Bonjour bonjour, j'espère que vous allez tous bien !

WhiteAir : Je suis toujours aussi contente de ton enthousiasme pour les parties de carnet, elles sont plus simples à lire mais qu'est-ce qu'elles peuvent me poser des difficultés à écrire haha ! Tout va bien pour moi et j'espère que pour toi aussi :)

Alpo : Oh, merci beaucoup pour ces quelques commentaires laissés au fil de ta lecture, ça me fait très plaisir que tous ces chapitres t'aient plu et j'espère que la suite t'enthousiasmera tout autant :)

Poussin18 : Merci beaucoup pour tes encouragements, ça me fait très plaisir !

Très bonne lecture à tous !


25. L'étrangère

Ma première sortie en ville après l'agression, je la fait en compagnie d'Angela. La proposition de nous rendre à Port Angeles pour faire les boutiques est venue de sa part et je n'ai pas vu de raisons de la refuser. Pourtant, je dois bien avouer que l'image des yeux rouges du vampire m'a traversé l'esprit quand l'idée de me rendre en ville a fait son petit bout de chemin dans mon esprit. Ces choses là sont plus fortes que nous.

J'ai hésité avant d'avertir Embry de mes projets. Je ne voulais pas l'inquiéter inutilement, et c'est pour ça que j'ai finalement conclu que je ne le lui dirais pas. Ce n'est après tout pas grand-chose de plus qu'une sortie entre amies, et Angela et moi ne comptons pas nous aventurer dans des quartiers déserts. Au contraire, notre objectif est plutôt de demeurer dans les rues passantes où se trouvent les boutiques les plus intéressantes.

Une autre raison qui m'a motivée à ne pas le prévenir, c'est que je ne veux pas vivre dans l'anticipation d'une nouvelle agression. Je ne peux tout de même pas passer mon temps à me reposer sur mes amis surnaturels. Et puis, j'ai déjà prouvé que j'étais à même de me défendre moi-même, ou, en tout cas, que mon corps avait ses propres moyens de défense.

Sur le trajet, je parle de mon histoire avec Embry à Angela. Sans que je puisse pourtant lui révéler toutes les problématiques auxquelles nous avons fait face, Angela se montre très attentive et elle me donne quelques bons conseils.

Une fois arrivées en ville, nous flânons dans les boutiques de vêtements et nous nous laissons tenter plusieurs fois, faisant chauffer notre carte bleue plus que prévu. Mais nous passons une bonne après midi et c'est finalement le principal.

A un moment donné, Angela croise une connaissance et je leur laisse un peu d'intimité pour pouvoir discuter tandis que je me dirige vers une librairie. C'est là que je la vois pour la première fois.

Je suis devant la vitrine de la librairie, attentive aux nouveaux bouquins tout récemment sortis, quand une silhouette attire mon attention dans le reflet de la vitre. Je l'ignore au départ, puis il devient rapidement évident que la personne m'observe bien moi. Dans un premier temps, je détaille son apparence en continuant à lui tourner le dos.

C'est une personne à l'allure très androgyne que j'identifie comme une femme, bien qu'incapable d'en être certaine à cette distance. Elle porte un long manteau beige et un pantalon de la même couleur. Quant à sa peau, elle semble très pâle. Vue dans le reflet de la vitre, la silhouette me paraît presque fantomatique.

Bien décidée à ne pas la laisser m'effrayer, je décide de me tourner vers elle. Mais au moment de pivoter, l'inconnue n'est plus visible nulle part. Je tourne la tête dans tous les sens mais doit bien me rendre à l'évidence : il n'y a personne dans les parages qui corresponde à l'individu que je viens pourtant juste de scruter dans le reflet.

Curieuse, j'observe à nouveau le reflet dans la vitrine mais la conclusion est la même : qui que cette personne ait été, elle n'est plus là. Je jette un coup d'œil vers Angela et vois qu'elle discute toujours avec son amie d'école.

Je me remets à flâner dans la rue, m'arrêtant un instant devant une vitrine de prêt-à-porter, jusqu'à ce que je sursaute en constatant la présence de la même personne que tout à l'heure dans le reflet, et non plus de l'autre côté de la rue mais juste derrière moi. D'un bond, je fais volte-face.

Mes yeux croisent les siens, d'un bleu presque translucide. De près, son visage m'apparaît plus ridé que ce que j'avais pu penser de loin. Pourtant, il m'apparaît bien difficile d'attribuer un âge à cette personne définitivement singulière. Je l'identifie néanmoins comme étant une femme, bien qu'elle porte ses cheveux coupés de très près, d'un blond presque aussi translucide que sa peau.

— Qui êtes-vous ? demandé-je en m'efforçant de soutenir son regard étrange.

L'étrangère me met profondément mal à l'aise. Il y a quelque chose de dérangeant dans son aura, quelque chose sur lequel il m'est impossible de mettre le doigt.

— Qui je suis n'a aucune importance, réplique-t-elle d'une voix grave me donnant l'impression d'une profonde sagesse.

— Vous avez littéralement surgi derrière moi. Il doit bien y avoir une raison à ça. Que me voulez-vous ?

— Rien en particulier, Aina.

Je me fige quand elle prononce mon prénom.

— Vous savez qui je suis ? dis-je d'une voix légèrement tremblante.

Le malaise que me provoque la compagnie de l'étrangère ne fait que croître.

— Oh oui, je sais qui tu es. Sûrement mieux que tu ne le sais toi-même.

Je fronce les sourcils. A quel point cette femme peut-elle bien me connaître ? Se pourrait-il qu'elle sache ce que je suis ?

— Qui êtes-vous ? répété-je donc, profondément perturbée.

— Aucune importance, répond-t-elle à nouveau.

— Et pourtant, ça m'intéresse beaucoup de le savoir. Vous dites me connaître, dans ce cas, dites-moi ce que vous savez exactement.

— Il est encore trop tôt pour ça, Aina.

— Trop tôt ? Mais qui êtes-vous à la fin ?

Un sourire énigmatique passe sur le visage de l'étrangère. Je sens un profond agacement naitre en moi, voire une colère encore sourde au creux de mes reins.

— Les réponses viendront Aina, bientôt maintenant. Tout vient à point à qui sait attendre.

— Vous en avez d'autres des remarques sibyllines dans le genre ? Parce que ça ne m'intéresse pas. Ce que je veux, ce sont des réponses.

Le sourire de l'étrangère s'accentue, se faisant comme amusé.

— Ah, Aina… soupire-t-elle. Tu es une fille impossible. Tu es une humaine sans vraiment n'être que ça. Mais ça, tu le sais déjà.

Je ne réponds rien. Un frisson me traverse l'échine. Ainsi donc, l'inconnue sait vraiment ce que je suis.

— J'ai des réponses aux questions que tu te poses, Aina. Je te le dis tout de suite : je ne te les donnerais pas aujourd'hui. Le temps n'est pas encore venu. Mais le moment approche, et quand tu seras prête, alors tu auras enfin ce que tu désires tant, je te le promets.

— Que voulez vous dire ? soufflé-je avec une faiblesse soudaine dans la voix.

— Je sais ce que tu es, mais plus encore, je sais comment tu l'es devenue. Je sais beaucoup de choses. Des choses que tu as, toi, oubliées.

— Alors dites-les moi, ces choses que vous savez, l'imploré-je presque.

— Est-ce important ? Cela va-t-il changer ton existence ?

— Quoi ? Bien sûr que c'est important ! J'ai besoin de comprendre.

— Besoin ? Vraiment ?

— Mais oui !

La femme reste impassible et la colère gronde en moi.

— Le temps n'est pas encore aux réponses, Aina, répète-t-elle. J'en suis désolée.

— Mais pourquoi ? Dites-moi au moins qui vous êtes. Au moins ça.

— Tu n'es pas encore tout à fait prête pour ça. Mais ça viendra.

— Qui vous dit que je ne suis pas prête ? Voilà deux siècles que j'attends des réponses.

— Alors tu peux attendre un peu plus. Tu as tout le temps du monde, après tout.

— Quoi ? Tout le temps du monde ? Mais pour qui vous prenez-vous ? Je ne veux même pas de tout ce temps ! Je n'en veux pas !

Je constate les regards qui se tournent vers nous malgré le volume de ma voix que j'essaie de garder mesuré. L'étrangère met mes nerfs à rude épreuve.

— Bientôt, Aina. Bientôt.

L'inconnue se retourne sans me laisser le temps de réagir. Par réflexe, je me précipite à sa suite mais, alors que ma main s'apprête à attraper son épaule, je ne touche que du vide. Sous mes yeux ébahis, la silhouette de la femme vient de disparaître.

Je suis encore profondément choquée quand Angela me rejoint finalement et pose sa main sur mon épaule. Je sursaute violemment et Angela s'excuse immédiatement pour m'avoir ainsi effrayée.

— Aina ? Tout va bien ?

— Oui, oui. Excuses-moi, j'étais dans la lune.

— Tu es sûre ?

— Certaine, Angela.

Je lui souris et je ne sais pas si je l'ai convaincue ou non mais nous reprenons nos activités sans plus en parler après ça. Au moment du trajet retour, je suis moins bavarde qu'à l'aller mais, encore une fois, Angela ne fait pas de remarque. Je devine qu'elle sait que quelque chose me tracasse, mais qu'elle me laissera choisir si je veux en parler ou pas. En l'occurrence, je sais bien que je ne pourrais jamais lui parler de ce que j'ai vu. Angela n'est pas de ce monde là, celui où des gens se transforment en loups ou bien s'évaporent comme par magie.

Néanmoins, même après avoir vu tout ce que j'ai vu, après avoir rencontré des vampires et des loups modificateurs, après avoir survécu à un coup de feu, je ne suis toujours pas certaine de pouvoir croire que ce que j'ai vu aujourd'hui est réel. Car c'est encore tout autre chose que tout ce que j'ai pu rencontrer auparavant. Je ne suis même pas certaine de parvenir à en parler aux autres. Car comment verbaliser le phénomène ?

Quand Angela me dépose chez moi, je retrouve mon salon de façon distraite, et c'est pourquoi je ne remarque d'abord pas la présence d'Alice sur mon canapé. Je sursaute à peine en la découvrant, d'ailleurs.

— J'ai vu que tu ne m'en voudrais pas d'avoir attendu ici plutôt que dehors, s'explique-t-elle.

Je hausse les épaules. Avec les vampires, je ne m'étonne plus de rien. Je n'essaie même pas de comprendre comment diable elle s'est faufilée à l'intérieur alors que la porte était verrouillée. Puis, une fois sortie de mes tracas, je commence à me questionner sur la présence d'Alice dans mon salon, avant de me dire que c'est la première fois que : une, je suis seule en sa compagnie, et deux, qu'elle me rend visite chez moi. Je ne peux m'empêcher de me dire que ça doit avoir un rapport avec l'étrangère.

— Qu'as-tu vu, Alice ? lui demandé-je.

— A toi de me le dire, répond-t-elle.

Son regard me transperce, plein de questions auxquelles je n'ai aucune réponse.

— Je ne sais pas ce que tu as vu exactement, mais je n'en sais pas plus que toi.

— J'ai vu une femme disparaître devant tes yeux. Une femme des plus singulières.

— Dont j'ignore l'identité, précisé-je. Il semblerait néanmoins qu'elle en sache beaucoup pour moi. Elle savait ce que j'étais, même probablement qui j'étais. Alice, as-tu la moindre idée de ce qu'elle est ? Comment a-t-elle pu disparaître de la façon dont elle l'a fait ?

— Je suis comme toi, Aina, s'excuse Alice. Je n'ai jamais rien vu de tel. Je pensais que tu saurais m'en dire plus. Tu sais, ça fait longtemps que je n'ai pas été surprise par quelque chose de cette façon. Je pensais avoir tout vu.

— Tu ne penses pas que cette personne soit dangereuse, si ?

— Elle ne m'a pas semblé dangereuse. À toi si ?

— Pas vraiment. Je ne pense pas qu'elle m'ait voulu le moindre mal.

— Au cas où, je veillerais au grain, me rassure-t-elle. Après Seattle…

Elle ne termine pas sa phrase mais je sais ce qu'elle veut dire. Alice se sent coupable de ne pas avoir pu m'épargner l'épreuve que j'ai vécu, alors même qu'elle n'a aucune responsabilité dans tout ça. Dans le monde tel qu'il était avant que je ne rencontre les Cullen, personne ne sondait après tout l'avenir pour me protéger. J'acquiesce donc, bien que gênée qu'on veille ainsi sur moi, surtout au moyen de pouvoirs que je ne comprends pas toujours.

— Tu sais, moi non plus je n'ai pas de souvenirs de ma vie, jusqu'à un certain âge, m'apprend soudain Alice. J'ai appris tardivement qui j'étais. Quand j'étais humaine, je veux dire. Je comprends ce que c'est que de n'avoir aucunes réponses. Je te souhaite de les trouver un jour.

— Il semblerait que cette étrangère soit l'unique personne qui puisse me les apporter, soufflé-je. Qui sait pourtant quand je la reverrais !

— Si elle s'est présentée à toi, c'est sûrement pour une raison. Il est à prévoir qu'elle le refera.

— Je suppose, concédé-je.

— Ça sent le loup, fait alors remarquer Alice en fronçant son joli nez retroussé. Je crois que quelqu'un arrive.

— Sûrement Embry, dis-je.

— Définitivement lui, acquiesce Alice avec un grand sourire. Bon, je vous laisse les amoureux.

Sur ce, Alice file sans que je puisse même voir par où elle passe, encore plus rapidement que cette étrangère s'est dissipée sous mes doigts plus tôt. Embry frappe à la porte et je l'invite à entrer, n'ayant pas verrouillée la porte plus tôt.

— Tu t'es décidée à utiliser la porte ? lui fais-je remarquer pour le taquiner.

Il hausse les épaules en souriant.

— Je me suis dis que c'était quand même plus respectable. Le voisinage va finir par parler.

Il fronce le nez en se laissant retomber à mes côtés sur le canapé.

— Un Cullen était là ? s'enquit-il.

— Alice, admets-je.

— Une raison particulière ?

Je grimace, hésitante, avant d'avouer :

— Elle a eu une vision.

— Laquelle ? insiste Embry en constatant mes réticences à lui répondre.

Je soupire longuement, lasse à l'avance de devoir raconter cette folle histoire qui ne fera que raviver tout ce tas de questions sans réponses qui me rongent intérieurement.

Pendant que je lui relate toute l'affaire, le quileute m'écoute attentivement, sans m'interrompre. Quand j'en ai terminé, il s'enquit immédiatement de savoir si cette étrangère présente une quelconque menace pour moi.

— Je ne le pense pas et Alice non plus.

— Qu'a vu Alice au juste ?

— Notre rencontre, rien de plus pour le moment.

— Je ne suis pas rassuré de savoir cette inconnue après toi, d'autant plus sans savoir ce dont elle est capable. Tu dis qu'elle s'est volatilisée ?

J'acquiesce.

— Et ce n'est pas une question de rapidité comme ça pourrait être le cas avec les Cullen. Je l'ai littéralement vue se dissiper sous mes yeux. J'ai senti son corps s'évaporer dans l'inconnu alors que j'essayais d'attraper son épaule. Je n'ai jamais rien vu ni entendu de tel. Alice non plus.

— Je ne fais pas confiance à cette étrangère. On ne sait trop rien d'elle.

— Mais Embry, elle a sûrement des réponses à mon sujet. Elle sait des choses, c'est une certitude. Je ne peux pas l'oublier. C'est tout ce que j'ai toujours voulu, trouver des réponses, tu le sais bien.

Les sourcils d'Embry se défroncent un peu.

— Je sais, soupire-t-il. Sois juste prudente, d'accord ? On ne sait pas qui elle est et ce qu'elle veut. Tu sais que, s'il t'arrivait quoi que ce soit, je…

— Je sais, Embry, soufflé-je en prenant une de ses mains dans les miennes. Quand son chemin recroisera le mien, parce qu'il le fera, je te promets de faire très attention.

Pourtant, en mon fond, je sais que je serais prête à tous les risques pour obtenir ces précieuses réponses que je cherche depuis si longtemps maintenant. Après cette interminable attente, aussi longue qu'insoutenable, comment pourrais-je laisser passer cette occasion inespérée au détriment de quelques risques ?

Et ça, je ne peux bien évidemment pas le confier à Embry.