Point de vue : Harry

J'avais choisi de repasser par Londres pour faire le voyage avec Olivia, Liam et Mia. J'avais assurément besoin de ce week-end de calme même si j'étais tendu à l'idée de me retrouver à huis clos avec Mia après nos derniers échanges chaotiques de samedi. J'avais essayé d'appliquer les consignes de Théo, je ne lui avais pas donné beaucoup de nouvelles cette semaine, j'avais appliqué les consignes et j'avais arrêté avec les sous-entendus et paroles déplacées. J'avais détesté ça et je ne savais pas si je serais capable de tenir cette ligne de conduite face à elle. J'essayais de faire abstraction de ces appréhensions pendant que je saluais Sam à l'entrée du studio et montais à l'étage avec Liam pour rejoindre les filles .

"Vous êtes prêtes ?", je regardais Liam embrasser tendrement Olivia et je notais ensuite l'absence de Mia avant qu'Olivia ne confirme qu'elle avait effectivement un déjeuner de dernière minute à l'extérieur. A ma grande surprise, j'étais plutôt soulagé et j'écoutais Sam interpeller Olivia à la hâte alors que nous sortions du studio.

"Olivia, tu sais si Mia repasse ici après son passage au poste ou est-ce que je peux fermer les portes ?", j'étais toujours en alerte quand son agent de sécurité prenait la parole et c'était encore plus vrai après cette réplique qui piquait ma curiosité.

"Au poste ?", Liam me coupait l'herbe sous le pied en posant la question qui me brûlait les lèvres.

"De police"

"Qu'est-ce que Mia fait au poste de police ? Je croyais qu'elle était partie déjeuner ?", j'avais pris la parole en m'adressant cette fois à Olivia qui était restée muette après la question de Sam. Mon ton était désagréable parce que je suspectais Olivia de m'avoir menti pour couvrir Mia.

"Ne me regarde pas comme ça. Je t'ai dit ce que Mia m'a dit texto. Elle doit être en train de déjeuner avec Tom, tout simplement", je reprenais plus calmement en comprenant que j'avais été désagréable.

"Tom ?"

"L'inspecteur de police avec qui elle est en contact depuis l'incident du mois dernier", c'était la goutte d'eau désormais. Je fermais les yeux péniblement en comprenant qu'il y avait un pot aux roses et je m'arrêtais brutalement sur le trottoir à sa réplique.

"De quel incident tu parles…?"

"Si tu n'es pas au courant, ce n'est pas à moi de te le dire", l'air de Olivia en ce moment était loin de me rassurer et Liam se décidait heureusement à intervenir avant que je ne devienne mal aimable avec elle.

"Olivia, tu parles d'incident et de police dans la même phrase donc tu as plutôt intérêt de t'expliquer".

"Vous ne lui direz pas que vous savez ?"

"OK", je laissais Liam promettre comme bon lui semblait. De mon côté, j'attendais, impatiemment qu'elle passe à table. Olivia marquait une pause, elle réfléchissait à ses mots, et je les attendais de pieds fermes autant que je les redoutais.

"Mia a été cambriolée le mois dernier par un mec qui a volé toute sa lingerie et a laissé des déclarations d'amour dans son appartement", et effectivement, je me décomposais à son aveu. C'était la douche froide. Je savais pour le harcèlement et les admirateurs secrets, j'avais accès également comme tout le monde aux vidéos et aux commentaires. Je savais que Mia et les filles provoquaient des passions et des polémiques mais ça ne devait rester que dans le domaine du virtuel. J'étais pris de nausées d'apprendre aujourd'hui que ça ne l'était plus et qu'un déséquilibré avait osé violé son intimité et déambuler chez elle.

J'étais très loin dans mes pensées quand Olivia reprenait avec des paroles rassurantes à l'attention de Liam qui avait pâlit également en prenant connaissance de la gravité de l'évènement.

"Pourquoi est-ce que tu ne m'en as pas parlé plus tôt ?"

"Parce que ça ne regarde que Mia"

"Non, ça vaut pour vous toutes et pour toi. Tu es tout aussi exposée avec le studio. Tu imagines jusqu'où ce genre de mec peut aller ? Tu dois partager ce genre de choses, Olivia", à ce stade, je laissais volontiers Liam la sermonner car j'étais encore beaucoup trop retourné par l'information. Il résumait parfaitement mon état d'esprit et mes angoisses et je continuais de me faire discret à ce stade en les écoutant débattre.

"Qu'est-ce que tu veux qu'il m'arrive ? On passe quasiment tout notre temps ensemble et tu viens me chercher tous les jours", j'étais obligé de relever qu'a contrario Mia n'avait personne sur qui compter depuis sa séparation avec Charlie. Je pestais de réaliser qu'elle était seule et que j'étais parfaitement impuissant et ignorant à Paris.

"Tu es sa première danseuse, tu prends les mêmes risques", Liam continuait avec plus d'exaspération mais Olivia lui répondait avec une conviction difficilement contestable.

"Non, crois-moi ce n'est pas le cas. Les fans les plus virulents et timbrés n'ont d'yeux que pour elle depuis le début. Donc détends-toi, il n'y a aucun sujet avec moi !", je ne perdais pas une miette de cet aveu, je voyais aussi Liam changer de couleur et lui rendre un regard insistant après cette indélicatesse. Olivia se mordait les lèvres en réalisant que j'étais toujours à leurs côtés à boire ses paroles et en comprenant qu'elle venait de me plonger dans le plus grand désarroi. Elle me regardait maintenant avec un air gêné.

"Je me suis mal exprimée, Harry...", elle avait commencé à bafouiller mais je ne voulais pas entendre un traître mot de la suite. Je changeais de sujet car je savais parfaitement que Mia était le plus irrésistible des miels et l'objet de toutes les convoitises depuis son plus jeune âge. C'est une des raisons pour lesquelles elle s'était forgée ce caractère si trempé et moi une si grande aptitude au combat.

"Qu'est-ce qu'elle est allée faire au poste de police ?"

"Je ne sais pas. Mia fait des dépôts de plainte régulièrement, ça fait partie de sa routine donc elle est peut-être en train de gérer un nouveau sujet avec Tom", je détestais d'apprendre que ce sujet de harcèlement était sérieux au point d'avoir un référent attitré au sein de la police mais je détestais aussi qu'elle autorise ce Tom à veiller sur elle à ma place.

"Continuez sans moi", je n'avais pas confiance en la langue de bois d'Olivia et décidais de rebrousser chemin dans l'espoir de libérer la parole de Sam malgré mes précédentes tentatives infructueuses.

"SAM ! ATTENDS MOI!", je me retrouvais à courir avant qu'il ne quitte le studio.

"Ne me dit pas que tu as encore oublié quelque chose ?", non ce n'était pas le cas et j'avais menti lors de mes précédents passages dans le seul but de me rapprocher de lui.

"Non. J'ai besoin que tu m'en dise plus sur ces histoires de dépôts de plainte", je le regardais soupirer face à ma nouvelle question sur le sujet.

"Je t'ai déjà dis de voir directement avec Mia pour ça"

"Elle ne me dira rien sinon je n'insisterai pas autant avec toi"

"Précisément et moi je tiens à mon job", Sam tenait sa position mais je ne comptais pas m'arrêter là puisque j'avais des raisons de m'inquiéter cette fois.

"S'il te plaît, Sam", j'essayais de garder une posture fière mais je suppliais quand même car il fallait que je sache. Les dernières révélations d'Olivia, en plus de m'horrifier, me prouvaient que Mia me cachait de nouveau ses déboires et ses dangers. Elle récidivait, plusieurs années après Adrien mais je refusais de laisser couler cette fois.

"Non. Bon weekend, Harry", cet homme était un parfait soldat. J'en étais désespéré mais j'essayais de l'interpeller avec plus de conviction que jamais.

"Qui prend la suite quand toi ou ce Tom finissez vos journées de travail ? Il faut que tu partages tes informations, dans l'intérêt de Mia", je m'étais mis à hausser le ton avec fermeté sur ces paroles dans l'espoir qu'il revienne vers moi et c'est ce qu'il faisait.

"Je n'ai pas besoin que tu m'apprennes mon job, playboy. La confidentialité est justement un élément clé de mon travail. Il n'y a qu'avec Tom que je suis censé partager ces informations. C'est dans l'intérêt de Mia de ne pas laisser fuiter les informations au premier venu", il s'entêtait encore mais je continuais en voyant que j'avais toute son attention désormais.

"Au premier venu ? Je connais Mia depuis ses vingt ans et je ne compte plus les fois où j'ai assuré ses arrières. Toi tu t'occupes de sa sécurité depuis quoi ? A peine quelques semaines ? Il y a des cadavres dans son placard dont tu n'as même sûrement pas connaissance. On ne se connait pas mais je te garantie que s'il y a bien un sujet avec lequel je ne plaisante pas, c'est bien sa sécurité. Il faut que tu fasses une exception pour moi"

"Quels genres de cadavres ?", j'avais titillé son attention comme prévu.

"Je te le dirais si tu acceptes de déjeuner avec moi et de me raconter tout ce que tu sais en retour"

"Tu ne lâcheras jamais le morceau, c'est ça ?", et je hochais la tête pour lui faire comprendre que non. Je l'avais regardé hésiter puis finalement céder. Ma négociation avait fait mouche, dieu merci, cet homme n'avait pas que des muscles, il avait aussi les neurones connectés et j'arrivais encore à mes fins à force de persévérance. J'en étais infiniment soulagé mais je redoutais aussi maintenant d'apprendre les vérités que Mia se refusait à me donner.

Point de vue : Mia

Je me tenais en ce moment sur la terrasse sur pilotis du chalet. Nous venions enfin d'arriver et j'étais émerveillée par le spectacle que j'avais sous les yeux, je profitais de la vue à couper le souffle, de la beauté insaisissable des fjords, j'admirais avec émotion le soleil couchant sur le lac et je respirais l'air frais. Olivia s'était surpassée pour nous trouver ce coin de paradis et je présageais une pause de douceur idyllique, loin du tumulte londonien et de mes dernières déconvenues de la semaine.

Je notais l'arrivée discrète de Harry qui se contentait de fixer l'horizon avec la même intensité que la mienne mais à distance de moi. J'essayais de ne pas me formaliser de ce vide qu'il m'infligeait depuis ce midi et de sa froideur depuis une semaine car je savais que j'en étais responsable avec ma crise du weekend dernier. Je décidais de ne pas m'attaquer au problème maintenant mais il fallait définitivement que je lui fasse oublier ce malheureux écart car j'avais envie et besoin plus que jamais de retrouver ses bras.

J'étais tirée de mes rêveries rapidement ensuite par les voix de Olivia et de Liam qui s'enthousiasmaient encore du confort du chalet et nous encourageaient à rentrer pour profiter d'un apéritif. J'avais fini par prendre place sur le canapé devant ce feu de cheminée réconfortant, je notais encore avec désolation que Harry ne choisissait pas la place libre à côté de la mienne mais je saisissais volontiers et malgré tout le verre tendu par Olivia.

"A ce weekend de repos !", je l'écoutais trinquer et je souriais sincèrement malgré tout en lui rendant sa politesse et sa bienveillance après cette semaine sous haute tension.

J'avais été en effet plus que malmenée ces derniers temps. J'avais passé le weekend dernier à pleurer après mon désenchantement avec Charlie puis la semaine à me tourmenter après ma nuit passée dans les bras de cet inconnu lundi soir.

J'avais en effet cédé aux avances insistantes de ce très beau brun rencontré au bar pour tirer un trait sur ma relation avec Charlie et pour évacuer ce début d'attirance que j'avais commencé à ressentir pour Harry. Cet inconnu avait tous les atouts rêvés pour ces deux transitions, il avait incontestablement mis du cœur à l'ouvrage mais je n'en gardais qu'un goût amer en bouche. J'avais réalisé dans le feu de l'action que je ne voulais pas de cet homme, je l'avais laissé faire mais j'avais écourté au mieux pour me débarrasser du sentiment inattendu et honteux de trahison qui m'avait saisie pendant nos ébats. J'avais sermonné Harry le weekend dernier sur sa pseudo attirance pour moi mais j'étais belle et bien celle qui était en train de fantasmer sur lui.

Mais le fiasco ne s'arrêtait pas là, j'avais aussi gagné un harceleur supplémentaire. Ce Anthony n'en finissait pas de me contacter et de me relancer depuis alors que j'aurai préféré ne jamais l'avoir rencontré. Je peinais depuis à m'en débarrasser et j'avais même trouvé utile d'en informer officieusement Tom ce midi après les nombreuses poussées de stress d'Olivia.

Pour toutes ces raisons, j'avais plus que jamais besoin de me détendre alors je participais joyeusement aux échanges, je me laissais envahir par les effets de l'alcool et emporter par les rires de Olivia et Liam. J'essayais en parallèle d'ignorer l'humeur distante et taciturne de Harry.

...

"Je vais baptiser le sauna", Harry venait de nous interrompre et de se lever sans préavis en plein milieu de nos discussions et je notais qu'il n'avait invité aucun de nous à le suivre. Ses intentions étaient claires, il voulait s'isoler, s'éloigner des festivités et c'était dans la parfaite lignée de ce que j'avais noté chez lui depuis ce midi. Je soufflais de contrariété après son départ car j'avais espéré naïvement qu'il se dériderait au fil de l'apéritif. Ça n'avait pas été le cas et je notais après son départ les regards fuyants de Olivia et Liam qui éveillaient mes suspicions.

"J'ai raté un épisode ?", j'étais encore plus contrariée de leur réaction car ils niaient maladroitement. Je supposais donc qu'il y avait un problème avec moi encore et je soupirais car Harry était mon seul rayon de soleil et je ne supportais plus d'avoir à subir toutes ces éclipses entre nous depuis des mois. Je comptais y mettre un terme ce soir et l'empêcher de gâcher ce week-end prometteur. Il me fallait donc quelques minutes à peine pour me mettre en tenue et le rejoindre dans la cabine sans invitation.

"Je suis entièrement nue, tu ne veux pas rater ça", Harry était assis, avec cette serviette blanche sur sa taille et son visage reposé. Il n'avait pas réagi à mon entrée alors j'avais tenté un trait d'humour pour me faire remarquer. Je le regardais entrouvrir un œil à ma prise de parole et le refermer aussitôt après avoir scanné mon corps qui était parfaitement recouvert de ce peignoir blanc confortable.

"Tu ne peux vraiment pas t'en empêcher, pervers...", j'observais attentivement sa réaction et ce que je voyais me déplaisait. Harry hochait la tête de mécontentement, sans un sourire malgré mon ton avenant, il gardait le silence et je reconnaissais maintenant ses airs faussement calmes. Il était contrarié de mon arrivée et je devinais sans difficulté à sa froideur et son silence anormal que nos discussions pouvaient mal tourner. J'aurai dû prendre la fuite comme n'importe qui dans cette position pour éviter sa crise éventuelle mais je restais parce qu'il m'attirait toujours comme le plus irrésistible des aimants dans ces moments. J'adorais la répartie, la fougue et la beauté brute qui se dégageaient de lui à ces occasions. J'avais donc toujours été la seule à oser braver les flammes et j'allais encore plonger tête baissée sans hésiter ce soir. Je décidais toutefois de lui accorder encore un peu de répit avant d'attaquer, je retirais mon peignoir et je m'allongeais confortablement face à lui sur le bois brûlant de la cabine. Je soupirais d'aise ensuite en ressentant la chaleur dans le moindre de mes pores, je prenais le temps d'en profiter et je me mettais en parallèle à l'observer silencieusement.

J'admirais sans aucune gêne sa carrure imposante et son torse impeccablement tracé. Je regardais aussi son nez parfait, ses lèvres sensuelles, ses fossettes irrésistibles et j'imaginais ce regard pétillant dont il me privait en ce moment. J'en profitais également pour regarder ce tatouage noir sur son bras que je connaissais par cœur et qui soulignait parfaitement son tempérament de feu que j'aimais par dessus tout. Mes pensées auraient dû s'arrêter là, à cette admiration et cette tendresse infinies que je ressentais depuis toujours pour Harry mais elles déviaient inévitablement ce soir encore en me procurant d'insupportables bouffées de chaleur. Je n'avais rien trouvé de mieux que d'imaginer encore Harry à la place de cet homme lundi soir comme je l'avais fait à de nombreuses reprises cette semaine.

Je rêvais d'une première rencontre entre lui et moi dans ce bar et à cette époque. Je l'imaginais s'installer à ce comptoir et assumer ses intentions sans aucune place possible pour l'amitié. Je me voyais succomber inévitablement à son charme et lui rendre ses marques d'intérêt sans détour. Dans ce fantasme, c'était avec lui que je finissais la soirée, c'était ses mains que je sentais sur mon corps, ses lèvres que je goûtais, sa langue que j'avais dans ma bouche et son corps que je recevais à l'intérieur du mien. Je m'imaginais dans ses bras avec un niveau de détail indécent et le plaisir que je prenais simplement à me le figurer dépassait déjà largement le moment que j'avais vécu avec cette rencontre d'un soir.

Je savais que j'avais franchi la ligne rouge avec ce fantasme mais il était particulièrement violent et irrésistible.

"Le spectacle te plaît, Mia ?", j'étais tirée de mes rêveries par la voix suave de Harry et je me surprenais à ne ressentir aucune gêne ni remords. J'étais au contraire agacée d'avoir été interrompue dans mes pensées mais je prenais la peine de réagir après ce flagrant délit de reluquage.

"Tu en perdrais ton latin si tu savais à quel point…", je continuais de le regarder, Harry avait toujours les yeux fermés mais je le voyais retenir un sourire qui m'encourageait à continuer puisque mes fantasmes ne m'avaient pas perdre de vue la raison de ma venue dans ce sauna.

"Et je rêve où tu es encore plus tracé qu'à Las Vegas ?", Harry ne parvenait pas à contenir cette fois son rictus d'amusement à ma réplique flatteuse. J'avais bon espoir maintenant de réussir à contenir sa crise.

"...Et c'est moi que tu traites de pervers ?", je riais maintenant face à sa vengeance que j'acceptais docilement et je le laissais poursuivre plus sagement.

"...Je reprends dans deux semaines avec Red Bull donc tu ne rêves pas, j'ai poussé l'entraînement", cette reprise d'activité m'était effectivement complètement sortie de l'esprit. J'étais ramenée brutalement sur terre par ce rappel qui détruisait mon humeur de façon fracassante.

"...Base jump ?", j'avais demandé timidement et avec espoir qu'il me contredise. Je me remettais à le fixer pour avoir ma réponse mais Harry gardait ses yeux clos en restant muet. J'avais la gorge nouée en réalisant tout ce que ce silence pouvait sous-entendre et je n'accepterais pas de revivre ça. Je ne voulais plus jamais avoir à craindre pour sa vie et je ne voulais plus avoir à assister en totale impuissance à ses prises de risques inconsidérées. Pas après tout ce que j'avais vécu pendant et après l'Île et pas après la place démesurée que prenait Harry désormais dans ma vie. A seulement 31 ans, j'étais convaincue d'être arrivée à la limite des traumatismes et souffrances que je pouvais supporter. Je n'étais plus armée pour affronter un nouveau drame et encore moins un qui l'impliquerait, lui. Alors j'étais prise de panique à cette idée, j'avais arrêté de le regarder, de parler et de respirer et je faisais de mon mieux pour qu'il ne remarque pas ma faiblesse.

"Non, j'ai dit à Philippe que je n'en ferai plus. J'ai l'habitude de tenir mes promesses, Mia", et je fermais les yeux de soulagement en essayant de reprendre mon souffle sur cette confirmation. Harry se remémorait et se tenait encore à cet accord vieux de plusieurs années. Je trouvais donc le courage de reprendre la conversation avec l'espoir qu'il se soit rabattu sur une activité plus sage.

"Alors tu recommences avec quoi ?"

"De la grimpe", et je soupirais très fortement à sa réponse car cette activité de repli était loin de me plaire également . Même si c'était moins létal, c'était tout aussi déraisonnable de gravir à mains nues, sans sécurité et en toute illégalité des bâtiments toujours plus vertigineux.

"Seigneur...C'est tout aussi risqué !", ça avait été plus fort que moi. J'étais incapable de rester maîtresse de mes émotions avec ce sujet.

"Oui…C'est le principe des sports extrêmes", Harry avait répondu avec nonchalance ce qui me mettait désormais hors de moi.

"ET C'EST POUR CETTE RAISON QU'IL FAUT QUE TU ARRÊTES ! Trouve-toi un autre passe-temps que celui de risquer ta vie ! Tu n'as pas eu ta dose de sensations fortes avec le naufrage ?", je regrettais aussitôt le ton que j'avais pris car je le connaissais assez pour savoir qu'il ne lui plairait pas. Je m'attendais à une remontrance mais Harry se contentait de me servir ce rire moqueur et ce rictus mauvais que je connaissais trop bien. La situation était incontestablement en train de déraper de son côté comme du miens et je ne voyais plus d'issue positive compte tenu de ce point de discorde historique.

Point de vue : Harry

"C'est encore une fois l'hôpital qui se fout de la charité", la réplique était sortie de façon acerbe et cassante. J'avais essayé sincèrement d'éviter le sujet qui me bouffait l'esprit depuis ce déjeuner avec Sam. J'avais tenté de m'en défaire en admirant le paysage, en méditant dans ce sauna ou en entamant un début de discussion avec Mia. J'avais quasiment réussi à éteindre les braises en découvrant son corps sublime dans ce bikini blanc et en subissant avec ravissement ses répliques polissonnes mais tous mes efforts venaient de s'envoler en fumée avec cette dernière critique absolument hypocrite concernant mes prises de risques.

"PARDON ?", Mia me regardait avec encore plus d'humeur, elle ne comprenait pas mon sous-entendu ou faisait semblant de ne pas le comprendre. J'étais incapable de le dire puisque le mensonge était en train de devenir une deuxième nature chez elle visiblement alors je lâchais quelques bribes d'information pour qu'elle devine le fond de mes pensées.

"Tu as entendu. Tu es mal placée pour me sermonner avec les risques encore plus grands que tu prends au studio", je la regardais s'estomaquer et froncer les yeux d'incrédulité.

"Qu'est-ce que tu me chantes ? Je risque l'entorse tout au plus. Tu n'as rien trouvé de mieux comme défense ?", je soupirai lentement et lourdement à sa réponse car Mia choisissait encore le mensonge. Je mourrais d'envie de la confronter mais je me retenais pour ne pas trahir Olivia et Sam ni commencer ce weekend par une nouvelle crise.

"C'est ça, Mia", j'avais espoir qu'elle note mon agacement et qu'elle se décourage mais elle osait au contraire un nouveau reproche.

"Non, je t'en prie, vide ton sac, ça effacera peut-être cette humeur infecte qui ne te quitte plus depuis le weekend dernier et qui est sur le point de nous gâcher aussi ce week-end !"

"Parce que c'est aussi un privilège qui t'est réservé ?", c'était officiel maintenant, j'étais excédé par son culot. Sa petite colère soudaine était de trop, j'avais donc rouvert les yeux spécialement pour lui adresser cette remarque piquante en les refermant aussitôt pour la dissuader de surenchérir. Mon attaque était largement méritée et fondée car Mia m'en faisait voir de toutes les couleurs depuis des mois sans que je ne lui en tienne rigueur. Je pensais avoir remporté le duel car elle se taisait mais son silence était de courte durée.

"Alors c'est ça ? Tu as décidé de me faire payer la note ? Je t'ai déjà dit que j'étais désolée… REGARDE-MOI BON SANG !", Mia élevait pour la deuxième fois la voix alors qu'elle savait que je détestais ça. J'allais définitivement m'énerver pour l'obliger à baisser d'un ton mais elle me coupait l'herbe sous le pied avec son initiative soudaine. Je sursautais d'abord puis frissonnais ensuite en la recevant entièrement contre mon torse et en sentant ses mains autour de ma nuque.

Les humeurs de cette femme étaient imprévisibles. Elle pouvait passer du coq à l'âne en un quart de seconde. Elle me prenait totalement au dépourvu cette fois encore avec ce changement d'attitude, en usant de ses charmes redoutables pour me faire plier. Je n'étais pas vraiment étonné puisque c'était une méthode dont elle avait toujours largement abusé dans mes moments de contrariété mais elle n'imaginait pas à quel point elle me mettait à l'épreuve aujourd'hui, avec nos corps à moitié nus sous la chaleur torride de ce sauna.

Ma première réaction était de me défaire de son emprise pour lui montrer ma désapprobation mais Mia résistait et se cramponnait encore plus fermement en retour en m'adressant son sourire enjôleur et son regard plein de malice. J'étais obligé de fermer les yeux pour ne pas me laisser tenter par sa moue irrésistible et ses lèvres sublimes mais ce geste réflexe avait pour conséquence de me faire ressentir encore plus intensément sa peau douce et chaude contre mon corps grâce à mes autres sens en éveil.

"Je te donnerais de l'air quand tu te seras confessé !", je pouvais la croire sur parole car cette ténacité était un de nos points communs. Mia me fixait donc toujours avec ce sourire diabolique en exigeant ma réponse.

"Très bien, finissons-en", je la voyais hausser un sourcil, elle était moins assurée et me regardait avec méfiance désormais en attendant que je m'explique. Je prenais le temps de choisir les mots et je commençais gentiment pour lui donner une chance de se confesser à son tour.

"Tes leçons de morale et tes mensonges m'exaspèrent. Si tu risquais simplement l'entorse comme tu dis, tu aurais engagé un kiné et pas un vigile"

"Qu'est-ce que tu es en train de t'imaginer ? J'ai engagé Sam pour rassurer les filles et pour notre confort", Mia tenait ce mensonge éhonté en me regardant dans les yeux et en cachant sa comédie derrière un rire moqueur. Je savais qu'elle ne cherchait qu'à m'épargner mais ma mâchoire se crispait de contrariété malgré tout.

"Votre confort. Tu es sûre ?", je lui laissais une nouvelle chance mais elle hochait la tête en soutenant sa position et en resserrant sa prise autour de ma nuque pour se donner plus de contenance. J'étais pris entre deux feux totalement contradictoires après ça. Je rêvais d'un côté de lâcher prise, d'évacuer le sujet et de la serrer encore plus dans mes bras et de l'autre, je me sentais obligé de la confronter pour la punir de son affront et surtout pour avoir sa version de l'histoire car celle de Sam était incomplète.

"Je suis au courant pour les caméras de surveillance et les cours de boxe. Tu t'infliges ça aussi pour des raisons de confort ?", j'observais attentivement sa réaction. Mia était bouche-bée et je voyais son cerveau en ébullition. Je gardais volontairement le reste de mes connaissances sous le coude pour lui laisser une ultime chance de se rattraper.

"Je ne sais pas d'où tu sors toutes ces infos mais tu tires de mauvaises conclusions. J'ai installé ces caméras pour faire plaisir à Sam parce que c'est ce qu'il conseille à tous ces clients. Pour la boxe, figure toi que j'adore ça et que je suis même plutôt douée suivant les dires de mon coach. Donc tu peux te détendre si c'était ça le problème parce qu'il n'y pas de sujet au studio", Mia niait effrontément et ma déception en ce moment était au moins aussi grande que l'inquiétude que je ressentais en constant l'énergie qu'elle mettait pour défendre ses secrets.

"Et tu continues de me prendre pour un con…", je pinçais mes lèvres d'exaspération en l'écoutant et je la voyais pâlir à cette réaction en attendant enfin sagement la suite.

"Je sais que ces cours et les caméras ont tout à voir avec ta pile de plaintes et ce cambriolage dont tu t'es bien gardée de me parler", j'étais enfin libéré de mon fardeau sur ces derniers mots et je regardais Mia encaisser le sien avec sa tête d'enfant prise en faute. Elle était figée et ne savait pas comment gérer la suite. Je l'entendais enfin bégayer et perdre contenance. J'allais peut-être pouvoir lui soutirer des vérités.

"Qui t'a parlé de tout ça…?"

"Ce n'est pas le sujet. Toi, comment est-ce que tu as pu me cacher tout ça et me mentir sur une chose aussi grave ?", j'évitais sa question pour ne pas trahir mes sources, je la sentais relâcher immédiatement son emprise autour de ma nuque et tenter de se dégager pour me fuir mais je la tenais fermement par la taille et le bras pour l'obliger à assumer. Elle aurait apprécié sans aucun doute le moindre trou de souris pour se cacher mais je l'en empêchais. Je pouvais lire le stress dans son regard mais Mia acceptait de rester dans mes bras. Je voyais à son regard qu'elle ne se démonterait pas, elle était en train de mobiliser ses forces pour me répondre avec son audace et son flegme éternels.

"Je ne t'ai rien dit pour éviter que tu ne dramatises la situation comme tu es en train de le faire"

"Dramatise…? Tu as besoin que je te rappelle la façon dont s'est terminée la dernière fois où tu m'as tenu à l'écart de ce genre de sujet ? Parce que de mon côté, je n'ai pas oublié. C'est une leçon gravée à vie, Mia, et je pensais que tu aurais eu l'intelligence de tirer les mêmes conclusions de ton côté", la référence à Adrien était pénible pour elle comme pour moi mais je le faisais pour la réveiller et obtenir autre chose que sa langue de bois. Je continuais de la fixer intensément mais Mia restait droite et inébranlable.

"C'est différent cette fois. Il n'y a rien que tu puisses faire, ce n'est pas un phénomène qui se résout par la violence. Ce sont juste des fans, Harry. Les sollicitations sont nombreuses, anonymes et inoffensives. Ce cambriolage était un cas isolé et il n'y a pas eu mort d'homme en définitive. Je sais que c'est pénible mais il faut que tu prennes du recul car ça va de pair avec la médiatisation. Ça ne s'arrêtera pas, tu dois apprendre à vivre avec comme moi. Il n'y aurait plus aucune danseuse si ces hommes avaient pour habitude de passer à l'acte, je suis loin d'être la seule femme dans cette position", ses paroles se voulaient rassurantes mais elles me mettaient encore plus aux abois. Je réalisais en effet que cette situation ne prendrait jamais fin tant qu'elle continuerait de se mettre en avant dans ces vidéos. Je savais que le succès serait plus grand après le prochain spectacle et je redoutais la tournure nouvelle que pourrait prendre les évènements. Alors je n'avais rien trouvé de mieux que de négocier, comme elle l'avait fait à son tour il y a plusieurs années. J'avais une idée folle pour parvenir à mes fins car je voulais par dessus tout m'enlever ce fardeau des épaules. Je ne savais plus gérer ces angoisses, Mia était trop précieuse et j'étais trop ébranlé par l'accumulation d'histoires avec Adrien, terrassé par le décès de Victoria et traumatisé par cette nuit sur la plage au Mexique. Je savais que je cauchemarderai de nouveau et que je n'arriverais pas à taire mes angoisses après ce que je venais d'apprendre.

"Je tire un trait sur les sports extrêmes si tu arrêtes les tournages après Thanksgiving…", je n'avais rien trouvé de mieux et de plus radical comme solution. Mia me regardait comme un fantôme en cherchant ma confirmation.

"Tu es sérieux là ?"

"Je suis très sérieux. Je ne supporterais plus de rester sagement à Paris avec toutes ces pourritures qui rôdent autour de toi. Et tu es complètement inconsciente si tu te mets sur un pied d'égalité avec les autres femmes. Tu es au-dessus de tout et je ne veux plus courir le moindre risque avec toi", l'aveu était viscéral, je ne pouvais pas être plus sincère avec elle. Mia était perturbée, je lisais une émotion intense sur son visage, elle marquait un long silence après cette phrase, elle avait interrompu ses caresses pour considérer ma proposition. Je retenais mon souffle en priant pour qu'elle accepte et je fermais les yeux de désolation en l'entendant protester.

"J'ai une autre proposition à te faire. On va tous les deux prendre un temps et relativiser parce qu'on ne va définitivement pas gâcher nos talents pour une poignée de déséquilibrés. Tu vas te calmer Harry puisque je suis tout sauf inconsciente ! Ce n'est pas un sujet que je prends à la légère, je prends toutes les précautions d'usage et je suis très bien entourée cette fois. La situation est sous contrôle", Mia avait posé ses mains sur mon visage pour me convaincre de son discours et m'apaiser mais je n'arrivais pas à m'en convaincre. Je la voyais me sourire maintenant tendrement et reprendre avec un ton plus léger en voyant mes airs tourmentés.

"Tu sais quand même que s'il devait arriver encore quelque chose ça relèverait de la malédiction ? Donc foutu pour foutu, autant en profiter !", ses paroles étaient sensées mais je n'arrivais pas à me détendre et à répondre à son trait d'humour. Je reprenais sérieusement avec la dernière question qui me brûlait les lèvres depuis ce midi.

"Qu'est-ce que tu es allée faire au poste ce midi?", elle était encore une fois estomaquée que je sois au courant de ça également. Une fois la surprise passée, je la voyais hésiter et se tortiller.

"Réponds moi, et je te défie de me mentir encore. Tu peux le faire avec la terre entière si tu en as envie mais je te l'interdis avec moi. Je ne plaisante pas", j'avais utilisé le ton le plus viril et menaçant que j'avais en réserve mais j'étais désemparé de voir à quel point Mia était entêtée et si peu impressionnée.

"Alors ne m'oblige pas à te mentir. Je suis allée au poste pour plusieurs raisons. Je pourrais te le dire mais je veux que tu restes en dehors de ces sujets, c'est beaucoup mieux comme ça"

"Ce que tu me demandes est impossible donc réponds-moi", j'avais continué dans une dernière tentative mais je devinais parfaitement à l'aplomb et l'éviction qu'elle mettait dans sa réponse qu'elle était déterminée à ne pas céder.

"Je t'assure que c'est possible"

"Ah oui et comment ?"

"Tu fais comme je l'ai fait toutes ces années à chaque fois que tu te jetais d'une falaise...Tu fermes les yeux", je détestais sa recommandation. Les rôles étaient inversés aujourd'hui et c'était insupportable. Je me mordais les lèvres et fixais un point invisible derrière elle pour me faire violence et lâcher prise en faisant les mêmes efforts qu'elle mais je n'y arrivais pas. Mia comprenait parfaitement mon trouble et décidait de se blottir encore plus dans mes bras et de resserrer ses mains autour de ma nuque pour m'apaiser. Je restais parfaitement immobile car j'étais encore trop prisonnier de mes angoisses. Elle m'infligeait de nouvelles caresses dans mes cheveux en réaction ainsi que des baisers dans mon cou et ses gestes de tendresse me faisaient progressivement reprendre pied. Je me décidais à resserrer enfin mes bras autour de sa taille et je laissais mon visage s'échouer dans ses cheveux en soupirant profondément. Mon corps réagissait enfin à ses tentatives de réconfort mais mon esprit restait tourmenté.

"Admettons que j'accepte. C'est uniquement à la condition que tu promettes de m'informer dans la seconde si la situation devenait hors de contrôle", j'essayais une dernière négociation malgré ma position de faiblesse.

"D'accord", Mia m'avait répondu avec un air distrait, entre deux baisers tendres sur ma joue. Je posais donc ma main sur son menton pour l'obliger à me regarder et sceller ce nouveau pacte avec sincérité.

"Je suis censée te croire cette fois, il va falloir que tu y mettes plus de conviction"

"Je te le promets"

"Tu as intérêt de t'y tenir", son regard intense et docile me mettait en grande difficulté. J'étais parfaitement charmé mais je ne voulais pas lui faciliter la tâche alors j'avais tenté ce ton autoritaire. Mia semblait réceptive un premier temps mais je voyais arriver trop rapidement ce regard taquin et irrévérencieux que j'affectionnais particulièrement.

"Sinon quoi...?", elle était incorrigible. Elle m'invitait à changer de sujet par le jeu et je succombais finalement en souriant à mon tour. Je lui donnais ensuite un avant-goût des représailles en l'emprisonnant fermement dans mes bras et en mordant son cou délicatement. Je faisais de mon mieux pour rester neutre mais mon cœur s'emballait définitivement à ces contacts encore plus intimes et sensuels. J'arrivais vraiment à un point culminant et dangereux avec elle, je sentais que j'étais au bout de mes efforts. Je mourrais d'envie de céder maintenant plus que jamais, j'étais tenté à l'extrême par son corps à moitié nu et le cadre absolument tentateur de cette cabine infernale. J'étais encore plus enivré et troublé en la sentant se trémousser dans mes bras puis en l'entendant rire de la plus délicieuse des façons contre mon oreille mais je tenais ma ligne de conduite. J'étais parfaitement décidé à résister jusqu'à ce que Mia me réclame sans le moindre doute ni la moindre ambiguïté.

"Après réflexion, j'ai trouvé ta nouvelle carrière et ce sera détective privé au vu de ton talent naturel et remarquable pour fouiner dans la vie des gens !"

"Non merci. Parce que premièrement, tu sais que j'en ai rien à foutre de la vie des gens, il n'y a que la tienne qui m'intéresse. Et deuxièmement, je n'aurai pas à fouiner si tu ne m'y obligeais pas avec tes mensonges éhontés", Mia était toujours allongée dans mes bras, elle me regardait avec son regard de déesse et riait prudemment face à ma réponse. J'avais une vue et un accès imprenable sur ses lèvres dans cette position. J'aurai pu l'embrasser tellement facilement mais je l'admirais et je l'écoutais sagement.

"Tu sais que je vais devoir signaler ton comportement de sociopathe à Tom ? J'ai pour ordre de lui reporter le moindre comportement déviant et tu es de loin l'admirateur le plus indiscret et le mieux informé de mon répertoire !", je riais sincèrement après cette insulte taquine et délicieuse.

"Tu oublies le plus sexy", je m'étais senti poussé des ailes face à ses airs espiègles et son sourire étourdissant. J'appréhendais son rappel à l'ordre mais Mia n'en faisait rien et n'était pas gênée pour un sou.

"Définitivement, fils de Satan, mais n'oublies pas que ton charme n'opère pas sur moi", son sourire s'élargissait à cette réplique, si c'était encore possible, en me faisant fondre davantage, si c'était encore possible aussi.

"Tu es vraiment certaine de ça ?", j'avais parfaitement conscience du malaise que je pouvais provoquer chez elle avec cette offensive. Je l'accompagnais en plus instinctivement de caresses sur son dos nu et d'un regard beaucoup trop intense pour le contexte. Je le savais mais je ne m'en préocuppais pas parce que j'avais besoin d'évacuer une partie de mes frustrations. Je comptais dans tous les cas sur elle pour s'en soustraire habilement comme toujours. J'étais donc parfaitement interdit et chamboulé en voyant son sourire se faner et en la voyant me fixer en retour silencieusement avec le même sérieux. Je soutenais son regard et j'attendais la chute comme toujours car c'était impossible qu'elle continue sur cette voie. J'étais en train d'avoir des hallucinations à cause des vapeurs du sauna car Mia ne pouvait définitivement pas être en train de fixer ma bouche de cette façon. Et la chute tant attendue arrivait bien comme prévu mais autrement que par son fait.

"SEIGNEUR ! Vous êtes encore là tous les deux ? Vous devriez sortir avant de tomber dans les pommes, vous avez largement dépassé les 20 minutes recommandées !", Olivia avait sursauté en même temps que nous en remarquant notre présence.

"Tu n'as rien trouvé de mieux pour nous mettre à la porte, Olivia ?", Mia était sortie la première du silence pour lui répondre. De mon côté, j'étais particulièrement frustré de cette interruption mais je trouvais du réconfort dans le fait que Mia assumait notre proximité pour une fois en restant parfaitement lovée dans mes bras. Liam m'adressait d'ailleurs un sourire entendu en découvrant nos corps enlacés.

"Précisément ! Mais détends-toi, il y a des chambres disponibles pour prolonger ce "je ne sais quoi" entre Harry et toi", je laissais échapper un rire presque gêné à cette réplique d'Olivia et je regardais Mia pour savoir comment elle comptait gérer cette provocation. Je m'attendais à ce qu'elle réfute et change de sujet cette fois encore.

"C'est une idée plus que séduisante en réalité. Mais on pourrait aussi rester et profiter de ce sauna avec vous…", j'étais choqué mais aussi conquis qu'elle ne rejette pas le sous-entendu et je me plaisais à croire qu'il existait un fond de vérité dans ce qu'elle disait. J'étais ensuite et surtout très émerveillé par les gestes aguicheurs qu'elle feignait pour appuyer sa proposition indécente. Je me figeais littéralement en la sentant coller sa poitrine contre moi sans pudeur et en recevant ses caresses particulièrement sensuelles sur mon torse.

J'étais interdit car Mia me donnait un avant-goût douloureux de ce que serait un moment d'intimité avec elle. Les sensations qu'elle m'offrait étaient absolument inédites et divines. J'étais au nirvana mais je devais rester immobile et feindre l'indifférence alors que je n'avais qu'une seule obsession : lui rendre ses gestes déplacés et en obtenir davantage en l'amenant sans détour dans une de ces chambres désignées par Olivia.

Théo me tuerait définitivement s'il me voyait jouer à ce jeu là avec elle mais j'étais incapable de faire autrement que de participer.

"Tu plaisantes là ?", Olivia soutenait le regard de Mia avec un air intrigué et amusé et je voyais Mia lui rendre un sourire que je qualifierai de particulièrement obscène. C'était mon signal d'alarme car même si j'étais plus que curieux de suivre la suite de cet échange entre elles, je préférais couper court aux élans de folie de Mia pour ne pas qu'elle dévoile cet aspect bien gardé de sa personnalité à mon cousin. C'était un privilège que je tenais à conserver.

"Ok, démon, c'est tout pour aujourd'hui", je l'écartais donc à contrecœur et prenais sa main pour l'obliger à se lever. Mia s'exécutait lentement en appuyant toutefois une dernière réplique à l'attention d'Olivia.

"Mon maître s'impatiente. Je suis obligée de m'exécuter mais dépêchez-vous de nous rejoindre dans la chambre après votre premier tour de chauffe...", seigneur, j'allais définitivement me mettre au garde à vous si elle continuait avec ce jeu de rôle mais je tenais miraculeusement le choc. Je gardais en tête qu'elle était largement en train d'outrepasser les règles de bienséance en famille donc je m'empressais de couvrir sa bouche de ma main pour la faire taire. Je la poussais hors du sauna et je sentais ses rires s'étouffer dans ma main.

J'étais de nouveau seule avec Mia et j'étais douloureusement tiraillé entre mes résolutions et mon envie de la plaquer contre cette paroi de douche. Je remobilisais mes forces et choisissais de conclure sagement et rapidement en la poussant sous un jet d'eau froide punitif.

"Je te jette dans le lac la prochaine fois que tu oses ce genre de choses devant mon cousin !", une fois ses cris d'effroi passés, je la regardais rire et reprendre silencieusement sa douche. Je détournais le regard de mon côté pour ne pas avoir à gérer les conséquences douloureuses de cette vision. J'aurai été particulièrement embêté à la vue de son corps merveilleusement inondé à deux pas du mien.

Point de vue : Olivia

J'avais perdu tout mon entrain pour ce weekend en constatant l'humeur irrécupérable de Harry depuis mes aveux de ce midi puis j'avais repris un peu de motivation en trouvant Mia étroitement collée à lui dans ce sauna. J'étais définitivement soulagée en les regardant en ce moment rire, discuter et se chamailler à table. Le weekend et les festivités allaient peut être enfin pouvoir commencer.

"Arrête de te goinfrer ! A ce rythme là tu n'entreras plus dans les tenues que j'ai choisies pour Thanksgiving", j'étais amusée face à la nouvelle provocation de Harry mais mon rire se bloquait dans ma gorge en voyant le vibreur du téléphone de Mia s'activer pour la deuxième fois du repas. Je me doutais que c'était encore cet homme et j'en étais convaincue après le regard entendu et furtif de Mia à mon attention. Je la regardais l'ignorer encore une fois et répondre à Harry le plus naturellement du monde malgré tout.

"J'ai très faim. Rends-moi cette pomme de terre si tu ne veux pas que je te bouffes Harry"

"Arrête, je sais que tu en rêves", j'allais céder au rire au répondant de Harry mais l'exaspération prenait le pas à la troisième vibration de son téléphone. Cet Anthony était vraiment en train de s'exciter sur elle depuis Londres et cette idée me dégoûtait. Mia avait décidé de l'ignorer mais de mon côté c'était plus fort que moi, j'avais envie d'intervenir et de l'insulter. J'avais donc pris la parole sans préavis et en plein milieu du repas.

"Réponds-lui ou je le fais. Ça devient saoulant"

"Répondre à qui ?", c'est à cette réplique innocente de Harry que je comprenais que Mia ne lui avait toujours pas raconté. Je pensais qu'elle l'avait fait dans ce sauna. Ce n'était visiblement pas le cas et j'étais dépitée de le constater. A l'image du cambriolage, elle le tenait encore à l'écart pour éviter d'avoir à gérer les angoisses de Harry. Je le comprenais dans un sens car je lui infligeais déjà les miennes et je supposais que celles de Harry seraient pires. Je comprenais mais je n'étais pas d'accord avec sa façon de gérer les choses car sa sécurité passait avant toutes ces petites contrariétés.

"A personne", Mia me rendait son air le plus menaçant pour me dissuader de la contredire et je lui jetais mon regard le plus désapprobateur en retour. Le duel de regards se prolongeait jusqu'à ce que je note son énième vibreur qui me mettait définitivement hors de moi. Je sautais sur son téléphone dans une pulsion incontrôlable et je m'éloignais rapidement pour décrocher. J'attendais de pieds fermes ce type et je l'entendais justement au bout du fil. J'explosais de colère à son ton mielleux d'amoureux transi que je trouvais parfaitement inapproprié .

"ALLO CONNARD ? MIA T'A DÉJÀ RÉPONDU. TU LUI FOUS LA PAIX MAINTENANT ! ALLO ? ALLO ? JE RÊVE ET EN PLUS CE TYPE N'A PAS DE COUILLES", j'étais en furie et incapable de parler autrement qu'avec vulgarité car je savais que Mia venait de passer sa semaine à gérer les relances de cet homme et qu'elle avait rêvé de ce weekend pour se changer les idées. Je voulais qu'il réponde pour lui faire passer l'envie de recommencer mais ce lâche venait de me raccrocher au nez. J'avais un peu regretté aux visages parfaitement choqués de Harry et Liam et j'avais laissé Mia reprendre son téléphone en me fusillant du regard. C'est à ce moment-là que Liam se décidait à sortir de son mutisme.

"L'une de vous s'explique ?"

"A toi l'honneur, Mia !", je la fixais avec insistance en retour pour l'inciter à parler.

"Il n'y a rien à raconter", j'étais horripilée par son obstination et j'étais encore plus sidérée de l'absence de réaction de Harry qui semblait décidé à ne rien demander. Mais je ne l'entendais vraiment pas de cette oreille.

"Non ! Je te laisse 3 secondes pour donner tous les détails aux garçons. Sinon je le ferai. Je n'hésiterai pas, de la même façon que j'ai balancé ce midi pour le cambriolage et les plaintes pour harcèlement"

"Espèce de garce...", Mia me peinait mais j'encaissais car je venais de confesser ma trahison de la plus suicidaire des façons. L'insulte me passait finalement au-dessus de la tête car j'étais trop inquiète pour Mia. Je considérai que toutes les aides étaient bonnes à prendre à ce stade et encore plus celle de Harry qui avait sa carrure et sa bravoure pour me rassurer. J'avais pris le risque ce midi de dévoiler une partie de ses secrets pour lui laisser l'occasion de se confier à Harry de la façon qu'elle le voulait mais elle n'avait pas saisi l'opportunité. Elle me jetait des flammes avec ses yeux en ce moment mais je tenais ma position en lançant le compte à rebours sans la quitter du regard.

"3"

"2"

"Ferme là, Olivia. Tu te mêles de ce qui te regarde ou je t'arrache la tête !", je notais dans mon champ de vision les regards impuissants de Harry et Liam qui n'osaient pas intervenir. Je soutenais le regard de défi de Mia même si elle était plus forte que n'importe qui à ce jeu là et je continuais.

"1", je restais droite face à la menace et poursuivais mon décompte.

"0", je marquais un temps d'arrêt pour lui donner une dernière opportunité mais Mia serrait les dents à s'en déboîter la mâchoire pour me faire comprendre qu'elle ne parlerait pas. Je rendais la menace plus concrète en interrompant notre échange de regards et en m'orientant vers Harry. Je sursautais ensuite de façon beaucoup moins assurée en entendant Mia grogner et bondir sur moi. Elle allait mettre ses menaces à exécution pour me faire taire. J'étais prête à me mettre à l'abri car je ne voulais pas éprouver les nouvelles aptitudes à la boxe de Mia mais Harry était plus rapide que moi. Il se décidait enfin à sortir de son immobilisme et de la façon la plus inattendue qui soit. Je le regardais intercepter Mia avec une habileté et une rapidité inattendue. Je voyais ses tempes palpiter dangereusement et je notais à la fermeté de ses gestes qu'il était excédé au plus haut point par la situation. Il attrapait Mia par le bras sans douceur et l'éloignait de force. Mais il ne s'arrêtait pas là, il continuait de la bousculer et je restais bouche bée en le voyant la jeter sans délicatesse dans la première pièce disponible et l'enfermer en bloquant la poignée avec une chaise. J'étais à la limite du fou rire après ce soutien inattendu et cette scène surréaliste mais je me ravisais en voyant l'air grave de Harry qui était tout sauf amusé.

"Je t'écoute", je réalisais un peu tard que j'avais parlé trop vite. J'étais stupide de m'être portée volontaire pour cette tâche et je me torturais maintenant l'esprit pour trouver les mots justes. J'étais stressée car pour présenter à Harry le fond du sujet qui me taraudait, je ne pouvais pas faire autrement que de lui avouer que Mia avait couché avec un autre homme que lui cette semaine.

Alors j'avais essayé de faire court et factuel sans entrer dans les détails pour ne pas lui en infliger plus que nécessaire. Je lui avais dit que Mia avait rencontré cet homme pour la première fois au bar lundi, qu'il avait passé notre soirée à la draguer, qu'elle s'était laissée tentée et avait fini la soirée chez lui, qu'elle n'avait pas l'intention de le revoir mais que ce type insistait depuis en refusant de prendre son rejet pour acquis.

Je l'avais regardé encaissé en silence et j'avais recentré dès que possible le sujet sur la sécurité de Mia. Harry m'avait fait remarquer qu'il n'y avait pas mort d'homme d'après ce que je lui racontais, que cet homme était un lourd de plus mais je l'avais contredit en lui expliquant à quel point je trouvais ce type malaisant. Il s'était permis des messages et des mots trop intenses pour un coup d'un soir et il s'acharnait anormalement pour quelqu'un qui n'avait passé que quelques heures en sa compagnie. Après l'histoire du cambriolage, j'étais forcément plus méfiante et attentive aux déboires de Mia et j'avais insisté pour qu'elle le signale à Tom. C'était tout ce que je savais à ce stade et Mia aussi. Elle se contentait de l'ignorer maintenant sans manifester plus d'inquiétude et sans plus d'action.

Le visage de Harry était fermé à la fin de notre échange. Il s'était passé de tous commentaires devant moi mais il prenait quand même la peine de me remercier. J'essayais d'apprécier et de m'en contenter car ce ne serait sûrement pas la même histoire lors de ma prochaine discussion avec Mia. Je le regardais se lever et se diriger vers la chambre en appréhendant car j'avais déjà cerné son tempérament colérique et impulsif et je ne voulais pas que la situation dérape entre eux à cause de moi. J'avais parfaitement conscience que Mia me le ferait payer très cher si cet échange finissait mal, alors je me levais avec la ferme intention d'écouter aux portes pour savoir en avant première si je devais fuir le pays pour sauver ma vie.

Point de vue : Mia

J'étais verte de rage contre Olivia. Je tambourinais sur cette porte pour la forme mais je savais à la brutalité avec laquelle Harry m'avait jeté dans cette pièce que je m'épuisais inutilement. J'avais donc fini par m'arrêter et j'attendais sagement qu'ils aient terminé en faisant les cent pas. Je fixais la porte ensuite avec la boule au ventre car je ne voulais pas repartir dans un nouveau débat sur mes prises de risques mais surtout je ne voulais pas qu'il sache pour cette coucherie. J'avais défendu bec et ongle ce secret mais Olivia me trahissait.

Harry finissait donc par entrer. Je le regardais refermer lentement la porte derrière lui et s'y adosser en gardant les mains dans ses poches et en me lançant un regard particulièrement glacial. Je le regardais silencieusement ménager un suspense insoutenable avant de lancer les hostilités.

"...C'est ce que tu appelles avoir la situation sous contrôle ?", Harry me ramenait à ma promesse du sauna. J'avais parfaitement conscience d'avoir été imprudente, j'aurai donc dû faire profil bas mais je soupirais d'exaspération car je n'avais surtout pas envie d'en discuter avec lui et encore moins envie de subir sa paranoïa également.

"Quelques appels manqués d'un amant fleur-bleu ? Oui, c'est parfaitement sous contrôle !"

"Fleur-bleu ? C'est le seul qualificatif qui te vient à l'esprit pour décrire ce timbré ?"

"Pourquoi ? Tu l'as déjà rencontré ?", je m'agaçais mais Harry était d'une froideur encore plus intimidante.

"Tu l'as congédié sous toutes les formes et il continue d'insister. Ce n'est pas le comportement d'un homme censé"

"Je sais que tu n'es pas familier avec ce concept mais les femmes ne tombent pas toutes comme des mouches au premier claquement de doigts. Ce type essaye juste de m'avoir à l'usure, c'est tout. Les théories d'Olivia sont tirées par les cheveux. Je l'ai quand même signalé à Tom pour lui faire plaisir, c'est déjà beaucoup. Il n'y a rien de plus à faire"

"Oh si. Tu vas me donner son adresse", et je pouffais très ironiquement de rire à son ordre car il était hors de question que Harry voit ce type, je ne le permettrai pas et je n'avais pas plus envie qu'il se remette à cogner non plus pour moi.

"Certainement pas", je voyais les narines de Harry s'écarter de contrariété face à la fermeté de ma réponse, il posait ses mains sur sa bouche et son nez ensuite en soupirant lourdement. Il semblait remuer ciel et terre pour se calmer. Je me contentais de me taire pour ne pas envenimer la situation et Harry décidait a priori d'abandonner ses envies de règlement de compte avec Anthony car il gardait le silence malgré mon refus. Je l'entendais ensuite poursuivre avec un ton dur et implacable.

"C'est la dernière fois que tu t'offres au premier venu, Mia", sa leçon de morale et sa directive étaient pires que tout car je mourrais déjà de honte et de regret depuis lundi. Je voulais juste baisser la tête et disparaître face à lui mais je choisissais une sortie un peu plus honorable en réagissant à son usage déplacé de la forme impérative et au jugement sous-jacent qui était particulièrement risible venant de lui.

"Est-ce que tu t'es regardé avant de me dire ça, marie-couche-toi-là ?", j'avais réagi avec colère et sincérité car je savais qu'il passait ses semaines à s'amuser à Paris entre les cuisses de ses rousses, brunes ou blondes siliconées. J'avais admis que je détestais ça et je ne décolérais donc pas après ma réplique.

"Cette époque est derrière moi depuis plusieurs semaines et tu vas en faire autant à partir d'aujourd'hui", et je tombais des nues face à cette réponse prononcée calmement par Harry. L'argument était inattendu, il avait continué avec la même directive agaçante mais j'étais pourtant complètement figée et bloquée sur son aveu. Le début de sa phrase passait en boucle dans ma tête. Je l'avais confronté le weekend dernier et il avait nié en bloc en sous-entendant qu'il continuait de mener ce style de vie en dehors de ses weekends à Londres. Il confirmait clairement ce soir qu'il ne le faisait plus depuis plusieurs semaines. Harry m'avait donc menti. J'aurai dû m'en formaliser et surtout lui demander pourquoi mais je ne le faisais pas car j'étais infiniment soulagée à l'idée de ne plus avoir à subir ses conquêtes habituelles. J'étais anormalement libérée donc je faisais profil bas pour éviter que mon soulagement ne soit remarqué puis Harry poursuivait en voyant que je ne réagissais pas.

"Si tu avais pour projet de te taper toute l'Angleterre pour célébrer ton célibat, tu vas abandonner l'idée. Tu ne peux plus te permettre ces risques inconsidérés dans ta situation", la réplique était encore plus brutale. J'étais blessée car même si j'avais été toujours libre et décomplexée de ce point de vue là, il n'avait jamais été question de ça non plus. J'étais vexée comme un pou aussi car je notais qu'il se fichait pas mal que je m'envoie tous ces hommes alors que la réciproque était fausse.

"Je le sais, je ne t'ai pas attendu pour arriver à cette conclusion. Et détrompe-toi, ce n'était pas mon projet, j'ai suffisamment donné, j'ai prévu de faire une pause, crois-moi"

"Alors pourquoi est-ce que tu as couché avec ce type ?", Harry me transperçait du regard. Il exigeait une réponse alors que je n'avais plus envie de lui donner ces détails de mon intimité. Je ressentais une gêne inédite mais je lui répondais avec une demie-vérité, en occultant la partie qui le concernait.

"J'avais besoin de me prouver que j'avais tiré un trait sur Charlie"

"Et c'est le cas ?"

"Oui", j'avais continué mécaniquement.

"Alors j'espère que tu as bien profité de ta dernière soirée de débauche", je relevais la tête lentement vers lui en notant le niveau anormal d'amertume que Harry mettait dans cette réplique. Je ressentais un profond malaise car pour la première fois en onze années d'amitié, Harry désapprouvait et me jugeait. J'étais particulièrement blessée et ébranlée mais j'acceptais docilement ma punition car je savais que ses instincts surprotecteurs étaient impossibles à canaliser.

"Même pas, figure-toi. C'était une belle perte de temps. Je m'épargnerais ce moment si c'était à refaire", j'avais répondu encore mécaniquement.

"Vraiment ? Tu as dû t'appliquer pourtant au vu de l'énergie que met ce type pour te revoir", je me tendais cette fois en notant cette nouvelle indiscrétion mais surtout en notant le ton particulièrement venimeux. Je saisissais avec beaucoup de lucidité l'acharnement malsain qu'il mettait dans cette phrase. Je me figeais car je comprenais en un coup d'œil sur son visage étrangement blessé que cet interrogatoire sévère était en train de dévier dangereusement et totalement du sujet de sécurité. Harry était anormalement suspendu à mes lèvres après son pic malgré ses airs impitoyables et je prenais conscience après cela de la catastrophe qui était peut-être en train de se produire sous mes yeux.

J'essayais de réfréner ma crise d'angoisse car je ne savais pas encore à ce stade si c'était sa possessivité qui déviait de façon inappropriée ou si Harry me cachait un secret plus lourd et inavouable. J'avais le souffle court, j'étais complètement paniqué car c'était une chose d'accepter de mon côté de fantasmer mais ça en était une autre de le soupçonner de partager les mêmes idées. Je n'avais jamais imaginé que cette situation puisse avoir lieu un jour entre nous et je voulais déguerpir très vite avant d'en avoir confirmation. Je décidais donc de répondre le plus calmement possible pour calmer cette pseudo-crise de jalousie et je répondais fermement pour lui passer l'envie de m'enfoncer davantage.

"C'était une connerie. C'était stupide. Insipide. Déprimant. Et je n'ai plus envie d'en parler", Harry me brûlait avec son regard et cette expression indéfinissable sur son visage. J'avais sincèrement besoin désormais que cette conversation se termine. C'était le moment d'y mettre un terme avant que la situation n'échappe à tout contrôle.

"Est-ce que tu as terminé ?", je fermais les yeux de soulagement en le voyant acquiescer lentement. Mon supplice allait enfin prendre fin.

"Dernière précision au cas où ça ne serait toujours pas clair. Tu vas être totalement transparent avec moi sur ces sujets à partir d'aujourd'hui. Et tu vas t'y tenir parce que tu n'as pas envie de savoir comment je réagirais si j'apprenais encore ce genre de choses de la bouche d'une autre personne que toi", et je le regardais partir en claquant la porte avec humeur sans me laisser l'opportunité de me rebeller. Je soupirais lourdement et je m'écroulais ensuite péniblement sur le lit après sa sortie. Je fixais le plafond avec le cœur au bord des lèvres en remontant le fil de mes conclusions et de cet échange oppressant. J'étais complètement retournée et j'étais tirée subitement de mes tourments par des coups discrets frappés à la porte.

"Je peux ?", c'était Olivia et je la regardais entrer timidement sans avoir l'énergie de la congédier.

"Je suis désolée ma belle mais je ne suis pas une tête brûlée comme toi. Ce type m'inquiète, j'avais besoin de le dire aux garçons et je pense toujours que c'était la bonne chose à faire", sa venue avait au moins le mérite de me changer les idées. Je ressentais la sincérité dans ses excuses et je savais qu'elle tremblait littéralement depuis cette histoire de cambriolage. Je n'arrivais pas à lui reprocher mais je gardais malgré tout sa trahison en travers de la gorge.

"...S'il te plaît, ne me fais pas la gueule", je grimaçais face à sa demande, j'aurais voulu lui répondre et passer l'éponge mais je n'arrivais pas à faire plus sur le moment que de garder le silence.

"Pitié, pitié, pitié…!", et je subissais avec surprise son assaut. Olivia bondissait sur le lit et me basculait sur le dos. Elle m'enlaçait maladroitement comme une enfant pour me soutirer un pardon. J'éclatais de rire malgré moi car la situation était grotesque et puérile. Je riais de bon cœur car ses bras bienveillants et son comportement de gamine me réconfortait de ma crise. Je prenais donc une seconde pour relativiser. Je savais que je n'avais pas envie de me fâcher avec elle, encore moins à une semaine de notre spectacle, et je savais aussi que ce sujet était de ma responsabilité. Elle n'avait pas grand chose à se reprocher en définitive si ce n'est de ne pas m'avoir prévenue avant de prendre ses initiatives malheureuses.

"Harry m'a fait passer un sale quart d'heure à cause de toi, traîtresse. Tu mériterais que je te renvoie l'ascenseur", Olivia me rendait un sourire radieux en comprenant que je lui passais ce faux pas et elle reprenait la conversation avec malice.

"Tu veux dire que tu vas à ton tour me peloter dans ce sauna ? Vous avez une façon bien à vous de vous disputer...", son sourire machiavélique et sa réplique graveleuse me faisaient sourire malgré moi mais je ne relevais pas le sous-entendu et continuais de la sermonner.

"Sois sérieuse une minute, Olivia ! Je viens de me prendre le pire savon de ma vie, par ta faute...", elle se remettait en position assise à ma réplique, j'aurai dû lire sa culpabilité après mon sermon mais j'affrontais son sourire encore plus diabolique.

"Savon ? C'est ton mot de code pour cette TRÈS GROSSE crise de jalousie ?"

"...Tu as écouté aux portes !?", j'étais sidérée de comprendre qu'elle m'avait espionnée. Olivia faisait une moue faussement coupable un court instant mais elle reprenait.

"Oh que oui et ton Harry a vraiment un caractère explosif. Tu n'es pas passée loin de la fessée, ma grande !", je riais malgré moi.

"Arrête pour de bon avec ça"

"Non toi, arrête, Mia parce que je vois très clair dans ton jeu maintenant. Tu es une menteuse. Tu ne voulais pas que ton petit écart se sache et tu as répondu aussi docilement à son interrogatoire parce que tu es en train de tomber amoureuse de ton meilleur ami ! Seigneur, je pensais que c'était juste Harry mais vous êtes dedans jusqu'au cou tous les deux !", j'avalais difficilement ma salive face à la conviction qu'elle mettait dans cette réplique. Olivia confirmait certes mon ressenti concernant Harry mais je trouvais malgré tout ridicule qu'elle parle de sentiments sérieux. Je gardais la tête haute pour ne pas l'encourager et je restais silencieuse pour ne pas alimenter davantage son moulin à paroles. Je l'entendais ensuite rire de façon moqueuse.

"C'est ça. Tais-toi, c'est toujours mieux que le mensonge !", je gardais encore le silence et Olivia continuait de sourire.

"...Allez, reprends tes esprits et rejoins-nous dans le salon. Profites de ton meilleur ami tant que tu le peux encore puisque c'est un statut dont il ne devrait plus se contenter bien longtemps !", je devais pâlir à vue d'œil en ce moment car Olivia verbalisait tout ce que je craignais. Ses convictions s'ajoutaient à celles de Charlie et aux miennes. La conclusion était accablante. Je la regardais donc partir dans une humeur joviale très contrastée avec la mienne. J'essayais après son départ d'écouter ses conseils. Je faisais un effort surhumain pour retrouver la parfaite maîtrise de mes émotions et me décidais ensuite à les rejoindre au salon.

Olivia et Liam étaient dans le jacuzzi sur la terrasse et Harry était allongé dans le canapé à fixer le plafond. Je priais le ciel en le regardant pour que ses pensées ne soient pas celles que je craignais car j'étais tétanisée à l'idée de mettre en péril cette relation inestimable et d'aller en terre inconnue avec lui. Face à son indifférence et avec le peu de fierté qu'il me restait, je décidais de l'ignorer aussi et d'aller rejoindre le couple à l'extérieur.

Point de vue : Harry

J'entendais la porte s'ouvrir, je sentais son regard insistant mais je l'ignorais car j'avais besoin d'une pause pour canaliser mes émotions.

J'avais imaginé le pire pendant la crise de nerfs de Olivia. J'avais pris rapidement des hypothèses en soupçonnant un nouveau danger. J'avais gardé le silence en essayant d'appliquer les directives de Mia puis j'avais vrillé en la voyant défendre ce secret avec autant de férocité. Si ce n'était pas sérieux, son comportement était démesuré, alors je l'avais dégagé de ma route sans plus d'hésitation pour écouter ce qu'Olivia avait à me dire. J'étais préparé au pire avant qu'elle ne démarre son récit, j'étais préparé à entendre toutes les horreurs possibles, sauf celle-ci.

J'aurai dû me douter que ce jour arriverait pourtant. Mia avait conclu son histoire avec Charlie, elle était plus désirable et désirée que jamais et elle m'avait rembarrée sans détour le weekend dernier. J'aurai dû anticiper qu'elle reprendrait ses habitudes en enchaînant les histoires sans lendemain pour le simple plaisir de la chair. C'était un événement d'une pure banalité en soit mais je l'avais encaissé ce soir avec une brutalité inédite parce que je ne m'y étais pas préparé. J'avais été pris complètement au dépourvu avec cette vision insoutenable d'elle en train de prendre son pieds dans les bras de ce type. J'avais très bien imaginé la scène, malgré l'absence de détails donnés par Olivia et j'en avais été absolument dégoûté.

Je n'étais pas son amant et encore moins son mec, je n'avais aucun droit de la sorte sur elle mais je vivais cet évènement comme la pire des infidélités. Je savais que ce sentiment n'avait pas lieu d'être et j'aurai contenu ma crise si seulement j'avais eu la présence d'esprit de le voir arriver. Mes répliques acerbes étaient clairement et encore sorties sans permission de ma bouche mais j'avais eu l'intelligence de saisir la première porte de sortie pointée par Mia pour mettre un terme à ma crise déplacée.

Alors je soufflais en ce moment du mieux que je le pouvais, je décolérais et je me rassérénai grâce aux regrets et confidences que je venais de lui soutirer. Je me blindais et je me levais ensuite quand je considérais que j'avais atteint un niveau de maîtrise satisfaisant, avec la ferme intention d'oublier purement et simplement cet évènement indésirable et insignifiant.

J'avais intégré le jacuzzi ensuite quelques minutes plus tard sous l'œil surpris de Mia. Elle pensait que je ne viendrais pas et elle pensait encore moins que je prendrais la place libre à côté d'elle mais je l'avais fait et j'avais retrouvé le masque des grandes occasions pour ne rien laisser filtrer. Pour la première fois du week-end, je participais aux discussions collectives, d'abord avec Liam et Olivia, puis de nouveau avec Mia. Ma stratégie d'autruche était en train de porter ses fruits. J'arrivais à passer un bon moment et j'étais rapidement replongé dans mon vortex amoureux en constatant à quel point elle était attirante avec ses cheveux relevés, dans cet autre maillot de bain infernal et sous cette lumière tamisée. Tellement d'hommes auraient tué pour être à ma place de privilégié.

La soirée se poursuivait ensuite jusqu'à ce que je vois son téléphone vibrer. Je n'étais pas le seul à remarquer, Olivia et Liam la fixaient lourdement et Mia le notait avec un grand agacement.

"Détendez-vous ! C'est Tom ! Et regarde Harry comme je suis obéissante", elle jouait le jeu en effet, elle répondait en appuyant sur la fonction haut parleur. J'entendais donc ce Tom pour la première fois.

"Bonsoir beauté, je te dérange ?", l'entrée en matière était fort désagréable. Je comprenais immédiatement à la familiarité, au ton mielleux et au timbre de sa voix que cet homme était de notre génération. Ce n'était peut-être pas l'inspecteur vieillissant et bedonnant que je m'étais imaginé et je trouvais l'introduction parfaitement inappropriée dans le cadre de leur relation de concitoyenne à gardien de l'ordre.

"Je passe un bon moment entre amis dans ce jacuzzi en Norvège en effet, mais dis moi ?"

"Je ne te dérange pas longtemps dans ce cas. C'était pour te confirmer que j'avais passé en revue la liste de Thanksgiving que tu m'as donnée ce midi. RAS pour moi, ils sont tous cleans, vous pouvez les accepter vendredi. Je vous envoie quand même les photos aux filles et à toi. S'il y a un indésirable, préviens Sam rapidement pour qu'il le raye de la liste et veille au grain pendant la soirée", j'en savais enfin un peu plus sur leur déjeuner de ce midi classé secret défense grâce à ce Tom.

"Merci, c'était rapide"

"Oui, mais pourquoi ça t'étonne toujours ? Je sais que tu adores mes pizzas mais je ne suis pas pizzaiolo pour autant, Mia", c'était officiel, maintenant je me faisais des films insupportables. Je me demandais s'il avait amené cette pizza au poste ce midi ou s'il l'avait cuisiné chez elle un autre jour voir dégusté dans son lit. Je me montais la tête à vitesse grand v car je notais le ton séducteur de ce type et je savais que Mia avait toujours eu un faible pour les preux chevaliers. On pouvait donc difficilement faire pire qu'un inspecteur armé chargé de sa sécurité.

"J'ai pris contact aussi avec le staff de tes deux invités mystères. C'est ok avec eux mais je dois voir les détails avec la municipalité. Je pense qu'on va boucler le quartier pendant vos déplacements entre le studio et la boîte. Je te ferai le topo lundi", Olivia adressait maintenant de grands signes à Mia pour avoir un décodage. Elle n'était a priori pas informée pour cela, comme moi. Je déduisais donc que Mia préparait une surprise aux filles et que c'était une des raisons qui entourait une nouvelle fois le mystère de son déjeuner de ce midi. Le sourire provocateur que rendait Mia à Olivia me le confirmait.

"Tu n'es pas pizzaiolo mais c'est une bonne idée de reconversion, Tom ! Merci sinon pour ton efficacité. Est-ce que tu as cleané aussi le sujet d'Anthony, parce que Olivia n'en dort plus la nuit ?", Olivia lui rendait un air outré mais Mia soutenait son regard en souriant et en lui rendant un charmant doigt d'honneur. De mon côté, j'avais retenu mon souffle car j'étais contrarié d'être ramené de nouveau sur ce sujet.

"J'ai jeté un œil mais tu es sûr que tu as le bon nom ? Envoie moi d'autres informations à la limite parce que je n'ai rien trouvé avec ça"

"Je t'envoie son numéro de portable, ça ira ?"

"Oui fais déjà ça mais dis à Olivia d'arrêter de se monter la tête. Le comportement de cet homme a l'air plutôt normal, il suffit de te regarder pour compatir avec lui. Mais je vais m'en occuper en priorité si ta première danseuse en fait des insomnies. Toi continue de laisser couler comme on se l'est dit. Je pense que ça va lui passer"

"Entendu, inspecteur", Mia avait conclu avec un ton complice et reconnaissant, elle semblait vraiment l'apprécier et j'imaginais parfaitement le sourire benêt de ce Tom en retour et encore plus après son compliment à peine déguisé. Je serrais les dents car je n'avais aucun doute sur le fait qu'il rêvait d'une fin à la bodyguard avec elle et je ressentais l'envie subite de dénoncer son comportement déplacé à sa hiérarchie pour que Mia se voit attribuer un autre interlocuteur. Pour la deuxième fois de ma vie et en l'espace d'une heure, j'étais encore en train de me faire aspirer par une nouvelle crise de jalousie alors que j'étais tout sauf un homme insécure et jaloux. Ce sentiment était parfaitement désagréable, je perdais la tête avec elle et Charlie trépignerait d'une joie sadique s'il me voyait dans cet état.

C'est donc avec beaucoup de soulagement que je la regardais raccrocher sans état d'âme. Je décidais de rester à ma place cette fois en me passant de tout commentaires car c'était déjà miraculeux qu'elle me reparle après ma colère froide et encore plus miraculeux que ma crise de jalousie de tout à l'heure soit passée inaperçue.

"Je suis abattue de voir que Tom est aussi perché que toi ! On est d'accord, ce type t'a menti sur son prénom, c'est évident ?", Olivia en revanche ne retenait pas son flux de paroles. Je la sentais encore repartir dans une nouvelle crise d'hystérie que je trouvais infondée avec le niveau d'information que j'avais et qui était de plus conforté par le ressenti de cet inspecteur dont c'était le métier.

"Non, c'est juste possible", Mia répondait très calmement en reprenant son verre de vin. Elle était lucide, c'était rassurant.

"Et c'est tout ce que ça te fait ?!"

"Qu'est-ce que ça devrait me faire d'autre, Olivia ?"

"Je ne sais pas ? Paniquer ? Parce que c'est un comportement encore plus louche ?"

"Quoi ? Tu vas me dire que tu n'as jamais menti sur ton prénom en soirée ?"

"Hein ? Mais ce n'est pas le sujet !"

"Si, c'est le sujet. C'est ce que font les mecs infidèles par exemple"

"Il t'a dit qu'il était célibataire"

"Et bien il a menti sur ça aussi. Ça fait un connard de plus sur terre, pourquoi est-ce que tu débloques à cause de ça ?", je suivais l'échange en restant en retrait et en rejoignant définitivement le camp de Mia.

"Je suis plutôt d'accord avec Mia, il ne s'est pas passé grand chose juste ici, juste des relances téléphoniques et un faux prénom. Tu vas un peu loin, chérie", Liam s'était autorisé cette intervention. De mon côté, je conservais mon droit de garder le silence et je regardais Olivia pester. Elle était absolument frustrée de n'avoir aucun allié et nous avions pu lui imposer un changement de sujet en reprenant les bavardages. Les discussions avaient repris bon train jusqu'à ce que je vois leurs téléphones à toutes les deux s'agiter. Mia était prise dans une joute intéressante avec Liam et n'y prêtait pas encore attention mais Olivia s'emparait du sien et commençait à balayer ce qui ressemblait à des photos. Sûrement celles dont venait de parler Tom.

"Seigneur...", nos visages se tournaient de nouveau vers Olivia qui était immobile face à son téléphone.

"Quoi ?", Olivia ignorait Liam et je détestais son regard avant même d'avoir entendu ce qu'elle avait à dire.

"Je te confirme que ce mec t'a menti. Il ne s'appelle pas Anthony mais Jérémy et il fait parti du public de vendredi", le blanc qui suivait l'annonce était sidéral. Je ne résistais pas à la tentation d'arracher le téléphone des mains de Olivia et je constatais avec contrariété que ce type était une gravure de mode. Ce n'était pas du tout en corrélation avec l'image que je me faisais du déséquilibré qu'Olivia décrivait. Mia m'arrachait à son tour le téléphone des mains. Je la voyais se contrarier puis s'exprimer.

"Cet homme est tenace, on ne peut pas lui enlever ça", elle était contrariée mais elle reposait son téléphone et retournait à son verre de vin rapidement pour évacuer le sujet.

"Non mais tu fais exprès de ne pas comprendre ou quoi ? Bon sang, il t'a menti sur son prénom et il s'est présenté à toi comme s'il ne te connaissait pas. Il a menti sur ça aussi puisque c'est absolument impossible s'il a participé aux enchères. Les places sont parties comme des bouchées de pain il y a deux semaines, bien avant que tu ne le rencontre, et au prix où elles sont parties, il n'y a que les fans absolus qui les ont achetés", je n'aimais définitivement plus la tournure des événements. J'étais pris de profondes nausées à l'idée que cet homme ait pu effectivement tout orchestrer pour l'avoir dans son lit. Si c'était vraiment le cas, ce type allait devoir faire ma connaissance dans les prochains jours.

"On se calme, Olivia", je regardais Mia avec un air médusé car c'était impossible qu'elle soit aussi insensible à ses arguments.

"Non, je ne me calme pas. Tu appelles Sam pour le virer de la liste"

"C'est prévu, je sais ce que j'ai à faire, ne t'inquiète pas"

"Non, tu le fais maintenant !"

"Non ça attendra demain. Il est minuit et Sam est en congé, il n'y a aucune urgence", j'écoutais toujours en simple spectateur en ce moment. J'étais encore sonné et je subissais comme Mia le pétage de plomb inopiné de Olivia qui frappait violemment son verre sur le rebord du jacuzzi pour appuyer sa nouvelle colère.

"Putain ! Mais tu es sérieuse là ?", Mia avait un comportement diamétralement opposé. Elle la regardait comme si elle sortait de l'asile, j'en faisais de même et elle continuait calmement pour ne pas l'exciter.

"Très. Mais baisse d'un ton maintenant"

"Non ! Qui te dis que ce n'est pas le timbré qui t'a cambriolé ? Il se branle peut-être sur toute ta lingerie en ce moment même donc tu appelles Sam pour le rayer de la liste et tu appelles Tom pour faire une descente chez lui", j'avais grincé des dents à cette réplique déplacée de Olivia mais je me mordais la joue pour me taire et les laisser en découdre entre elles.

"Tu commences vraiment à me fatiguer, Olivia"

"Je te dis que ce mec est un obsédé qui s'est payé ta tête depuis le début dans le seul but de te baiser et ça ne te fait ni chaud ni froid ?", la question d'Olivia était malgré tout celle qui me brûlait les lèvres alors j'attendais la réponse de Mia avec beaucoup d'intérêt.

"Parfaitement et tu devrais t'endurcir aussi puisque je t'assure que les hommes sont capables de bien pire que ça", je la regardais péniblement maintenant en saisissant enfin son état d'esprit. Je croisais cette réplique insensible avec ses confidences dans la chambre et je comprenais que ce n'était pas de l'indifférence que Mia exprimait mais simplement son désenchantement total pour la gente masculine. Toute son aversion pour le sexe opposé transpirait et s'évacuait par ses pores ce soir. J'étais particulièrement peiné mais je savais aussi que Mia maintenait sa position avec pugnacité pour ne pas aggraver la crise de panique d'Olivia. Ses efforts ne payaient toujours pas car Olivia reprenait avec plus d'agressivité.

"C'est ça. Je t'aurai prévenu. Continue de tendre la joue. Tu ne pourras t'en prendre qu'à toi même le jour où un de ces connards te violera ou te passera à tabac !", j'avais retenu ma respiration brutalement, j'étais soufflé car Olivia avait osé. Elle venait de dépasser les limites de l'entendable. Je supposais qu'elle l'avait fait en parfaite ignorance car aucune amie ne se serait permise ces mots en connaissant le passé de Mia. Elle n'avait aucune idée de la résonance que pouvaient trouver ses paroles dans l'esprit de Mia. J'étais horrifié de ne pas être sorti de mon mutisme plus tôt pour éviter que ces paroles ne sortent de sa bouche. Le mal était fait mais j'intervenais malgré tout pour limiter les dégâts.

"Parfait. Tu peux la fermer maintenant, Olivia...", l'intimidation fonctionnait car Olivia s'était tue à mon intervention, elle avait sursauté et me fixait maintenant avec ses yeux de biche apeurée et choquée. Je sentais en même temps le regard lourd de reproches de Liam à mon attention mais il avait la présence d'esprit de séparer les filles plutôt que de me défier.

"C'est bon… On va se coucher"

Je me retrouvais donc seul dans le jacuzzi avec Mia. J'étais encore sous pression mais je prenais le temps de l'observer silencieusement. La violence de l'intervention l'avait forcément ébranlé mais elle ne laissait rien paraître. Son visage était fermé, ses traits étaient aussi durs que la roche, elle était parfaitement illisible et hors de portée. Je réfléchissais à un moyen de l'atteindre pour briser sa carapace comme d'habitude mais Mia prenait les devants en commençant par une réplique d'une totale ingratitude.

"Tu n'étais pas obligée de l'agresser. Olivia est juste inquiète pour moi"

"Ce n'est pas une raison pour péter les plombs et te malmener de cette façon", et je subissais son rire moqueur qui me laissait sans voix.

"Quoi ?"

"Rien...Si... C'est drôle en fait. Tu es vraiment à deux vitesses. Tu réagis au quart de tour pour me défendre quand il s'agit des autres mais tu ne t'appliques pas la même rigueur en retour", touché, coulé, Mia me renvoyait dans les dents honteusement la crise que je lui avais faite pas plus tard qu'il y a une heure. Je supposais aussi qu'elle visait toutes nos précédentes altercations et mes différents pétages de plomb. Je me taisais et cherchais un moyen de me relever de cet uppercut et de m'excuser mais Mia rebondissait en changeant complètement de sujet avec une désinvolture sidérante.

"Tant pis pour la forme mais vous avez raison tous les deux sur le fond. Je suis la dernière des connes et je ne peux m'en prendre qu'à moi même", je la regardais jouer avec les rebords de son verre avec un air nonchalant, en évitant mon regard et j'étais révolté de l'entendre s'insulter aussi froidement et sévèrement.

"Je croyais qu'on était d'accord pour dire que tu n'étais pas responsable pour ces pourritures ?", j'espérais que le souvenir intense auquel je faisais référence la ramènerait sur terre et passerait à travers sa cuirasse mais ce n'était pas le cas. Mia me regardait maintenant avec curiosité, elle faisait semblant de se souvenir puis elle me répondait sans aucune émotion et avec un demi-rire moqueur. Mia était impénétrable malgré ce contexte intime propice aux confidences et malgré la gravité du sujet qui aurait dû la faire plier.

"Tu fais référence à cette tentative de viol au Mexique et à tout ton bullshit de diamant brut ? Je pense que tu avais bu trop de whisky ce soir là", j'étais complètement muet de l'entendre utiliser ces mots tabous avant autant de légèreté et j'étais révolté qu'elle dénigre ces mots qui avaient été pourtant d'une sincérité sans précédent. Je commençais donc à me rebeller face à son comportement.

"C'était de la tequila pour commencer. Et pour finir, je n'ai rien bu ce soir donc je te confirme que je pensais tout ce que je t'ai dit cette nuit-là. Tu as besoin que je te le répète ? ", je n'aimais vraiment pas les rictus qui défilaient sur son visage après ça et je m'inquiétais très franchement de son regard particulièrement glacial. C'était son visage des grands jours et des grandes souffrances. Je dirai même que je n'avais jamais lu d'expression aussi dure sur son visage alors je me préparais à recevoir un sacré coup de sa part.

"Non, au contraire, je veux que tu arrêtes de me murmurer à l'oreille toutes ces conneries à la mords-moi le nœud", la réplique était violente et rabaissante, comme je l'avais prédit. Je m'apprêtais à répliquer avec courage malgré tout mais Mia prenait encore les devants et m'achevait avec une froideur qui me coupait la respiration.

"Et Harry, l'histoire vient encore de nous le confirmer, je ne suis le diamant brut de personne mais simplement le trophée qui pourrit sur l'étagère. Donc épargne-moi ce genre de niaiseries à l'avenir, s'il te plaît", j'étais complètement paralysé après sa réplique tranchante. Pour la première fois, j'étais démuni face à Mia. J'avais un mal de chien de l'entendre affirmer ces inepties avec autant d'aplomb mais j'étais beaucoup trop enlisé dans mes mensonges pour répondre. Dans tous les cas, Mia ne me laissait pas la possibilité de répliquer, elle se volatisait aussitôt après cette conclusion et je n'entendais plus que les mouches voler après son départ.

Je réalisais douloureusement que je venais de bénéficier de la même mascarade qu'elle servait au reste du monde. Ça avait toujours été mon privilège pourtant. Je n'étais peut-être que son meilleur ami mais j'étais le seul avec qui elle se sentait suffisamment en confiance pour tomber le voile. C'était le cas, en toutes circonstances et sans aucune exception, sauf ce soir. Ce soir, Mia venait de me rejeter et de me fuir comme si j'étais n'importe qui et j'avais du mal à l'accepter.