Chapitre 26 : Thorin

Le cheval d'Aghäte galopait comme il pouvait avec toute la neige et le verglas sur le chemin. Au sommet, le brouillard était si intense qu'elle ne voyait pas à plus de deux mètres. Étrangement, elle ne croisait plus aucun orque. Se doutant qu'il y avait quelque chose de pas normal, elle continua d'avancer plus rapidement mais discrètement. Elle finit par entendre des voix au loin. Elle crut reconnaître la voix de Dwalin et galopa vers elle.

Elle retrouva bel et bien Dwalin. Malheureusement, elle se trouvait beaucoup plus en hauteur que lui. La brume s'était dissipée et elle vit aussi Thorin qui parlait avec ses neveux. Elle fut rassurée de voir qu'il avait l'air d'avoir retrouvé la raison. Elle regarda ensuite Fíli et Kíli entrer dans une tour délabrée. Leur oncle leur avait certainement demandé de partir en exploration.

Il était trop tard pour les rejoindre. Elle décida de rester où elle était et de préparer son arc s'ils avaient besoin d'aide. D'où elle était, elle voyait clairement la tour et le sol. C'est alors qu'elle vit Bilbon arriver et parler avec Dwalin et Thorin. Ces derniers semblaient s'activer après leur discussion. Les battements du cœur d'Aghäte commencèrent à s'accélérer lorsqu'elle vit Thorin s'agiter. Quelque chose n'allait pas. Surtout si Bilbon avait fait tout ce chemin pour leur annoncer. N'entendant que des voix sans rien comprendre d'où elle était postée, elle commença à se demander si elle ne devait pas les rejoindre.

Observant les nains et le hobbit au sol, elle sursauta lorsqu'elle entendit un orque s'adresser à Thorin et sortir du haut de la tour. Le cœur d'Aghäte s'arrêta quand elle vit qu'il tenait fermement Fíli. Elle fut néanmoins rassurée de voir Kíli sortir en bas.

D'abord sous le choc de voir le jeune nain capturer ainsi, elle réussit à reprendre son sang froid et de bander son arc. Elle laissa l'orque parler à Thorin pendant qu'elle se concentrait à le viser.

Quand Azog leva son épée, Aghäte vit rouge et tira sa flèche. Elle se planta dans l'épaule de l'orque. Désorienté par le coup qu'il venait de recevoir, il lâcha le nain blond. La semi-humaine cria alors « Saute Fíli ! Kíli te rattrappera ! ». Elle hurla si fort que sa voix résonna dans tout le lieu.

Le chef des orques ne semblait aucunement souffrir de sa blessure mais il était fortement énervé contre la semi-humaine. Fíli sauta bien jusqu'en bas. Son frère fit ce qu'il put pour l'attraper mais étant donné la hauteur de la chute, il s'était sûrement fait très mal. Mais au moins il était vivant !

Azog fixa la semi-humaine un moment puis hurla de colère en noir parler avant de retourner dans la tour. Aghäte vit alors Thorin s'avancer vers ses neveux et leur parler. Il tourna ensuite sa tête vers elle et le regarda dans les yeux malgré leur distance. Il lui fit un signe de tête puis partit à la poursuite du chef des orques.

Sachant Fíli vivant et avec son frère, elle tira les rênes de son cheval pour lui demander de la conduire le plus rapidement possible jusqu'au futur roi d'Erebor.

Malheureusement, les orques commençaient à sortir de leur cachette et certains s'attaquèrent à elle. Lorsque son cheval fut touché, elle tomba brusquement au sol. Elle se releva et elle remarqua tristement que son cheval était mort sur le coup des orques. Elle continua de se battre tout en avançant où elle pensait trouver Thorin.

Les secondes lui paraissaient des minutes et les minutes des heures, elle avait l'impression de ne pas avancer. Elle pensait qu'elle n'arriverait jamais à rejoindre le nain qu'elle aimait. La fatigue revenait et Aghäte sentait que son corps ne voulait plus suivre. Alors qu'elle pensait ne plus jamais revoir Thorin, une multitude de flèches lui frôla le corps pour se planter dans les ennemis autour d'elle. En peu de temps, tous les orques autour d'elle furent éliminés.

Sortant de la brume, elle reconnut le prince des elfes sylvestres qui accourait vers elle.

- Vous venez de me sauver la vie… Merci.

- Que faîtes-vous ici toute seule ?, lança Legolas visiblement énervé.

- J'essaye de rejoindre Thorin, affirma-t-elle sérieusement. Tauriel est-elle avec vous ?

- Non, dit-il sèchement en observant autour de lui s'il restait des ennemis. Elle est partie combattre avec le jeune nain.

Soulagée de savoir Kíli avec Tauriel, Aghäte se releva doucement et commença à partir. Elle n'avait pas le temps de bavarder.

- Où allez-vous dans votre état ?, dit Legolas en lui attrapant le bras.

- Je vous ai déjà dit que j'allais rejoindre Thorin ! Tauriel et Kíli sont en sécurité ensemble. Rejoignez Fíli, il doit avoir besoin d'aide.

Le prince sembla réfléchir un instant puis s'en alla en courant sans en dire plus à la semi-humaine.

Ne croisant pas d'autres orques en chemin, Aghäte arriva vite sur un lac gelé. Elle vit au loin Azog se battre contre Thorin. Elle courut comme elle le pouvait sur cette surface glissante tout en préparant une flèche à son arc.

Lorsqu'elle vit le nain qu'elle aimait au sol alors qu'Azog était encore debout, elle envoya sa flèche droit sur lui. Elle se planta instantanément dans son dos. Elle n'espérait pas le tuer mais au moins le ralentir le temps que Thorin reprenne le dessus. Le chef des orques tourna alors sa tête vers elle et sembla la reconnaître. ll s'écarta alors de Thorin pour foncer sur elle.

Ne s'attendant pas à ce qu'il lui fonce dessus ainsi, elle lui envoya une nouvelle flèche qu'il contra facilement. Prête à le combattre, elle sortit alors ses dagues. L'adrénaline lui donnait la force d'esquiver les attaques mais elle lui était impossible de contre-attaquer. Elle s'inquiétait que Thorin ne se relève toujours pas.

Voyant que la semi-humaine regardait derrière lui, il s'arrêta pour lui parler.

- Vous êtes venue pour ce nain ?, dit Azog d'une voix grave et amusée.

- Est-il encore vivant ?, demanda-t-elle à bout de souffle.

- Plus pour longtemps. Je suis pressé de voir sa tête quand il apprendra la manière dont je vous ai tué juste avant qu'il ne meure aussi.

Azog sourit horriblement de toutes ses dents. Il courut à toute vitesse vers elle. Aghäte contra quelques attaques avant qu'il ne lance un grand coup d'épée et ne lui tranche la jambe. Elle tomba au sol et hurla le nom de Thorin à maintes reprises mais il ne se levait toujours pas.

Le sang ne cessait de couler de son genou mais elle continuait de fixer le chef des orques qui prenait plaisir à avancer lentement vers elle.

- On va s'occuper de l'autre jambe maintenant !, s'empressa-t-il de dire lorsqu'il fut devant elle.

Tandis qu'il leva son bras pour lancer sa nouvelle attaque, Azog se prit une flèche près du cœur. Il recula d'un pas avant de parer une attaque à l'épée lancée directement sur lui. Kíli venait de surgir devant lui et l'assénait de coup.

Fixant le jeune nain, Aghäte finit par sentir son adrénaline descendre et la douleur à sa jambe montée. Elle vit alors Tauriel accourir vers elle pour lui pratiquer les premiers soins.

Aghäte restait concentrée sur Kíli et lui hurla que son oncle était encore vivant. Elle le vit sourire et se battre de plus belle contre l'orque. Tauriel se dépêchait de soigner son amie. Elle avait perdu beaucoup de sang et le froid n'arrangeait pas les choses. L'elfe lui dit qu'elle devait se dépêcher car, même s'il n'en n'avait pas l'air, Kíli était épuisé et il ne tiendrait pas longtemps.

Quand Tauriel eut presque fini le bandage de la jambe pour arrêter l'hémorragie, elle entendit un cri derrière elle. Elle se retourna la peur aux yeux et vit Kíli au sol. Aghäte avait vu ce qu'il s'était passé mais elle n'avait rien pu faire. Azog et lui s'étaient donnés la mort en même temps. Elle cria à son amie de la laisser et de rejoindre le jeune nain.

Elle s'y précipita mais il était trop tard pour lui. Kíli eut le temps de lui dire quelques mots de regarder une dernière fois Aghäte avant de fermer les yeux pour toujours.

Tauriel cria le nom du nain un nombre incalculable de fois pour le réveiller, même si elle savait que cela était impossible. Aghäte sentit ses larmes ruisseler le long de ses joues tandis qu'elle rampait vers le corps sans vie du nain avec qui elle avait passé tant de bon moment. Son amie le tenait fermement dans ses bras comme si elle ne voulait pas qu'il parte.

Des bruits de pas s'approchèrent doucement. Legolas s'arrêta à près d'elles. Après avoir regardé Tauriel, il tourna son regard vers la semi-humaine. Son regard était rempli de peine. De la peine pour Tauriel ou pour sa réaction envers le nain ? Il ne savait clairement pas comment réagir. Il leur indiqua juste que Bolg était bien mort. Elle vit ensuite le père du prince qui arrivait derrière lui, en soutenant Fíli.

Thranduil déposa le nain blond devant son frère et les laissa pour discuter avec son fils. Fíli hurla de douleur à la vue du corps sans vie de Kíli. Aghäte se pencha pour le prendre dans les bras. Il craqua et pleura toutes les larmes de son corps.

En serrant le jeune nain, elle tourna sa tête vers Thorin et s'aperçut que Bilbon était à ses côtés. Azog avait-il dit vrai ? Aurait-il laissé Thorin vivant ? Oubliant quelques secondes la perte de sa demi-jambe, elle voulut se lever et cria de douleur. Fíli sursauta et se rendit compte de sa blessure. Il sécha ses larmes et paniqua.

- A-Aghäte ! Ta jambe, elle…

- Tauriel s'en est déjà occupé. Fíli, je ne sais pas si Azog a dit vrai mais Thorin est peut-être encore en vie. Laissons Kíli avec Tauriel et allons rejoindre Bilbon.

Quand Fíli acquiesça, ils virent les aigles géants leur passer au-dessus. Ils prient quelques secondes pour observer les aigles ravager les orques sur leur passage. Beorn et Radagast rejoignirent également la bataille. La guerre touchait à sa fin.

Aghäte chercha Legolas du regard mais ne le trouva pas. Le roi des elfes s'avança vers eux lentement et avec plus de grâce qu'on ne pourrait l'imaginer sur un sol aussi glissant.

- Vous deux, je vais vous amener jusqu'à Thorin, dit Thranduil en regardant les deux blessés. Tauriel… Chargez-vous de descendre le nain jusqu'à la montagne.

Comme promis, le roi des elfes les transporta jusqu'à Thorin et Bilbon. Il les déposa lentement au sol et Fíli se précipita sur son oncle. Inquiet et retenant ses larmes, Bilbon s'approcha d'Aghäte en tremblant.

- Aghäte, votre jambe… Et Thorin, il…

- Azog m'a dit qu'il l'avait laissé vivre pour qu'il me tue avant lui. Est-ce vrai ?

- Il respire mais il ne se réveille pas…

Craignant le pire, Aghäte se pencha alors sur le nain qu'elle aimait et le secoua comme quelqu'un qu'on essaye de réveiller en pleine grasse matinée.

- Thorin, réveillez-vous… Je vous en prie. Nous avons déjà perdu Kíli, et Fíli vous attend. Thorin, répéta-t-elle en le secouant de nouveau. Réveillez-vous…

« Je t'en supplie… », murmura-t-elle à bout de force. Sans s'en rendre compte, ses larmes coulaient le long de son visage. Personne autour d'elle n'osait parler. Le roi des elfes était reparti discrètement. Bilbon serrait la main de Thorin et Fíli, assis près de son oncle, semblait encore sous le choc après tout ce qu'il venait de se passer.

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Le lendemain à Erebor, Aghäte était allongée dans son lit. Des soigneurs elfes l'avaient soigné la veille, une fois la bataille terminée. Elle avait l'interdiction de se lever. Bilbon venait la tenir informée dès qu'il pouvait.

Sans avoir le choix ni le temps de récupérer de sa jambe brisée, Fíli dut s'occuper de tout ; les échanges avec les elfes et les humains, les conséquences de la bataille, les nains qui allaient bientôt revenir... Mais plusieurs nains l'épaulaient, comme Balin ou Dáin.

Toujours inconscient, Thorin avait été placé dans sa chambre et Bilbon veillait à ses côtés. Oín et des soigneurs elfes se relayaient pour trouver une solution pour le réveiller.

Et enfin, les funérailles de Kíli étaient prévues pour le surlendemain.

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Malgré la réticence des soigneurs elfes, Aghäte se leva tout de même pour assister aux funérailles du jeune nain. Après la bataille, elle n'avait pu voir personne d'autre que Bilbon. Rassurée de constater qu'aucun autre nain n'était mort, elle resta en retrait tout le long de la cérémonie.

Elle s'en voulait d'avoir été aussi faible. Se remémorant le combat sur le lac gelé, elle se disait que Kíli serait toujours vivant si elle avait agi autrement. Maintenant il était trop tard. Son amie Tauriel avait disparu. Aghäte se disait qu'elle reviendrait peut-être une fois qu'elle aura fait son deuil.

À la fin de la journée, elle se rendit dans la chambre de Thorin. Elle toqua et le hobbit vint lui ouvrir. À la vue de son visage, elle comprit qu'il n'était toujours pas réveillé.

À l'intérieur de la pièce, elle sentit son cœur se serrer. Voir le nain qu'elle aimait inconscient et dans le même lit qu'elle avait partagé avec lui, lui faisait monter les larmes aux yeux. Elle se gifla mentalement pour ne pas pleurer. Elle devait rester forte et aller de l'avant.

Elle s'approcha doucement vers Thorin avec ses béquilles et s'assit sur le lit. Elle lui caressa affectueusement les cheveux.

- On dirait qu'il dort, dit-elle à Bilbon qui n'osait pas s'approcher.

- Les soigneurs elfes n'ont pas réussi à le réveiller. Apparemment, ils ont tout essayé.

Bilbon s'assit sur un fauteuil. Aghäte restait assis sur le lit lorsqu'ils entendirent toquer à la porte. Le hobbit alla ouvrir et laissa entrer le magicien gris.

- Gandalf !, s'écria Bilbon. Je suis content de vous voir ! Pouvez-vous faire quelque chose pour Thorin ?

- Doucement mon cher Bilbon. Je vais essayer mais je ne garantis rien.

Le vieil homme entra dans la pièce lentement et s'approcha du nain. Il regarda tristement Aghäte et elle se leva difficilement pour lui laisser la place. L'istari se pencha alors sur le nain. Lui tenant la tête, il incanta quelques mots puis relâcha doucement Thorin. Il regarda alors les deux personnes qui le fixaient et secoua la tête.

- Je suis désolé mais je ne peux rien faire pour lui. Il est blessé mais son inconscience doit venir d'autre part et ce n'est pas de mon ressort.

- Il veut peut-être se reposer maintenant que tout est fini…, murmura Aghäte en fixant le nain.

- Vous avez raison, dit Gandalf. J'ai fait en sorte qu'il puisse vivre sans se nourrir. Laissez-lui le temps de se réveiller.

Aghäte sourit à Gandalf qui lui sourit en retour. Bilbon les regarda puis sortit silencieusement de la pièce. Gandalf s'excusa pour ensuite quitter la pièce. Seule avec Thorin, Aghäte commença à lui parler ; espérant que cela le réveille.

Au bout d'une heure, elle se leva et déposa un baiser sur le front du nain. Elle allait partir lorsqu'elle vit une lettre posée sur le petit bureau de la chambre. Au devant, il était écrit « Pour Fíli et Kíli ». Elle prit la lettre avec elle et se rendit à la salle qui servait de bureau à Fíli. Après avoir toqué et être invitée à entrer, elle s'avança vers lui. Il était seul et assis dans son fauteuil. Il avait une mine affreuse, à croire qu'il n'avait pas dormi depuis la bataille. Quand il la vit, il se leva brusquement pour l'aider à entrer.

- Ne t'en fais pas pour moi. On est dans le même état, sourit-elle en s'asseyant sur une chaise devant le bureau.

- Tu ne devrais pas être debout !, dit-il énervé en se rasseyant derrière son bureau.

- Toi non plus mais tu l'es. Je suis passée voir Thorin et j'ai trouvé cette lettre sur son bureau, dit-elle en la lui tendant. Il a dû l'écrire s'il lui arrivait quelque chose…

Le jeune nain ouvrit l'enveloppe, soupira et frappa du point sur son bureau à la fin de sa lecture. Aghäte sursauta et n'osa pas demander ce que contenait la lettre. Elle attendit silencieusement qu'il se calme en observant la pièce dans laquelle elle était. Grande, richement décorée mais encore poussiéreuse, elle devait être le bureau de l'ancien roi d'Erebor. Fíli coupa son observation en prenant la parole.

- Mon oncle nous a écrit que nous devions prendre sa place s'il lui arrivait quoi que ce soit… Mais je ne vais pas devenir roi alors qu'il est encore vivant. C'est absurde.

- Fíli, il serait peut-être mieux que tu te reposes et que tu soignes ta jambe avant de t'occuper de tout cela. Tu peux attendre quelques jours et en parler avec Balin ou Dáin, non ?

- Je n'ai pas le temps de me reposer !, s'écria-t-il. J'ai perdu mon frère et mon oncle reste inconscient ! Je me retrouve seul à gérer la reconstruction d'Erebor ! Je-

Le nain soupira et se calma. Vu tout ce qu'il s'était passé, elle comprenait son attitude mais elle s'inquiétait pour sa santé. Elle voyait qu'il était exténué alors elle essaya de le rassurer.

- Tu n'arriveras à rien dans ton état. Repose-toi quelques jours ! Tout le monde va faire de même. Ensuite, nous t'aiderons. Tu n'es pas seul, Fíli. Les autres nains vont t'aider. Je vais t'aider aussi. Quand Thorin se réveillera, tout ira mieux…

Sa dernière phrase était plus un murmure qu'une parole. Le nain la regarda et soupira de nouveau.

- Tu as raison. Excuse-moi de m'être emporté. Je vais te raccompagner à ta chambre et j'irai dormir après.

Fíli fit ce qu'il avait dit et précisa à Aghäte qu'il lui donnerait rapidement une nouvelle chambre car sa mère ne tarderait pas à revenir. Avant de partir, il la remercia pour tout ; de l'avoir sauvé des mains d'Azog, d'avoir sauvé son oncle et d'être là. Il la quitta sans lui laisser le temps de répondre.

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Les jours passèrent puis des semaines et enfin des mois. Grâce à des soins elfiques, Fíli s'était remis de sa blessure à la jambe. Il boitait encore mais ce sera toujours le cas. Avec plusieurs conseillers, il avait pris en main les échanges entre Erebor, les elfes et les humains. Une alliance avait été rapidement mise en place entre les trois races. Bard reconstruisait Dale avec les nouveaux habitants. Avec la nouvelle de la reconstruction d'Erebor, les nains affluaient sous la montagne.

Aghäte assistait Fíli dans tout ce qui concernait les documents papiers ; traités, règlements, gestions, etc. Une fois son genou guérit, les nains lui fabriquèrent une demi-jambe de remplacement. Elle ne pouvait ni courir ni se battre, mais elle pouvait se déplacer quasiment aussi bien qu'avant. Fíli lui avait confié la gestion de la bibliothèque, qui servait également pour entreposer les archives. Elle jonglait entre la bibliothèque et son propre bureau non loin de celui de Fíli.

Thorin, quant à lui, restait toujours inconscient, allongé dans son lit. Bilbon restait la plupart du temps à son chevet. Aghäte passait le voir tous les jours en fin de journée et le hobbit la laissait seule avec lui. Elle passait ses soirées à lui lire des livres dans l'espoir qu'un mot ou une phrase le réveille. Elle s'était même mise progressivement au khuzdul, la langue des Nains.

Après avoir touché leur part du trésor, les nains de la compagnie restèrent s'installer à Erebor. Leurs familles les avaient rejoints aussi vite qu'ils le pouvaient. Gloín retrouva donc son épouse et son fils Gimli. Dís, la mère de Fíli, s'était effondrée quand elle apprit la mort de son fils. Après plusieurs semaines, elle ressortait progressivement de sa chambre et essayait de reprendre une vie normale. Elle avait été contente de retrouver sa vieille chambre et avait remercié Aghäte pour tout ce qu'elle avait fait ; la chambre mais aussi son intervention pour sauver Fíli et son frère. La semi-humaine s'était excusée à plusieurs reprises pour la mort de son fils mais à chaque fois, elle lui faisait comprendre que ce n'était pas sa faute mais celle d'Azog.

..

Après plusieurs mois pendant lesquels Thorin restait inconscient, il fut décidé par les conseillers de Fíli qu'il devait être couronné. Erebor ne pouvait rester sans souverain. Après maintes objections, il finit par céder. Il était pourtant impensable que Fíli devienne roi alors que Thorin était encore vivant. C'est pourquoi, ils annoncèrent la mort de Thorin et organisèrent de fausses funérailles. Une tombe fut érigée à côté de celle de Kíli.

Même si Aghäte comprenait la démarche, elle ne voulut pas assister aux funérailles. Ce fut pareil pour Bilbon. Ils restèrent tous les deux dans la chambre de Thorin ce jour-là.

Peu de personnes furent mises au courant de la supercherie, telles que Bard, Thranduil ou encore Elrond, et bien sûr les nains de la compagnie de Thorin.

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Un mois passa et le jour de couronnement arriva. Les festivités commencèrent dès le matin. La cérémonie du couronnement se déroula l'après-midi. Le roi Fíli était entouré de ses conseillers et de la compagnie. Tous les nains d'Erebor l'acclamaient. La cité avait son roi et elle se reconstruisait à vue d'œil.

Aghäte avait assisté à la cérémonie de loin. Elle était heureuse qu'une telle bonne ambiance anime Erebor. Elle était restée à côté de Bilbon. Ce dernier avait décidé de rentrer chez lui après le couronnement. Aghäte lui avait promis qu'elle le tiendrait informée régulièrement de la santé de Thorin et de la situation de la cité naine.

Le soir, la fête battait son plein. Les nains et naines chantaient, dansaient, mangeaient et buvaient sans fin. Bilbon avait fini par aller se coucher mais Aghäte se plaisait à voir toute la joie et l'amusement des nains.

Un verre à la main, elle vit Bofur et ses deux frères, Bombur et Bifur, s'approcher d'elle. Après avoir demandé des nouvelles de sa santé, Bofur l'invita à danser. Elle accepta et passa un très bon moment.

Elle finit par l'abandonner pour se reposer et se resservir un verre. Alors qu'elle s'approchait des tables où était entreposé le vin, elle vit quelqu'un lui tendre un verre. Elle leva les yeux et vit qu'il s'agissait de Fíli. Il lui fit un signe de tête pour lui faire comprendre de le suivre. Elle attrapa le verre et le suivit dans un endroit un peu plus calme.

Un peu en retrait de la fête, Fíli et Aghäte observaient la foule rire et danser. Ils souriaient tous les deux à la scène qui se passait devant eux.

- Tout a tellement changé en quelques mois. Tu te souviens quand nous sommes arrivés à Erebor, après l'attaque de la Ville du Lac ?, dit Aghäte en souriant de nostalgie.

- Bien sûr. Je n'aurais jamais pensé que nous ferions la fête ainsi.

- C'est bien de s'autoriser des moments de fête et de réjouissance. Hum, roi Fíli ? Comment dois-je t'appeler maintenant ? Il faut peut-être que je te vouvoie d'ailleurs !, rit-elle en se tournant vers lui.

- Pas du tout ! Fíli tout court me va très bien ! Et on reste sur le tutoiement. En parlant de fêtes, j'en organiserai plus régulièrement si tu es toujours aussi ravissante, lui sourit-il.

- Ne prend pas l'habitude, là c'était juste pour ton couronnement !, plaisanta-t-elle pour cacher sa gêne. Par contre, si nous avons du si bon vin à chaque fête, j'en veux bien plus souvent !

- Très bien, c'est noté !

Ils restèrent un moment à regarder la foule sans rien dire puis Fíli reprit la parole.

- Aghäte, si tu veux partir comme Bilbon, il n'y a aucun problème. Je ne sais pas ce que tu avais prévu de faire après la reconquête d'Erebor mais si tu souhaites rentrer à la Forêt Noire, n'hésite pas.

Il s'était approché d'elle pour qu'il n'ait pas besoin de parler fort. Il attendait patiemment qu'elle lui réponde.

- À dire vrai, je comptais rester ici, dit-elle doucement en fixant son verre. Quand je suis arrivée ici, j'avais prévu de repartir voyager ou m'installer à Dale mais… Thorin voulait que je reste ici. Avec lui.

Le souvenir de la nuit passée avec le nain lui revenait et lui paraissait en même temps si lointain. La gorge d'Aghäte se serra et elle sentit ses larmes lui monter aux yeux. En se répétant « Tout va bien, il va se réveiller. » en boucle, elle réussit à se reprendre. Toutes ces soirées passées à lui lire des livres sans qu'il ne réagisse l'attristaient mais elle devait rester forte. Ce n'était pas en pleurant ou en s'apitoyant sur son sort que cela changerait quelque chose. Elle se racla alors la gorge et continua de parler avec Fíli.

- Je suis bien installée ici. Et comment ferais-tu si je n'étais pas là pour gérer toute la paperasse ?, lui sourit-elle.

Fíli la fixa un instant avant de lui dire « Suis-moi. ». Ne comprenant pas ce qu'il se passait, Aghäte le suivit jusqu'à son bureau. Elle lui demanda plusieurs fois pourquoi il la conduisait autre part mais il ne répondait pas.

Dans le bureau du roi, le nain tira un tiroir et en sortit une lettre. Sur le devant, il était écrit « Pour Aghäte ». Fíli lui tendait la lettre mais elle n'osait pas la prendre.

- Thorin me l'a donnée avant de partir sur le champ de bataille. Prends-la.

- N-non, bafouilla-t-elle en reculant. Je ne veux pas la lire.

- Aghäte, s'il te plait. J'ai attendu pour te la donner et je pense qu'il est temps que tu la lises.

Voyant qu'elle ne bougeait pas, le blond s'avança lentement vers elle en boitant. Il lui mit la lettre dans sa main et la referma sur elle-même. Doucement, il prit la semi-humaine dans ses bras. « Quoi qu'il se passe, je serai toujours là pour toi Aghäte. », lui murmura Fíli en lui caressant délicatement les cheveux.

Au bout d'un moment, Aghäte se reprit et se sépara du nain. Elle le remercia et quitta lentement la pièce pour rejoindre sa chambre.

Si elle n'était pas autant perturbée par la lettre de Thorin, elle serait certainement gênée par l'attitude de Fíli à son égard. Pourtant, elle s'assit doucement sur son lit et ouvrit délicatement l'enveloppe.

À l'intérieur, elle y trouva une lettre, un peu abîmée et certainement pliée avec rapidité, mais surtout contenant un artefact : un bijou de cheveux. Elle comprit qu'il s'agissait d'un de Thorin et se sentit bête de ne pas avoir remarqué qu'il lui en manquait un quand elle le voyait tous les soirs allongé dans son lit. Le bijou en main, elle se mit à lire à lettre.

« Ma chère Aghäte,

Ce n'est pas dans mes habitudes de rédiger des lettres, et encore moins pour une femme. Alors je vais être bref.

Si tu lis cette lettre, c'est que je ne suis soit gravement blessé soit mort. Dans les deux cas, j'espère que vous vous en sortirez mieux que moi, mes neveux et toi.

Dans l'enveloppe, tu trouveras un de mes bijoux de cheveux. Pour moi, tu as été la seule que j'ai aimé et tu seras la seule femme que j'aimerai. Mais si tu préfères quitter Erebor après la bataille, je comprendrais et je ne t'en voudrais pas de refaire ta vie.

Sois heureuse, Thorin. »

Les larmes ruisselaient sans fin sur les joues d'Aghäte. Son cœur la faisait souffrir comme jamais. Elle regrettait tellement de ne pas lui avoir dit en retour qu'elle l'aimait. Dévastée par la tristesse, elle s'endormit d'épuisement.

...

Les mois puis les années passèrent. Cinq ans étaient passées depuis la reconquête d'Erebor. La cité était reconstruite tout autant que Dale, la ville des humains.

Aghäte venait enfin de terminer sa journée. Même si elle avait l'habitude d'aider Fíli sur des projets, celui dont elle s'occupait depuis plusieurs semaines l'avait épuisé. Il était temps pour elle d'aller se laver, de manger un bout puis d'aller continuer de lire le livre qu'elle lisait à Thorin.

Suivant son programme à la lettre, elle arriva devant la porte de la chambre de Thorin. Peu de gens venaient le voir mais elle avait pris l'habitude de frapper si jamais Dís ou Fíli lui rendait visite. Une fois à l'intérieur, elle crut que son cœur allait lâcher. Thorin n'était plus là. Les draps avaient été bougés mais s'était-il réveillé ou l'avait-on déplacé quelque part ?

D'un rapide coup d'œil, elle vit que rien d'autre de la pièce n'avait changé. Elle sortit précipitamment de la pièce et alla au bureau du roi. Fíli n'était pas là. Elle se fit la remarque qu'elle ne l'avait pas vu de l'après-midi.

Si une personne devait savoir ce qu'il était arrivé à Thorin, c'était bien sa sœur. Aghäte se dépêcha du mieux qu'elle le pouvait avec sa demi-jambe en moins et prit la direction de la chambre de Dís.

Avant d'arriver à la porte, la naine sortit de la pièce. Aghäte l'interpella de loin et Dís s'avança vers elle. Elle remarqua le visage paniqué de la semi-humaine et lui sourit. À la voir se rendre dans la chambre de son frère tous les jours, elle avait compris depuis bien longtemps les sentiments qu'elle avait pour lui.

- Calmez-vous, ma chère. Il s'est réveillé en début d'après-midi.

- Début d'après-midi ?!, s'interloqua-t-elle en s'agitant. Et Fíli ne m'a rien dit !

- Ils sont restés ensemble toute l'après-midi, dit-elle doucement en posant sa main sur l'épaule d'Aghäte pour la calmer. Tu peux les trouver devant la tombe de Kíli…

Regardant tristement la mère de Fíli, Aghäte se calma. Après avoir murmuré « Je vois… », elle s'excusa et partit rejoindre les deux nains. Elle ne voulait pas les déranger mais juste voir Thorin debout de ses propres yeux. En vérité, elle avait encore du mal à croire qu'il s'était réveillé.

À plusieurs mètres des tombes de Kíli et de Thorin, Aghäte observait les deux nains discuter, assis par terre. Elle avait la gorge nouée rien qu'à voir Thorin de dos. Elle ne s'avança pas vers eux mais elle était maintenant certaine qu'il était réveillé. Fíli et lui avaient beaucoup à parler. Cinq longues années étaient passés et tant de

choses avaient changé…

Sans faire de bruit, elle repartit en direction de sa chambre. Si Thorin voulait lui parler, il saurait où la trouver. Elle attendra qu'il vienne la voir.

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Le lendemain, elle passa sa journée à la bibliothèque. Fâchée contre Fíli qui ne l'avait pas mise au courant du réveil de Thorin, elle ne voulait pas travailler dans son bureau pour ne pas le rencontrer. De toute manière, elle avait de nombreux livres et archives à ranger qui s'étaient entassés.

En milieu d'après-midi, alors qu'elle organisait les archives du mois, elle entendit la porte s'ouvrir. Le bois de la porte était tellement vieux qu'il grinçait même quand le vent le traversait. Elle finit de classer deux ou trois dossiers avant de lever la tête vers le nain qui s'était assis à sa table.

- Que me vaut cet honneur, roi Fíli ?, demanda-t-elle d'une voix neutre.

- Ouch, « Roi Fíli ». Tu me boudes ?, rit-il. C'est donc pour cela que je ne t'ai pas vu à ton bureau aujourd'hui.

- À ton avis ?, dit-elle en levant ses yeux vers lui.

- Je devine que tu es déjà au courant pour Thorin. Nous avons discuté toute la journée d'hier. Il avait beaucoup de choses à savoir et… à accepter.

- Je m'en doute, souffla-t-elle. Mais tu aurais tout de même pu me prévenir ! Imagine le choc quand je suis allée dans sa chambre le soir !

- Si jamais tu le cherches, il est avec ma mère. Je vais te laisser. J'ai-

- Je t'ai mis une dizaine de dossiers sur ton bureau hier, coupa-t-elle. Et je pense que Balin t'en a ajouté d'autres.

Fíli se leva et quitta la pièce en lâchant « Je vois ce qu'il me reste à faire ». Elle le regarda partir sans pouvoir s'empêcher de sourire en pensant à tout le travail qu'il l'attendait.

En repensant à ce qu'avait dit Fíli, Aghäte se souvint qu'elle devait récupérer les derniers livres qu'elle avait lus qui se trouvaient encore dans la chambre de Thorin. Et comme il était avec sa sœur, c'était le bon moment. Elle laissa ses dossiers en plan et partit en direction de la chambre de Thorin.

Soulagée que personne ne réponde lorsqu'elle toqua à la porte de la chambre de Thorin, Aghäte entra et commença à ranger les livres dans une boîte en bois. Maintenant qu'elle devait tout ramener à la bibliothèque, elle se maudissait d'avoir laissé les livres s'empiler ici.

Tous les livres étaient placés dans la boîte et Aghäte s'apprêtait à partir lorsqu'elle entendit la porte s'ouvrir. Inconsciemment ou par habitude, elle parla à la personne alors qu'elle était toujours dos à la porte.

- Fíli, je t'ai dit que-

Sa voix se coupa quand elle vit le nain qui avait ouvert la porte. Thorin recula un peu et regarda dans le couloir pour s'assurer qu'il ne s'était pas trompé de chambre. Une fois sûr de lui, il entra et ferma la porte derrière lui.

Voyant qu'il ne lui parlait pas, Aghäte se hâta de récupérer la boîte de livres.

- Hum, je suis désolée. Je venais juste pour récupérer les livres que j'avais laissés ici. Je me dépêche et je m'en vais.

- Je m'en serais occupé, dit-il d'une voix neutre.

- Non, c'est moi qui les ai laissé traîner ici. Et en plus, je m'occupe de la bibliothèque alors…

Aghäte commença à lever la boîte puis la reposa. Elle voulait lui parler. Elle voulait rester discuter avec lui. Elle voulait le prendre dans ses bras… Mais elle avait peur de le déranger ou d'être repoussée. Il avait certainement autre chose à faire que de papoter avec elle. Elle se lança quand même.

- Hum, je me demandais si vous alliez bien, lui demanda-t-elle sans oser le regarder. Si jamais vous ressentez une douleur, je peux aller vous chercher un soigneur elfe.

- « Vous »?, murmura-t-il avant de ronchonner. Un soigneur elfe ? Et puis quoi encore. Je n'ai pas besoin de l'aide d'un elfe. Je vais très bien.

Elle ne put retenir un léger rire. Elle retrouvait bien son nain ronchon qui n'aimait pas les elfes. Elle finit par lever ses yeux vers ceux de Thorin. Son regard l'avait tellement manqué. Plus qu'elle ne le pensait. Ayant du mal à garder son calme, elle voulut finir la conversation.

- Dans ce cas, je retourne à la bibliothèque. Si vous avez besoin de moi, n'hésitez pas. Sinon Fíli doit être dans son bureau.

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre et prit la boîte dans ses bras. Peut-être était-ce à cause de sa jambe ou du fait qu'elle soit perturbée d'avoir Thorin réveillé en face d'elle, quoi qu'il en soit elle perdit l'équilibre et tomba à la renverse. Heureusement pour elle, le lit du nain se trouvait derrière elle.

Sous les livres qui lui étaient tombés dessus, Aghäte s'excusa en riant. Elle était ridicule.

Elle entendit Thorin s'approcher d'elle. Il souleva la boîte et la posa sur le sol. Il se baissa pour ramasser les livres tombés au sol lorsqu'il bloqua sur les jambes d'Aghäte. En tombant à la renverse, sa robe s'était remontée au niveau de ses genoux et dévoilait sa fausse demi-jambe.

S'apercevant qu'il la regardait, elle se remit rapidement sur pied et replaça sa robe telle qu'elle devait être. Devant l'air surpris du nain, elle comprit que Fíli ne lui avait pas tout raconté. N'avait-il pas eu le temps ou était-ce voulu ?

Elle n'eut pas le temps d'y réfléchir plus car Thorin s'avança vers elle et prit la parole.

- Qu'est-ce que-

- Ce n'est rien, coupa-t-elle en reculant de quelques pas.

- Je finirai bien par le savoir. Si tu ne m'expliques pas, je finirai bien par le savoir par Fíli, dit-il assuré.

Aghäte ne savait pas par quoi commencer. Par son combat avec Azog, Thorin inconscient ou Kíli qui l'avait sauvé.

- Hum, c'est que…, hésitait-elle perturbée par le tutoiement soudain du nain. Que vous a dit Fíli sur la mort d'Azog ?

- Que Kíli l'a tué en y laissant la vie, lui répondit-il en la regardant droit dans les yeux.

- Après que Fíli ait sauté de la tour, je me suis précipitée vers vous, commença-t-elle en esquivant son regard. J'ai été retenue par des orques. Aidée par Legolas, je suis finalement arrivée sur le lac gelé. Mais vous étiez inconscient sur le lac. Tandis qu'Azog se trouvait debout. Je lui ai alors tiré une flèche et il s'est vengé sur moi en me coupant une partie de ma jambe. Il avait prévu de me découper progressivement mais…

La gorge d'Aghäte se serrait progressivement. Elle retenait ses larmes mais revivre cette scène la faisait atrocement souffrir. Thorin l'écoutait attentivement. Elle se calma puis continua.

- Mais Kíli et Tauriel sont intervenus. Tauriel me soignait pendant que Kíli se battait contre Azog. Mais nous n'avons pas eu le temps de l'aider… J'imagine que vous connaissez la suite. Fíli est arrivé avec le roi Thranduil.

Thorin était toujours debout. Il ne réagissait pas. Elle voyait qu'il serrait ses poings fermement tout en regardant le sol. Aghäte voulait le laisser accepter tout ce qu'elle venait de lui dire. Elle avait aussi peur de sa réaction alors elle prit la boîte de livres et s'avança vers la porte. Elle se retourna pour lui parler rapidement.

- Thorin, je suis vraiment désolée pour Kíli. Si j'avais réussi à éliminer Azog, il serait toujours là…

Sans se retourner vers elle, elle l'entendit grogner. Elle ouvrit la porte et s'apprêtait à sortir lorsqu'elle entendit Thorin murmurer.

- Tout cela ne serait pas arrivé si, moi, j'avais tué Azog… Sortez, laissez-moi seul.

Aghäte le regarda une dernière fois puis quitta la pièce en fermant doucement la porte. Elle se dirigea alors vers la bibliothèque.

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Les jours passèrent et Aghäte ne revit pas Thorin. S'il ne venait pas la voir, c'est qu'il devait avoir autre chose à faire ou qu'il n'avait pas envie de la voir. Dans les deux cas, elle continuait de passer son temps entre son bureau et la bibliothèque. Sa colère contre Fíli s'était vite calmée et elle continuait de travailler avec lui comme avant. Elle lui demandait des nouvelles de Thorin tous les jours et il lui disait qu'il passait son temps à lire les dossiers des cinq dernières années.

Puisqu'il était censé être mort, personne ne devait le voir ; à part sa sœur et quelques nains. Et pour les quelques servants qu'il rencontrait, Fíli leur avait dit qu'il s'agissait qu'un cousin éloigné.

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Un jour, différent des autres puisqu'il s'agissait de l'anniversaire de la reconquête d'Erebor, de grandes festivités furent organisées. Erebor était en fête mais également Dale. Les Nains et les Hommes de Dale commencèrent les réjouissances dès le matin.

Travaillant sur un dossier important, Aghäte avait passé la journée à la bibliothèque mais elle avait promis à Fíli de passer le voir pour le dîner ; avant de repartir travailler. Maintenant qu'elle ne lisait plus de livres à Thorin le soir, elle préférait continuer de travailler avant de se coucher. Cela lui permettait de ne pas penser à Thorin.

En fin de journée, elle alla se changer pour revêtir une de ses plus belles robes. Il s'agissait tout de même de fêter la bataille qui permit de sauver Erebor et Dale !

Quand Aghäte entra dans la grande salle des festivités, elle se dirigea vers les buffets. Elle se servit une bonne assiette avant de chercher du regard quelqu'un qu'elle connaissait. Avec le monde, elle avait du mal à distinguer qui que ce soit. Elle alla s'asseoir à une petite table.

Quelques nains de la compagnie vinrent la saluer et lui demander des nouvelles. Bofur l'invita à danser mais elle refusa poliment. Ce fut ensuite le tour du roi de venir s'asseoir à sa table. Il lui servit un verre de vin et lui sourit.

- Tu es enfin sorti de ta bibliothèque ?

- Je t'avais promis que je passerai. Et j'ai senti l'odeur du vin !, plaisanta-t-elle. Je n'allais pas louper cette fête !

- Nous avons bien fait de l'organiser. Tu es ravissante !, sourit-il de plus belle.

- Est-ce que tu dis cela parce que c'est toi qui m'as offert la robe porte ?, sourit-elle en retour.

- Je te le dis parce que je le pense. Et j'étais sûre que cette robe t'irait à merveille !

- Tu ferais mieux d'aller séduire des jeunes naines plutôt que de rester avec moi !, lança-t-elle en riant.

Ayant fini son repas, Aghäte se leva sans laisser Fíli répondre. Elle prit la bouteille de vin qui était sur la table et salua Fíli de la main.

- Bonne soirée mon roi. Profitez de la soirée et allez vous amuser !, lui dit-elle en partant.

Quand Aghäte fur presque arrivée à son bureau, elle se rappela qu'elle devait prendre des dossiers dans le bureau de Fíli. Elle entra dans la pièce sans toquer puisqu'elle savait que le roi était à la fête.

Elle fut surprise de voir une chandelle allumée sur le bureau et remarqua une personne assise sur le fauteuil de Fíli. Malgré l'obscurité bien présente, elle reconnut Thorin. Elle se sentit stupide de ne pas avoir toquer.

Thorin avait sursauté quand elle était entrée et il la fixait comme s'il venait de voir un fantôme. Il se racla la gorge pour que la semi-humaine réagisse. Elle regarda alors attentivement Thorin qui avait attaché ses cheveux en queue de cheval, certainement pour être à l'aise pour lire.

Elle comprit qu'il profitait que tout le monde soit à la fête pour occuper tranquillement le bureau de son neveu. De toute façon, il ne pouvait pas aller à cette fête ni à aucune autre…

- Je suis désolée d'être entrée sans prévenir !, s'exclama-t-elle. Je-

- Fíli n'est pas là, dit-il d'une voix grave. Il est-

- À la fête. Je sais puisque je viens de discuter avec lui. Je passais récupérer des dossiers. Je voulais les relire.

- Avec une bouteille à la main ?, dit-il en la provoquant d'un léger sourire.

- Tout le monde fait la fête, alors pourquoi pas moi !, répondit-elle en croisant les bras sur sa poitrine. Et pourquoi pas vous ? Vous voulez un verre ?

Thorin réfléchit un instant avant d'accepter. Le sourire aux lèvres, Aghäte posa la bouteille et alla chercher deux verres dans un des placards.

- Vous connaissez bien la pièce, remarqua-t-il en faisant de la place sur le bureau pour poser les verres.

- Je viens dans ce bureau au moins une fois par semaine depuis cinq ans alors…

Elle posa les verres et les remplit avant de s'asseoir sur la chaise devant le bureau. Ils burent tous les deux une gorgée. Plus qu'heureuse de pouvoir discuter avec Thorin, Aghäte commença à parler.

- J'ai envoyé une lettre à Bilbon pour lui dire que vous étiez réveillé. Je pense que si on ne lui avait pas conseillé de repartir chez lui, il serait resté ici à veiller sur vous. Il était très inquiet pour votre santé. D'ailleurs, vous allez bien ?

- Oui très bien, répondit-il en fixant la semi-humaine.

- Vous avez l'air fatigué.

- J'essaie de rattraper rapidement ce qu'il s'est passé pendant cinq ans, dit-il sérieusement en portant son regard sur le dossier qu'il lisait avant qu'elle n'entre.

- Vous devriez y aller doucement. On ne sait pas ni pourquoi vous étiez inconscient tout ce temps ni comment vous vous êtes réveillé.

- Vous n'avez pas besoin de vous inquiéter pour moi. Prenez le dossier que vous vouliez et laissez-moi tranquille, ordonna-t-il continuant de lire le dossier.

- Vous êtes toujours aussi têtu !, ronchonna-t-elle. Vous n'avez pas changé !

- Pourquoi aurais-je changé ? Pour moi, c'est comme si la bataille était la semaine dernière. Mais vous, vous avez bien changé, lança-t-il sans lever son nez. Vous parlez beaucoup, vous portez de belles robes et vous allez me dire que vous vous êtes mis à la cuisine ?

Aghäte éclata alors de rire. Sa réaction fit enfin lever les yeux du nain vers elle. D'un regard vexé, il se redressa même sur le fauteuil. L'obscurité rendait le visage du nain plus sévère que d'habitude. Elle arrêta de rire.

- Pardon. C'est juste que non je ne me suis pas mise à la cuisine. J'aurais peut-être dû. Et la robe est un cadeau de votre neveu, souligna-t-elle en lui souriant.

Thorin ne parlait plus et Aghäte se calma. Elle posa sa main vers le dossier qu'il lisait et le prit lentement. Elle le survola rapidement puis lui rendit.

- Il s'agit d'un des premiers gros dossiers sur lesquels j'ai travaillé. Voulez-vous que je vous l'explique rapidement ? Cela vous évitera de tout lire.

Voyant que le nain hésitait à accepter son aide, elle se leva, prit la chaise sur laquelle elle était assise et la plaça à côté du fauteuil de Thorin. Ce dernier la regarda faire sans rien dire.

Après deux heures passées à expliquer le dossier, Aghäte put enfin se resservir un verre de vin. Si Thorin avait tout lu, il en aurait eu pour la nuit voir plus.

- Et voilà, nous en avons fini avec ce dossier. Si vous le souhaitez, je peux passer vous voir en soirée pour expliquer d'autres dossiers, suggéra-t-elle en souriant.

- Si cela me permet d'avancer rapidement, j'accepte votre proposition, dit-il sans la regarder et en rangeant les feuilles du dossier.

- Un autre verre ? On fête la victoire contre les orques et la reconquête d'Erebor quand même ! Et c'est la première année où vous pouvez la fêter alors…

- D'accord. Mais vous, allez-y doucement. Si je m'en souviens bien, vous ne tenez pas l'alcool.

- Vous allez me vexer !, dit-elle en lui remplissant son verre. Maintenant que l'on a fini le dossier, vous voulez que je vous raconte d'autres choses ?

- Les ragots ne m'intéressent pas, grogna-t-il en buvant son verre.

- Alors ! Tous les nains de la compagnie sont restés ici, continua-t-elle sans prendre en compte sa réponse. Votre sœur est arrivée rapidement ici. Elle a eu beaucoup de mal avec la perte de Kíli mais maintenant elle va mieux. Fíli… Les débuts ont été difficiles pour lui. Il était perdu sans Kíli et vous. Mais ses conseillers l'ont bien aidé !

- Et vous ?, intervint Thorin en resservant son verre et celui d'Aghäte.

- Oui je l'ai aidé mais ce n'était pas grand-chose, sourit-elle. Je ne relis que les dossiers ou les corrige.

- Non, je demandais ce que vous avez fait pendant ces cinq ans, expliqua-t-il en la fixant. Ma sœur m'a dit que vous veniez me lire des livres tous les soirs.

- Ah, hum, oui. Je pensais que cela pourrait vous réveiller mais visiblement, cela n'a rien changé, sourit-elle à Thorin gentiment. Pour le reste, je vous l'ai déjà dit. Je me suis occupée de la bibliothèque et de quelques dossiers pour Fíli.

Aghäte était de plus en plus gênée que la conversation se centre sur elle. Elle espérait qu'il ne lui parle pas de la lettre qu'il lui avait laissée. Elle voulut changer de sujet mais le nain en décida autrement. Il soupira avant de prendre la parole.

- Vous auriez dû partir d'ici et faire votre vie ailleurs, dit-il d'un ton sévère en se levant. Une vie tranquille chez les hommes ou les elfes, mariée avec des enfants et tout le reste. Pourquoi êtes-vous resté à Erebor ? Vous vous sentiez coupable pour Kíli ? Ou serait-ce pour rester avec Fíli ?

- Tu es stupide ou tu le fais exprès ?!, s'énerva-t-elle en se levant et serrant ses poings.

- P-pardon ?

- Pour qui penses-tu que je sois restée ici ?!, s'écria-t-elle en tenant la veste du nain fermement dans les mains sur le haut de son torse. À qui ai-je lu des livres tous les soirs pendant cinq très longues années ?! Pour qui ai-je organisé chaque dossier consciencieusement si jamais il avait besoin de les lire ?!

Aghäte reprit son souffle et finit son verre de vin d'une traite. Crier lui avait asséché la gorge. Elle était hors d'elle.

Elle ne sut pas si cela était à cause de son excès de colère ou du vin mais elle perdit le contrôle d'elle-même.

Elle s'approcha rapidement de Thorin et colla ses lèvres sur les siennes. Elle le sentit se raidir à son contact.

Se séparant doucement, elle réalisa ce qu'elle venait de faire. Honteuse de son impulsion, elle n'osa pas le regarder.

- Je suis désolée, murmura-t-elle en reculant de quelques pas. Je n'aurais pas dû. Je vais vous laisser.

Elle commença à partir lorsqu'elle sentit une main ferme lui attraper le bras. Il lui tira dessus pour qu'elle se retourne ; ce qu'elle hésita à faire.

- A-attends !, bafouilla-t-il en perdant toute sa contenance. Ne pars pas et explique-moi ! Je pensais que tu étais avec Fíli et que tu me détestais. Tu as perdu ta jambe à cause de moi. Nous avons perdu Kíli à cause de moi !

- C'est à cause d'Azog et personne d'autre, dit-elle en posant délicatement sa main libre sur la joue de Thorin. Nous avons fait tout ce que nous pouvions ce jour-là. Et non, je ne suis pas du tout avec Fíli !

Aghäte remarqua que Thorin l'observait attentivement. Son visage, ses cheveux, il détaillait tout du regard. Elle l'interrogea du regard et comprit alors ce qu'il cherchait. En riant légèrement, elle fouilla alors dans ses longs cheveux, qui s'étaient encore plus allongés pendant ces dernières années, et sortit une fine tresse avec le bijou de cheveux que Thorin lui avait laissé.

- C'est cela que tu cherchais-

Sans lui laisser le temps de continuer, Thorin l'attira vers lui pour l'embrasser avec force. Elle lui rendit immédiatement son baiser et il n'attendit pas pour l'approfondir.

Au bout d'un moment, Aghäte peinait à respirer et ses jambes avaient du mal à la soutenir. Elle posa ses mains sur le torse du nain pour reculer un peu. Thorin grogna et la souleva par la taille pour la poser sur le bureau. Malgré ses années à dormir, il avait toujours sa force habituelle. Maintenant qu'elle était assise sur le meuble, Thorin reprit les baisers toujours aussi passionnés.

À un moment, ils entendirent des nains chantés dans le couloir ; très certainement sous l'emprise de l'alcool. Aghäte se décolla de Thorin et rit légèrement en regardant la porte.

- Thorin, on ne peut pas continuer ici…, dit-elle en caressant une mèche des cheveux du nain qui s'était échappée de sa queue de cheval.

- Je fais ce que je veux dans ce bureau, affirma-t-il d'une voix grave en fronçant des sourcils.

- Ce n'est pas ton bureau, Thorin. Si nous étions dans le mien encore…, rit-elle en rougissant.

Elle vit le nain qu'elle aimait grogner de plus belle en s'éloignant d'elle. Elle descendit doucement du bureau et passa ses mains sur sa robe pour retirer les faux-plis. Thorin avança vers la porte et l'ouvrit brusquement. « Suis-moi », ordonna-t-il. Aghäte le fixait. Elle n'aimait pas qu'il lui donne des ordres ainsi. Tant qu'elle n'aurait pas d'explication, elle ne le suivrait pas.

Elle allait rouspéter quand il lui dit « Allons dans ma chambre ». Les joues rouges, elle regarda le sourire provocateur qu'affichait le nain sur son visage. Lentement, elle passa la porte et sortit de la pièce en lui soufflant « Et si je ne veux pas ? ». Thorin lâcha un petit rire et posa sa main dans le dos de la semi-humaine pour la guider. Toujours d'un air provocateur, il lui répondit en marchant avec elle : « J'irais dans la tienne. ».

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Le temps continua son cours. Aghäte réagença son bureau afin d'organiser un espace de travail pour Thorin. À part Fíli, Balin ou Dáin, elle ne recevait que rarement des visiteurs. Thorin pouvait donc y rester la journée.

Ce dernier rattrapa vite son retard grâce à l'aide de la semi-humaine et du roi. En peu de temps, il devint un conseiller essentiel pour Fíli.

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La suite au chapitre 27 - T : Et après ?