LES RÉSISTANTS


Jax Casburgot n'était pas un homme tendre et il ne se serait certainement pas décrit comme un homme bon, même si sa conscience était en paix avec toutes les décisions qu'il avait prises dans sa vie.

Faire le bien n'avait rien à voir avec faire ce qui était nécessaire et faire ce qui était juste était rarement simple. Un soldat qui réfléchissait au moment où il aurait dû agir avait toutes les chances de se faire tuer par un ennemi déterminé. C'était pour cela que ceux qui donnaient des ordres devaient être préparés à toutes les éventualités et prêts à encaisser les conséquences de leurs choix, aussi cruelles qu'elles puissent être.

Jax Casburgot ne regrettait aucun de ses actes, mais il n'avait pas oublié non plus aucun des visages de ceux qu'il avait tués ou menés à leur mort. Ce n'était pas une mauvaise chose – c'était ce qui le gardait humain et ce qui équilibrait la balance entre sacrifices inévitables et pertes inutiles. Pleurer ne servait à rien, mais nier le prix trop lourd payé pour certaines opérations était dangereux, insensé et immoral.

Il était respecté par les hommes qu'il dirigeait – et c'était suffisant. Un bon chef n'avait pas besoin d'être aimé, mais il ne devait pas être craint ou méprisé non plus. Il faisait son travail et ils lui obéissaient parce qu'ils avaient confiance en ses capacités de jugement, non pas parce qu'une loyauté irraisonnée les liait à lui. Tout le reste – ces niaiseries sentimentales dont les films abreuvaient la croyance populaire – était superflu, volatile et ne causait que des problèmes en fin de compte.

En tout cas, c'était ce que Jax Casburgot avait cru, pratiqué et enseigné pendant des années… jusqu'à ce qu'il se retrouve à la tête d'une armée constituée à quatre-vingt-dix pour cent de civils.

Les gens ordinaires ne pensaient pas comme des soldats. Une même cause avait beau les unir, vous pouviez les avoir organisés, équipés et entrainés de la meilleure façon qui soit, il leur manquait encore quelque chose pour réussir à avancer, pour tenir dans la durée, pour servir et pour gagner.

Pas l'exemple héroïque d'un soldat dévoué, pas les instructions précises d'un stratégiste de génie, pas la protection réconfortante d'une masse de muscles imbattable, pas l'attraction irrésistible exercée par une figure charismatique.

Non, rien de tout cela. Aussi absurde que cela puisse être, il leur manquait quelqu'un à aimer.

Mais cela, Jax Casburgot ne devait le comprendre qu'après avoir rencontré Arthur Potter.

Leur héros.

La mayonnaise inattendue dont ils avaient désespérément besoin.

Son Roi.

Tout commença en juin quand, au retour de sa dernière opération, après quatre mois passés dans un pays étranger dont le nom devait rester top secret, il apprit que le monde était tombé sur la tête. Harold Saxon venait d'annoncer sa collaboration avec la présidente Dakota Moore et, apparemment, il était désormais normal de faire la queue au drive derrière des gens montés sur des balais quand vous alliez acheter un burger.

D'une certaine façon, Jax Casburgot avait toujours su que la magie existait : malgré toutes les recommandations pressantes de son père quand il le laissait chez elle à six ans, sa grand-mère n'avait jamais vraiment essayé de dissimuler ses pouvoirs. Il se rappelait, enfant, avoir attendu la lettre d'une école merveilleuse et avoir été horriblement déçu quand il avait compris qu'il avait à peu près autant de chances de la recevoir que d'être invité à bord du Pôle Express par un lutin ou de découvrir qu'il avait un tatouage bleu phosphorescent à l'intérieur de la bouche.

En grandissant, il avait mis sur le compte du Bayou les mystérieuses capacités de sa grand-mère. Quelqu'un qui avait vécu toute sa vie en pays cajun ne pouvait complètement nier l'existence du surnaturel, mais il s'était plus ou moins convaincu qu'elle restait un cas isolé. Son père renchérissait et la conversation déviait plutôt sur les mille et une raisons que pourrait avoir un homme à se tourner vers la finance plutôt qu'à vouloir porter l'uniforme. Ils finissaient toujours par se disputer pendant que Mama Odie, comme tout le monde appelait sa grand-mère, les écoutait en branlant du chef, sans cesser de touiller inlassablement son gombo.

Il avait fini par s'engager dans l'armée malgré tout et sa carrière l'avait tenu éloigné de Lafayette, Louisiane, pendant des années. Il entretenait des rapports plutôt distants avec son père qui habitait dans un autre État et n'avait jamais réussi à se créer une famille – trop de secrets et de cicatrices éloignaient davantage les femmes que ce que la littérature bon marché se plaisait à raconter – aussi ces contes de fée et leur part de réalité lui étaient sortis de l'esprit depuis longtemps quand la déclaration d'Harold Saxon ébranla le pays.

Après le moment de pure incrédulité partagé avec quelques officiers en permission comme lui, il s'était cependant souvenu des casseroles dansantes de son enfance et il s'était dit que rendre visite à sa grand-mère ne pouvait pas faire de mal.

Mama Odie s'était ratatinée comme une pomme oubliée au fond d'un placard depuis la dernière fois qu'il l'avait vue : elle lui arrivait à peine sous le coude (et c'était sans compter son turban blanc). Il ne lui restait plus du tout de dents et ses yeux aveugles ne pouvaient pas voir qu'il n'était plus le gringalet d'autrefois : ses mains noueuses le tripotèrent, lui tirèrent les joues et pincèrent ses biceps pendant qu'elle marmonnait des commentaires qui le firent alternativement rougir et soupirer.

Elle marchait toujours pieds nus et n'avait rien perdu de son goût pour les bijoux clinquants (de grosses boucles d'oreilles dorées étiraient ses vieilles oreilles sur ses épaules et, outre des bracelets et des bagues en pagaille, elle portait aussi des lunettes de soleil de marque – il soupçonnait son père de les lui les avoir offertes). Son énergie et son bagout étaient toujours aussi incroyables et une autre chose qui n'avait pas changé était son éternel besoin de le nourrir : il ne put l'empêcher de s'activer dans la maison branlante pour préparer à manger tout en le noyant sous un flot de paroles enthousiastes.

Il faillit s'élancer plusieurs fois pour la rattraper ou l'aider (elle se mettait tous les instants en danger en vaquant à ses occupations comme un tourbillon alors qu'il n'y voyait strictement rien), mais il découvrit vite qu'il n'y avait aucune raison de s'inquiéter.

Et que s'il était venu chercher ici la preuve que sa prochaine mission ne consisterait pas à escamoter le président des États-Unis pour l'emmener en maison de repos, il n'avait pas besoin de creuser plus loin.

Sa grand-mère qui, clairement, ne pouvait pas vivre seule, avait une aide à domicile particulièrement efficace qui se trouvait être… un boa constricteur aux yeux de vache humides, répondant au doux nom de Juju.

Mama Odie lui asséna un coup de cuillère en bois sur la tête quand il émit timidement ses doutes à ce sujet et il se tut, frappé par tant de précision, frottant la bosse sous ses courts cheveux crêpus.

Elle se mit à déblatérer au sujet de la fin du monde et de lui qui aurait un rôle-clé à y jouer et il se contenta de hocher la tête d'un air hébété, sans quitter des yeux le boa qui faisait la lessive.

Après le deuxième coup de cuillère, il prêta un peu plus d'attention à ce que sa grand-mère disait. Elle l'avait peut-être lu dans son gombo, mais les termes qu'elle employait lui étaient désagréablement familiers : disparitions inexpliquées, minorités raciales recensées, propagande, enrôlement dans des expériences douteuses sur promesse de récompense… il avait trop souvent étudié des cas de figures semblables avant de partir en opération.

Mais ça ne se pouvait pas… C'étaient des États-Unis d'Amérique dont il s'agissait… aucun lunatique exalté n'aurait eu l'idée saugrenue qu'une dictature pouvait marcher ici…

Le troisième coup de cuillère en bois résonnait encore douloureusement sous son crâne quand il s'aperçut que ses pas l'avaient mené devant chez les Laurens, une heure plus tard, alors qu'il essayait de digérer le gombo et ses lugubres prédictions en faisant une promenade nocturne.

- C'était à soir quand yé z'ont pris, nou-zôt avons ouï que nenni, avait dit sa grand-mère dans ce créole louisianais qu'il avait appris avant l'anglais, mais que l'école l'avait forcé à oublier. "P't'être ben qu'ont hélé, pauvres bêtes, mais d'aucuns a venu aider à eux-autres. Équand ce que l'avant-jour a arrivé, ça 'té fini."

La maison était sombre sous la lune. Sous le porche de bois blanc, des lucioles butinaient le fauteuil en osier renversé et se faufilaient par la fenêtre cassée. A l'intérieur, une épaisse couche de poussière recouvrait les meubles aux tiroirs ouverts et les lits défaits. Des bris de verre crissèrent sous ses semelles et il s'accroupit pour les examiner. Quand il se redressa, il était très sombre. Quelqu'un avait pris la peine d'enlever les photos de tous les cadres et de vider les placards du moindre indice sur l'identité des gens qui avaient vécu là. A part pour leurs amis, les Laurens n'existaient plus.

Toute une famille disparue en une nuit.

Non seulement physiquement, mais aussi administrativement.

Quelque chose clochait sérieusement. Et ce n'était pas juste le fait que les Laurens avaient un fils avec un "petit problème d'écailles"…

Quand il était revenu au bungalow de sa grand-mère, il y avait une autre personne dans le salon : un homme au long nez mince et aux cheveux bouclés, vêtu d'un costume noir avec un jabot de dentelle à l'ancienne.

Jax Casburgot n'oubliait jamais un visage et il n'eut aucune peine à replacer le garçon extrêmement intelligent qui les avait tirés plus d'une fois des ennuis quand ils étaient gosses, Laurens et lui – même s'il y avait des années qu'ils ne s'étaient pas vus.

Publius Hilton – Ham', comme ils l'appelaient à l'époque, bien qu'ils ne se souviennent plus ni les uns ni les autres comment cela avait commencé – ne perdit pas de temps en retrouvailles émotives. Il avait toujours été du style à aller droit au but et ce fut le cas ce soir-là aussi.

Jax Casburgot apprit avec stupéfaction que non seulement son ami d'enfance avait toujours été un sorcier, mais qu'en plus il travaillait comme clerc aux Affaires Sonnantes & Trébuchantes du MACUSA, le gouvernement magique dont Harold Saxon venait d'annoncer l'existence. Et que ce qu'il avait toujours pris pour un problème de peau sèche et d'épilepsie chez Bertil Laurens était en fait les manifestations de son gêne garou ("Mo to disais sa !" glapit sa grand-mère depuis la salle de bains où le boa, éperdu, essayait apparemment de l'empêcher de se noyer dans sa baignoire).

- Ce n'est pas tout, continua Ham', les yeux sombres, après qu'il eut refermé la porte de la salle de bain à distance d'un coup de baguette. "Le Projet Entente Cordiale n'est pas ce que les gens croient. C'est le nom de code de recherches menées depuis des années sur la provenance de la magie par les Hommes de Lettres, une société secrète composée de politiciens no-maj et de sorciers versés dans les arts obscurs."

Il prit une longue inspiration, comme pour maîtriser une nausée.

- Des recherches abjectes, interdites, menées sur des Hybrides et des enfants, pour extraire la magie de ceux qui la possèdent et l'infuser à ceux qui n'en ont pas. Ils ont des camps, Jax. Des laboratoires où ils font des expériences sur leurs prisonniers. Ces pourcentages, ces chiffres, que la télévision no-maj livre négligemment… c'est le prix des âmes sacrifiées pour le programme KAIROS.

- Continue, ordonna Casburgot.

Les bougies jetaient sur son visage viril des ombres fauves inquiétantes.

- J'étais sûr que quelque chose ne tournait pas rond depuis un moment – toutes ces histoires de garous devenus sauvages alors qu'en parallèle le monde no-maj faisait des avancées scientifiques extraordinaires… ça ne pouvait pas être une simple coïncidence, tu vois. Et puis les Laurens ont disparu. Je connais quelques personnes, évidemment, alors je me suis renseigné au département des Aurors, j'ai un peu fouillé… et j'ai reçu un premier avertissement, me demandant de me mêler de mes affaires. Je me suis fait plus discret et puis… un jour, un dossier est arrivé tout seul sur mon bureau.

Il croisa les doigts convulsivement, s'interrompit le temps de recomposer sa voix qui s'était éraillée. Une goutte de sueur coulait sur sa tempe.

- Affaire 1138 : Ordre de disposer selon les consignes des dépouilles de deux cracmols tués dans feux croisés à Lafayette, LA, lors d'une opération de Niveau 5. Il y avait un petit astérisque en bas de la page : "cible (relation : fils, identifié G. catégorie reptile/ accidentel) transférée à Blue Earth, MN, pour premières analyses".

Les yeux de Jax Casburgot se rétrécirent et ses poings se serrèrent inconsciemment.

- Je-je suis allé au lieu indiqué dans le dossier, continua Ham' d'une voix oppressée. "Je les ai… vus, avant qu'ils les fassent disparaître. C'était… ses parents, Jax. Mais ils n'avaient pas été atteints par des sortilèges par accident… ils avaient été exécutés."

- Et Bert' ?

- Je suis allé à Blue Earth, mais je n'ai rien trouvé, avoua le sorcier secrétaire d'un ton qui trahissait à la fois sa frustration et sa tristesse. "Je n'ai aucune idée de l'endroit où ils ont pu l'emmener…"

- Et le dossier ? Qui te l'avait fait parvenir ? La même personne qui t'a parlé de ces laboratoires clandestins ?

Publius Ham' Hilton marqua à nouveau un temps d'arrêt et examina attentivement le soldat qui attendait sa réponse.

- Ta grand-mère a raison : ces gens veulent dominer le monde et ils sont sur le point d'y arriver. Pour les arrêter, pour rendre à notre pays sa liberté, il va nous falloir entrer dans l'illégalité. Est-ce que tu es prêt à cela ?

C'était beaucoup pour une seule soirée, mais Jax Casburgot avait les nerfs solides et l'esprit logique.

- Ces gens – Harold Saxon si c'est bien lui, les Hommes de Lettres, tout ça – s'ils ont percé le secret des origines de la magie, ils pourront la distribuer ou la reprendre indifféremment ?

- Oui, dit Ham' gravement.

- Donc s'ils veulent déclencher une guerre civile, monter les citoyens américains sans magie contre leurs compatriotes sorciers, ils en auraient les moyens ?

- Oui, confirma Hilton.

Jax Casburgot réfléchit intensément pendant quelques instants. La lumière chaude des bougies projetait l'ombre de sa carrure massive sur le mur de planches derrière lui. Il avait enregistré machinalement le retour de sa grand-mère dans la pièce, mais il tressaillit néanmoins quand celle-ci posa sa main noueuse sur son épaule.

Elle marmonnait, les paupières mi-closes derrière ses lunettes noires, sa tête ridée dodelinant sous son turban blanc. Le boa s'était enroulé autour de ses épaules et somnolait béatement. Son souffle embuait un des disques d'or qui pendaient aux très vieilles oreilles.

Le Roi revient… il faut attendre… le gumbo l'a dit… préparer son armée…

"Attendre", en créole louisianais, se disait "espérer."

Jax Casburgot décida qu'à défaut de placer son espoir dans une chimère née dans des vapeurs de légumes, il pouvait au moins se mettre en action : sauver Laurens, pour commencer. Si l'ennemi se révélait être une puissance étrangère ou un conglomérat véreux, sa carrière n'en souffrirait pas (sa vie, c'était moins sûr, mais il avait l'habitude de ce genre de risque). Et si ses supérieurs trempaient derrière tout ça, eh bien… il aviserait ensuite.

Ham' sembla trouver que c'était raisonnable. Il exécuta ensuite un sortilège compliqué, avec une bulle de lumière bleue, et l'instant d'après un troisième homme apparaissait dans la pièce avec un bang sonore.

Mama Odie sursauta et faillit culbuter en arrière, mais Juju la rattrapa de justesse et la guida vers une chaise.

- Mes hommages, madame, dit le nouveau venu.

Et il se baissa prestement pour éviter la cuillère en bois jetée dans sa direction.

Il n'était pas très grand, mais il dégageait une présence intimidante. Un bras dans le dos façon Napoléon, les cheveux noirs gominés, il portait un uniforme bleu roi et des gants blancs, dont l'un avec un signe cabalistique tracé sur le dos de la main.

- Colonel Mustang, se présenta-t-il. "Brigade des Aurors."

Jax, un petit sourire au coin des lèvres, salua sans se lever.

- Colonel Casburgot, répondit-il. "Forces Spéciales."

L'autre haussa un sourcil, puis une expression pensive passa brièvement sur son visage sévère.

- Un tout petit pas, dans des circonstances inhabituelles et inattendues, murmura-t-il. "Mais un pas quand même."

Puis il s'assit à la table avec eux et fit apparaître de nulle part le fameux dossier 1138.

Jax ne devait comprendre ce qu'il avait voulu dire que bien longtemps plus tard.

Ils passèrent la soirée à étudier le dossier, à échanger leurs informations. Mustang soupçonnait qu'il y avait quelque chose de dangereux derrière le "Projet Entente Cordiale" depuis longtemps, apparemment. Il était extrêmement efficace, concis et organisé, et Jax réussit très vite à suivre quand les deux autres employaient des termes spécifiques à leur communauté ou leur hiérarchie.

Ils se donnèrent rendez-vous le jour suivant, puis celui d'après, et toutes les semaines qui suivirent. Fin juin, ils décidèrent qu'ils avaient besoin d'une base pour se retrouver – un endroit où ils ne risqueraient pas une overdose de gombo et ne mettraient pas non plus Mama Odie en danger si quelqu'un découvrait leurs activités.

Le mois de juillet fila à toute vitesse.

Blue Earth, Minnesota, était un point de départ, pas une voie sans issue. Ils ne découvrirent rien sur l'endroit où avait été emmené Bertil Laurens après son passage par-là, mais en recoupant les informations rassemblées par un chasseur de mystères appelé Remus Lupin sur un home d'enfants à Peculiar, Missouri, et celles d'un loup-garou nommé Constantin Morave sur un asile de fous à Rockford, Illinois, ils finirent par trouver une piste.

Nameless, Tennessee.

Un véritable camp de concentration se dressait à l'orée de la ville et personne ne semblait s'en inquiéter.

Ils se relayèrent pour étudier les environs, interroger les habitants du coin, essayer d'entrer en contact l'air de rien avec les gens qui y entraient et en ressortaient. Jax Casburgot n'avait peut-être pas les moyens d'apparaître et de disparaître comme les deux autres en un claquement de doigts, mais il excellait dans ces exercices de reconnaissance de terrain et d'infiltration.

Après des semaines d'effort, ils parvinrent à trouver une faille : Aaron Burr, un gardien No-maj agité par des remords – ou dévoré d'ambition, on ne savait trop dire et cela le rendait d'autant plus dangereux à utiliser, mais ils n'avaient pas vraiment le choix.

Laurens était bel et bien à l'intérieur du camp. Et, bonus, les deux hommes dont les investigations leur avaient été si utiles étaient également prisonniers au même endroit.

Ils ne pouvaient pas sauver tout le monde – pas à trois – alors ils organisèrent seulement une évasion.

Jax prit naturellement la tête des opérations : Ham' Hilton était incroyablement intelligent et Roy Mustang pouvait probablement tenir à distance une petite armée à lui tout seul, mais Casburgot était spécialement entraîné pour aller chercher des otages dans des lieux imprenables.

Le neuf septembre à neuf heures du matin précises, ils mirent leur plan à exécution. Le lendemain à six heures du soir, tout était terminé.

Deux heures plus tard, Jax Casburgot terminait de rédiger sa démission de l'armée.

Dans la pièce voisine, un tigre qui ne pourrait plus jamais redevenir un enfant dormait, roulé en boule, au pied d'un lit sur lequel un homme enveloppé de bandages maculés de sang chantonnait d'une voix égarée "un p'tit soldat… une clé dans le dos…"

A la fenêtre ouverte, un homme avec une queue touffue et des oreilles pointues terminait sa cigarette en contemplant la mangrove avec une expression indéchiffrable et Laurens, dans un rire mouillé de larmes, essayait de consoler Ham'.

- Tu ne le regretteras pas ? demanda Mustang en posant la main sur l'épaule de son alter ego.

- Jamais, dit fermement Jax Casburgot. "Nous allons la bâtir, cette armée. Et que le Roi vienne ou pas, nous les sauverons tous."

Laurens et Ham' avaient cessé de pleurer et de rire. Bras dessus-dessous, ils s'approchèrent. Constantin écrasa son mégot de cigarette sur l'appui de la fenêtre et il les rejoignit. Mustang fit apparaître un flacon de whisky pur feu et cinq verres.

Le tigre s'était réveillé et il vint se frotter contre leurs jambes en ronronnant. Dans le lit, Remus Lupin s'était tu et ses grands yeux perdus les contemplaient.

Le soleil couchant embrasait l'horizon, rougeoyant comme des flammes dans l'or de l'alcool. Ils portèrent un toast ensemble.

- Quoi qu'il advienne, on ne lâche pas le morceau.

Nous rétablirons la liberté dans ce pays. Nous combattrons. Nous parlerons. Nous les sauverons. Moldus, sorciers, créatures, hybrides, sang-mêlés, adultes et enfants. Tous.

Ils n'avaient plus le choix, maintenant qu'ils savaient.

C'était leur devoir de le dire aux autres et de protéger ceux qui viendraient les rejoindre pour résister.

Et les gens vinrent en effet. De partout – et de toutes sortes.

Laurens, dès qu'il avait repris des forces, s'était porté volontaire pour animer des rassemblements. Il parlait de ce qui lui était arrivé – son enlèvement, les expériences faites sur lui, les rumeurs entendues dans le camp et la façon dont il avait été sauvé – sans jamais rien cacher. Il répondait à toutes les questions sans détours et ne se fâchait pas quand on ne le croyait pas. Il pleurait en revanche quand on le suppliait de dire s'il avait vu tel ami, tel membre d'une famille, parce qu'il ne pouvait pas leur donner ce qu'ils voulaient.

Les choses s'accélérèrent encore après Halloween et la formation du gouvernement mondial, prenant toujours plus d'ampleur alors que les gens réalisaient peu à peu que quelque chose était en train de se passer et qu'ils ne maîtrisaient rien : c'était comme si le charme se rompait chaque fois que quelqu'un éteignait sa télévision ou sa radio. D'un coup le visage séduisant d'Harold Saxon et sa voix mielleuse perdaient leur attrait, vous deveniez fiévreux, anxieux, presque en manque de quelque chose. Beaucoup de gens rallumaient alors leurs appareils, revenaient docilement se mettre sous le joug rassurant, engourdissant, des tambours qui battaient sur les ondes, mais beaucoup aussi réagissaient, décidaient de combattre cette apathie, de chercher d'autres points de vue, des réponses aux questions qui d'un coup affluaient dans leurs cerveaux ranimés.

Mustang entraînait ceux qui se portaient volontaires pour aider s'ils s'y connaissaient un peu en magie. Jax se consacrait aux autres.

Il y avait tous les cas de figures : depuis les dangereux frères Winchester, des Chasseurs de surnaturel qui s'étaient pointés un jour en déclarant que le plus jeune avait eu une vision des Portes de l'Enfer en train de s'ouvrir et qu'ils voulaient être là où ça allait canarder dur (vous ne vouliez surtout pas vous trouver entre ces tueurs-nés et leur cible), jusqu'à Steve Rogers et son copain Bucky, deux poids plumes avec beaucoup d'humour, de courage et de cœur, mais peu de muscles pour soutenir leurs efforts (Steve en particulier travaillait très dur pour compenser sa petite taille et sa maigreur, mais Jax se demandait toujours comment il avait survécu à la journée d'entraînement).

Très vite, cependant, ils durent se rendre à l'évidence. Ils étaient dépassés par le mouvement qu'ils avaient créé. Ils ne pouvaient plus se contenter de se déplacer de motel en motel ou de stade vide en hôpital désaffecté, il leur fallait un vrai endroit, bien équipé et bien protégé, où ils puissent s'installer pour longtemps.

De plus en plus, les gens ne venaient pas seuls, ils arrivaient avec leurs familles, comme John Tanner, ce policier moldu de Possomneck qui vint avec sa sœur, l'enfant de celle-ci (un petit sorcier de deuxième cycle) et une petite fille récupérée à Bâton-Rouge dans un orphelinat qui avait elle-aussi des pouvoirs magiques, ou cette femme de Fitchburg, Wisconsin, avec ses deux fils surexcités dont l'un n'avait pas encore l'âge d'aller à Ilvermorny mais promettait d'être un sacré asticot.

Il fallait aussi de la place pour accueillir les créatures qui fuyaient les rafles de plus en plus fréquentes et celles qui désiraient revendiquer les droits de leurs semblables : parmi elles se trouvaient un troll géant du nom de Aaargh! originaire d'Arcadia (envoyé par un certain Jim qui lui avait demandé de donner un coup de main), un ogre végétarien qui faisait des phrases alambiquées et qui s'appelait Fezzik (il aurait été professeur de littérature avant qu'un changement de direction ne fasse prendre conscience à ses collègues qu'il n'était pas tout à fait comme eux et qu'on ne le renvoie sous prétexte qu'il pouvait être un danger pour ses élèves), et puis une espèce de monstre à fourrure jaune dont le langage était absolument incompréhensible et qui avait eu le malheur de prendre sous sa protection une colonie de porgs en descendant d'Alaska (résultat, il ne pouvait se rendre nulle part sans être suivi par ces p'tits pères rondouillards et braillards).

Jax Casburgot était dépassé par tout cela. Il savait mener une opération de sauvetage en pleine guérilla, au cœur de la Forêt Amazonienne, et il avait la patience de montrer et remontrer inlassablement comment démonter un A-47, mais gérer des questions de nombre de couvertures, places de parking, pénurie de lait, ronflements et autres tapages nocturnes… tout cela le rendait fou.

Mustang ne l'aidait pas beaucoup là-dessus.

Constantin Morave était beaucoup plus efficace qu'eux deux réunis quand il s'agissait d'apaiser une dispute ou de partager équitablement des boîtes de céréales (il disait souvent que grandir dans une maison avec quarante frères et sœurs adoptifs vous enseignait rapidement ce génie-là), mais il était souvent en train de s'occuper de Remus ou du tigre, qui ne pouvaient pas être laissés seuls trop longtemps.

Ham' Hilton faisait des miracles chaque jour. Il pondait les discours des deux leaders officiels (qui étaient tous les deux très doués pour motiver des soldats d'élite ou des étudiants militaires, mais absolument nuls quand il s'agissait de raisonner un groupe d'hommes préoccupés par des questions rationnelles, de femmes inquiètes et d'enfants traumatisés). Il avait inventé un système pour collecter une participation financière, organisé une équipe pour rechercher les lieux susceptibles d'être assez grands pour accueillir une telle masse de gens, recensé les métiers et suggéré des tâches pratiques en fonction des capacités de chacun et même proposé une charte de conduite pour assurer une bonne cohabitation entre tous.

Mama Odie continuait à attendre le Roi de pied ferme en touillant son gombo, et elle racontait son histoire à tous les enfants fascinés par la magie qui volait en étincelles colorées autour d'elle et par Juju qui continuait de sauver la vieille dame d'un tas d'embûches fâcheuses, mais il ne s'était toujours pas montré. Jax Casburgot commençait à penser que tout cela n'était qu'une allégorie, un conte fait pour lancer la machine, et que leur destin était entre leurs mains.

Le soir cependant, quand ce type mexicain qui ressemblait à un squelette pinçait sa mélancoliquement sa guitare et que des étincelles voletaient dans la nuit, montant avec la fumée d'un brasero vers l'étoile du berger toute seule au firmament, comme si elle veillait sur eux, Jax avait envie d'y croire.

Dans la pénombre, les oreilles bourrues de Constantin frémissaient légèrement et il exhalait une bouffée bleutée tout en levant le menton lui aussi vers le ciel et en caressant la tête du tigre.

Mustang mettait les mains dans ses poches et soupirait doucement. Mama Odie berçait doucement Remus blotti contre elle. Laurens priait en silence, et Ham' posait son crayon dans son carnet et le contemplait, la joue dans la main, heureux de le savoir en sécurité.

Il y avait toujours quelqu'un ou quelque chose pour briser la magie du moment et les ramener dans la réalité, cependant : un bébé qui se mettait à vagir quelque part, un groupe qui sortait d'un bâtiment en riant bruyamment ou un vol de hiboux qui arrivait et lâchait une pluie de paquets et de lettres dans une échauffourée d'ailes et d'exclamations.

Quand ce n'était pas une alerte qui se déclenchait, lançant sa lumière rouge et ses cris perçants dans un coin pour les prévenir qu'un intrus s'approchait.

Au fil des mois, les mesures se resserraient : manifestations, rassemblements de personnes, réunions… même les concerts étaient à présent soumis à de stricts contrôles. Le gouvernement n'était pas dupe et cherchait à tout prix à enrayer leurs efforts pour tenir les gens éveillés, pour leur montrer l'horreur dissimulée sous les paillettes de l'unité mondiale, l'ivresse de puissance des bras chromés, le mensonge d'une communauté sans préjugés.

Roy Mustang et Jax Casburgot furent les premiers à apparaître sur des avis de recherche en novembre : de dangereux terroristes, disait-on.

Ils en rirent tristement. Ce n'était pas complètement faux : ils faisaient effectivement sauter des rails de trains et déposaient des colis piégés dans des halls de gare. Mais les trains qu'ils empêchaient de circuler emportaient des innocents vers des camps de mort et les accueils qui partaient en fumée avaient servi de centres de tri pour séparer des enfants de leurs mères.

Plus ils creusaient et plus la vérité se révélait hideuse. Il n'y avait pas que les laboratoires où l'on extrayait sous la torture leur magie à des sorciers ou des créatures, il y avait encore pire que cela : des lieux où l'on sacrifiait des cracmols et des moldus à une divinité païenne que vénérait Harold Saxon et dont le culte était mené par son âme damnée, un homme maigre aux yeux jaunes que l'on apercevait parfois à la télévision, toujours vêtu de noir et caché sous un large chapeau. Le plus effrayant était que son ombre semblait indépendante de lui – beaucoup de gens juraient l'avoir vu ricaner toute seule derrière lui.

Bien sûr le grand public ignorait complètement ces faits. Les yeux étaient rivés sur les Kromages qui fascinaient et inquiétaient tout à la fois. Ils étaient de plus en plus nombreux, partout sur Terre, et se caractérisaient par leur loyauté envers Harold Saxon (on commençait à entendre parler de certains qui auraient tabassé des gens mettant en doute ou plaisantant le président).

Jax Casburgot savait que le moment viendrait de devoir les combattre en face à face et il s'en inquiétait : diriger des opérations de sabotage ou de sauvetage, oui, cela il le pouvait, il le maîtrisait. Mais mener une armée à la bataille, non, cela il ne s'en sentait pas du tout capable.

Et il était presque certain que Mustang ne se voyait pas dans le rôle du général non plus (il était beaucoup plus à l'aise en instructeur des nouvelles recrues ou en vétéran plein de bons conseils).

Ils avaient besoin d'un général – et accessoirement de quelqu'un qui puisse inspirer, tirer le meilleur de leurs soi-disant soldats : il y avait des siècles de préjugés et trop de différences concrètes entre moldus et sorciers, entre hybrides et humains pour que cela puisse marcher en quelques mois. Et pourtant cela devenait chaque jour plus urgent.

Les escarmouches étaient de plus en plus difficiles à mener et le discours du président s'alourdissait chaque jour de nouveaux sous-entendus menaçants à leur encontre.

Gumbo ou étoile, peu importait, mais si personne ne répondait bientôt à leurs prières, la situation allait vite devenir intenable.

Thanksgiving arriva sur ces entrefaites, multipliant les problèmes de gestion du quotidien… et la rafle de Seattle eut lieu.

Jax Casburgot savait qu'il n'oublierait jamais ce jour-là, ni l'expression de Mustang quand il était revenu, couvert de suie, le front dégoulinant de la blessure qui l'avait rendu inconscient et lui avait permis d'en réchapper miraculeusement.

Cent trente-sept personnes capturées (dont douze enfants). Vingt-neuf morts. Et Laurens immolé, littéralement, dans l'incendie de Pike Place Market.

Constantin mena l'enquête et finit par découvrir qu'Aaron Burr était celui qui avait donné le lieu de la rencontre aux Kromages. Etait-ce par dépit, par peur, sous la torture ou pour obtenir une récompense ? Ils ne le sauraient sans doute jamais, car Ham' réclama immédiatement à l'ancien gardien un duel de sorciers qui se termina par un tragique coup de feu.

Burr annonça qu'il en avait fini avec la Résistance le lendemain et il partit de son côté tandis qu'ils s'en allaient tous d'un autre, laissant derrière eux Manhattan et les tombes de leurs deux amis.

Mustang et Jax Casburgot installèrent leur nouvelle base à Frankenstein, dans le Missouri.

Ils montèrent des protections magiques tout autour des lieux et s'assurèrent que chacun ait une place avant de s'occuper de leur propre tente, au sommet de la petite colline au centre du campement. La nuit tombait quand ils purent enfin s'asseoir sur le banc qu'ils avaient partagé si souvent avec Laurens et Ham'. Il faisait un peu moins froid et le ciel très bas cachait les étoiles. De là ils pouvaient voir toutes les toiles grises dans l'obscurité, avec le halo orange des lampes à l'intérieur. Le groupe responsable de la popote pour ce soir était déjà en train de s'activer sous le chapiteau de la cuisine. Quelques personnes frigorifiées se pressaient dans les allées soigneusement tracées par Mustang. De loin, ils distinguaient à peine les silhouettes des sentinelles en train de patrouiller.

- Il va sûrement neiger, dit le colonel sorcier.

- Il neige déjà, dit le colonel moldu en tendant la main devant lui pour recueillir le premier flocon qui fondit aussitôt dans sa large paume, y laissant une goutte comme une larme.

Des trolls les saluèrent d'un grognement en passant devant eux, le pas lourd, chargés de foin pour les Falthiers que l'on préférait aux Sombrals pour le transport routier (trop de gens éclataient en sanglots quand ils voyaient ces derniers). Un oiseau passa au-dessus de leurs têtes dans un froissement d'ailes – un rapace nocturne qui n'était un hibou. A l'intérieur, Constantin était en train coucher Milo et Remus (qu'il avait fait manger avant tout le monde, en prévision de la longue nuit de planification qui attendait les responsables de la petite colonie). On entendait sa voix au timbre grave les reprendre alors qu'ils mettaient le bazar dans les couvertures, le rire cristallin du jeune homme, le son de gorge qu'émettait le tigre quand il était d'humeur folâtre, les roucoulements attendris de Mama Odie et les sifflements d'avertissements de Juju.

Jax ferma les yeux, étouffé par le chagrin.

- Ils ne savent pas, murmura Mustang en lui posant la main sur l'épaule. "Ils ne peuvent pas se rendre compte et c'est mieux ainsi."

- Je sais, balbutia Casburgot, sans parvenir à maintenir son masque habituel. "Je sais… je voudrais juste… un peu d'espoir, tu vois ?"

- L'espoir, c'est que les enfants puissent encore rire, malgré ces circonstances, dit Mustang avec douceur.

Il croisa un bras dans son dos, comme il en avait l'habitude. La neige étoilait de blanc ses cheveux noirs, mais une fleur rouge s'épanouissait sous le pansement clair autour de son front.

- L'espoir, c'est que les enfants qui sont ici sont saufs. L'espoir, c'est que Laurens a pu parler à des centaines de gens ces dernières semaines et que ces centaines de gens vont transmettre le message à des centaines d'autres et que, bientôt, ce seront des milliers de personnes qui sauront la vérité, qui voudront se battre pour sauver encore plus d'enfants.

- Se battre, répéta Jax dans un souffle. "Comment, Roy ? Comment allons-nous pouvoir continuer à faire ce que nous faisons quand nous sommes si nombreux ? Ils vont venir bientôt – ils attaqueront ici, ils attaqueront le gros du groupe, les femmes, les enfants, tous ces types qui n'ont jamais tenus un flingue de leur vie ou se sont seulement servis de leurs baguettes pour remonter leurs braguettes… et nous ne pourrons pas les défendre."

- Il va venir, dit Mustang, le regard fixé sur l'horizon.

Jax releva la tête vivement, stupéfait.

- Tu ne vas pas t'y mettre aussi ? s'écria-t-il. "Le Roi ne va pas venir ! C'est un conte, une fable ! C'est… c'est…"

Le colonel eut un étrange petit sourire. Il haussa un sourcil et mordilla sa lèvre inférieure, comme s'il retenait une bonne blague et Jax trouva cela de très mauvais goût.

C'était peut-être le pire soir de leur vie et cet idiot de sorcier à épaulettes se permettait de faire des énigmes, de… de…

Un ronflement de moteur grandit dans la nuit et Casburgot se leva d'un bond, immédiatement aux aguets, la main sur son arme, scrutant l'obscurité.

- Qu'est-ce que c'est, ça ? Un hélico ?

Mustang secoua la tête. Il consulta sa montre et toussota pour s'éclaircir la gorge.

- C'est la cavalerie, dit-il. "Il est là."

L'ancien soldat des forces spéciales le fixa d'un air incrédule, puis il se tourna en direction du bruit du moteur. Quelque chose remontait l'allée en faisant gicler la boue de part et d'autres du chemin. Quelque chose d'invisible, qui roulait à vive allure en pétaradant, et qui avait visiblement obtenu de Mustang les codes pour franchir les barrières magiques.

Jax Casburgot fronça les sourcils. Sa main resta prête à saisir son arme et il ne frémit pas quand le véhicule invisible s'arrêta dans une gerbe d'eau glacée, de particules de terre et de bouts d'herbe. Le moteur s'arrêta et, dans la lumière de la porte entrouverte par Mama Odie, la courbe inattendue d'une coccinelle rose se dessina. Deux portières claquèrent et deux femmes s'extirpèrent de leurs sièges. L'une était très âgée, avec le menton prognathe, des cheveux blancs ébouriffés rassemblés en chignon et des lunettes en demi-lune. L'autre était jeune et avait des jambes interminables, une crinière d'un blond vénitien, des lunettes rondes et un visage criblé de taches de rousseur.

- Désolée, on a pris du retard, dit cette dernière. "On aurait dû arriver il y a une heure, mais Sa Majesté a voulu absolument examiner le terrain d'abord. Zach va les ramener en moto. Ils seront là dans une minute."


A SUIVRE...


Note : Si vous voulez un visuel de Jax Casburgot, cherchez Garet Jax tel qu'il est joué dans la série 'The Shannara Chronicles' (et si vous voulez trouver lequel des chevaliers de la Table Ronde il incarne, faites une recherche par élimination... Deux indices : ce n'est PAS Lancelot et s'il n'avait pas dû prendre une telle charge aux côtés de Mustang (qui en incarne un autre plus facile à trouver, lol), il serait certainement beaucoup plus drôle).

Promis, au prochain chapitre on retrouve enfin nos héros, leur POV en général et une narration moins rapide du temps qui passe ^^.