux.

— Et bien, j'ai toujours eu les clés, exposé-je en montrant justement mon passe-partout. Je retape de temps en temps les lieux quand je peux et quand j'ai le temps surtout. Et aujourd'hui en l'occurrence, je voulais un endroit un peu spécial. Aussi bien pour toi que pour moi. Et puis surtout, un endroit où on peut se retrouver tous les deux tout seuls.

J'attrape sa main et le guide dans l'ancienne boutique de mon père. Les vieux meubles ont été débarrassés, le plancher, les murs et les plafonds nettoyés. Il n'y a plus grand chose à l'intérieur si ce n'est l'essentiel, à savoir le comptoir, des étagères vides et le vieux fauteuil dans lequel mon père adorait se poser pour lire un bouquin sur les plantes.

Malheureusement, je ne peux pas habiter dans mon ancienne demeure car Dumbledore est contre l'idée que je m'éloigne de l'Ordre et vive ma petite vie ailleurs mais aussi et surtout parce que cette adresse est connue des Mangemorts et est bien trop visible. A cheval entre le Chemin de Traverse et l'Allée des Embrumes, je risquerais de trop attirer les foules.

C'est d'ailleurs pour cette raison que nous ne restons pas longtemps dans l'échoppe. J'éteins précautionneusement toutes les lumières derrière moi, attire Adrian dans les escaliers en colimaçon et nous montons directement dans les appartements que j'occupais au-dessus de la boutique lorsque j'étais enfant.

Au premier étage, nous débouchons sur le séjour, la cuisine et la salle à manger. Ils forment une seule et même pièce communicante. Au centre, une table est dressée et des plats fumants nous attendent. Des bougies flottent au-dessus, prodiguant une ambiance tamisée et romantique. Le regard d'Adrian s'arrondis de surprise et un éclat fou, brille dans ses pupilles. Certes, le lieu n'est pas très richement décoré, mais il a le mérite d'être chaleureux et c'est tout ce dont nous avons besoin pour ce soir. Surtout que nous ne pouvons pas vraiment nous retrouver tous les deux à ma coloc vu que Sirius ne voit pas encore d'un bon œil la présence de mon petit ami et puis aussi et surtout parce que nous n'avons pas véritablement de chez nous.

— C'est toi qui a fait tout ça bébé ? souffle Adrian, admiratif.

Des lampions brillent tout autour de nous et nous éclairent de leur faible lueur jaune tandis qu'un vieu magnétophone diffuse une douce musique d'ambiance sur des notes de jazz. Dans l'obscurité, je peux discerner ses grands yeux ébahis et son sourire stoïque.

— Hum oui. Je voulais qu'on soit tranquille pour ce soir, expliqué-je en piquant un fard.

Adrian lève un sourcil et m'adresse un clin d'œil taquin.

— Hum… Je sens que tu m'as prévu des trucs de fous, ricane-t-il en se passant une main dans ses cheveux.

Il s'avance dans la pièce et la détaille avec avidité.

— Je me doute qu'à ton époque, cet endroit ne doit pas ressembler à ça mais…

— Non à vrai dire, ce n'est pas tant différent, coupe-t-il. Au lieu de la table à manger, j'ai deux grands canapés en cuir noir au centre de la pièce. Je mange souvent dehors et je ne sais pas du tout cuisiner alors autant te dire que je n'avais pas du tout l'utilité d'une table.

Je m'esclaffe et le questionne du regard.

— Donc tu n'avais même pas de table ? Même pas un bureau ?

— Pour faire quoi ? demande-t-il en haussant les épaules. Non, juste deux grands canapés ici, désigne-t-il en se plantant au milieu du salon. Qui se font face. Et puis… J'ai mis un plan de travail suspendu devant la cuisine pour avoir un bar.

Ses yeux gris se déposent justement sur la cuisine ouverte puis ses pas curieux le guident tout naturellement dans la pièce attenante : la chambre de mon père. Cette dernière n'est pas débarrassée. Je n'avais pas eu la foi de jeter toutes ses affaires. Ainsi un grand lit nous fait face avec des draps gris perle nacré. Une armoire remplie de ses vêtements certainement rongés par les mites maintenant, fait face au bureau fait du même bois brun. Là aussi divers croquis reposent dans tous les sens mais je n'ai jamais trouvé le courage de m'en débarrasser. Mon père adorait peindre et dessiner les différentes formes de plantes magiques et avait toujours mille et un schéma qui trainait. Sur la gauche, la porte qui donne vers la salle de bain nous fait face.

— Ah par contre ici, c'est différent, m'apprend Adrian.

— Vraiment ?

— Ouais. C'est ma chambre ici. Et mon lit est face à la fenêtre. C'est plus sympa pour fumer quand t'es dans le lit. La tienne est où ?

— A l'étage.

— Ah, moi j'ai condamné l'étage. Enfin disons que je l'ai aménagé et mis un locataire dedans. J'avais pas besoin de tant d'espace et puis surtout, ça me faisait un revenu supplémentaire sans avoir à bouger le petit doigt.

— Pas bête, souris-je.

— Tu me montres ? demande-t-il, curieux.

— Quoi ? Ma chambre ? répété-je, surprise.

— Ouais.

Adrian étire un sourire impatient et attrape ma main. Ses doigts se nouent aux miens et il m'entraîne à sa suite comme s'il connaissait mieux les lieux que moi. En passant devant la table, Adrian lorgne les deux plats préparés avec soin quelques minutes plus tôt.

— Bordel ça sent bon ! T'as fais quoi ?

— Plus tard, pouffé-je en l'entrainant dans les escaliers.

— J'ai la dalle bébé, se plaint-il en s'arrêtant net. J'ai eu une journée de fou en plus !

— Ok alors on remet à plus tard la visite guidée ?

— Mhum… Ouais. En plus je vois un petit paquet cadeau par là-bas et je t'avoue que je suis impatient de le déballer…

— Hé ! T'as pas le droit ! me plaind-je en faisant les gros yeux.

— Et de quel droit je n'ai pas le droit au juste ? se moque-t-il en levant un sourcil. C'est pour moi, non ?

— Possiblement.

— Alors j'ai tous les droits, fanfaronne-t-il.

— Non ! Tu dois attendre que ce soit moi qui te l'offre, rectifié-je alors qu'il s'en va déjà dans la salle à manger pour récupérer le paquet cadeau posé sur la chaise.

Comme un enfant, je le vois le secouer et tendre l'oreille pour tenter de deviner ce qu'i l'intérieur. Je pouffe de rire et viens vers lui pour le lui confisquer.

— Je croyais que t'avais faim ?

— J'ai surtout faim de toi, susurre-t-il en passant une main autour de ma taille.

Je me retrouve plaquée à son torse et ses yeux intenses plongent dans les miens. Un sourire exalté se dessine sur mes lèvres à mesure que nous nous dévorons du regard. Je ricane doucement contre lui puis délicatement, je lui tends le paquet et me dresse sur la pointe des pieds.

— Bon anniversaire, souhaité-je avec douceur.

Adrian m'observe silencieusement quelques instants, un simple sourire dessiné sur ses lèvres. Puis une main se glisse derrière ma nuque et il m'entraîne vers lui.

— T'es la meilleure, souffle-t-il avant d'écraser sa bouche sur la mienne.

Un feu crépitant dans mon bas ventre s'allume aussitôt et me fait ronronner de bonheur. Je clos les paupières et me laisse embarquer dans cette douce folie qui me consume de l'intérieur. La langue chaude et taquine d'Adrian vient se nouer autour de la mienne pour m'emporter dans un baiser tendre et sensuel. Un brasier géant et ardent se met à crépiter en moi et à se diffuser par intervalle régulier des ondes de choc qui me donnent soudainement chaud. Très chaud. Ma respiration s'emballe et je réprime un gémissement qui menace de franchir mes lèvres.

Brusquement, Adrian se décolle de moi et m'envoie un air supérieur. Ce beau parleur prend plaisir à me faire tourner la tête comme si je n'étais qu'une gamine de quinze ans. Aussitôt, mes sourcils se froncent, mécontente que notre baiser soit si vite avorté. Il pouffe de rire et me fait une pichenette sur le nez.

— Mais quel sale caractère de cochonne, commente-t-il en secouant son cadeau. Promis tu auras un cadeau toi aussi.

— Hum ah oui ? Laisse-moi deviner ? Celui de diner en la noble compagnie d'Adrian Potter ? présumé-je.

— Presque ! Mais je suis désolé, je ne peux rien dire. Moi aussi je sais être mystérieux.

— On ne peut presque pas le deviner; ça, pouffé-je en roulant des yeux. Bon aller ! Ouvre-le.

Le brun ne se le fait pas répéter. Comme un enfant, il tire violemment sur l'emballage cadeau pour en découvrir une boîte rectangulaire orange. Ses yeux s'arrondissent de stupeur alors qu'un sourire béat apparaît sur son visage.

— Non ! Me dis pas que…

— J'ai eu du mal à en trouver, avoué-je. J'ai dû faire appel à la famille lointaine de James qui vit aux Etats-Unis car ça n'existe pas encore ici, en Europe…

Je ne finis pas ma phrase car Adrian est trop excité pour déballer la toute première paire originale d'Air Force. Comme un fou, il se déchausse aussitôt, abandonnant ses propres sneakers brulées suite à notre dernière mission dans le hangar pour enfiler les nouvelles.

— Tu sais combien c'est rare ?! hurle-t-il presque, exalté.

J'éclate de rire alors que des étoiles brillent dans ses yeux. Il tire brusquement une chaise de la table à manger, assis dessus et s'enfonce dans sa nouvelle paire. Il se dresse d'un bond et bouge de gauche à droite, teste l'amorti, le regard rivé sur ses pieds. Je crois que j'ai tapé dans le mille. Le voir comme ça me remplit de joie.

— Tu es...

Il ne finit pas sa phrase, réellement touché.

— C'est juste des chaussures Adrian, sourié-je en haussant les épaules.

— Non ! C'est plus que ça, ce sont les premières !

Il se jette sur moi et me soulève dans les airs. Ses bras passent autour de ma taille et sa bouche vient tout naturellement rencontrer la mienne pour un baiser passionné. Je noue mes jambes derrière son dos tandis qu'il passe une mèche de mes cheveux derrière mon oreille. Ses yeux gris s'ancrent dans les miens et je sens qu'une multitude de pensées l'assaillent. Quelle connerie va-t-il encore me sortir ?

— Oui ? l'encouragé-je.

— Je vais devoir te faire l'amour toute la nuit maintenant, pour te remercier.

Je pouffe de rire et regagne le sol, mon corps toujours collé au sien.

— Ce n'est pas dans tes cordes ? provoqué-je.

— Mhum… Me tente pas, grogne-t-il en me dévorant du regard.

Je me mordille la lèvre inférieure, tentée, tandis que je me réchauffe encore de quelques degrés. Je rêve de le déshabiller à cet instant précis.

— Dans tous les cas, je garderai mes chaussures aux pieds !

Nous éclatons de rire en chœur et je lui bouscule l'épaule. Je marche à reculons et l'invite à prendre place à table. De ma baguette, je fais léviter les cloches qui maintiennent notre dîner au chaud. J'enchaine avec une bouteille de vin rouge, un Bordeaux de Saint-Emilion, qui vient servir nos deux verres à pied.

— Linguini de Saint-Jacques avec son infusion de pancetta crémée et crumble de jambon toscan et… Plein d'autres choses, je ne sais plus trop, indiqué-je en mimant une grimace. Des grenades et de l'oignon vert par-ci par-là pour la déco.

— Mais bien sûr, « tu ne sais plus trop », se moque Adrian en roulant des yeux. Une fille aussi pointilleuse que toi, ne sais plus. Prends moi pour un imbécile, Thorn.

Je lui renvoie un sourire entendu. Bon ok. Je sais exactement ce qu'il y a dedans et j'ai possiblement appris la recette par cœur et passer trois heures sur cette foutue infusion de pancetta. Mais tout réciter me paraissait hyper pompeux, d'autant plus qu'on ne me suit pas toujours dans mes délires culinaires. En tout cas, il a compris plus ou moins ce qu'il y a dedans et c'est l'essentiel.

— Y'a quelque chose au moins que tu ne sais pas faire ? demande-t-il, en reniflant au-dessus du plat fumant.

— Ça te plait ?

— Tu surpasses tout bébé, mais genre… Vraiment, souffle-t-il en s'installant en face de moi. Je veux dire… On ne s'était jamais donné autant de mal pour moi avant et… Bref. Merci.

Oh bon sang, on ne va jamais dîner à ce rythme. J'ai bien trop envie de me jeter sur lui. J'ai tout sauf faim. Et puis cet air réjoui que je lis sur son visage dépasse toutes mes espérances. Je voulais lui faire plaisir, ça oui. Mais j'étais loin de m'imaginer qu'il apprécierait à ce point ! C'est tellement… Bon.

Nous passons finalement notre soirée en tête à tête, la première je crois depuis que nous sommes ensembles. C'est nouveau, c'est inédit, c'est tellement agréable. J'aimerais en passer des milliers d'autres à ses côtés. La soirée défile, nous nous régalons, plaisantons, parlons de tout et de rien. Une fois lancé, Adrian est un bavard et j'adore l'écouter parler et rebondir sur ses idées. Complètement coupés du monde, ce cocon d'amour est tout ce qu'il nous faut. J'avais hésité à organiser une soirée surprise avec tout le monde mais… Honnêtement, je crois que personne de l'Ordre n'avait trop la tête à ça. A fêter. Avec les récents événements, l'ambiance entre les membres est assez lourde et compliquée. Gideon s'est d'ailleurs retiré pour ainsi dire. Il est reparti se recueillir dans le Dorset, chez ses parents. Il a besoin de faire un break je crois. C'est pour cela qu'une soirée en tête à tête, c'est mieux. Pour tout le monde.

Après le dîner, nous poursuivons la visite de la maison et j'emmène Adrian au deuxième étage, devant ma chambre d'enfant. Dès que je suis devant, je me fige face à la porte en bois peinte d'une douce couleur violette. C'est moi qui l'avait peinte ainsi un été lorsque j'avais treize ans. Des tournesols jaunes sont également dessinés en un dégradé de couleur et me rappellent le caractère enfantin de cette époque. Une époque où je vivais bel et bien dans l'insouciance.

Depuis que j'ai récupéré les clés de la maison, je me suis rarement attardée dans mon ancienne chambre de fillette. Elle me rappelle de bons souvenirs, c'est certain. Mais aussi elle me fait penser à cette certaine innocence que j'ai perdu il y a bien longtemps et un peu trop précipitamment.

Lorsque ma main se pose sur la poignée, mon cœur se met étrangement à pulser dans ma poitrine. J'ouvre lentement et invite finalement Adrian à venir s'y engouffrer.

La pièce est plongée dans le noir et seuls les rayons de la lune éclairent les divers décors. Le regard curieux d'Adrian se dépose aussitôt sur mes innombrables posters des Bizarr Sisters qui sont placardés au-dessus de mon bureau. Un tableau avec les différentes espèces de papillons trône au-dessus de la commode. Mon lit, à baldaquin et aux draps pourpres me font réaliser combien je me prenais pour une petite princesse à cet âge. La princesse à son père. Épargnée de tout et vivant complètement dans sa bulle. Une Juliet innocente et enfantine. J'avais même une coiffeuse et je me regarde justement dans ce miroir, maintenant tacheté des marques du temps. Il me renvoie le reflet d'une jeune adulte moulée dans une robe noire près du corps. Je vois un regard perçant et farouche mais si on y regarde d'un peu plus près, on peut y lire de la peur. J'ai peur. Énormément…

Pense à autre chose Juliet. Vite !

Je passe mes longs cheveux lissés pour la soirée du côté d'une épaule tandis que je m'approche de ma bibliothèque. J'esquisse un sourire moqueur en redécouvrant les couvertures des romans à l'eau de rose que je lisais telle une vorace à l'âge de quinze ans.

Un courant d'air frais s'infiltre depuis la fenêtre mal isolée et je respire alors une odeur de poussière désagréable. Je fronce les sourcils tandis que Adrian vient s'asseoir sur mon lit et teste les ressorts. Je pouffe alors de rire et roule des yeux.

— Qu'est-ce que tu fais ? me moqué-je.

— Rien, je me mets dans ta peau, ricane-t-il.

— Oh s'il te plait, pouffé-je en détournant le regard, mal à l'aise. Cette Juliet n'existe plus.

— La nouvelle est bien plus excitante, contredit-il aussitôt.

Le grand brun se relève d'un coup et vient se planter devant moi.

— Je te ferai bien découvrir ma chambre d'enfant, dit-il tout bas en passant sa main autour de mon cou, mais temporellement parlant ça risque d'être compliqué.

— Dommage.

Je lui renvoie un doux sourire tandis qu'il vient planter sa bouche contre la mienne pour un tendre baiser. Il me relâche et vient continuer à parcourir ses yeux curieux sur les murs de ma chambre. Finalement, il se pose devant ma coiffeuse et s'empare d'une vieille brosse à cheveux à poils de niffleurs. Il fait semblant de se coiffer avant de se vaporiser du parfum à la rose. J'éclate de rire et lui retire des mains.

— Arrête de toucher à tout, pouffé-je.

— Oh Madame est maniaque, relève-t-il en étirant un sourire.

— Je… Ça n'a rien à voir.

— Et ça ? C'est quoi ? demande-t-il en s'emparant d'un vieux médaillon posé sur le meuble.

Mon regard rencontre une pierre angulaire bleuté. Ça faisait longtemps que je ne l'avais pas vu. Mes doigts fins s'en emparent et je détaille le bijou avec fascination.

— Ça appartenait à ma mère, lui apprends-je. Elle le portait tous les jours d'après mon père.

— Hum… Et visiblement, tu ne le portes pas ?

J'hausse les épaules.

— J'avais complètement oublié qu'il était là pour tout t'avouer. Je pensais l'avoir perdu, soufflé-je en l'étudiant avec nostalgie. Et puis surtout je n'ai jamais réussi à le mettre.

— Je peux ?

J'acquiesce aussitôt et lui tends le pendentif qu'il réceptionne dans sa paume. Je me retourne et lui révèle mon cou nu. Ce dernier s'approche de moi et son parfum boisé me percute aussitôt. Je ne peux empêcher le sourire rassuré qui se dessine sur mes lèvres à mesure qu'il se rapproche de moi. Je l'entends trifouiller l'ouverture puis me passer la chaîne froide autour de mon cou. La pierre lourde se dépose sur mon plexus et je suis parcourus d'un frisson dès l'instant où il parvient à me le fermer.

Je me retourne et lui fait face.

— Oui bon c'est sûr que c'est pas très moderne comme bijou, commente-t-il en fronçant les sourcils. Mais ça met tes seins en valeur, assure-t-il.

Je roule des yeux et esquisse un sourire. Je passe aussitôt ma main dans la sienne et me dresse sur la pointe des pieds pour atteindre sa bouche.

— T'as de la place pour le dessert ? proposé-je.

— Hum hum… Quel genre de dessert ?

J'échange un regard complice avec le brun tandis qu'il s'approche lentement et m'embrasse une nouvelle fois. Je clos les paupières, embarquée dans son sillage magnétique. Je suis pourtant interrompu dès que le pendentif se met à chauffer contre ma peau. Je suis traversée d'une grimace et descends aussitôt les yeux vers mon cou.

La pierre se met soudainement à briller de mille feu et ma peau chauffe de plus en plus. Merde ! C'est quoi ce truc ?! Dans l'incompréhension, je soulève le bijou et dès que j'entre en contact avec, je sursaute.

— Juliet ? Ça va ?!

Je ne réponds pas et dévisage le bijoux qui vient de se fendre en deux. Avec consternation, je vois un filament brillant s'en échapper.

— Qu'est-ce que…

Adrian sort aussitôt sa baguette et pointe le pendentif. Comme aimanté, la lueur bleuté s'accroche à son morceau de bois et aussi long qu'une liane, Adrian l'en extirpe.

— C'est quoi ce truc ? soufflé-je, décontenancée.

— Un souvenir, répond-il aussitôt. Tu as une fiole ?

— Une… Oui, ça devrait se trouver.

J'agite ma propre baguette et fait venir à moi un récipient en verre grâce à un sortilège d'attraction. Adrian le récupère avec dextérité et vient aussitôt glisser le filament brillant à l'intérieur.

— Je ne comprends pas, soufflé-je.

— Je crois que c'est un souvenir de ta mère, elle l'a emprisonné dans le collier, m'apprend-t-il.

— Ok et comment je fais pour le voir ?

— Il te faut une pensive.

— Je n'en ai pas. Je ne sais même pas ce que c'est !

— Hé, ça va. Tout doux, rassure-t-il en posant ses mains sur mes épaules. On va en trouver une. Ok ?

J'hoche furtivement de la tête.

— Tu crois que c'est un souvenir qui m'est adressé ? m'enquis-je.

— J'en sais rien. Mais il n'y a pas trente six façons de le savoir.

Je lève un regard chargé d'incompréhension vers Adrian. Ce dernier semble bien déterminé et sait déjà quoi faire. Visiblement sur plein de sujets, il me surpassera toujours. D'où connaît-il toutes ces choses ?

— Tu as déjà été chez Reg ? demande-t-il.

— Euh… Non. Tu t'en doutes bien, réponds-je alors que j'ai l'impression qu'un violent coup vient de m'être porté au ventre dès qu'il a prononcé le prénom de mon ami.

— Je sais qu'il y a une pensive là-bas. Et c'est techniquement inhabité.

— Comment tu le sais ?

— Dans mon présent, mes grand-parents habitent Square Grimmaurd vu que Harry est le seul héritier légitime des Black. Et pour l'inoccupation, la mère de Reg est décédée il y a la semaine dernière, on l'a vu dans la Gazette, tu t'en souviens ?

J'acquiesce aussitôt me remémorant ce matin où Sirius s'était paralysé devant l'article de journal avant de finalement le rouler en boule, le jeter à l'autre bout de la pièce et enchainer comme si de rien n'était. Cela fait définitivement plusieurs années qu'il a tiré un trait sur sa famille.

— Très bien et donc… Comment tu comptes y aller ?

— Je suis un Black, rappelle le brun. La maison me laissera rentrer, j'en suis certain. Elle est reliée à un sortilège du sang. On aura qu'à aller dans le bureau et lire le souvenir dans la pensive. D'après mon grand-père, il y a toujours eu une pensive dans le bureau. Il n'a jamais réussi à la déplacer comme si elle y était reliée par un sortilège colle perpétuelle.

Tout se bouscule dans ma tête. Je ne comprends plus rien. Pourquoi Harry serait le seul héritier légitime ? Ce n'est pas un Black. Pourquoi ce ne serait pas plutôt la mère d'Adrian, petite-fille de Reg qui habite la maison ? Ce serait plus logique.

— Ok. C'est faisable. Mais… Il faudra que tu m'expliques certaines choses. Et puis ça remet en cause ta soirée d'anniversaire.

— Mais c'est un souvenir de ta mère, tempère Adrian en agitant la fiole. C'est plus important que mon anniversaire.

Nous nous considérons silencieusement quelques instants. J'abdique finalement et il me tend sa main. Dès que ma paume rejoint la sienne, je suis arrachée du sol et nous disparaissons de la rue des Cendres.

Quelques instants après, nous atterrissons dans une sombre ruelle de Londres. Je reconnais les maisons typiques de la ville et je suis envahie d'un profond sentiment de soulagement. J'adore cette ville. Elle m'a toujours porté, elle m'a toujours accompagné, inspiré, fasciné.

Mon regard est finalement attiré par cette vieille bâtisse faite de briques noires. Dès l'instant où Adrian pose sa main sur le portillon, la rue s'agrandit et la maison de mon meilleur ami me fait face. Je ne l'avais jamais imaginé autrement. Sombre, riche et imposante. La digne représentante des Black.

— J'ai du mal à croire que Harry finira par vivre ici avec sa famille, avoué-je avec un certain pincement au cœur.

— Ma grand-mère l'a pas mal retapé, avoue Adrian. Elle a le don pour pulvériser les choses et tout reconstruire en plus beau. C'est une sacrée femme.

— Je n'en doute pas, ricané-je. Quand je vois la descendance qui se tient devant moi.

Le brun me renvoie un clin d'œil complice et s'engage dans l'allée. Baguette tendue, nous pénétrons l'ancienne demeure laissée à l'abandon.

— Pourquoi Harry est le seul héritier légitime ? Cette maison devrait revenir à ta mère, non ?

— Ma mère est orpheline, elle n'a jamais connu ses parents donc elle a toujours ignoré qu'elle était une descendante des Black, explique Adrian. C'est en faisant appel à un défenseur, mon père en l'occurrence, vers la trentaine, qu'elle a découvert son passé. Attention, il y a peut-être des sortilèges de répulsions, prévient le jeune homme en prenant les devants.

J'emmagasine les informations. Et acquiesce.

— C'est comme ça que tes parents se sont rencontrés alors ?

— Ouep. Elle n'avait que le médaillon des Black comme piste. Et tout le monde ignorait que Reg avait eu une aventure aussi jeune. Avec une allemande en plus.

— Ce n'était pas une aventure, contredis-je. Ils s'aimaient.

Je me rappelle effectivement sur les derniers mois de ma scolarité, les moments où Reg se confiait sur sa situation de jeune père en devenir mais aussi et surtout, sur ses sentiments. Olivia le fascinait. Par correspondance, ils avaient développés de sincères sentiments l'un envers l'autre. C'est tellement triste que la vie les ai séparés ainsi.

— Et si Harry a hérité de la maison c'est parce qu'il est le filleul de Sirius, n'est-ce pas ? raisonné-je.

— Exact !

— Sirius n'a jamais eu d'enfant alors, compris-je aussitôt.

— Non. Il avait d'autres préoccupations.

— Comme ? Est-ce qu'il trouvera au moins l'amour un jour ? m'enquis-je. Je veux dire… Est-ce que j'ai perturbé certaines choses en… En restant en vie.

Adrian se retourne vers moi et me percute de son regard gris. Il hausse des épaules.

— Je crois pas. Je crois qu'il préférait les relations sérieuses avec ses bécanes à celles avec les femmes. On y va ?

Je cligne des yeux, surprise par cette annonce bien que soulagée. Je n'aurais pas voulu priver Sirius d'une belle histoire. Surtout vu comment je lui ai piétiné le cœur…

Dès que nous apparaissons dans l'entrée, plongée dans le noir, il ne se passe strictement rien. Je ne sens que l'odeur du renfermé, du vieux et de la poussière. Bon sang, c'est tellement glauque. Je suis presque persuadée que la mère de Reg s'est laissée mourir entre ces murs. Des Black, il ne reste plus que Sirius qui a été déshérité comme un malpropre.

— Il y a peut-être encore l'elfe de Reg, percuté-je.

— Peut-être, accorde Adrian en haussant les épaules. Si la maison m'a laissé rentré, il comprendra que je suis aussi un Black et il ne nous fera rien.

— Si tu le dis, soufflé-je, vaguement rassurée.

Mes ongles s'enfoncent dans le bras de mon petit ami, non loin rassurée par cette petite escapade nocturne. Pourquoi ne pourrions-nous pas nous rouler nues sur une peau de bête et faire l'amour devant un feu de cheminé plutôt que d'aller réveiller les morts ? Sérieusement ! Il faut toujours que la situation s'envenime. A croire que c'est plus fort que nous. Les sensations fortes, c'est notre quotidien. On ne s'en délaissera jamais visiblement.

Connaissant par cœur l'architecture de la maison, Adrian monte directement les escaliers en marbres qui débouchent sur le vestibule. Un lumos allumé au bout de sa baguette, il éclaire notre chemin dans ce calme olympien, complètement plongé dans l'obscurité. Agrippée à ses doigts, je ne suis pas prête de le lâcher. Mon palpitant s'accélère à mesure que nous progressons dans les longs couloirs tortueux. Les portraits sifflent et chuchotent sur notre passage, se demandant bien ce qu'on pourrait faire ici.

Au détour d'un angle, Adrian se fige. Je manque de lui rentrer dedans et tends l'oreille. Ce dernier se retourne et m'intime le silence d'un doigt posé sur sa bouche. Il me vise avec sa baguette et je suis soudainement frappée d'une voile transparent qui me fait l'effet d'une douche froide tant il est désagréable. Il opère le mouvement sur lui-même et je constate alors avec effarement qu'il est devenu invisible.

— On va passer devant le tableau de la vieille, prévient sa voix. T'es où ?

Sa main invisible vient fouetter l'air et rencontre ma cuisse, elle aussi, invisible. On ne discerne plus nos corps mais nous reston bien là. Bien matériels. Je tends alors ma main et récupère ses doigts entre les miens. On ne se quitte pas d'une semelle.

Puis aussi calmes et invisibles que l'air, nous traversons la maison et passons devant un immense tableau comme si c'était nous à présent, les fantômes de la maison. Je n'ai guère le temps de m'attarder sur la peinture, qu'Adrian nous fait entrer dans une pièce. Il vérouille délicatement et très lentement la porte derrière lui. Je n'ai que le temps d'apercevoir des yeux gris et une coiffure brune montée d'un chignon. Certainement la mère de Reg…

Infinite !

Nous reprenons aussitôt notre apparence. Le brun ne perd pas une minute et fonce près de la bibliothèque. Il tire sur un livre à la couverture verte émeraude et rigide et une trappe se dévoile alors. Un service à whiskey se déroule, avec boisson et verres qui tintent. Ils entourent une petite bassine sans fond, ornée des décors incrustés en or. Adrian lève un sourcil, légèrement surpris.

— Eh ben ! Il avait du goût le daron, siffle-t-il en s'emparant aussitôt de la carafe d'alcool. Un verre, chaton ?

— Je crois qu'on va en avoir besoin, approuvé-je.

Il me tend aussitôt un verre en cristal que je réceptionne. Il se sert à son tour et fais tourner le liquide, en fin connaisseur. Il tempe délicatement ses lèvres et plisse les yeux en s'enivrant des différents arômes subtils, ce qui m'amuse. Moi tout ce que je sens, c'est que ça m'arrache la gorge. D'ailleurs rien qu'en le reniflant j'ai envie d'éternuer.

— Sigle malt écossais, analyse Adrian en approuvant avant de tout vider cul sec. Pas mal.

— Si Reg savait que tu bois la réserve de son père…

— Il se joindrait à nous ! nasillarde le brun en m'adressant un clin d'œil. Bon, t'es prête ?

J'acquiesce et sort de ma veste la petite fiole en verre. Je la tends à Adrian qui sait exactement comment s'y prendre. Le Maître des souvenirs verse devant moi le long filet argenté qui se dépose délicatement sur la surface aqueuse de la pensive. Il agite sa baguette au dessus et très vite, la lumière bleuté se met à miroiter sur elle-même jusqu'à ce qu'une image nette n'apparaisse. Mon petit ami me fait signe d'approcher et dans un même mouvement, nous plongeons notre tête dedans.

— Grace ! Grace, écoute-moi bon sang !

Mon sang se glace. Je reconnais aussitôt la voix de mon père. Grave, forte et résonnante. Mon palpitant s'accélère aussitôt alors que je découvre les contours où Adrian et moi avons atterri. Nous nous trouvons à nouveau dans la boutique de la rue des Cendres. Mais cette fois-ci, des plantes, des potions et des manuels remplissent les étagères de la boutique. Des végétaux magiques pendent au dessus de nos tête, en lévitation, tandis qu'un chaudron frémissant trône dans l'âtre de la cheminée. Une louche enchantée vient transvaser un liquide presque vert fluo dans des fioles qui s'étiquettent toutes seules, prêtes pour la vente. Je peux y lire dessus "Filtre de bulbopu".

C'est alors que je les vois. Eux. Mes parents.

Je m'accroche au bras d'Adrian tandis qu'ils prennent vie devant mes yeux. Mon père, rajeunit de quelques années, est comme dans mes souvenirs. Grand, robuste, avec des yeux bleu ciel, une grosse barbe parfaitement taillé et entretenue avec des cheveux bruns mi-longs. Un énorme dragon tatoué sur son avant bras gauche se balade sur sa peau tandis qu'une veine d'inquiétude lui barre le visage. Il fixe avec contrariété une jeune femme brune. Ils s'affrontent en chien de faïence, visiblement sur les nerfs.

— Tu n'as rien à me dire ! J'ai pris ma décision, contre-t-elle aussitôt. Je n'y reviendrai pas dessus.

— C'est de famille d'être têtue, chuchote Adrian, l'air de rien.

Je suis trop perturbée pour réagir. Je ne réponds pas ni ne sourit. Je lâche son bras et m'avance encore plus près de la scène. Je ne l'avais jamais vu. Jamais. En photo bien sûr mais là… C'est différent. J'ai littéralement l'impression d'être là, réellement devant elle. Devant eux. Je peine à déglutir tandis que ma poitrine se serre. Je renifle bruyamment, perturbée par cette vision enchanteresse, presque inespérée.

Ma mère est plus petite que moi mais nos cheveux sont de la même nuance. Ses yeux en revanche, sont noisettes et ses tâches de rousseurs sont bien plus marquées. Les miennes sont à peine visibles. Pour ce qui est de ses traits, j'ai l'impression de faire face à ma jumelle. C'est foudroyant. Elle est jeune. Mon père aussi. Ils doivent avoir à peu près mon âge. Une vingtaine d'années, pas plus.

Ils sont tellement beaux. Même s'ils se dévisagent d'un air meurtrier et que je sens la dispute poindre, je ne peux m'empêcher de les trouver parfaits. Comme une débile, je souris.

— Je n'ai rien à dire ?! répète mon père, en papillonnant des yeux, en tombant des nues. Alors je dois faire quoi ? Me taire, te laisser faire et te regarder mourir ?! C'est ça que tu veux ?

— J'ai dit non, grogne-t-elle. Je garde cette enfant.

Ma mère fait volte face et plante mon mère sur place. Ce dernier pousse un cri de frustration et roule des yeux avant de lui courir après.

— T'as pas le droit de me faire ça, Grace ! prévient-t-il en la pointant du doigt. Pas en connaissance de cause ! On était d'accord tous les deux. On était d'accord pour que ce soit un garçon ou rien !

— Oui mais la nature en a décidé autrement et maintenant c'est trop tard, rugit ma mère. On la garde.

— Mais elle va te tuer !

La jeune femme considère silencieusement son mari quelques instants, gagnée par l'émotion, ses yeux s'humidifient légèrement. Sa lèvre inférieure tressaille alors qu'elle ancre son regard désolé dans celui de mon père.

— C'est le prix à payer Chad, souffle-t-elle. C'est comme ça que ça se passe. Le pouvoir de la vie…

Elle lève une main et une poussière d'étoiles émane de sa paume. Aussitôt se matérialise une rose rouge qui grandit et qui s'accroît en intensité. Ses épines sont fortes et pointus, son rouge est éclatant.

— Et le pouvoir de la mort, complète-t-elle.

La fleur se met aussitôt à dépérir sous nos yeux. Ses pétales se putréfient, virent au noir et la rose se replie sur elle-même pour disparaître en cendre.

— Je ne peux pas renoncer à mon héritage, explique-t-elle. Je mourrai, comme ma mère, comme ma grand-mère et sa mère avant la sienne pour pouvoir lui transmettre. Mourir en donnant la vie, afin de transmettre les pouvoirs de vie et de mort. Il n'y a pas plus noble comme fin.

— Le monde se portera très bien sans ces pouvoirs, souffle mon père, déboussolé. On en a pas besoin.

— Je sais mais… Elle est là, murmure ma mère en caressant son ventre. Je la sens. Toi aussi tu la sens…

Elle s'empare de la paume de mon père et la dépose sur elle. Ils restent un instant, plantés l'un devant l'autre, plongés dans le regard de l'autre jusqu'à ce qu'il sursaute, surpris.

— Tu vois, souffle-t-elle.

— Je… Grace, non.

— Si. Tu en prendras soin, j'en suis certaine. Ce sera ta fille, la prunelle de tes yeux. Tu la protégera de tous et de tout, envers et contre tout.

— Pas sans toi.

— Tu n'as pas le choix.

— T'as pas le droit de m'imposer un truc comme ça, j'ai l'impression d'être complice de ta mort.

— Tu l'es en un sens, mon chéri, souffle-t-elle en réduisant la distance entre eux deux.

Ses mains viennent encadrer délicatement son visage. A quelques centimètres de sa bouche, elle lui adresse un regard plein d'amour et de tendresse.

— Tu le savais que, moi, l'unique descendante de Morgane, n'étais pas une fille comme les autres. N'est-ce pas ?

Chad l'observe silencieusement avant de soupirer.

— Ça c'est certain, chuchote-t-il. T'es pas comme les autres.

Leurs bouches se rejoignent puis tout part en fumée.

Mon cœur s'embrase et aussi brusquement que soudainement plongée dans ce souvenir, je reviens dans le bureau de la maison des Black. Affolée, je relève la tête vers Adrian qui déglutit avec difficulté.

QUOI ?! Descendante de Morgane ? Dites-moi que je rêve

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Assis au bureau de Papa Blackouille, je termine d'une traite mon énième verre de Whiskey. Juliet enfonce sa tête entre ses mains, ses coudes reposant sur le meuble. Nous sommes plongés dans l'obscurité et dans le silence, en train de nous remettre de cette annonce plus ou moins surprenante.

"Tu le savais que, moi, l'unique descendante de Morgane, n'étais pas une fille comme les autres. N'est-ce pas ?"

Ouep. Elle déconnait pas la daronne. Pour être unique, ça elle l'est. Enfin maintenant c'est Juliet qui l'est. Car si j'ai bien tout suivi, c'est en lui donnant naissance qu'elle a pu lui transmettre ses pouvoirs. Mais le prix à payer pour un tel pouvoir est fatidiquement… La mort.

Tu m'étonne que Papa Juliet préférait avoir un mec.

— Du coup, me risqué-je.

— Du coup rien, coupe Juliet. Je… C'est étonnant.

— Ouais. Un peu, concédé-je. Au moins on sait vraiment ce que sont tes pouvoirs.

— Qu'étaient, corrige aussitôt la brune.

Oui. C'est vrai.

— Vois-y quelque chose de positif : plus de pouvoir, plus de malédiction, suggéré-je.

— Tu crois ? Et puis d'abord c'est quoi cette malédiction ?

J'hausse les épaules. J'en sais foutrement rien. C'est compliqué tout ça et je ne suis pas très bien calé en malédiction. Je me redresse sur mon siège et ancre mes yeux dans ceux de ma petite amie.

— Ça va changer quelque chose à ta vie ?

Juliet fronce les sourcils et revient vers moi. Elle hausse des épaules et soupire bruyamment.

— Euh… Non. Enfin je veux dire… Ça me permet de mieux comprendre certaines choses, c'est certain. Mais de là à changer ma vie. Non. Je n'ai jamais connu ma mère, c'est un fait. Mon père est mort pour me protéger car Voldemort en avait après mes pouvoirs que ma mère m'a légué en mourant, c'est aussi un fait. Il s'en est emparé et m'a dépossédé, s'en est encore un autre. Maintenant je n'ai ni parents ni pouvoir. Et ce depuis trois ans. Donc non, ça ne changera rien à ma vie, c'est certain.

— Tu pourras juste te la péter en soirée et glisser l'air de rien au détour d'une conversation : "Oh au fait, je t'ai dit que j'étais la descendante de Morgane ? Non ? Et bah j'te le dit. C'est cadeau !".

Juliet esquisse un sourire moqueur avant de dévier le regard vers son verre de Whiskey. Elle s'en empare et le sirote silencieusement, les yeux perdu dans le vague.

— J'ai envie d'y retourner, avoue-t-elle soudainement.

— Pour… Quoi ? demandé-je, hésitant.

— Pour les revoir. Tu as vu comme ils étaient beaux ? souffle-t-elle.

Je lui adresse un air compatissant.

— Oui… Tu crois qu'ils m'auraient aimé ? demandé-je, curieux. Enfin je veux dire… Nous deux ?

La brunette se lève et vient se planter devant mon siège. Elle se courbe, m'encadrant de ses bras. Elle approche son visage du mien et ses lèvres viennent frôler les miennes.

— Mon père t'aurait fait galérer comme jamais, souffle-t-elle à mon oreille.

Je me retiens pour ne pas éclater de rire et relève mon air étonné vers elle.

— Sérieux ?!

— Au début, oui. C'était un papa poule, ricane-t-elle. Après que tu aurais fait tes preuves, non. Vous vous seriez bien entendu même. Et toi ?

— Quoi moi ?

— Tu crois que tes parents m'auraient aimé ?

Je lève les yeux vers la brunette et l'observe quelques instants, m'imaginant une seconde que je la présente à mes parents. Je n'ai jamais introduit qui que ce soit à ma famille. Jamais. Je devine aisément mon père faire des blagues pourris tandis que ma mère serait silencieuse et analyserait Juliet dans ses moindre détails, tel un aigle scrutant sa proie.

— Je crois que… Je ne supporterais pas qu'on te critique, alors je ne te présenterais à personne. Pour éviter les déceptions.

Juliet s'esclaffe, étonnée.

— T'es sérieux ? Mais pourquoi on ne m'aimerait pas ?!

— Parce que j'ai fais des trucs de fou pour toi, suggéré-je. Ma présence ici, c'est remettre un peu en cause l'histoire et ma propre existence si jamais je me foire. Alors honnêtement, je pense qu'ils seraient hyper méfiants vis à vis de toi. Ils s'imagineraient que tu es… Je sais pas, une manipulatrice.

— Une manipu… Non Adrian, sérieusement. Tu me fais marcher ?!

— Quand on est pas personnellement touché par les sentiments, on a tendance à croire que la personne devient folle et fait des trucs incensés par amour. Ce qui est vrai en un sens… Du coup oui, je pense pas qu'ils te verraient d'un très bon œil. Tu es celle qui a retourné le cerveau de leur fils… Au début en tout cas. Tu vois ?

Juliet fronce les sourcils tandis qu'elle me dévisage silencieusement, avec impassibilité. Elle est vexée, je le vois. Mais en même temps elle me demande d'être sincère avec elle alors je ne vais pas lui mentir !

— Haley t'adore, rassuré-je aussitôt. C'est grâce à elle que je suis ici d'ailleurs. C'est elle qui m'a donné le deuxième retourneur de temps.

— Oui mais… Tes parents ? Ton frère ?

— Je… Juliet, oublie ce que je viens de dire, ok ? tenté-je de rattraper. Te prends pas la tête avec ça, ça n'arrivera jamais de toute façon, tempéré-je.

La jeune fille me fixe attentivement, les lèvres closes. Elle croise ses bras sous la poitrine et semble cogiter à vive allure.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Rien… Je me disais juste que, ils doivent te manquer. Tous.

Sa phrase a l'effet d'un coup de massue. Depuis que je suis revenu à cette époque, je n'ai pas une seule fois envoyé une lettre à mes proches. Je me suis dit que ce serait plus simple, aussi bien pour eux que pour moi de couper les ponts, tout simplement. Même si Dumbledore me donne jusqu'à Octobre, lui comme moi savons très bien que je ne respecterait pas ce marché. Tant que Juliet vit, je serai ici. C'est tout. C'est non négociable. Si ça doit durer un mois, alors qu'il en soit ainsi. Si ça doit durer quatre-vingt ans parce que ma venue aura prolongé sa durée de vie, idem.

Tous mes proches savent que je suis parti. Haley s'en est chargé de leur dire. Ils savent donc que je ne reviendrai sans doute pas. Ou pas avant très longtemps.

Bref.

Mon choix est fait et je n'y reviendrai pas.

— On y retourne ? proposé-je alors, souhaitant changer de sujet.

Juliet, quelque peu déboussolée, acquiesce silencieusement. Elle recule de deux pas et je me lève, prêt à retourner dans la pensive avec elle mais nous sommes interrompus par un bruit qui surgit depuis le rez-de-chaussée.

Nous nous figeons sur place, le cœur tambourinant soudainement dans notre poitrine. Bordel je crois que Kreattur a cramé notre présence. Si c'est le cas, on ferait mieux de repartir d'ici le plus vite possible. Juliet et moi nous emparons de notre baguette et ressortons prudemment dans le couloir. Je m'apprête à nous rendre à nouveau invisible lorsque je constate avec effarement qu'un rideau noir est placé devant le portrait de la mère de Reg.

Merde. C'est quoi ce délire ? Pourquoi c'est là ça ? Et qui l'a mis là ? Certainement pas l'elfe qui chérit sa maîtresse comme un damné… Je prends les devants et avance progressivement, un lumos allumé au bout de ma baguette. Juliet, juste derrière moi, couvre mes arrières.

Hominum Revelio, soufflé-je doucement.

Mon sort se propage en douce nuance dorée et vient lécher les murs de la résidence pour ensuite revenir vers moi tel un boomerang. Sa réponse est alors formelle. Nous ne sommes pas seuls.

— Il y a deux personnes, murmuré-je à Juliet.

— Qui ?! Des Mangemorts ?

— Les sœurs Black qui viennent récupérer leurs restes ? suggéré-je.

— On doit se barrer d'ici, indique la brunette, très sérieuse.

— Ouep… Mais on ne peut pas transplaner vers l'extérieur depuis la maison. Elle est soumise à des sortilèges. Donc on va devoir se faufiler très discrètement jusqu'à la porte d'entrée. T'es prête ?

Juliet hoche la tête. Elle et moi nous jetons le sortilège d'invisibilité et nous nous mettons à déambuler dans la maison, arpentant les murs avec discrétion. Je tends l'oreille et me laisse imprégner par les voix qui chuchotent au rez-de-chaussé afin d'identifier les deux personnes. Je n'entends pas tout, juste des bribes de conversations étouffées. Bon sang ! Mon antenne de legilimens est visiblement brouillée. Il faut que je me rapproche.

Une latte du parquet se met à grincer alors que mon pied se pose dessus. Merde ! Je retire aussitôt ma chaussure mais trop tard, je sais qu'on m'a entendu. Fais chier.

Chut ! Il y a quelqu'un !

Sors ta baguette.

Oh bon sang… Je suis en plein délire là ?! Ce n'est pas possible ! Mon palpitant s'accelère à la seconde même où je reconnais ce timbre grave. Je lève aussitôt le sortilège d'invisibilité sous le regard attéré de Juliet.

— Qu'est-ce que tu…

— Viens !

Je l'attrape par la main et dévale à toutes allures le couloir. Nous déboulons sur les escaliers tandis que Juliet tire en arrière, ne comprenant rien à rien.

— Adrian qu'est-ce que tu…

Elle me rentre en plein dedans alors que je viens de me figer en haut des marches. Sa voix se meurt alors que son regard se perd sur la silhouette qui nous menace de sa baguette, depuis le hall d'entrée. Il n'y a qu'une faible bougie en lévitation depuis le salon ouvert qui perce l'obscurité mais c'est suffisant pour voir. Pour reconnaître ses traits.

Je tourne la tête vers Juliet qui est aussi pâle qu'un linge. Elle déglutit avec difficultée tandis que sa respiration se coupe nette. Difficile à y croire… Et pourtant, il est bien là. En chair et en os. Vêtu d'un elégant pantalon de costume noir souligné d'une ceinture avec une boucle métalique, de chaussures de ville en cuir brossé de la même couleur, et d'une simple chemise blanche éclatante, il nous fixe également, comme un dettéré.

Le terme est carrément exact.

Sa Marque des Ténèbre décorée de bagues en argent nous saluent, depuis son avant-bras gauche pointé vers nous. Moi, c'est mon bras encore blessé qui reste tendu. Aucun de nous deux ne baisse la garde, trop chamboulé par notre rencontre.

Ce n'est plus un gamin de seize ans. Très clairement. Une barbe rasée de près orne sa mâchoire maintenant bien plus carrée, bien plus virile. Il a pris quelques centimètres aussi et à gagner en carrure. Ses cheveux noirs sont tirés en arrière, parfaitement organisés. Des tatouages viennent habiller son cou, en dépassant du col de sa chemise tandis que ses yeux gris, intenses, nous fixent.

Juliet lâche ma main et descend une marche, tombant des nues.

— Tu m'avais dit quoi la dernière fois déjà ? demandé-je en brisant le silence en faisant mine de réfléchir.

— "Je suis difficile à tuer", répond Regulus en détendant aussitôt sa prise sur sa baguette et étirant un sourire en coin supérieur.

Je m'esclaffe de rire alors que Juliet réprime un cri de joie. Elle dévale les escaliers à toute allure et saute directement dans les bras du brun qui la réceptionne contre lui. Ils tournoient sur eux-même, emportés par leur poid avant que la brunette ne regagne le sol. Elle se décolle de lui, garde ses mains posées sur ses épaules et l'observe d'un air subjugué.

— Qu'est-ce que tu fais ici ?! hurle-t-elle, les yeux mouillés d'émotion.

— Il est venu descendre la réserve de son daron, ricanné-je en les rejoignant.

Je traverse le hall et vient à la rencontre du jeune homme qui me fait face. Il me tend aussitôt sa main que je claque contre la mienne avant de l'attirer vers moi et lui attribuer une chaleureuse accolade.

Bordel je le crois pas ! Tout le monde le croit mort ! C'est quoi ce délire encore ?! C'est vraiment la soirée des morts aujourd'hui et non pas mon anniversaire !

— Il va vraiment falloir que tu nous expliques des choses, indiqué-je, moi-même sous le choc.

— Je le crois pas Reg ! jubile Juliet. Je… Comment ?!

— La réponse, on la connaît tous ici, c'est Adrian, réponds-je avec un sourire en me désignant moi-même.

— Adrian ? intervient soudainement une voix derrière nous. Je n'en suis pas si sûre…

Nous faisons volte face avant que mes yeux se posent sur une silhouette négligemment posée à l'encadrement du salon. Un fin sourire en coin orne son visage angélique, encadré d'une très longue chevelure noire. Moulée d'une jupe fuseau près du corps, d'un chemisier bordeaux en soie et juchée sur de vertigineux escarpins, une sublime créature nous fait face. Je cligne des yeux, allant de surprise en surprise.

— C'est donc lui, reprend la femme en s'avançant vers nous.

Ses yeux sombres se déposent sur moi alors qu'un sourire arrogant et fier me revient dans la tronche comme un boomerang. Elle me scrute sous mes moindres détails et j'ai l'impression d'être incapable de lui cacher la moindre chose… Tout comme lorsque je me retrouve devant ma mère.

— Olivia, se présente-t-elle d'une voix doucereuse. Olivia Black.

Hein ?! Mes yeux se déposent sur sa main gauche qu'elle me tend et que je réceptionne dans la mienne comme un con, par réflexe. Je distingue effectivement un énorme diamant entourer son annulaire. Bordel il nous en a caché des choses le Reg !

— Ton arrière-grand-mère, explicite-t-elle alors que je me passe de réaction depuis cinq bonnes secondes.

— Tu lui as dit ?! me retourné-je enfin, presque scandalisé.

Je ne sais plus qui fixer. Juliet ? Reg ? Olivia ?

— Dès que tu es parti de Poudlard, j'ai effectivement dit la vérité à ton sujet à Reg, confirme Juliet, accrochée au bras de son meilleur ami.

— Et il me l'a dit, complète Olivia. Alors ? Surpris je suppose ?

— Putain oui ! On l'est tous non ?

— C'est sur… Je ne m'attendais pas à te voir ici, concède Reg en haussant les sourcils. Depuis quand es-tu là ?

— Euh un bon mois, leur appris-je en me passant une main dans les cheveux.

— Tu es venu chercher Juliet ? présume aussitôt l'ancien Serpentard en étirant un sourire.

Retrouver est plus exact, corrigé-je. Mais ouais.

— Peut-être qu'on devrait s'assoir, suggère Olivia de sa voix enchanteresse.

Nous acquiesçons aussitôt, tous hypnotisés, Juliet y compris. Olivia passe devant nous et nous ouvre le chemin sur le salon de sa démarche chaloupée. Ses longs cheveux d'ébène retombent en une belle cascade sur sa chute de rein, se mouvant au rythme de ses pas pendant que le bruit de ses talons martèle le sol.

— Reg ! chuchote Juliet en écarquillant des yeux. Elle est tellement belle !

— Franchement bien joué vieux, approuvé-je en lui donnant une tape sur l'épaule.

Ce dernier s'esclaffe timidement avant de nous diriger dans le séjour de la maison. Honnêtement, quand je vois mes ancêtres, ça ne m'étonne pas que je sois aussi beau. Entre les Potter, les Black, les Weasley, Olivia, je suis servi !

Nous nous installons tous les quatre, face à face, sur les canapés du salon et l'elfe de Reg fait enfin son apparition. Ce dernier se fige lorsqu'il nous voit, Juliet et moi et son regard méfiant se dépose sur son maître.

— Ce n'est rien Kreattur, informe Reg. Ce sont des amis. Notre secret doit évidemment les inclure, d'accord ?

Le serviteur s'incline respectueusement, son nez touchant presque le sol.

— Bien, jeune maître Regulus, accorde la créature. Kreattur peut-il se montrer utile ? Peut-être le jeune maître Regulus et ses amis souhaitent se sustenter ?

— Pas pour moi merci, refusé-je aussitôt. Juliet m'a gavé comme une oie !

Cette dernière roule des yeux et affiche un sourire amusée.

— On prendra du Whiskey, répond simplement Reg.

L'elfe s'empresse d'acquiescer et part chercher sa commande. Mon regard revient alors sur mes deux arrière-grand-parents. Il va falloir qu'on m'explique certaines choses !

— Bon du coup Reg… Pourquoi ? Comment ? Quand ? Je veux tout savoir !

— Hé doucement Potter, recadre Olivia en passant une main sur les cuisses de son époux. On vient à peine d'arriver. Laisse-nous le temps de respirer un peu.

Je me force à esquisser un sourire tandis que je me confronte au regard marron de la jeune femme. Elle semble me scruter sous toutes les coutures et visiblement, tester mes réactions en fait partie. Visiblement, pressé Reg comme un citron est quelque chose qui lui déplait. En fervente défenseuse, elle m'intime de redescendre d'un ton. Ok ma jolie, je suis ton arrière petit-fils, je t'intrigues mais moi, j'ai pas que ça à faire. Le temps est compté et…

— Adrian, ricane Regulus. Calme-toi. Je vais répondre à toutes tes questions. Et comment ça ton temps est compté ?

— Hein ?! Tu viens de lire mes pensées ? demandé-je, perplexe.

— Est-ce que tu te gênais pour le faire ? se moque le brun en levant un sourcil.

Nous nous affrontons silencieusement du regard, un air mutin collé sur nos lèvres. Reg a carrément pris du galon en trois ans ! Bordel il a vingt ans à présent et n'a strictement rien à voir avec le jeune ado que j'ai connu.

— Comme vous vous en doutez, nous vivons cachés, en Allemagne, indique Olivia en sortant une cigarette de son étui.

Elle coince le mégot entre ses dents et l'allume avec sa baguette avant que sa main libre ne revienne tout naturellement se poser sur la cuisse de Reg. J'en profite pour l'imiter, sors mes clopes, en propose une à Juliet. Je nous les grille à mon tour avec ma baguette, les yeux rivés sur la brune, attendant patiemment qu'elle se lance dans les explications. Je m'affale dans le fauteuil, un bras encadrant les épaules de Juliet.

— L'adage "Vivons heureux, vivons cachés" n'aura jamais aussi bien porté son nom, soupire l'allemande.

— Et pourquoi vous êtes sortis de votre trou ? m'enquis-je.

— Pour Kreattur, répond Regulus. Ma mère est décédée il y a quelques jours, ses funérailles sont prévues pour demain matin. Je devais agir vite avant que Bella et Narcissa ne viennent réclamer leur dû.

— Je ne comprends pas, souffle Juliet en fronçant les sourcils.

— Kreattur est complice de mon "meurtre", nous apprend Regulus. Donc techniquement, je n'ai plus aucun droit sur lui. Car je suis considéré comme mort. Mais je devais m'assurer que mes cousines n'allaient pas réclamer leur héritage. Si tel avait été le cas, Kreattur aurait possiblement été obligé de divulguer des choses compromettantes à mon sujet.

— Mais je ne comprends pas, Sirius est sensé être le seul héritier.

— Vu que ma mère l'a renié, non. C'est aussi pour ça que je suis là. J'ai brûlé le serment qui stipule que Sirius n'a droit à rien. Sirius doit être le seul et unique héritier. Il en va de ma survis. Vu qu'il ne reviendra certainement jamais mettre un pied dans cette maison, les chances qu'il apprenne que j'ai survécu sont minimes.

Ouhla. Tout se bouscule dans ma tête. Je ne comprends plus rien. Mon palpitant s'accélère. Comment ça Sirius n'était plus l'héritier légitime ? Bien sur que si ! Il l'a toujours été ! Sinon comment aurait-il pu avoir accès à la maison le jour où il a décidé avec Dumbledore d'en faire le QG pour le second Ordre du Phénix ?

— Donc…. Ça veut dire que… Que tu n'es jamais mort ? comprends-je alors.

Regulus fronce les sourcils et me dévisage avec incompréhension. Nous sommes interrompus par Kreattur qui revient avec un plateau en lévitation dans les mains. Des verres remplis de Whisky viennent se déposer devant nous, il se courbe puis nous laisse à nouveau seuls.

— Comment ça ?

— Je veux dire… Moi dans l'histoire telle que je la connais, tu meurs dans cette foutu cave ! m'animé-je, me sentant perdre les pédales.

— Dans la grotte ? s'étonne Olivia.

— Oui ! Dans la grotte ! Monsieur a voulu jouer au plus malin, détruire l'horcruxe de Voldemort mais manque de pot, il s'est fait engloutir par les inféris car il ne savait pas qu'ils craignaient le feu ! D'où le fait que je t'ai dit d'utiliser le feu, quand on s'est dit au revoir.

— Moi je le savais, contre alors Olivia.

Mon regard chargé d'incompréhension revient sur l'allemande. Oh bordel mon cœur va me lâcher à ce rythme. Comment ça, elle savait ?!

— Etudier les inféris à Durmstrang était aussi habituel que d'étudier les goules pour vous, à Poudlard, élucide-t-elle en soufflant dans les airs sa fumée de cigarette.

— Donc… Tu veux dire que tu étais là, comprend Juliet. Avec Reg. Dans la grotte ?

Son regard clair se dépose sur le jeune couple qui se contente d'acquiescer silencieusement de la tête.

— Kreattur est venu la chercher, confirme Regulus.

— Il a effectivement failli y passer, ajoute la brune. Je l'ai réanimé in extremis.

— C'est suite à cela qu'on a décidé de faire croire à ma mort.

— Mais comment as-tu pu ? Vis à vis de ta marque ? s'enquit Juliet. Voldemort aurait forcément ressenti que tu étais toujours vivant ?

— La marque est reliée au sang, apprend Olivia avec sérieux. On s'est donc dit que si Reg changeait de sang, il serait indétectable.

— Changer de sang ? répété-je.

— Uniquement dans son bras gauche, indique la sorcière. Nous avons drainer son sang et l'avons remplacé par un autre. Grâce aux anciennes runes nordiques qui sont tatouées sur son torse, le nouveau sang reste contenu dans la partie gauche de son bras et ne se mêle jamais à son sang d'origine. Du coup la marque ne reconnaît pas l'hôte. Elle s'est donc atrophiée depuis des années.

Effectivement, nos yeux glissent sur le poignet du jeune homme et nous constatons que sa Marque des Ténèbres est bien moins contrastée comparé à ce qu'elle a déjà pu être. Le tatouage est toujours là, mais il est à présent gris, presque effacé. Et surtout, le serpent ne bouge plus. Vraisemblablement, c'est comme si sa marque était morte.

— D'accord, soufflé-je. Du coup, tu n'es pas mort. Tu n'es jamais mort à vrai dire. Ni dans mon passé tel que je le connais ni dans le passé tel que je l'ai modifié.

Sauf que le bougre est forcément quand même mort à un moment donné ! Forcément ! Sinon, ma mère orpheline, n'aurait jamais ignoré ses origines. Si elle ne les avait jamais ignoré, elle n'aurait jamais fait appel aux services de mon père. Et si elle ne l'avait jamais fait, elle ne l'aurait jamais rencontré et moi jamais je n'aurais été là. Ce qui veut dire que, certe Reg n'est pas mort dans cette foutue grotte mais qu'il est mort tout de même plus tard. La question reste quand et comment ?

— Et du coup, pour votre fille ? s'enquit Juliet. Olivia tu m'avais dit par lettre que tu avais dû la laisser à un orphelinat…

— Il était bien évidemment hors de question qu'on fasse une telle chose, coupe Reg en fronçant les sourcils. Iris vit avec nous.

— Sauf actuellement, apprend Olivia. Nous l'avons laissé dans un couvent pour jeunes enfants sorciers. Juste le temps de finir toute cette paperasse en Angleterre.

— C'était trop dangereux pour qu'on la ramène avec nous. Elle n'a que trois ans… Et de toute façon, il n'y a rien de bon à tirer ici.

— Elle doit être tellement jolie, souffle Juliet en esquissant un sourire. Tu n'as pas une photo d'elle ?

Son meilleur ami étire une risette fière et mutine avant de rouler des yeux. Il sort finalement de son pantalon de costume un portefeuille en cuir noir et souple pour en extirper un cliché. Il le tend à la brunette qui s'en empare, la curiosité la dévorant sur place.

Émue, elle parcourt la photographie d'une jeune enfant, aux bouclettes brunes et aux yeux gris, comme ceux de son père. Elle sert contre elle, ce qui doit être le chat de la famille et semble rire aux éclats. Juliet esquisse un large sourire.

— Oh Reg, fond ma petite amie. Elle est tellement belle. Elle ressemble beaucoup à Olivia d'ailleurs, sauf pour les yeux. J'aurais tellement voulu la connaître !

— Et bien, intervient la jeune mère en nous adressant un sourire. Si un jour l'envie de passer par l'Allemagne vous traverse, vous êtes les bienvenus.

— Ce serait génial ! se réjouit la brunette en s'excitant sur son siège.

Sa main se pose sur la mienne et elle m'interroge du regard. Elle papillonne ses beaux cils noirs, une lueur pleine d'espoir reluisant dans ses iris bleu-vert.

— Euh… Pourquoi pas, soufflé-je, relativement pris de court.

C'est vrai, quoi ? Que suis-je censé lui dire ? "Bébé ne t'attache pas trop, il va vraiment mourir cette fois-ci" ? Nope. C'est définitivement trop cruel. Pas quand je vois ce sourire radieux qui ne quitte plus ses lèvres depuis que Reg a fait son apparition. Bordel Juliet… T'as pas fini de pleurer.

— Et du coup, pour vous deux ! enchaîne l'ancien Serpentard. Qu'est-ce que j'ai raté pendant ces trois ans ?

— Pas mal de choses, grommelé-je. Dont moi le premier. Je ne suis là que depuis un mois et demi. Je me suis loupé dans mes calculs de retour dans le temps, je pensais revenir en 1978. Manque de cul… J'ai fini en 1981.

Je termine mon regard sur Juliet qui malgré tout, me renvoie un sourire rassurant. Dans ses yeux je peux lire de la douceur mais aussi un message qui veut dire : "On en a chié mais aucun regret !".

— Et vous êtes…. Ensembles ? se risque Regulus.

Olivia ricane doucement et se penche auprès du brun.

— Bien évidemment qu'ils sont ensembles, souffle-t-elle à son oreille. Regarde-les.

Accrochée à son bras, la brune fait revenir son regard chocolaté vers nous tout en calinant lascivement son époux comme si elle était tout simplement incapable de ne pas le toucher. Un peu de tenue dis donc ! Merde à la fin, c'est quoi ça ?!

Juliet se mordille la lèvre inférieure, légèrement embêtée avant d'échanger un air complice avec moi. Je me permets une discrète risette puis attaque dans le vif du sujet.

— Ça tombe bien que les experts en magie noire soient là avec nous ce soir, en fin de compte, indiqué-je à ma petite amie. Vous avez déjà entendu parler de la sorcière Morgane ?

— Oh bon sang, souffle Juliet en enfonçant son visage dans ses mains. J'avais presque oublié toute cette histoire.

— Moi non, ça risque pas chaton.

— Évidemment qu'on connaît Morgane, répond Regulus. Pourquoi ça ?

— Eh bien inclinez-vous Mesdames, Messieurs. Se dresse devant vous sa digne et fière héritière ! annoncé-je en désignant Juliet de mes mains.

J'applaudis fort tandis qu'elle souhaite s'enfoncer au plus profond de son siège. Olivia et Regulus clignent des yeux tandis que ma petite amie rougit à en faire pâlir une fraise.

— Que… Quoi ? répète le brun.

— J'ai retrouvé un souvenir de ma mère dans ma maison d'enfance, explique la sorcière. On est venu ici pour voir le souvenir justement et c'est là qu'on a découvert la vérité : je suis la descendante de Morgane. Elle transmet uniquement ses pouvoirs de vie et de mort à sa descendance fille. Et pour le faire, il faut donner la vie mais …

— En payer le prix, complète Olivia.

Nous relevons les yeux vers l'allemande.

— Tu connais cette malédiction ? demande Juliet, surprise.

— Ce n'est pas une malédiction, contre Olivia. C'est simplement le prix à payer pour disposer d'une telle magie. Et ce genre de sacrifice était courant à l'époque. Donner sa vie pour faire perdurer des pouvoirs aussi puissants, était monnaie courante.

— Mais je ne comprends pas... Morgane n'est pas censée être une sorcière pratiquant la magie noire ? s'enquit la brunette, sceptique.

— Non pas d'après ce que je sais, soupire Olivia. Elle a seulement mauvaise réputation à cause du Roi Arthur. C'est souvent ce qui arrive quand une femme est au pouvoir, elle se fait discréditer par l'autre sexe. En l'occurrence, son image a été assez souillée et les légendes se sont amusées à diaboliser son personnage mais ça ne restait pas moins qu'une sorcière très puissante qui avait de hautes aspirations. De quoi faire peur à certains hommes.

— Ce qui est débile. Moi j'aime quand les femmes dominent ! ricané-je.

Juliet me fustige d'une tape sur le sommet du crâne et me fait les gros yeux ce qui m'amuse grandement.

— Oh oui ! Vas-y chérie ! Plus fort !

Regulus et Olivia roulent des yeux. La sorcière dévie d'ailleurs son regard vers son mari et l'interroge.

— Tu es certain que des neurones ne se sont pas perdus en cours de route ? demande-t-elle.

— Oh je peux t'assurer Mamie Oli' que tout est… Intacte ! ricané-je en palpant mon entrejambe.

— Oh misère…

— Juliet, je t'autorise à te refuser à la descendance des Black, indique Regulus. C'est mieux pour tout le monde. Trop de … Brassages chromosomiques, je crois.

J'éclate de rire tandis que cette dernière se passe une mèche de cheveux derrière l'oreille. Elle se mord la lèvre inférieure et prend sur elle pour ne pas éclater de rire. Je le sais ! Je la connais par cœur.

— Hum… Ce n'est pas trop au programme de toute façon, souffle-t-elle, décontenancée.

— Ah ça non ! renchéris-je en faisant les gros yeux. Déjà que chaque minute qui passe est une minute de plus sur mon score personnel de longue relation alors on ne va pas compliquer la tâche.

— C'est vrai qu'il risquerait de s'emmêler les pinceaux avec les chiffres, ricane Olivia. Le pauvre…

— Les calculs c'est pas son truc, complète Reg, goguenard.

— Ahah ! Mais qu'on est drôle chez les Black ! C'est fou ça, je ne m'attendais pas à autant me fendre la poire, grogné-je en les fusillant du regard.

— Visiblement quand c'est de toi qu'on rit, c'est tout de suite moins amusant, fait remarquer Juliet en m'adressant son air le plus angélique.

Ok. Ils se sont donnés le mot. Tout ceci est clairement une conspiration ! Je réclame réparation pour un tel préjudice !

En vrai, même si une partie de ma famille manque à l'appel, restée à une autre époque, cette soirée va de surprise en surprise et je crois que je n'aurais pas pu rêver mieux pour mon anniversaire.

Cheers Adrian !