ZACH


- Hé, Csillag. Si tu continues comme ça, un jour tu finiras par tomber dans les étoiles.

Euphrosine Potter grogna quelque chose qui n'était probablement pas politiquement correct, mais elle accepta la main qui lui était tendue et grimpa sur la berge en frottant sa hanche douloureuse. Ses cheveux lui dégoulinaient dans les yeux, elle avait un nénuphar fripé sur le sommet du crâne et son uniforme scolaire était absolument trempé.

- C'était une belle envolée... et une chute encore plus magnifique, dit Zach Tűzmadár en rigolant.

Il faisait bon, en ce jour de printemps, et les oiseaux chantaient dans la forêt autour d'eux. Le soleil qui scintillait sur l'eau dans l'Anse du Viking ourlait les oreilles décollées de Zach, leur donnant une teinte enflammée – ou peut-être que cette rougeur était due au fait qu'on voyait en transparence, sous la chemise d'Euphrosine, son soutien-gorge.

Il toussota et fit souffler de l'air chaud à sa baguette pour sécher les vêtements de son amie qui tordait ses cheveux au-dessus du lac, pestant à mi-voix qu'elle ne parviendrait jamais à maîtriser le sortilège de cabriole que son frère lui avait donné comme devoir d'ici les prochaines vacances et qu'elle allait se faire littéralement tuer quand elle rentrerait chez elle.

- Je suis sûr qu'il ne verra pas de problème à te le réexpliquer, protesta Zach, partagé entre sa loyauté et une forte envie de rire. "Relax. Il ne peut pas s'attendre à ce qu'une sixième année d'Ilvermorny maîtrise les mêmes enchantements qu'un élève de l'Académie de Police Particulière, quand même !"

- Tu ne le connais pas, répliqua férocement Euphrosine. "Il est surdoué, mais il croit que tout le monde peut arriver à son niveau en s'en donnant la peine !"

Son ami hocha la tête – il avait appris à ses dépens qu'il valait mieux ne pas se retrouver en travers du chemin de la jeune sorcière quand elle était en rogne – mais il n'en pensait pas moins.

Qu'Euphrosine n'était pas la filleule de la très célèbre Hermione Granger pour rien, malgré tout ce qu'elle pouvait dire, et qu'il connaissait son frère, même si celui-ci l'avait probablement oublié.

Les souvenirs s'évaporèrent. Dans la Bibliothèque, Euphrosine, un peu embarrassée, le lâcha et s'écarta, les joues légèrement empourprées.

- ça faisait longtemps, Zach.

Il se demandait si ses lèvres à elle aussi picotaient et il dut s'y prendre à deux fois – une chose qui ne lui arrivait jamais – avant de pouvoir répondre.

- Salut, Potter.

Elle sourit.

- C'est Malefoy, maintenant.

Il avait beau savoir qu'elle avait pris le nom de son beau-père – ou était-ce son vrai père ? – à sa majorité, cela lui fit un coup au cœur quand même, comme si elle lui annonçait qu'elle s'était mariée.

Elle aurait pu s'être mariée. Elle était peut-être fiancée, et que pouvait-il y faire ? Il n'avait aucun droit, c'était lui qui avait disparu sans rien dire, six ans auparavant, à la fin du bal de promotion.

De tout ce qu'il avait dû accomplir pour l'Ordre du Phoenix, c'était probablement la chose la plus difficile qu'il avait eu à faire.

"On n'a pas le temps de tomber amoureux quand on doit sauver le monde, petit turul. Toi encore moins que les autres. Et surtout pas d'elle, Zacharias. Surtout pas d'elle."

À l'époque il avait seulement obéi, même si cela lui déchirait le cœur. Mais maintenant qu'il savait, il comprenait pourquoi le tàltos avait eu l'air si triste.

- Qu'est-ce que tu deviens ? Où est-ce que tu étais passé, tout ce temps ?

Il se força à reprendre son air insouciant.

- En Hongrie, pour des affaires de famille, puis à la Bibliothèque depuis deux ans.

Parce qu'il fallait bien que quelqu'un veille sur les livres, au fur et à mesure qu'ils étaient retrouvés.

Scorpius Malefoy se racla la gorge.

- Est-ce que maintenant que les présentations sont faites et qu'on a échangé les dernières nouvelles, on peut passer aux choses sérieuses ?

À sa tête, on aurait pu croire qu'il avait mordu dans un quartier de citron et Zach, quand il se fut aperçu qu'Arthur faisait à peu près la même grimace, comprit que ces deux-là avaient probablement resitué son nom.

Ex-petit-ami irresponsable qui avait promis de ramener Euphrosine au dortoir avant minuit et l'avait laissée plantée à Marlborough, Massachussetts… alors qu'elle ne pouvait pas transplaner.

Ce n'était pas encore gagné pour avoir la confiance de celui qu'il était chargé de protéger.

Hermione hocha vivement la tête.

- Oui, oui, bien sûr. Le recueil de contes dont vous m'avez donné le titre est bien dans nos registres, à présent, mais il fait partie de ces ouvrages qu'on ne peut consulter que sur place, dit-elle, tripotant nerveusement la Clé pendue à son cou. "Je vais vous emmener."

Zach prit une longue inspiration.

Maintenant. C'était maintenant, le moment pour lequel on l'avait préparé toute sa vie.

Il était à la fois glacé de terreur et submergé par une joie qu'il ne comprenait pas.

- Le livre n'est pas dans la Rotonde, intervint-il. "Nous devons aller dans la Salle de Musique."

Hermione plissa les paupières, soupçonneuse.

- Qu'est-ce que tu as fait ? Tu as encore contrarié l'Encyclopédie et elle s'est vengé en changeant des sections de place ?

Zach eut un rire nerveux.

- Non. Mais Arthur Potter ne peut pas ouvrir les Contes de la Dame du Lac sans protection. La dernière fois, le réveil du Roi a failli le tuer, n'est-ce pas ? Si la frontière avec le Voile est estompée par une mélodie appropriée, ce sera moins difficile à supporter.

Il y eut un silence estomaqué.

- Et puis, M. Malefoy, il va falloir que vous rendiez à Euphrosine ce que vous lui avez pris, à l'époque. Nous n'avons pas de pensine, ici, mais la musique est un excellent conducteur pour les souvenirs.

Scorpius devint blanc comme un linge.

- Comment es-tu au courant de cela ? murmura-t-il. "Personne, pas même Wendy…"

Dans l'escalier immense, une fine couche de glace recouvrait les surfaces granuleuses des miroirs. La lueur des bougies, qui se reflétait sur les cadres d'or, donnait l'impression qu'une ombre se déplaçait de l'un à l'autre, derrière les cristaux de givre qui dentelaient la surface brillante comme des toiles d'araignées.

L'haleine d'Arthur se condensait et il souffla dans ses mains pour les réchauffer.

- Est-ce qu'on peut aller parler à un endroit où le chauffage fonctionne ? demanda-t-il négligemment, en tassant le cou dans sa veste en cuir. "Je veux bien sortir mon violon, mais je ne pourrais pas en jouer si j'ai les doigts gelés."

Euphrosine se rapprocha de lui, repoussant pour l'instant les questions qui tourbillonnaient dans son esprit.

- Il est à peine remis, dit-elle avec inquiétude. "Maintenir la connexion avec le Voile pourrait…"

- Je peux le faire, interrompit son frère de la même voix en apparence indifférente. "À condition que l'on me fournisse la bonne partition, mais je suppose que ce ne sera pas un problème, vu comme tu es bien préparé."

Ses yeux verts s'étaient posés sur Zach qui frissonna sous ce regard soudain terriblement incisif.

- Qu'est-ce que Terrence Swanson t'a dit d'autre ? Qu'est-ce qu'il manigance, cette fois ? Quand est-il revenu ? Comment t'a-t-il convaincu de le suivre sur ce coup-là ?

L'assistant de la Bibliothécaire se troubla.

- Il… je… ce n'est pas ce que vous croyez… ce n'est pas lui… nous… on… il a…

Le regard anxieux d'Hermione allait des uns aux autres, sans comprendre.

- Est-ce que Terrence Swanson est celui qui t'a parlé du recueil de contes, Zach ? demanda Euphrosine d'une voix qui tremblait un peu. "Depuis combien de temps es-tu au courant qu'Arthur est… différent ? Qu'est-ce que tu sais sur le guerrier endormi ?"

Zach noua ses mains moites, s'efforçant désespérément de les empêcher de trembler. La situation lui échappait complètement : l'hostilité d'Arthur le déstabilisait et le regard déçu d'Euphrosine le poignardait. Il avait été stupide, tellement stupide. Il n'y avait aucune raison pour que le frère et la sœur lui fassent confiance – Arthur ne se souvenait pas de lui et Euphrosine, sûrement, ne pouvait que se montrer sceptique après la façon dont il l'avait quittée…

Le tàltos l'avait prévenu, pourtant, quand il s'était bêtement réjoui d'avoir été choisi, que son destin comporterait plus de larmes que de victoires…

Quelqu'un posa une main sur son épaule et il tressaillit.

- Respire, mon garçon, dit Scorpius Malefoy avec douceur. "C'est bien. Maintenant reprends-toi, nous allons t'écouter."

Arthur ouvrit la bouche pour protester, mais son parrain le fit taire d'un geste.

- Fuir une situation que nous ne pouvons pas éviter ne nous mènera nulle part, dit-il d'un ton bas mais ferme. "Nous prendrons des décisions quand nous saurons pourquoi il nous fallait venir ici."

Euphrosine se mordit la lèvre, mais elle n'ajouta rien.

- Allons-y, dit l'ancien agent secret, après avoir rectifié sa cravate d'un petit mouvement sec.

Hermione Granger toussota, subjuguée par la vague d'émotion qui l'avait saisie : Scorpius ressemblait terriblement à son père et à son grand-père, lui aussi, surtout quand il affectait ces manières nonchalantes d'aristocrate… mais jamais un tel courage n'avait habillé les traits de Drago Malefoy, ni une telle compassion ceux de Lucius.

- La Salle de Musique est, euh… par ici, bredouilla-t-elle.

Son cœur battait à tout rompre.

Elle était âgée, mais elle n'était pas gâteuse, et son cerveau n'avait rien perdu de sa capacité d'analyse, loin de là.

Zach n'était pas quelqu'un d'ordinaire, elle l'avait su tout de suite. Il était beaucoup plus intelligent que son attitude désinvolte ne le laissait soupçonner. Parfois, il passait dans son regard quelque chose de sombrement résolu, qui se dissipait dès qu'il se rendait compte qu'elle l'observait. Il ne tarissait pas d'anecdotes sur sa famille en Hongrie (le goulash de sa grand-mère était le meilleur du monde, il fallait absolument essayer une fois dans sa vie les bains troglodytes où un de ses oncles farfelus avait failli déclencher un incident diplomatique, un jour une de ses cousines avait acheté une paire de chaussures rouges ensorcelées et avait failli mourir…) mais il ne mentionnait jamais ses parents qui, d'après son CV, faisaient pousser des pommiers à Plenty Bears, South Dakota.

Hermione était trop polie pour poser des questions directes, mais elle avait aussi passé trop de temps au Département des Mystères pour ne pas instinctivement tirer les vers du nez aux gens.

Zach avait réussi à esquiver tous les pièges amicaux qui lui étaient tendus, si facilement qu'elle avait fini par se convaincre qu'il n'avait en fait rien à cacher, qu'elle se faisait des idées à force de fréquenter Ron qui s'était toujours méfié des gens trop brillants.

Apparemment, elle s'était trompée. Pourquoi n'avait-il jamais mentionné qu'il connaissait Euphrosine si cela n'avait aucune importance ? A quel moment était-il allé chercher ce recueil de contes en se faisant passer pour le Bibliothécaire – et qu'en était-il de l'autre livre qu'elle avait trouvé dans les registres, presque à la même ligne, qui avait toujours été une copie et qui était maintenant le manuscrit original ?

"Les Contes du Passeur d'Âmes - Don de la Famille Morave".

Elle s'était dit qu'elle attendrait le départ de Scorpius et des enfants pour coincer son apprenti et lui faire cracher comment il avait réussi à obtenir d'une des plus vieilles matriarches du sol américain qu'elle remette à la Bibliothèque un bouquin considéré comme une relique par les loups garous, mais elle avait probablement eu tort.

Si quelque chose tournait mal… si Zach s'avérait dangereux et blessait sa filleule ou le petit-fils d'Harry… ce serait sa faute.

Elle glissa la main dans sa poche, enroula ses doigts autour de sa baguette, pinçant les lèvres avec détermination.

S'il le fallait… elle montrerait qu'elle était encore capable de se battre.

Elle ne vit pas le coup d'œil triste que lui lança Zach en s'effaçant pour la laisser entrer dans la Salle de Musique, mais Scorpius Malefoy, lui, le remarqua.

Et son malaise acheva de se dissiper complètement.

Qui qu'il soit, Zach n'était pas une menace pour eux.

Cela n'empêchait pas que Scorpius avait bien l'intention d'avoir une conversation en privée avec lui au sujet de sa relation exacte avec Euphrosine, même si c'était loin – et que Constantin Morave avait depuis confirmé que la méthode consistant à enfermer les filles dans des donjons pour qu'elles n'aient pas le cœur brisé par des idiots restait la seule efficace.

Il était bien résolu aussi à demander des comptes à cette Gwen dont Arthur avait marmonné le nom dans ses cauchemars pendant qu'il était malade, d'ailleurs.

Personne ne faisait pleurer ses enfants impunément.

Les lèvres pincées, il entra à son tour dans la pièce remplie de lumière où personne ne compatissait aux lamentations de la Bibliothécaire.

Sous ses semelles, une mousse verte piquetée de petites fleurs roses humides avait envahi les dalles. Le soleil rentrait à flot par les arcades de la baie vitrée qui s'ouvrait sur un mur en pierres apparentes. Il y avait un arbre à côté du piano à queue qui trônait au milieu de la salle, environné d'une nuée d'insectes aussi brillants que des diamants. Des nénuphars s'étalaient dans l'étang d'un bleu éclatant qui reflétait les rayonnages de livres et des roseaux poussaient au pied des étagères.

Euphrosine, ravie, effleura du bout des doigts une partition qui virevoltait autour d'elle, puis la suivit des yeux quand elle alla se poser à la surface de l'eau et s'éloigna avec un coin-coin satisfait, laissant dans son sillage des notes de musique qui coulèrent doucement.

Arthur avait le nez plongé dans un bouquin – non, dans trois ou quatre.

Zach attendait patiemment, debout à côté du pupitre sur lequel était posé un gros volume relié de cuir, ouvert à une page qui exhalait de délicates volutes blanches.

Hermione bourra dans un coffre des rouleaux qui se trémoussaient en laissant échapper les bruits assourdis d'un orchestre qui s'accorde, puis elle ferma le couvercle avec un ahanement et s'assit dessus, hors d'haleine.

- Voilà, dit-elle férocement.

Elle rangea derrière son oreille les mèches folles qui s'étaient sauvées de son chignon, remonta ses lunettes en demi-lune sur son nez d'un geste décidé, et se tourna vers Zach.

- Si tu veux bien maintenant nous dire pourquoi tu nous as amené ici, nous sommes toutes ouïes.

Ses pieds chaussés de bottines anciennes ne touchaient pas le sol et Arthur eut du mal à ne pas sourire. Cette petite sorcière décidée, pleine de bon sens et d'humour, avait toujours été sa grand-tante préférée. Le fait qu'ils pouvaient tous les deux se lamenter que leurs plannings de révision n'aient jamais été suivis par leurs amis ou leurs bulletins scolaires quasi identiques (Arthur avait fait l'école buissonnière pendant une année, lui-aussi) n'étaient pas la seule raison pour laquelle il appréciait la marraine de sa sœur.

Hermione Granger (ou était-ce Weasley, maintenant ? Il avait perdu le compte de ses divorces et de ses remariages avec l'oncle Ron) lui avait montré à son retour d'Antarctique la cicatrice qu'elle cachait sous ses éternelles manches longues.

Sang-de-bourbe.

Arthur avait été horrifié par les mots violacés incrustés dans la peau parcheminée de la vieille dame – épouvanté rétrospectivement à l'idée que les Mangemorts qui les avaient kidnappés aient pu avoir l'idée de faire la même chose à sa sœur et écœuré d'apprendre que cela s'était passé dans le Manoir Malefoy qui était rempli de tant de bons souvenirs pour lui.

Mais Hermione n'avait pas insisté sur ce chapitre-là.

- Je veux te parler de tes cicatrices, avait-elle dit. "Celles que l'Evideur a laissé sur ton épaule, et puis celles que tu ne vois pas, qui sont au fond de ton esprit et de ton cœur. Elles ne s'effaceront jamais, Arthur, pas plus que les miennes ou celles de ton grand-père. Tu les détesteras pendant des années, elles te rappelleront ce que tu as vécu de terrible et tu souhaiteras peut-être de toutes tes forces qu'elles disparaissent… mais, parfois aussi, elles te guideront au moment de prendre des décisions. Et un jour… un jour, je te le promets, elles cesseront de te faire mal."

Elle avait souri, les yeux plein de larmes, comme souvent quand elle évoquait la guerre.

- Alors tu sauras que tu n'as pas traversé tout cela pour rien.

Arthur s'était accroché à cette conversation pendant des années – quand les autres le fixaient avec des yeux écarquillés dans le vestiaire d'Ilvermorny, puis quand les rumeurs couraient sur son passage dans les couloirs de l'Académie de Police Particulière et encore, plus tard, quand une fille à moitié nue interrompait ses baisers avec un petit cri d'effroi pour lui demander ce qui lui était arrivé, hésitant entre se pâmer ou le fuir.

Sang-de-bourbe.

Le lacis de cicatrices sur son torse n'était pas aussi horrible que ces trois petits mots. Il pouvait au moins se consoler en se disant que Remus et les autres avaient seulement cherché à le sauver de l'Evideur, qu'ils n'auraient jamais pu deviner que le sortilège se retournerait contre lui.

Et puis si, un jour, il était fait prisonnier pendant cette guerre vers laquelle son destin maudit le conduisait inexorablement, il espérait qu'il aurait le même courage que la petite sorcière que Bellatrix Lestrange avait torturé dans le salon où il avait passé son enfance.

Euphrosine se rapprocha de lui et il lui passa son bras autour des épaules.

Sa petite sœur ne savait rien de tout cela et c'était mieux.

Elle avait déjà bien assez de combats à mener et elle n'avait pas choisi de devenir une Malefoy à cause du passé, mais pour sauver le futur.

- Nous allons avoir besoin de ton violon, dit Zach timidement.

Arthur hocha la tête. Il extirpa le colt de son étui et récupéra sa baguette à l'intérieur tandis que son instrument se matérialisait à côté de lui, sur le tabouret du piano à queue.

- Paré, dit-il.

Zach hésita. Il souleva le gros livre du pupitre, puis le reposa dans un nuage de poussière qui le fit tousser.

- C'est… euh… c'est là, marmonna-t-il. "La partition, elle est là."

La façon dont Euphrosine le regardait le pétrifiait – où était son étoile ? La fille qui n'avait peur de rien, la guerrière qu'il avait surpris à combattre un dragon de pierre toute seule pendant leur quatrième année à Ilvermorny, la princesse qu'il avait embrassée pendant que les autres acclamaient la reine du bal ? Dans les yeux gris dilatés qui le surveillaient, il n'y avait plus que la petite anglaise farouche que le serpent cornu avait choisie sans hésiter, le jour où l'oiseau de feu lui avait révélé son héritage.

Arthur arqua un sourcil. Il se leva lentement, ramassa son violon et vint jusqu'au pupitre en mâchouillant l'intérieur de sa joue.

- Okay, dit-il quand il fut à côté de Zach. "C'est ça ? Hum. Okay, on commence quand tu veux."

Il ne sourit pas et rien dans son attitude ne dit qu'il avait décidé de faire confiance à l'assistant de bibliothèque, mais sa présence suffit à calmer les nerfs à vif de Zach.

Tout irait bien.

Il savait pourquoi il faisait cela.

Arthur ne s'en rappelait pas, mais il l'avait sauvé, autrefois. Il le sauverait encore. Il les sauverait tous.

Il n'y avait aucune raison d'avoir peur.

Il adressa un sourire crispé à Scorpius et Hermione, se gratta la tête pour ne pas jeter un coup d'œil du côté d'Euphrosine et se racla une nouvelle fois la gorge.

- Cette mélodie se nomme le Chant Rivière. Elle va envelopper toute la Bibliothèque et nous… euh, nous plonger, en quelque sorte à l'intérieur du Voile. Mais nous serons comme… euh, dans une bulle... nous ne craindrons rien.

- J'espère, grommela Euphrosine. "Je vous préviens que je ne pourrais pas ramener tout le monde si quelque chose tourne mal."

Arthur eut un petit reniflement moqueur.

- T'inquiète, petite sœur. Je ne nous perdrais pas.

Scorpius leva la main.

- Question. Que se passe-t-il une fois que nous sommes en suspension entre morts et vivants ? demanda-t-il de cette voix traînante qui donnait positivement envie aux gens de le gifler. "Est-ce qu'on a une sorte de plan ? Quelque chose comme, hocus, pocus, le livre apparaît, on l'attrape et on sort aussi vite qu'on le peut avant d'être happés définitivement par le Voile ?"

Hermione étouffa un couinement, mais personne ne put déterminer s'il s'agissait d'un éclat de rire réprimé ou d'un gémissement.

- On ne peut pas quitter le Voile avant que tout soit terminé, M. Malefoy, expliqua précipitamment Zach. "Quand le livre apparaîtra, il faudra que vous rendiez ce souvenir à Euphrosine pour qu'elle puisse lire les runes. Alors seulement ils… euh, ils viendront."

Arthur passa une main sur son front et s'aperçut quand il brossa ses cheveux en arrière que sa main était collante de transpiration.

- Ils, répéta-t-il.

- Enfin, lui, rectifia Zach. "Ou peut-être qu'ils seront là, tous en même temps. Honnêtement, je ne sais pas. Je sais juste qu'il faut faire comme ça pour que… pour que ça puisse, euh… commencer."

Scorpius se massa les tempes. Euphrosine, atterrée, contemplait Zach en se demandant si ce n'était pas le bon moment d'arrêter tout et de repartir. Hermione hésitait entre secouer la tête à ce désastre et serrer dans ses bras son assistant pour l'encourager.

Dans le silence, Arthur eut un petit rire.

- Allons-y, Alonzo, dit-il.

Et il leva sa baguette.