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Chapitre 38
Zetsu était visiblement contrarié, cela se sentait dans ses mouvements saccadés et ses mâchoires crispées. Il n'avait pas touché à son repas qui avait refroidi, et sa lèvre boudeuse se retourna davantage encore quand Nagato mordit avec appétit dans la dernière bouchée de son dessert, levant les yeux vers lui.
— Qu'est-ce qu'il y a ? finit-il par demander au coach sportif en fronçant les sourcils. T'as pas dit un mot de tout le repas.
L'invitation à déjeuner était tombée par surprise et l'inspecteur l'avait acceptée avec beaucoup de joie. Il n'avait pas vraiment eu l'occasion, avec la filature, de passer à la salle de sport – et vu que Zetsu s'entendait à merveille avec sa petite amie, il était normal qu'il consacrât beaucoup de temps à cette relation, Nagato en était ravi pour lui.
Pourtant, le plaisir qu'il prenait à la compagnie de son vieil ami ne semblait pour l'instant pas réellement partagé.
— À toi de me le dire. Je te vois plus à la salle depuis un bon moment, ton abonnement me dit que t'as pas validé ta carte récemment et quand je viens te chercher pour déjeuner avec toi, t'es en train de parler avec l'autre traître. Qu'est-ce qu'il y a ?
Nagato léchouilla le chocolat qu'il avait au bout des doigts avant d'avoir une grimace contrite en appuyant ses omoplates contre le dossier de la banquette où il était installé.
— Ah ça… C'est une galère sans nom, soupira-t-il.
Heureusement, Yahiko avait accepté de l'épauler dans la filature, prenant sur son temps personnel pour permettre à Nagato de souffler, de ne pas négliger son travail. Il avait essayé de trouver plus d'indices, également, disant que ça n'allait pas pouvoir continuer ainsi éternellement. Pourtant, c'était le quatrième jour où ils étaient deux pour gérer l'enquête, mais ça n'avançait toujours pas.
Malgré les protestations du lieutenant des forces spéciales, Nagato n'avait rien dit à Itachi, il n'avait pas essayé de le pousser à déposer une plainte, convaincu à juste titre que ça ne servirait probablement à rien.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
Le ton de Zetsu changea immédiatement quand il perçut la fatigue sur le visage de son meilleur ami. C'était difficile de passer à côté, à vrai dire, il avait les traits tirés de quelqu'un qui dormait mal.
— Je suis sur une enquête, en ce moment, pardonne-moi, j'aurais dû te prévenir que je n'allais pas venir. Désolé que tu aies pensé que… Qu'il y avait un problème entre nous.
— Quel genre d'enquête ? s'étonna Zetsu. D'hab, quand vous faites des enquêtes ensemble, ce sont des trucs méga classés, vous en parlez pas sur un bout de trottoir avant la pause déj…
S'agitant sur son siège, Nagato saisit au vol le regard du serveur pour lui demander un café alors que Zetsu consentait à enfin entamer son repas.
— Enquête privée, offrit Nagato en baissant la voix quand l'employé du restaurant eut posé devant lui son expresso. Itachi reçoit des menaces de mort.
Zetsu se ferma d'un coup.
— Ça sonne pas bien, ça, c'est du sérieux ?
L'officier de police soupira.
— J'en ai peur. Et je t'avoue que je n'ai pas trop envie de prendre le risque. Je ne lui ai pas dit que j'enquêtais sur lui, il n'est pas au courant.
Déglutissant, Nagato cessa de touiller son café pour lever les yeux sur Zetsu.
— Donc, après mes heures de boulot, je m'occupe de travailler sur ça. Je le surveille pour être sûr qu'il va bien. C'est pour ça que je ne viens plus…
— Bon, excusa Zetsu, clairement, t'as d'autres priorités, je serais vraiment bâtard de te dire que c'est pas une raison. Ça va aller ? C'est que ça m'inquiète un peu, mine de rien. Je l'aime bien, ton coloc.
— Ne t'inquiète pas, sourit Nagato. Je vais coincer le salopard qui est derrière tout ça et je protégerai Itachi.
Le coach sportif hocha la tête, enfournant dans son gosier une bouchée énorme. Il avala difficilement avant de baisser la voix :
— Alors, maintenant que tu le files et que tu le vois faire des trucs pendant qu'il regarde pas… Raconte… Je veux savoir toutes ses sales manies.
Éclatant de rire, Nagato saisit sa tasse, laissant son regard s'imprégner de douceur.
— Il n'y a pas grand-chose à dire… Il a pour habitude de changer régulièrement de trajet, ce qui est une bonne chose, ça le rend moins prévisible. Il ne fait pas vraiment attention quand il traverse la route, ce qui me colle des sueurs froides à chaque fois. Il aime un peu trop les animaux… J'ai passé des heures entières à le regarder courir après des chats ou des chiens, pour pouvoir les caresser. Tu devrais voir son sourire quand il parvient finalement à approcher de l'animal pour lui gratouiller la tête, c'est… Si tu le croises dans la rue, si tu le vois faire ça, à aucun moment tu ne peux imaginer qu'il va sur un tournage de film X.
— Cette question te rend toujours dingue, hein, s'amusa Zetsu.
Nagato devait bien en convenir.
— Pourtant, je lui ai demandé pourquoi il faisait ce métier et je sais pourquoi il le fait. Mais ça percute pas, je n'arrive pas à associer les deux.
— Tu devrais peut-être en regarder un. Un de ses films, je veux dire. Peut-être que tu comprendrais mieux.
— Non merci, refusa Nagato. Je préfère encore ne jamais comprendre. Je ne me sens pas obligé de tout savoir et de tout connaître et, pour cette fois, j'aime mieux mon ignorance.
Il haussa les épaules et Zetsu roula des yeux.
— Comme tu veux, après tout, ça me regarde pas.
Un silence passa entre eux quelques secondes, puis Nagato pinça les lèvres.
— Tu avais raison, à propos de Mikan. Elle se sent bien plus mal qu'elle ne le montre à propos du divorce.
Zetsu exhala, rejetant la tête en arrière, avant de lancer un regard curieux à son ami qui enchaîna :
— Je pensais qu'on avait réussi à l'épargner, mais… Elle m'a demandé de tomber amoureux d'Itachi pour ne plus avoir à déménager. Je n'avais jamais pensé qu'elle aurait pu se sentir mal à l'idée de quitter la maison… Le fait que sa mère et son parrain parlent du déménagement tout le temps, ça ne doit pas aider, j'imagine. Il y a beaucoup de changements pour elle… J'ai essayé de la rassurer comme j'ai pu, mais… Je me sens nul, comme père.
— C'est normal qu'elle soit perturbée, réfuta Zetsu, et ça aurait été encore pire si tu n'avais pas fait tout ce que tu as pu. Ton avocat a pas menti, pendant le procès, tu fais vraiment de ton mieux et c'est aussi logique que parfois, tu fasses des erreurs. Tu n'es pas un dieu, tu n'es qu'un homme. Qu'est-ce que tu lui as répondu ?
— Qu'on n'allait plus déménager et qu'on resterait là, mais bon… Je n'exclus pas la possibilité de devoir partir un jour. Itachi pourrait aussi rencontrer quelqu'un et vouloir une vie de couple. J'ai menti à ma fille, en somme.
Il jappa d'inconfort, se tortilla sur son bout de banquette.
— C'est pas la première fois, mais cette fois, ça m'a rendu particulièrement mal.
— Si ça peut te rassurer, c'est pas demain la veille qu'Itachi va t'inviter à partir pour vivre l'amour fou avec quelqu'un, rit Zetsu. T'es pas au courant ? rajouta-t-il en percevant l'air perplexe de Nagato. D'après Kiba, il refuse de relationner avec des personnes ayant vu un de ses films. Il dit qu'il mélange pas privé et professionnel.
Cela ne rendait pas le raisonnement plus clair pour l'inspecteur qui se gratta la tête d'un air interrogateur.
— Mais… C'est une telle célébrité dans le milieu, tous les gays ont dû voir au moins un de ses films… C'est incompréhensible.
— Toujours d'après Kiba, il veut quelqu'un qui ne mélange pas qui il est et ses personnages. Un peu comme tu l'as dit, c'est plus un type qui, dans sa vie privée, va poursuivre un chien uniquement pour le câliner qu'un mec impliqué dans des orgies tous les soirs. Donc je peux comprendre le raisonnement.
— Mais il ne trouvera jamais personne, s'attrista Nagato. C'est dommage, il mérite vraiment d'être aimé.
— Bah, j'sais pas, des mecs qui ont pas vu ses films, à cette table, y en a déjà un, donc c'est pas non plus complètement surréaliste.
Croisant les bras, Nagato parut réfléchir un instant.
— Tu as probablement raison. De toute façon, ce n'était pas comme si ça me regardait, n'est-ce pas ? … Attends, comment ça, un ? Tu as vu un de ses films ? s'horrifia-t-il.
Zetsu éclata d'un rire fort et contagieux devant sa tête déconfite.
Derrière le masque chirurgical qu'il portait toujours pour se protéger, Kakashi esquissa un sourire satisfait, serrant contre lui son déjeuner emballé dans un sac en papier kraft et les revues qu'il avait achetées chez le marchand de journaux pas loin du commissariat.
Chaque deuxième quinzaine du mois sortait son magazine préféré, Porn Mag, dans lequel il consultait les dernières actualités du genre, prenant en note les dates des festivals à travers le pays afin de pouvoir jeter un œil sur les différents stands et les exhibitions publiques.
Il était passablement déçu d'avoir raté la live-perf' de Tsuki – un de ses performeurs fétiches – lors du précédent salon de l'Érotisme, aussi, quand il avait vu la couverture du nouveau numéro – qui vendait une interview exclusive de l'acteur, il n'avait pas hésité un instant à s'isoler de ses collègues pour déjeuner seul et la lire avec attention.
La couverture de Porn Mag promettait monts et merveilles : le titre, provocateur, annonçait Tsuki comme étant L'Adversaire – un petit encart à droite montrait un portrait de Kimimaro – et sur toute la page s'étalait une photo aguicheuse de l'étoile montante d'Akatsuki Productions.
S'installant à table, Kakashi posa la revue pour extirper son sandwich et sa bouteille d'eau de leur sachet, puis il se mit à l'aise avant de récupérer le magazine, l'ouvrant en page 10 pour commencer la lecture du dossier spécial consacré à celui qui avait raté de peu – c'était sûr que c'était de peu – le Zob d'Or l'année précédente.
Si quelqu'un le lui avait demandé – et personne ne l'avait fait – Kakashi aurait confirmé qu'il n'était pas homosexuel, qu'il n'avait pas vraiment de raison d'aimer la filmographie de Tsuki. Il n'aurait probablement pas été très regardant si ce dernier lui avait proposé un plan cul, mais le policier ne se définissait pas gay.
Cependant, il était depuis toujours un très grand fan de Jiraiya Smith. La première rencontre entre eux s'était faite par écran interposé quand le réalisateur utilisait encore son nom d'acteur de X, Koji Kashin. Kakashi avait trouvé l'homme bourré de talent, et s'était attaché à l'univers coloré, vif et romantique qu'il essayait de déployer.
Lassé de la vie de pornstar, Koji Kashin avait raccroché, passant de l'autre côté de la caméra, se lançant dans des films d'auteur qui avaient fait un flop monumental. Il avait alors décidé de créer Akatsuki Productions, une boîte de porno – puisque le porno fait vendre – et s'était attelé depuis à édifier un nouveau genre du cinéma, ce but servi par l'immense présence de Tsuki.
Depuis L'Étoile du Matin, Kakashi savait que cet acteur aurait un succès fou, qu'il était un diamant brut qui ne demandait qu'à être poli. Il s'était promis de le suivre jusqu'au bout pour le voir bâtir sa carrière, quitte à regarder des films qui n'étaient pas destinés à son orientation sexuelle.
Petit à petit, il y avait pris goût. Il était arrivé dans la communauté peu de temps après la première sortie de Time Travel – la version classique, pas celle remastérisée en VR – et y avait fait son nid, enrichissant quelques articles, lançant des sujets de discussion – son topic le plus populaire étant une conversation questionnant le statut top ou bottom de Tsuki dans sa vie privée, le débat avait été particulièrement animé, et étayé. Il avait pu découvrir des trésors qu'il n'avait jamais vus auparavant, ça avait été sa meilleure semaine de vacances.
Il croqua dans son sandwich, ses yeux effleurèrent le magazine toujours plus rapidement, souriant de certaines infos que Tsuki et le journaliste dévoilaient.
Le scoop le plus énorme était dit au détour d'une note par le rédacteur de l'article qui affirmait que le fond d'écran du téléphone de Tsuki était une photo d'un homme roux avec une enfant. Tsuki aurait une liaison ? Une vie de famille ? Une information aussi grosse ne pouvait pas être ignorée par la communauté, ça allait théoriser à plein régime toute la soirée !
Un tournage important était en cours à Akatsuki Productions, également. Une nouveauté risquée – celles que Kakashi préférait, à vrai dire, ces films-là arrivaient à combler tout ce qu'il avait toujours souhaité.
En fin d'interview, Tsuki avait aussi lâché qu'il tournait avec la belle Hime. Il affirmait sans se cacher qu'ils étaient très amis et qu'ils se côtoyaient en dehors du travail.
Il la relut une ou deux fois pour s'assurer qu'il n'avait rien laissé passer comme information – même s'il savait que Zobinator, l'administrateur du forum, s'empresserait de faire un récapitulatif dès le soir sur une newsletter fracassante.
Finalement, il s'installa plus confortablement pour aller consulter un nouvel article à propos d'une réalisatrice, Koyuki Kazahana, qui se lançait dans le porno féministe et proposait des contenus plus respectueux des femmes et usant de moins de violence symbolique ou physique. Il grogna entre ses dents que c'était déjà ce que faisait Jiraiya et leva la tête pour saluer Yahiko qui venait d'entrer avec une tasse à la main pour se faire un café.
— Tu lis encore un truc dégueu ? rit le lieutenant en regardant à peine son second.
Il était de notoriété publique que le premier vendredi de la seconde quinzaine du mois, Kakashi était infréquentable pour le déjeuner. Ce dernier leva le magazine, de sorte à montrer la couverture à Yahiko qui n'y jeta pas un regard.
— Tsuki a donné une interview. C'est super rare, je ne pouvais pas rater ça.
Yahiko eut un coup au cœur et pivota sèchement, s'approchant de la table pour arracher le magazine des mains de son propriétaire qui protesta « doucement, tu vas l'abîmer ! ».
Les yeux de l'ancien meilleur ami de Nagato glissèrent sur l'image figée sur papier glacé. Il observa Itachi, à moitié nu, les mains dans les poches de son pantalon, les rétines rouges et les cheveux détachés. Il se rendit directement en page 10, scrutant les questions, balayant et scannant rapidement les réponses, tiquant sur le passage du fond d'écran de téléphone.
Il pâlit brusquement et leva les rétines sur Kakashi.
— Je peux te l'emprunter ?
Il n'attendit cependant pas la réponse, abandonnant sa tasse remplie près de la cafetière, passant précipitamment la porte de la salle de pause pour arpenter les couloirs et s'arrêter devant celle du bureau de Nagato.
Il frappa deux coups secs, poussa sur la clenche et le battant, pénétra dans la pièce, surprenant Nagato qui se leva à moitié de son siège en voyant la hâte avec laquelle Yahiko s'approcha.
Le nouveau venu lança le fruit de son larcin sur le bureau, faisant demi-tour pour refermer la porte.
Les prunelles de Nagato saisirent ce qui s'affichait sous ses yeux, il papillonna, s'arrêtant un instant sur l'image – « retouchée » pensa-t-il en ne comprenant pas pourquoi ils avaient pris cette peine. Il avait déjà vu Itachi dans des tenues similaires, il n'avait absolument pas besoin d'être amélioré pour être présentable, il était très bien fait de sa personne sans ça.
Et son cerveau percuta enfin ce qu'il avait sous les yeux.
— Oh non, se lamenta-t-il. Ne me dis pas qu'il a donné une interview à la revue porno la plus vendue du pays alors que quelqu'un essaie de trouver la bonne occasion de le tuer.
— Y a pire, affirma Yahiko. Il parle de Mikan dedans.
— Quoi ?
S'empressant d'ouvrir le magazine, il se brûla les yeux sur les images plus qu'explicites et décida de ne pas en tenir compte, au moins le temps d'éclaircir ce point. L'interview commençait à la page 10 – la page 11 étant occupée par une nouvelle photo, moins retouchée que la couverture.
Yahiko désigna un paragraphe.
— C'est très vague, bien sûr, il ne parle pas d'elle directement, mais le journaliste a moins de pitié. Il a vraiment une photo de toi en fond d'écran de son téléphone ?
— De Mikan et moi, corrigea Nagato. À vrai dire, je pensais qu'il l'avait enlevée, depuis le temps, c'est Mikan qui a piqué son portable, pour mettre un fond d'écran, parce qu'elle trouvait ça triste qu'il garde le fond d'écran par défaut. Donc elle a pris une photo de nous pour l'y mettre.
— Ah bon, s'étonna Yahiko avant de secouer la tête pour en revenir au sujet de base. Franchement, à la place du corbeau, moi je prendrais cette interview comme une provocation.
Nagato porta un ongle à sa bouche et croqua sèchement dedans, ses yeux parcourant rapidement l'article.
— Ouais, ouais, si j'étais un taré complet, moi aussi je prendrais ça pour de la provocation. C'était bien le moment d'exciter un tueur… Faut qu'on trouve cet enfoiré, supplia-t-il en se sentant pâlir encore plus. Et faut qu'on le trouve vite. Ce soir, je séquestre Itachi et on sort pas du week-end. Avec un truc comme ça, on aura probablement des nouvelles du tueur. Peut-être que ça l'énervera assez pour qu'il commette une erreur.
Il n'y croyait pas vraiment et Yahiko hocha la tête sans trop de conviction.
— On va se remettre au taf dès lundi. Si tu gardes Itachi sous clé tout le week-end, ça devrait être bon. Je vais rester là, je vais essayer de trouver des pistes, je vais lancer une analyse textuelle, peut-être que ça nous en apprendra plus. On l'aura, ok ? Ton colocataire ne mourra pas.
Nagato approuva d'un mouvement sec, lèvres pincées, le regard perdu dans le vide.
— C'est intolérable, intolérable.
Le chuchotis de l'homme suinta entre ses lèvres, se répercutant sur les murs épais, alors qu'il faisait les cent pas près d'une lourde table ancienne, tirant sur les coutures de son pantalon, son érection compressée par le vêtement serré.
Sur la table, il avait jeté le dernier numéro de Porn Mag, qu'il avait acheté malgré lui, les yeux happés dans le regard rouge de la couverture et depuis, il déambulait dans sa cuisine où flottait une odeur de poireau.
— Intolérable, siffla-t-il à l'adresse du feu qui grondait dans la cheminée.
La situation n'était plus viable. Il n'était plus possible pour lui de fermer les yeux. Il fallait qu'il fît quelque chose et qu'il le fît vite. L'emprise du démon sur le monde se resserrait chaque jour un peu plus et il n'y avait que lui qui pouvait lutter et il sentait, oui, il sentait qu'il ne pourrait plus résister aux pouvoirs tentateurs du diable encore bien longtemps.
Malgré toutes les épreuves qu'il avait dû traverser, il sentait que son armure ne pouvait plus le protéger. Il fallait faire quelque chose. Éliminer la menace.
Il n'était pas sûr d'être en mesure de pratiquer un exorcisme de cette puissance, il n'était pas assez avancé pour ça. Il avait déjà évalué le pouvoir tentateur du démon, l'affrontant en face à face à chaque fois qu'il le pouvait, mais il se sentait faiblir. Plus le diable passait de temps sur Terre, plus son emprise se renforçait.
Il fallait éliminer le mal à la source. Il fallait tuer. Que Dieu lui pardonne, il le faisait pour le monde. Il irait en Enfer, probablement, bien sûr, ou peut-être serait-il un martyr, encensé d'avoir sauvé ses ouailles de la menace pesante que représentait cette tentation infâme sur son chemin, tellement puissante qu'elle faisait pulser le sang dans son sexe, l'érigeant indécemment.
— Intolérable, grinça-t-il une fois de plus en pressant sa main sur son entrejambe alors que ses yeux tombaient sur l'image du diable figée sur papier glacé, ses rétines rougeoyantes le fixant.
Il fallait tuer avec une arme bénite, mortelle pour l'humain qui servait de réceptacle et s'était laissé corrompre et pour le démon qui vivait en son sein, se repaissant de cette luxure innommable.
Finalement, il cessa sa marche, ne sillonnant plus le sol comme il le faisait, levant les yeux vers la croix.
— Je tuerai en Ton nom pour les protéger tous et j'éliminerai le démon.
Il signa la croix et baissa les yeux, emportant avec lui le magazine pour aller s'enfermer dans sa cellule, anticipant la pénitence qu'il s'infligerait pour ce qu'il allait faire.
À bientôt !
