Coucou, voici le dernier chapitre... on se retrouve en bas. Bonne lecture :)
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Chapitre 36 : Lucretia et Ignatius
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Le lendemain,
Dimanche 20 février 1944,
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Stupides lettres de stupides fans. Il avait commencé il y a une heure et il avait l'impression qu'il y avait encore autant de parchemins dans la boîte de lettres à côté de lui.
Le pire, c'était que ces lettres étaient vraiment gentilles, et qu'il aimait bien les lire. Seulement aujourd'hui, il avait envie de faire autre chose… de passer du temps avec Dorea avant d'aller déjeuner chez ses parents ce midi et de faire la fête pour le départ d'Ignatius pour la Roumanie ensuite. C'était Dorea et lui qui avaient organisé une réception surprise ce soir. Il avait invité Em et Anderson, Carley, la Petite Lucretia, Sylvestra, l'amie de Dorea, et Ignatius bien sûr. Ignatius était censé partir en balai jusque King Cross vers onze heures du soir pour prendre l'Occimagique Express à minuit et demie.
Bref, il avait mieux à faire aujourd'hui. Il aurait voulu emmener Dorea à Wimbourne par exemple, avant d'aller à Godric's Hollow. Ou même simplement traîner au lit avec elle. La mise au point d'hier soir s'était teintée de retrouvailles fort agréables une fois de retour chez eux. Ils les auraient bien fait durer ce matin, mais il avait eu la mauvaise idée de parler à Dorea de cette tâche mensuelle qui consistait à répondre à son courrier. Elle lui montait donc, le troisième week-end de chaque mois la boîte aux lettres pour le réveiller à neuf heures et le mettre au travail, sur la table qu'elle avait fait installer dans leur chambre. La pièce était plus grande et mieux aménagée depuis que Dorea avait changé le mobilier. Et puis, elle l'avait aidé à trier son désordre durant une journée particulièrement éprouvante, alors on y voyait plus clair.
Cher Mr Potter,
Je m'appelle Greg Goodluck, j'ai huit ans et j'habite à York. Je vous écris pour vous dire que je vous admire beaucoup, et que j'ai hâte de pouvoir assister à votre prochain match (j'ai eu une place pour mon anniversaire). Plus tard, j'aimerais être Attrapeur, comme vous. J'ai découpé une photographie de vous dans le journal que j'ai glissée dans l'enveloppe. Pourriez-vous me la signer s'il vous plaît ? Mon frère m'a dit que vous ne faisiez pas d'autographe, mais je sais que c'est faux. Il aime juste m'embêter. Avez-vous un grand frère, Mr Potter ? Le mien m'embête tout le temps. Il me dit toujours que je suis trop petit pour monter sur un balai, alors que je sais voler plus vite que lui. Je crois qu'il est jaloux.
J'espère vous rencontrer un jour,
Greg Goodluck, 35 Rue des Sorciers, York.
Voyez, c'était mignon, non ? Que pouvait-il répondre, hein ?
Cher Greg,
Je te remercie de cette gentille lettre et je suis très touché. Si ton rêve est d'être Attrapeur, alors donne-t'en les moyens et tu y arriveras ! Passe les sélections à Poudlard pour défendre ta Maison, et ne laisse jamais tomber malgré les défaites et les coups durs ! Et les grands frères embêtent toujours leurs petits frères (le mien peut être terrible quand il le veut).
Au prochain match !
Charlus Potter
Et une petite signature sur la photo, et voilà, il n'aurait plus qu'à amener la lettre au Club le lendemain. Lettre suivante… Pas une lettre rose, non merci. Celle-ci, il ne les ouvrait jamais. C'était un coup à se recevoir un nuage de philtre d'amour dans le nez. Et la suivante…
Potter,
Pense à venir mardi 22 à Brighton, 2, rue de l'Escale, avec ta femme. Le monde à besoin de sorciers comme vous.
Pour le plus grand bien.
Il tressaillit avant de froisser la lettre dans son poing. C'était déjà la troisième… invitation qu'il recevait depuis janvier. Il avait pensé à une blague la première fois. La deuxième fois, il avait montré les parchemins à son père qui avait grimacé. Ce n'était pas les premiers parchemins de ce genre qu'il avait entre les mains. « Au Magenmagot ? lui avait demandé Charlus. » Pas seulement. Robertus Potter en avait reçu régulièrement lui-même ces dernières années. Il avait même assisté à une harangue de Grindelwald, par curiosité. Le type était bon orateur… mais ses idées laissaient à désirer dès le début. Et aujourd'hui, à la lumière de ce que les Aurors et les Ambassadeurs avaient rapporté, l'effroi était plutôt le seul sentiment qui saisissait son père à la lecture de ce genre de papier. L'étonnant ? Il n'avait rien reçu les mois de septembre, octobre, novembre et décembre. Y avait-il un lien avec Dorea ? Son père Cygnus Black ? C'était très probable… Charlus voudrait-il bien parlé à Dorea ? Non, il ne voulait plus lui parler de son père et la voir trembler de la tête au pied. Alors, il devait rester prudent et éviter les endroits peu sûrs selon son père. Était-il sûr que Dorea n'était pas de cette idéologie ? Il était certain. Alors il n'y avait rien à faire si ce n'est ne pas adopter de conduite imprudente.
Il rangea le papier dans un tiroir de l'immense bibliothèque murale et tira une autre lettre de la caisse en bois. C'était plutôt un paquet à la réflexion. Il décrocha la lettre sur le colis et la décacheta.
Cher Charlus,
Je suis une de vos plus grande fan depuis vos débuts ! J'ai appris dans Sorcière Hebdoque vous vous étiez marié au mois de décembre et je vous souhaite tous mes vœux de bonheur ! Votre épouse est si belle ! Vous être si bien assortis ! Je vous ai confectionné un cadeau de mariage moi-même, j'espère qu'il vous plaira !
Encore toutes mes félicitations !
Annelise Bones-Weasley
Il déballa le colis, et y découvrit deux robes de chambre aux couleurs et à l'effigie de Flaquemare, brodée à son nom… A leur nom, comprit-il en explosant de rire. Ah ça, on ne le lui avait jamais fait ! Le pire, c'est que ces robes de chambres étaient très bien faites et très bien proportionnées, et qu'elles étaient tout à fait mettables si Dorea n'y voyait aucun inconvénient.
Chère Annelise,
Je vous remercie pour votre présent qui…
Il fut interrompu dans sa réponse par un grattement à la porte. Il leva la tête. Le mois dernier, Dorea l'avait laissé seul à la tâche jusqu'à ce qu'il ait vidé la boîte et qu'il redescende lui-même.
« Entre ! s'exclama-t-il en posant la plume à côté de lui. »
Il regarda la porte de leur chambre s'ouvrir et Dorea entrer dans la pièce en refermant derrière elle. Elle ne dit rien, ne le regarda pas dans les yeux un seul instant pour se contenter de faire les cents pas en tordant ses mains entre elles devant lui. Ou devant la table qui lui servait de bureau pour l'instant. Il croisa les mains sous son menton et la regarda se démêler avec son débat mental intérieur.
Il fit bien, puisqu'elle s'arrêta d'un coup et ficha ses yeux dans les siens, un air décidé émanant d'elle comme il ne l'avait encore jamais vu.
« Qu'est-ce que tes coéquipiers ont voulu dire dans le vestiaire l'autre jour en disant que je ne passais pas sous un bureau ? »
Il s'étrangla avec sa salive et se mit à tousser à n'en plus finir. Il y avait certaines fois où il s'étonnait de sa naïveté. Elle pouvait lui sortir des théories alambiquées et complexes à souhait, elle était Legilmens même si elle s'en servait peu, elle n'avait pas d'effort à faire pour remettre les gens à leur place et elle savait se défendre et attaquer assez sauvagement avec sa baguette. Mais à côté de cela, pour tout ce qui était relations sociales ou humaines, elle était carrément à côté et elle ne voyait rien. Et pour ce qui était des sous-entendus sexuels, c'était presque la même chose. Parce que… comment dire, l'image était plus ou moins évidente, non ?
« Charlus ? insista-t-elle. Tout va bien ? »
Et voilà : elle n'avait pas compris qu'il s'était étranglé parce qu'il était surpris et qu'il ne savait pas bien comment répondre à ce qu'elle lui disait et ce qu'elle lui demandait.
« Tout va bien, oui, marmonna-t-il. »
Misère, voilà qu'il avait des images de Dorea en train de passer sous son bureau à présent. Ou tout simplement en train de le dorloter d'une manière à laquelle elle n'avait pas encore songé. Et il n'avait pas seulement des images en tête… Il avait aussi… à présent… des envies.
« Alors, qu'ont-ils voulu dire ? Je ne veux pas te gêner, mais je me sens vraiment stupide de ne pas comprendre quelque chose qui semble si évident et comme je ne sais pas à qui demander ou…
— Non, non, ça ne me gêne pas, marmonna-t-il en s'éclaircissant la gorge. C'est juste que… comment dire, l'image est plutôt parlante, non ?
— Tu veux dire que je suis trop grosse pour passer sous un bureau ? demanda-t-elle avec étonnement. Écoute, j'y ai pensé, mais ça ne colle pas. Je suis peut-être grande, mais je peux quand même…
— Non, non, euh… »
Comment le lui expliquer sans qu'elle s'offusque et le qualifie d'obsédé ou de détraqué ? Non que cette pratique soit obscène ou pathologique (il aimait beaucoupcette pratique et il avait déjà cherché plusieurs fois une manière de la présenter à Dorea), mais Dorea serait plutôt surprise et sceptique, à tous les coups. Elle avait déjà été sacrément déstabilisée lorsqu'il l'avait placée au dessus de lui la première fois, alors…
« J'insiste parce que ceci semblait important pour tes coéquipiers, et que je n'ai pas l'impression d'être frigide ou que tu sois frustré après l'amour mais…
— Disons que c'est un petit bonus agréable, avança-t-il prudemment en guettant sa réaction. Mais… Comment dire, quand on dit « passer sous le bureau », il y a une petite nuance. C'est une forme de corruption en nature. »
Elle le regarda avec un air si dubitatif qu'il se sentit un instant stupide à tant vouloir la ménager.
« Je ne comprends pas, reconnut-elle en écartant les bras devant elle avec fatalisme avant de s'approcher de la table et de s'asseoir sur le deuxième fauteuil de la pièce. Si c'est si agréable, pourquoi ne veux-tu pas m'expliquer ce que c'est pour que je puisse le faire ? »
S'il lui expliquait, elle mourrait de rougissement. Ou disons plutôt qu'il y avait des chances pour que cela se passe ainsi. Bref.
« Et si on essayait, plutôt ? proposa-t-il en sentant son désir impatient se manifester de plus en plus.
— Ce sera sans doute plus simple, approuva-t-elle comme s'il allait lui montrer un sortilège de Métamorphose avancée. »
Elle était parfois si scolaire, c'était déstabilisant pour lui qui ne l'avait jamais été.
« Alors ? reprit-elle en se levant. Qu'est-ce que je dois faire ? »
Son enthousiasme était si innocent. Il se sentait carrément manipulateur sur ce coup. Elle pensait sûrement à une gentille chose tout innocente comme un massage (qu'elle savait si bien faire) et lui allait l'initier à tout à fait autre chose.
« Tu n'as vraiment aucune idée de ce que ça pourrait être ? insista-t-il en commençant à avoir des scrupules.
— Non, je ne sais pas, ce n'est pas la peine d'insister, je suis obligée de le reconnaître, et ceci m'agace déjà assez, dit-elle en faisant la moue.
— Essaie juste de… Voilà, trouva-t-il. Imagine que cette table est mon bureau, proposa-t-il en guettant son hochement de tête approbateur. Imagine que tu te mets dessous…
— Attends, je vais le faire, ce sera plus concret dans mon esprit. »
C'était la scène la plus bizarre qu'il ait jamais vécu avec une fille (et cette fille était sa femme, soit dit en passant). Plus concret dans son esprit. Si elle voulait du concret, il voulait bien lui en donner, du concret.
Il recula un tout petit peu le fauteuil pour jeter un coup d'œil à Dorea. Merlin, ça l'excitait de la voir comme ça, à ses pieds, sous ce qu'il avait proposé d'être son bureau. Un fond de culpabilité traînait dans son cerveau, mais il réussit facilement à le faire taire lorsque la tête aux cheveux dévergondés de Dorea apparut juste là, entre ses jambes.
« Et là, tu n'as toujours pas une petite idée ? demanda-t-il en s'accrochant à son bureau.
— Charlus, combien de fois devrai-je te répéter que non, je ne comprends pas, soupira-t-elle en fronçant les sourcils avec ennui. »
… ennui qui l'électrisa encore plus. Sachant qu'en plus il n'avait pas trouvé utile d'enfiler autre chose que son caleçon sous sa robe de chambre, elle était vraiment à deux doigts de pouvoir poser sa bouche sur…
« Et ensuite ? le coupa-t-elle dans ses pensées. Ce n'est pas forcément confortable comme position, si tu pouvais... »
Il expira à fond pour ne pas s'impatienter, mais rencontra l'échancrure bien trop plongeante de sa robe de ce point de vu supérieur et attrapa son visage entre ses doigts.
« Qu'as-tu à embrasser, là ? souffla-t-il d'une voix bien trop rauque. »
Elle se recula d'un coup et disparut sous le bureau.
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Oh Morgane, Merlin et la fée Viviane. Alors c'était… c'était ça ? C'était… sucer comme disait Sylvestra ? Et elle, elle n'avait rien compris. Pas même les rougissements gênés et la tension qui émanait de Charlus. Elle devait juste calmer la chaleur de ses joues et les battements désorganisés de son cœur. Elle pouvait juste… apprécier cette… façon de faire comme les autres que lui avait montrées Charlus. Ce devait être bien s'il en avait envie, non ?
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Il regarda la bouche de Dorea revenir dans son champ de vision, sous la table, et ses mains aux doigts longs et fins s'activer sur le tissu de ses vêtements. Il eut à peine le temps de prendre conscience du fait qu'elle avait enfin tout à fait compris ce qu'il voulait lui expliquer, qu'il la sentit se mettre à la tâche. Ses soupirs se répercutèrent sur les murs de leur chambre avec une délicieuse nuance de contentement.
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« Stop ! lui cria Charlus. »
Elle se recula aussitôt, se cogna la tête sur le bureau (la table plutôt, bref) et se massa l'arrière du crâne avec une grimace avant de s'essuyer la bouche du dos de la main. Elle entendit le fauteuil de Charlus racler le sol et releva la tête. Est-ce qu'elle lui avait fait mal ? Ou…
« Viens mon amour, l'incita-t-il avec une voix fébrile. Viens, répéta-t-il en lui tendant la main. »
Elle sortit à quatre pattes pendant qu'il envoyait par terre ce qui traînait sur la table. Elle eut à peine le temps de reconnaître son regard chargé d'amour et de désir, qu'il l'attrapa sous les fesses pour l'asseoir sur la table.
« Et ça, c'est passer sur le bureau, lui souffla-t-il à l'oreille. »
L'euphorie explosa dans son corps lorsqu'elle sentit les mains de Charlus arpenter ses jambes et ses cuisses, glisser culotte, porte-jarretelles, bas et chaussures du haut vers le bas et jeter le tout en boule derrière lui. Il ne perdit pas son temps en baisers ou explorations pour venir se loger en elle au plus vite. C'était aussi chaud dans sa bouche que là, en bas. Et même si l'expérience n'était pas si bizarre et écœurante qu'elle l'avait crue, elle n'avait pas été très à l'aise et n'en avait pas vraiment profité. Alors, qu'il prenne le temps de venir à elle de cette manière…
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La table avait fini par le gêner et il l'avait portée jusqu'à leur lit, incapable de s'éloigner d'elle plus d'une seconde. Son petit soupir et son commentaire (mmmh, c'est plus confortable), l'avait contenté dans son choix.
Elle resta longtemps immobile cette fois, dans ses bras après l'amour. Trop longtemps immobile. Du moins, plus longtemps immobile que les autres fois.
« Tout va bien ? lui souffla-t-il à l'oreille avant de l'embrasser. »
Il laissa passer dix autres secondes de silence avant d'avoir une réponse.
« Est-ce que c'est ça qu'on appelle gâter un homme ? demanda-t-elle sans esquisser le moindre geste. »
Son sourire s'élargit avec arrogance et prétention, il le savait bien. Mais elle était dans ses bras, elle avait mis un soin particulièrement attentif à lui faire plaisir et il lui avait fait l'amour de manière désordonnée et irréfléchie comme il ne l'avait pas fait auparavant et elle avait aimé. Alors, oui, il se sentait puissant et invincible à cet instant. Il fit glisser sa main le long du dos encore habillé de Dorea pour remonter le bas de sa robe et poser sa main sur ses fesses.
« Il paraît, dit-il distraitement en expirant sous le contentement. »
Elle se redressa d'un coup et enfouit son visage dans ses mains en jurant. Il la regarda avec étonnement en se demandant ce qu'il lui prenait. Mais il eut pour une fois des explications sans avoir à les demander.
« Je suis une catin, je… Je t'ai gâté comme une catin ! Oh Morgane, qu'est-ce que j'ai fait ! se lamenta-t-elle. Qu'est-ce que tu dois penser de moi, je… je ne pourrai plus jamais me regarder dans un miroir ou… »
Il explosa de rire sans pouvoir se retenir. Ce n'était vraiment pas correct de sa part au vu de la situation, mais elle avait le don de bien trop réfléchir pour tout. Il se jeta sur elle pour l'allonger sur leur lit et lui empêcher toute fuite sans mise au point.
« Ma Dorea, mon amour, ne te mets pas dans des états pareils, voyons, lui demanda-t-il avant de l'embrasser doucement. »
Mais ceci devait vraiment la perturber puisqu'elle secoua la tête pour fuir ses baisers.
« Tu n'es pas une catin, tu es une épouse très attentionnée qui cherche à faire plaisir à son mari sur tous les plans, souffla-t-il avec amusement. Et puis, tout le monde le fait, ne…
— Toutes les filles légères le font, pas les épouses, protesta-t-elle.
— Tu crois ça ? se moqua-t-il. Les épouses qui n'aiment pas leur mari s'en abstiennent sûrement, puisque leurs maris vont voir ailleurs pour l'obtenir, imagina-t-il à voix haute. Mais les épouses amoureuses ne s'en privent pas. Quant aux époux amoureux, ils savent tout aussi bien gâter leur femme…
— Quoi ?! s'écria-t-elle en le repoussant violemment. »
Il se laissa retomber sur les oreillers. Elle s'était assise le plus loin possible de lui sans pour autant quitter le lit. Ses genoux ramenés contre elle, enserrés par ses bras, agissaient comme une muraille entre eux. Une muraille très simple à franchir, soit dit en passant.
« Je disais que… reprit-il avec amusement à la voir dans tous ses états.
— Mais ça va pas ! s'exclama-t-elle la voix suraigüe. »
Cette petite phrase de quatre mots était généralement l'indice clé à saisir pour savoir qu'on avait dépassé le décent et l'imaginable pour elle. Il suffisait d'insister un tout petit peu pour la sortir des tranchées tracées par son éducation rigide. Pourtant cette fois, il n'était pas sûr que ce soit suffisant. Elle semblait vraiment dans tous ses états et particulièrement éprouvée par ce qu'elle avait fait.
« Et pourquoi ? insista-t-il tout de même en s'imaginant l'embrasser longuement juste à cet endroit.
— N'y pense même pas ! explosa-t-elle en quittant le lit précipitamment pour se ramasser sur le sol. Tu… Tu as de drôles de manières ! bafouilla-t-elle se remettant le plus vite sur ses pieds pour l'empêcher de l'aider. Je… Enfin, je ne veux pas que tu viennes regarder… regarder là ! Ne me regarde pas comme ça, j'ai l'impression que tu vas me manger… Et ne ris pas ! s'offusqua-t-elle en enfilant les quelques morceaux de tissus qu'il avait pris la peine de lui enlever. »
Il était tout de même assis au bord du lit, prêt à l'attraper par la taille et la calmer avec quelques baisers. Il dût se lever lorsqu'il la vit perdre encore une fois l'équilibre. Il la rattrapa et il s'étonna de la sentir se blottir dans ses bras, la respiration saccadée, tremblante de tous ses membres.
« Dori, qu'est-ce qui t'arrive ? Ce n'est pas horrible ou dégoûtant. Et puis, je t'ai déjà regardée partout, alors… Tu pleures ? s'horrifia-t-il. »
Il avait peut-être sous-estimé le poids de son éducation et de son innocence. La boule de culpabilité remonta dans sa gorge rapidement.
« Excuse-moi Dori, je ne voulais pas te…
— Je… Je pensais que c'était les articles de Sorcière Hebdo et… et Enid Forty qui me rendait toute faible et… et tes soirées loin de moi à la Cave du Détraqueur mais… Mais je suis toujours aussi… aussi… aussi faible, à avoir des points noirs devant les yeux dès que je me lève trop vite, à perdre l'équilibre et à m'emporter pour un rien, je… Je suis désolée, je… »
Il fit monter et descendre sa main dans son dos en grimaçant. Il devait perdre sa fâcheuse habitude de la pousser à bout ou elle finirait vraiment par craquer.
« … Tu es le seul à me mettre dans cet état, et… »
Le seul à la mettre dans cet état ? LE SEUL à la mettre dans cet ETAT ?
« Est-ce que tu as du retard ? demanda-t-il fébrilement.
— Du… »
Elle s'écarta de ses bras, perdit l'équilibre, se rattrapa à leur lit et à la table de chevet dont elle ouvrit le tiroir pour en sortir le carnet qu'il avait déjà vu un mois plus tôt. Il ne l'avait jamais vue s'armer pour faire face à sa mauvaise période. Ils avaient été un peu distants ces deux dernières semaines, donc il n'aurait pas été surpris qu'elle lui dise que non, elle n'avait pas de retard. Et puis elle était si pudique, qu'il l'imaginait bien se cacher de lui pour gérer ceci. Et si elle ressortait son carnet, c'était sûrement parce qu'elle avait été indisposée assez récemment et…
« C'est vrai que ça commence à faire un peu long, reconnut-elle en se mordant les lèvres. Presque… trois mois sans rien, mais…
— Tu ne voudrais pas qu'on aille voir une sage-femme ? demanda-t-il en se dirigeant déjà vers son armoire pour s'habiller. Ou chez mes parents que ma mère regarde si…
— Attends, je… ça ne veut rien dire, hésita-t-elle. Je ne suis pas très régulière et…
— Mais imagine que ce soit ça, imagine que tu sois… enceinte ? souffla-t-il en venant cueillir ses mains. »
Il n'avait jamais imaginé ses enfants avec une autre femme pour mère que Dorea. En fait, avant de rencontrer (ou plutôt revoir) Dorea, il n'avait jamais pensé au mariage, aux enfants ou à la vie de famille. Mais là… il sentait son cœur s'affoler, ses mains impatientes de toucher son ventre et l'envie irrépressible de lui dire qu'il l'aimait, encore et encore.
« Je vais y aller alors, accepta-t-elle avec son petit sourire crispé. Mais si je ne le suis pas…
— Je viens avec toi, dit-il impatiemment.
— Non, non, je…
— Ah si, je veux être fixé au plus vite, insista-t-il en finissant de s'habiller. J'attendrai dehors si tu y tiens, mais je veux t'accompagner. »
Elle abdiqua plutôt facilement et il la guida dans les rues de Flaquemare jusqu'à la sage-femme du village. Il frappa à la porte avec impatience, oubliant tout à fait qu'on était dimanche et que Mrs Bones avait sans doute autre chose à faire. Elle vint tout de même leur ouvrir.
« Mr Potter, que me vaut le dérangement ? s'étonna-t-elle avant de jeter un coup d'œil à une Dorea mi-rêveuse, mi-crispée. Ça ne pouvait pas attendre demain ? demanda-t-elle en le regardant avec insistance. Il est onze heures, je suis en train de faire le déjeuner.
— Je vais surveiller le feu, proposa-t-il aussitôt. S'il vous plaît, Mrs Bones, nous voulons être sûrs, insista-t-il en voyant la sage-femme hésiter.
— Si quelque chose brûle, ce sera votre faute, Mr Potter, le prévint-elle en leur ouvrant. »
Il fit passer Dorea devant lui.
« Pas de corset ? demanda Mrs Bones en se lavant les mains dans le large évier de la cuisine.
— Non, c'est démodé, répondit distraitement Dorea en regardant autour d'elle.
— Les corsets reviennent à la mode, la détrompa Mrs Bones en faisant la moue. Et ce n'est pas bon pour un bébé. Pas même un bustier à l'avenir si vous êtes enceinte, nous sommes d'accord, Mrs Potter ?
— Mais je ne le suis peut-être même pas, protesta mollement Dorea.
— Mr Potter, surveillez le chaudron au lieu de déshabiller votre femme du regard, le reprit à l'ordre Mrs Bones. Venez Mrs Potter, nous allons nous mettre dans la pièce à côté. »
Il regarda Dorea disparaître derrière la porte avant de reporter son attention sur l'immense chaudron. Il lui semblait pourtant que les enfants de Mrs Bones étaient à Poudlard. Elle devait recevoir sa famille aujourd'hui alors. Il entendait les deux femmes parler sans pour autant comprendre ce qu'elles se disaient. Il crut entendre un sortilège crachoter, sursauta et voulut entrer puis prit sur lui.
Un bébé. Un bébé avec sa Dorea. Ce serait merveilleux, non ? Il n'avait pas pensé en avoir un aussi vite, il pensait qu'il faudrait quelques mois avant d'obtenir ce résultat mais…
« Vous êtes un rapide, Mr Potter, explosa la voix de Mrs Bones en même temps que la porte grinçait. »
Ceci voulait bien dire que…
Il se précipita sur Dorea qui sortait à la suite de Mrs Bones. Ses joues rouges et son sourire éclatant voulait tout dire.
« Alors ? demanda-t-il en détaillant chaque plus petit détail de son visage.
— Depuis un mois et demi ou deux, lui confirma-t-elle en lui sautant dans les bras.
— Oh ma Dorea, ma Dorea, s'exclama-t-il en la serrant contre lui. Oh je t'aime, qu'est-ce que je t'aime ! bafouilla-t-il en l'embrassant partout où il le pouvait. »
Elle riait. Elle riait aux éclats entre ses baisers. Elle était heureuse, hein.
« Ils sont tous comme ça, commenta distraitement Mrs Bones en retournant à son chaudron. »
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Après quelques recommandations et l'assurance que Dorea pouvait emprunter le réseau de Cheminette jusqu'au cinquième mois sans courir le moindre risque, ils retournèrent chez eux pour se rendre à Godric's Hollow et annoncer la bonne nouvelle aux parents de Charlus. Dorea aurait préféré attendre un mois au deux afin de passer l'étape des trois mois, mais comme elle savait que Charlus ne pourrait pas tenir sa langue, elle le laissa annoncer la bonne nouvelle. Ce fut une explosion de joie, à laquelle même Darius Potter prit part. Elle vit l'air surpris puis heureux de Charlus lorsque son frère le félicita et lui fit l'accolade. Il y avait une forme de jalousie et d'admiration mutuelle entre eux deux que Dorea ne comprenait pas bien. C'était sûrement les quinze années de différence qui les séparaient qui en étaient la cause. Allez savoir, Charlus ne parlait jamais avec elle de son frère. Elle préférait attendre quelques semaines avant d'annoncer la bonne nouvelle à sa famille, et réussit à convaincre Charlus de faire un effort pour tenir sa langue. Elle se demandait comment l'annoncer à Lucretia aussi. Elle n'était pas sûre de savoir comment le lui dire…
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« Eh bien Miss Lucretia, vous êtes bien triste ce soir. »
C'était peut-être la dixième tentative d'Ignatius pour dégeler le glaçon qu'était devenu la petite Lucretia. Charlus voyait bien qu'il tentait le tout pour le tout une ultime fois ce soir avant de partir pour la Roumanie. Il n'avait jamais vu Ignatius courir après une fille et même si ça avait été amusant au début, Charlus devenait de plus en plus perplexe face à ce désastreux spectacle. Il était même assez triste pour son ami, à la réflexion.
« Vous êtes triste à cause de mon départ ? insista Ignatius. Je reviendrai de temps à autre, je vous le promets. Et puis, vous… vous pourriez peut-être m'écrire, qu'en pensez-vous ? »
Bon Dieu. Ignatius qui proposait le début d'une correspondance épistolaire assidue ?
« Excusez-moi, bafouilla la petite Lucretia en se levant précipitamment. »
Charlus la regarda sortir de la pièce, de plus en plus perplexe. La Petite Lucretia était revenue dîner cinq ou six fois depuis le Nouvel An. À chaque fois, Ignatius avait rivalisé d'ingéniosité pour lui arracher un sourire. S'il avait réussi plusieurs fois, ce soir était un véritable fiasco.
Il jeta un coup d'œil à Dorea qui se contenta de grimacer. Lorsqu'il avait posé la question, elle avait simplement dit que Lucretia ne voulait pas s'expliquer, qu'elle faisait sans doute un quelconque caprice et qu'elle testait Ignatius. Le peu de conviction qu'elle avait mis dans ses propos l'avait fait douter, mais comme elle ne voulait pas décrocher un mot de plus…
« Je rêve, Ig, ou tu dragues ? le charria Bastian Carley qui hallucinait tout bonnement.
— A croire que Prewett n'est pas gay finalement, se moqua Sylvestra, assise à côté d'Ignatius. »
Ignatius rougit derrière sa barbe et marmonna.
« Mêlez-vous de ce qui vous regarde.
— Dis-nous ça fait combien de temps que tu rames, insista Jim Anderson.
— Je ne rame pas, elle est pudique, c'est tout.
— Tu rames, Ig, se sentit obligée de dire Emily Carley-Anderson. Pourquoi tu ne lui as pas proposé un rendez-vous ?
— Où veux-tu que je l'emmène en rendez-vous ? Et puis son père pense qu'elle a douze ans, il ne me laissera jamais l'emmener nulle part, marmonna-t-il.
— Charlus te couvrira, reprit Emily. Tu peux bien aller la voir, là, non ?
— Arrêtez ça, les coupa Dorea en se levant à son tour. »
Elle sortit pour rejoindre Lucretia dans le couloir. La porte claqua derrière elle, et sous le silence qu'elle créait, ils purent entendre les chuchotements des deux cousines.
« C'est quoi le problème ? s'étonna Carley.
— Sûrement un problème d'argent, marmonna Sylvestra en grimaçant. A tous les coups, Lucretia a parlé de Prewett à son grand-père. Mais le vieux Black se prend pour le roi des Sorciers, il lui a défendu quoi que ce soit et est en train de lui chercher un mari bien riche et bien sorcier. Peut-être même qu'elle est plus ou moins déjà fiancée et qu'elle n'ose rien dire.
— Tu plaisantes ? s'exclama Anderson. »
C'était une des conclusions possibles à laquelle était venu Charlus. Dorea lui avait assuré qu'il n'en était rien, mais si Sylvestra Selwyn allait aussi dans ce sens…
« Le vieux Black adore sa petite-fille, leur apprit Charlus. Je ne pense pas que…
— Ils ne témoignent pas leur amour de la même manière, les Black, rappela cyniquement Selwyn. Le vieux Black pense qu'un mari bien riche rendra plus heureuse sa petite-fille, alors il magouille pour la rendre heureuse selon ses critères.
— Mais elle n'épouserait pas quelqu'un qu'elle n'apprécie pas un minimum… si ? demanda Carley. C'est que… elle a l'air plutôt… gentille, alors…
— Si elle apprécie son grand-père, elle ne voudra peut-être pas se brouiller avec lui, trancha Selwyn. J'en ai vue des filles comme ça. Une fois sur deux elles prennent un amant quelques mois après leur mariage, ajouta-t-elle avec une grimace. Quel gâchis. »
La porte de la salle à manger s'ouvrit sur Dorea. Elle revint s'asseoir en face de la place que la Petite Lucretia avait laissée vacante.
« Lucretia ne se sentait pas bien, elle est montée s'allonger, dit-elle succinctement. »
Elle remettait en place ses couverts autour de son assiette, jouait avec le coin de sa serviette de table, croisait et décroisait les jambes sous la table.
« Est-ce que j'ai dit quelque chose de déplacé ? demanda Ignatius d'un ton encore plus bourru que d'habitude.
— Non, non, pas du tout, lui dit Dorea avec un sourire crispé. Elle est un peu fatiguée ces temps-ci. Elle m'a dit qu'elle était heureuse de te revoir une dernière fois avant ton départ, et qu'elle essaierait de penser à t'écrire.
— Qu'elle essaierait de penser à m'écrire ? répéta Ignatius sans y croire. Tu te moques de moi ? Peux-tu me dire si oui, ou non…
— C'est compliqué pour elle en ce moment, le coupa Dorea en se levant. Et si nous allions au salon ? »
Elle était déjà dans le couloir pour aller allumer des bougies dans le salon. Ignatius semblait assez remonté aujourd'hui, et ce n'était pas une bonne chose.
« Dorea, s'il te plaît, peux-tu être honnête avec moi ? reprit Ignatius d'une voix plus agressive en remontant le couloir à grands pas.
— Je suis honnête ! s'exclama sa femme depuis le salon. »
Il se dépêcha de les rejoindre, Carley, Anderson, Emily et Selwyn sur ses talons.
« Tu m'as dit d'être patient, tu m'as dit qu'elle était pudique en ce qui concernait les sentiments, tu m'as dit qu'elle n'était pas libre de ses mouvements… d'accord, d'accord, d'accord ! s'exclama-t-il. Ça fait bien deux mois qu'on se connaît, une dizaine de fois qu'on se voit, où je vois qu'elle est… heureuse de me voir, et complètement fermée à la fois. C'est son grand-père qui lui a dit qu'elle méritait mieux ? Que je n'avais pas assez d'argent pour…
— Mais non, ça n'a rien à voir, le coupa Dorea en sortant bouteilles de Whiskey et verres du placard. Son grand-père l'adore, il lui passe tout et même s'il serait surpris au premier abord, si c'est Lucretia qui insiste, il finira par dire oui ! Elle est seulement jeune, elle a peur, elle…
— Je lui fais peur ? s'étonna Ignatius en se laissant tomber dans le fauteuil dans lequel le poussait Dorea.
— Pas toi, l'avenir, elle a peur de l'avenir. Elle… hésita Dorea. Elle a peur qu'un jour tu… te détournes d'elle, et de se retrouver seule, et…
— On se marie pour la vie, la coupa Ignatius en prenant le verre que lui tendit Dorea.
— Le mariage, c'est un papier. Le sentiment dans ta poitrine, là, il peut s'en aller, insista Dorea.
— Balivernes ! s'exclama Ignatius.
— Qu'est-ce que tu es obtu ! s'agaça Dorea. Elle a peur de tout puisqu'on l'a toujours couvée. Elle a peur de ne pas savoir te rendre heureux, de… de ne pas te donner les enfants que tu veux, de te contrarier, de t'empêcher de voyager ou plutôt que tu te retiennes de voyager à cause d'elle et…
— Chaque chose en son temps, marmonna Ignatius.
— C'est ça, chaque chose en son temps. D'abord vous vous fréquentez, puis elle t'aime, ensuite tu la quittes. »
C'était un peu dramatique comme résumé.
« Enfin Dorea, si elle a ce scenario en tête, bien sûr que ça va se passer comme ça puisque… oh, eh bien on ne pourra même pas se fréquenter, râla-t-il. Tu ne crois pas que je pense ça aussi parfois, hein ? »
Un bref silence anxiogène plus tard, Dorea se remettait à parler.
« Tu as peur de ne pas la rendre heureuse, de ne pas pouvoir avoir d'enfants de…
— Qu'est-ce que tu as avec les enfants ? Et qui te dit que j'en veux, des enfants ?
— Tu ne veux pas d'enfant ? s'exclama Dorea en se jetant sur lui pour s'accrocher à son bras.
— Pourquoi tu me prends la tête avec les enfants ? explosa Ignatius. Elle ne veut même plus me parler ! On passera plus tard pour les gosses ! »
Elle s'apprêtait à en remettre une couche mais Charlus la tira contre lui. Il fit signe à Carley, Anderson, Em et Selwyn de s'asseoir avec eux autour de la table basse. Il aurait fallu penser à ramener quelques chaises de la salle à manger, mais Anderson donna une chic idée à Charlus en prenant sa femme sur ses genoux. Il en fit de même sur le canapé pendant que Carley laissait le fauteuil à Selwyn pour s'asseoir sur le tapis.
« Et si on parlait d'autre chose ? proposa Charlus. La Petite Lucretia doit seulement être fatiguée. Une partie de cartes, ça vous dit ? »
Ils jouèrent au Tarot-Explosif. C'était un jeu moldu que Carley avait adapté en version sorcière. La petite Lucretia ne redescendit pas, et Selwyn garda sa tête sceptique tout du long. Quelle pète-sec celle-là. Ignatius finit par partir, désappointé d'apprendre de Dorea que Lucretia s'était endormie. Il décolla en balai et les Carley-Anderson partirent aussitôt après. Selwyn resta quelques minutes de plus puis partit à son tour.
« Qu'est-ce qui se passe avec Lucretia ? demanda-t-il à nouveau.
-Je l'ai dit à Ignatius. Elle s'inquiète, elle se prend la tête pour rien, mais comme elle est têtue, je n'arrive pas à la raisonner, lui dit-elle avec lassitude. »
Il ne tira rien de plus d'elle ce soir-là.
.
« Lucretia, arrête de pleurer, s'il te plaît, disait doucement la voix de Dorea.
— Mais ça me tue, Dorea, sanglotait la petite Lucretia. »
Charlus s'approcha de la salle à manger. Il était censé être au Club dans une heure. Il avait pensé pouvoir petit-déjeuner avec sa femme et la Petite Lucretia, la taquiner un peu, la disputer un peu aussi, et partir l'esprit libre pour voler toute la journée. Mais la conversation semblait plutôt intéressante et peut-être qu'il en apprendrait enfin un peu plus sur l'attitude de Lucretia.
« Il… il est parti, et moi je ne pense qu'à lui, au fait que… que jamais je ne serai avec lui, que je le verrai sûrement s'éprendre d'une autre femme, l'épouser, lui faire des enfants et… sanglotait-elle. Et mon ventre restera froid, pour toujours et…
— Laisse-moi en parler à Sylvestra, peut-être qu'elle connaît un traitement ou…
— C'est mort, Dorea, c'est mort dans mon ventre, tu le sais, je le sais, et on ne pourra jamais rien en changer. Mon père a torturé ma mère parce qu'il voulait un fils ou rien et… il a eu rien, Dorea. Je ne suis rien, plus rien. »
Mais de quoi parlaient-elles ? Il poussa la porte de la salle à manger. La petite Lucretia détourna la tête pour cacher les sillons de larmes qui dévorait toute lumière de joie de son visage. Dorea se leva d'un bond. Il les regarda tour à tour, puis fit signe silencieusement à Dorea de le rejoindre dans le couloir. Elle jeta un coup d'œil inquiet à Lucretia, puis vint le rejoindre. Il ferma la porte derrière elle, et la tira dans le couloir.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? dit-il à voix basse en articulant lentement. Et dis-moi la vérité, s'il te plaît. »
Elle resta stoïque de longues secondes, puis ses lèvres se mirent à trembler. Il lui ouvrit ses bras, elle vint s'y blottir.
« Lucretia n'a plus ses menstruations depuis deux ans, souffla-t-elle la voix enrouée, depuis qu'elle a dix-sept ans, elle... elle ne peut pas avoir d'enfant et…
— Un peu de retard, ce n'est pas…
— Le même sortilège a frappé ma sœur, et je ne sais pas pourquoi moi j'ai été épargnée, souffla-t-elle.
— Explique-toi, s'il te plaît.
— C'est un vieux maléfice, chuchota Dorea. L'homme qui le lance à sa femme enceinte tient absolument à avoir un fils… ou rien. Si l'homme est suffisamment… misogyne pour considérer qu'une femme qui ne peut procréer vaut pour rien, le fœtus féminin reste malgré tout, mais il perd tout moyen de se reproduire. »
Lucretia était… stérile ? Alors… c'était pour cela qu'elle s'était enfuie face à Ignatius à chaque fois, sans pour autant s'empêcher de vouloir le voir.
« Tu crois que ton cousin… commença-t-il en sentant la nausée le prendre à la gorge.
— Je n'en sais rien, reconnut-elle. Il couve son épouse en permanence, il est toujours aux petits soins avec elle, alors j'ai eu des difficultés à le croire mais… mais qui d'autre aurait pu lancer le sortilège ? Et puis moi, je vais avoir un bébé et… et je ne sais pas comment le dire à Lucretia alors que…
— Ne mélange pas tout, Dorea. Pour Lucretia c'est… c'est vraiment triste et horrible, mais tu ne dois pas culpabiliser, essaya-t-il maladroitement de la rassurer. Et pour Ignatius… elle ferait mieux de le lui expliquer, qu'ils puissent tous les deux avancer.
— Tu ne comprends pas, reprit Dorea en secouant la tête. Elle ne veut pas qu'Ignatius se détourne d'elle pour cette raison, ce serait… Elle n'a déjà plus beaucoup d'estime d'elle-même, elle se considère déjà comme rien, alors si Ignatius aussi la considère ainsi… »
Mais lui, il ne saurait pas tenir sa langue si Ignatius lui reparlait de Lucretia. Enfin, il essaierait, mais Ig aurait tôt fait de voir qu'il lui cachait quelque chose.
Le crépitement de la cheminée du salon lui permit un instant de bouger en allant accueillir l'invité surprise. Il fut étonné de trouver Ignatius, chargé de son énorme malle, entrer dans son salon.
« Ig ? Mais tu n'es pas censé être dans un train ?…
— Annulé ! Ils ont annulé le train parce qu'une partie de la voie ferrée a été dynamitée par des sbires de Grindelwald ! s'exclama Ignatius hors de lui. C'est vraiment une journée pourrie ! Je dois attendre le départ du prochain train pour la Roumanie qui est dans… oh, miracle, une semaine ! Une semaine entière de retard à cause de cet imbécile de Grindelwald ! »
Dorea était sur le seuil de la porte du salon, un sourire crispé aux lèvres. Elle jeta un coup d'œil dans le couloir, comme si Lucretia s'y trouvait… ou qu'elle s'inquiétait pour elle.
Charlus essaya de ne pas grimacer. Et il se retrouvait encore une fois le derrière entre deux balais.
Il fut sauvé par la fenêtre qui s'ouvrit sur une vieille chouette noire qui ressemblait étrangement à un corbeau. Dorea avait désensorcelé la maison afin que son courrier à elle arrive toujours dans ses mains, et non dans la boîte de lettres. Lorsque le pli lui tomba dans les mains, lorsqu'elle regarda le sceau, il la vit devenir encore plus pâle que ce qu'elle était. Elle décacheta brusquement la lettre et se mit à la lire dans un marmonnement continu en perdant encore plus de couleurs. Charlus la rattrapa au moment où elle perdait l'équilibre, prit la lettre et la lut malgré les mises en gardes passées de Dorea.
Chère cousine Dorea,
Même si tu as piétiné mon cœur, j'ai su trouver quelqu'un pour le réparer. Elle te ressemble, elle porte le même nom que toi, elle a presque ton âge et depuis peu, elle est aussi austère et glaciale que toi. Je m'en vais demain demander sa main à notre cousin Arcturus. Lucretia portera mon nom avec bien plus d'élégance que toi. Et elle le fera, puisqu'elle est persuadée pour je ne sais quelle raison que cet imbécile de Prewett ira l'oublier dans les bras d'une Roumaine. Elle voudra sûrement se venger, non ?
Bien à toi,
Theophilius Beurk
Oh non, Lucretia ne se vengerait pas. Mais si elle était aussi désespérée qu'il l'avait vu et que lui avait expliqué Dorea, elle serait bien capable de voir dans ce mariage une punition quelconque à s'infliger.
« Elle est à côté, dit-il à Ignatius. Elle…
— Tais-toi, Charlus, le supplia Dorea.
— Lucretia est dans la salle à manger, répéta-t-il. Essaie… Essaie de lui parler.
— Elle est là ? Elle… Rah, elle va encore m'envoyer sur les roses, c'est bon, j'ai assez donné, marmonna Ignatius en regardant malgré tout dans la direction de la salle à manger.
— Elle ne peut pas avoir d'enfant, avoua Dorea du bout des lèvres. S'il… s'il te plaît, Ignatius. Si… si ça t'est égal, va la voir, et dis-le lui. Mais… Mais si ça te pose problème, repars vite. »
Ignatius perdit son air grognon au profit d'une hébétude pure et dure. Il pinça les lèvres, caressa pensivement sa barbe et se leva avec hésitation.
« Et qu'est-ce que je lui dis ? demanda-t-il en passant à côté de Dorea.
— Ne sois pas bourru, l'encouragea moqueusement Charlus. »
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Ne me tuez pas pour cette fin plus qu'abrupte, la suite est déjà écrite et sera mise en ligne à hauteur d'un chapitre par semaine, sûrement le mardi ou le mercredi dans pas trop longtemps (je psychote, je pinaille, je peux pas m'en empêcher et faut que je relise encore aha). On aura le pdv d'Ignatius et Lucretia dans Si morte au fond de moi... C'est une petite fic en sept chapitres (sauf si j'en écris d'autres d'ici là). Et puis je reviendrai avec Dorea et Charlus après héhé.
Eh bien, c'est la première fic aussi longue que je publie et ça me fait vraiment bizarre de mettre le dernier chapitre en ligne. Merci FelicityCarrow, merci Titou Douh (oui, Dorea est très crédule en ce qui concerne les relations disons humaines aha, elle est dans sa magie et le reste pouf, elle est à côté!), merci drou, merci Guest (j'espère que la suite t'a plu et te plaira aha), merci MarlyMcKinnon (toujours fidèle au poste après toutes ces années) pour vos reviews ! Merci merci merci à vous tous de me lire, ajouts fav/follow et j'espère ne pas vous avoir perdu en cours de route :)
Je vais mettre le dernier chapitre des Quatre Filles d'Arcturus Black ce soir aussi.
A très vite peut-être :)
