O DOUCE NUIT, SOMBRE NUIT
Plus tard, Hermione devait souvent repenser à cette phrase de Mustang : elle était probablement la seule personne dans le camp à avoir vécu dans des circonstances identiques avec chacun des trois Potter et à pouvoir les comparer. Mais sur le moment, son esprit bouleversé repoussa la vertigineuse série de questions que cela soulevait – les choses se seraient-elles déroulées différemment si Harry, au lieu de partir à la chasse aux Horcruxes, avait mené la résistance lui-même ? Quelle sorte d'avenir aurait attendu Albus si le monde entier avait su ce qu'il avait accompli dans les Hébrides ? – tandis qu'elle cherchait désespérément un moyen de convaincre les deux colonels de la laisser prévenir Teddy Lupin que son fils était bien en vie.
Mais ils restèrent de marbre : d'après eux, Constantin Morave seulement pouvait prendre cette décision. Et si le garou estimait qu'il valait mieux pour les parents de Remus qu'ils ignorent ce qu'on lui avait fait, qu'ils le croient mort, ils n'allaient pas l'en empêcher.
Euphrosine partageait l'avis de sa marraine : ne rien savoir était pire que d'affronter la vérité, de son point de vue. Et Constantin pouvait se le tenir pour dit : elle n'avait pas l'intention de rompre avec lui, en tout cas pas sous le prétexte ridicule qu'il était visiblement à moitié loup à présent.
Sur cette déclaration passionnée, la jeune femme quitta la pièce en trombe, entraînant Hermione éperdue. La porte se claqua toute seule derrière elle, laissant les deux colonels échanger un soupir dans lequel il y avait de la résignation, un peu d'amusement et beaucoup de compassion.
Constantin n'avait pas bougé de la fenêtre contre laquelle il était resté appuyé, à fumer les bras croisés comme si toute cette discussion ne le concernait pas, mais, dans la pénombre, son visage maigre s'était un peu adouci.
Les femmes redescendirent dans le salon où elles trouvèrent Arthur assis devant le feu, dans le grand canapé de velours usé, en train de montrer à Remus comment remonter sa montre à gousset.
- Quand les aiguilles seront sur le douze, mon papa viendra me chercher, disait l'ancien chasseur de mystères joyeusement.
- Il sera peut-être un peu en retard, loupiot, répondit Arthur gentiment, en ébouriffant les boucles bleutées de l'homme qu'il avait toujours considéré comme un grand frère. "Mais il viendra, je te le promets."
- Est-ce qu'on peut aller voir les porlocks en attendant, Oncle Al ?
Hermione se laissa tomber dans le plus proche fauteuil, étouffant un autre sanglot, mais Euphrosine renifla férocement, essuya ses yeux d'un vif revers de manche et se tapota les joues avant de s'avancer et de se planter résolument à côté de l'ancien chasseur de mystères, croisant ses longues jambes pour s'asseoir en tailleur au milieu des coussins recouverts de crochet.
- Hé Rem', tu connais l'histoire du champignon, de la princesse et du mécano ? demanda-t-elle nonchalamment.
- Oh non, pas celle-là, gémit Arthur.
Et le rire d'enfant du prisonnier résonna sous les solives, tandis que Mama Odie hochait le menton, attendrie, depuis la cheminée où elle remuait le gombo, le chaud reflet des flammes dansant dans ses lunettes noires, son boa drapé comme une écharpe sur ses épaules.
Plus tard cette nuit-là, Arthur joua du violon sur la colline, environné par des milliers de flocons de neige qui semblaient comprendre sa peine. Quand la musique se tut, ce fut comme si cette douce couverture blanche s'était déposée aussi sur les cœurs dans le camp, apaisant leur chagrin et permettant enfin le deuil de Seattle.
Tout commença à changer à partir de ce moment.
Jax Casburgot ne devait jamais trop réussir à l'expliquer, mais les choses se firent naturellement, sans que ni lui ni Mustang n'aient besoin de dire quoi que ce soit.
Au début, les gens remarquèrent seulement que le pauvre fou qui d'ordinaire ne s'aventurait pas hors de la tente principale sans Stan Morave, serré craintivement contre lui, suivait maintenant comme son ombre le nouveau venu qui ressemblait énormément à Harry Potter, parfois le tenant pensivement par la main, parfois en expliquant quelque chose avec animation. Le tigre les accompagnait souvent, bondissant à la poursuite des papillons de lumière que le jeune sorcier faisait voleter sur le champ recouvert de neige, les écrasant entre ses grosses pattes en miaulant quand il s'apercevait qu'ils avaient disparu.
Puis il y eut un cri de joie, un matin, quand Jessica Dawson, en venant chercher une bouteille de lait à l'intendance, tomba nez à nez avec le jeune homme qui l'avait sauvée de la rivière dans laquelle ses parents essayaient de la noyer, deux ans auparavant. La petite fille aux longues tresses brunes avait bien grandi, mais Arthur aurait reconnu n'importe où ces yeux noirs remplis d'interrogations. Elle ne l'avait pas oublié non plus et elle le traîna aussitôt jusqu'à la tente qu'elle partageait avec la famille de John Tanner, le policier de Possumneck, Mississipi, avec qui Euphrosine et son frère avaient mené une enquête conjointe peu après cette tragique affaire (ils n'auraient jamais imaginé que l'homme irait jusqu'à Bâton-Rouge après leur départ… et déciderait d'adopter la gamine). Jack Wesson, le neveu de John, que sa mère et son oncle avaient retiré d'Ilvermorny quand ils avaient compris qu'il se tramait quelque chose de grave, fut aussi enchanté de retrouver les Traqueurs qui lui avaient révélé qu'il était un sorcier. Il semblait très protecteur de sa cousine adoptive et ne tarda pas à copier toutes les attitudes d'Arthur envers sa sœur.
Les autres enfants voulurent faire connaissance avec les propriétaires de la Coccinelle rose dès qu'ils en entendirent parler. Euphrosine se tailla une réputation formidable en modifiant magiquement un camping-car de poupée et en construisant des karts à partir d'un vieux tracteur. Arthur convainquit un papa d'arbitrer des parties de Quidditch dans un champ clos et il aménagea aussi le terrain vague où quelques no-maj jouaient parfois au foot.
Bientôt les mères, étonnées, entendirent les mêmes gosses renfrognés qui se morfondaient d'habitude en se battant avec des bouts de bois, courir en rigolant, les joues rouges de froid, pour aller jouer avec un certain bonhomme de neige enchanté.
Elles vinrent donc naturellement aux nouvelles – ils étaient peut-être tous des fugitifs, mais cela ne faisait pas d'eux des saints, on ne savait être trop prudent.
Arthur Potter les conquit immédiatement avec son sourire chaleureux. Il avait une façon de s'adresser aux mamans qui les rassuraient immédiatement – et son charme opérait doublement sur les grand-mères, qui ne pouvaient s'empêcher de vouloir le dorloter.
Mais les dames aimèrent encore plus Euphrosine Malefoy qui, dès qu'elle entendit parler de chaudières capricieuses, d'appareils ménagers en rade sans électricité et de tous les désagréments qu'une tente militaire ensorcelée pouvait causer à une famille moldue, se mit à pointer son nez un peu partout en proposant de resserrer un boulon par ci, ajouter une étagère par là, enchanter un sèche-linge ailleurs ou bricoler une douche supplémentaire dans un espace réduit.
Zach s'installa dans l'infirmerie et classa les patients par ordre alphabétique. Il n'était pas le meilleur des médicomages, mais il avait un curieux don pour vous distraire de la douleur pendant que l'on vous soignait et l'on sut vite que lorsqu'il posait la main sur votre front, vos souvenirs s'apaisaient et s'ordonnaient comme des livres sur des étagères. Il avait aussi des fioles dans lesquels il pouvait stocker certaines de vos pires expériences sous forme de filaments argentés.
Jax Casburgot haussa les épaules : tout ceci était bien joli, mais même s'il était plus facile à présent de gérer la marmaille, les femelles et tous les bras cassés, cela ne voulait toujours pas dire qu'ils avaient la moindre chance contre l'ennemi.
Puis il remarqua que les hommes changeaient eux aussi, peu à peu. Les No-maj en premier, bizarrement, se mirent à héler Arthur Potter à l'heure du souper et à l'inviter à leurs tables – on avait tendance à manger séparément, chaque communauté de son côté dans le réfectoire, mais dès le premier soir, il s'était assis entre Steve Rogers et son pote Bucky et s'en était fait deux amis. Or, même si la plupart des gars ricanaient en voyant le petit étudiant de Brooklyn, qui n'était pas plus épais qu'une brindille, s'obstiner à vouloir suivre l'entrainement militaire, ils étaient aussi beaucoup à se fier à son excellent jugement du caractère humain (Barnes faisait rouler ses yeux quand il les entendait échanger, épatés, à ce sujet : d'après lui, il fallait être aveugle pour ne pas voir les qualités de son meilleur ami).
Arthur joggait avec les soldats de fortune de Jax le matin, se traînait dans la boue et escaladait des montagnes russes en filet avec eux jusqu'à midi, puis revenait encore à cinq heures pour les cours de cryptologie. Il n'utilisait pas la magie, soufflait, râlait, haletait et riait, entraînant irrésistiblement ceux qui l'entouraient à plaisanter malgré les circonstances et à essayer encore plus fort. Il était endurant, optimiste sans être idéaliste et avait d'excellents réflexes. Ce n'était certainement pas le plus herculéen de la troupe, mais c'était définitivement l'un des plus courageux.
En début d'après-midi et lorsque la nuit tombait, il rejoignait les rangs des apprentis Aurors et alors le colt dans lequel il dissimulait sa baguette et qui restait dans son étui pendant les exercices avec les No-maj, roulait sur son poignet en crépitant de magie. Arthur ne pouvait pas transplaner, inexplicablement, mais il était plus rapide que n'importe qui et ses défenses étaient quasiment impénétrables – Mustang l'utilisait souvent comme cible pour le tir. Jeunes et vieux s'étaient rapidement mis à le comparer à Harry Potter, bien que peu de gens aient réellement connu le héros à l'époque où il était sur le terrain. Mustang s'était bien gardé de le leur rappeler, alimentant au contraire la légende en obligeant son ancien élève à démontrer jour après jour qu'il était le digne héritier de son célèbre grand-père.
Tout naturellement, les sorciers qui suivaient l'entraînement d'enfer de Mustang se déplacèrent avec leurs gamelles et s'assirent parmi les moldus harassés par celui de Jax Casburgot, au début pour passer juste plus de temps avec leur héros, puis pour chahuter eux-aussi le jeune homme qui endurait les deux programmes avec une sincérité et une simplicité déroutantes. Peu à peu, les plaisanteries hésitantes et les récits d'expériences tragiques firent place à des rires profonds et à des discussions constructives alors que les hommes partageaient leurs préoccupations et se liaient sans plus se préoccuper de leurs origines, se mettant à réfléchir à ce qui était en train de se passer dans leur pays et à comment ils pouvaient y remédier en travaillant tous ensemble.
La veille du solstice d'hiver, une petite délégation vint trouver Jax Casburgot et lui demanda timidement s'il était possible d'arranger un entrainement commun, pour apprendre à se battre en harmonisant les forces des deux groupes. Il en resta estomaqué pendant quelques instants : cela voulait dire qu'en à peine quinze jours, Arthur Potter avait accompli ce dont Mustang et lui avaient à peine osé rêver pendant des mois.
Il jeta un coup d'œil en coin à son homologue qui était campé de dos devant la fenêtre, et dont les épaules avaient un air insolemment satisfait, puis soupira qu'il allait y réfléchir.
Ce planning d'entrainement était en fait prêt depuis longtemps et ils le mirent en action dès le lendemain, faisant gémir leurs recrues obligées de se tirer de pièges ensorcelés sans la moindre magie ou d'affronter des tirs ennemis en combinant armes moldues, sortilèges offensifs et charmes du bouclier. Au souper, il y eut cependant une atmosphère extraordinaire, comme si tout le camp était électrisé par le sentiment d'appartenir à quelque chose de grand, d'incroyable, d'avoir enfin le pouvoir de changer les choses au lieu d'être simplement un endroit où des gens s'efforçaient de survivre en espérant qu'un jour les choses iraient mieux.
Les créatures magiques, géants, trolls, centaures, garous et autres sang-mêlés ne restèrent pas en reste et, le jour suivant, beaucoup d'entre eux répondirent aussi à l'appel.
Ils étaient restés à l'écart jusque-là : pour la plupart, ils avaient fui des persécutions dans leurs quartiers, échappé de justesse à des rafles ou étaient les misérables rescapés des quelques laboratoires que Jax Casburgot et Mustang avaient réussi à prendre d'assaut. On avait pitié ou peur d'eux, mais on restait surtout à l'écart de leur groupe.
Remus Lupin, bien sûr, émouvait tout le monde et dérangeait énormément parce qu'il était un constant et cruel rappel de la réalité. Milo, le tigre, inquiétait – avec ses griffes et ses crocs impressionnants, peu pouvaient deviner en lui l'adolescent fragile qu'il avait été. Les centaures se rendaient insupportables très vite avec leur manière de parler énigmatique et leur attitude supérieure ; la trollesse Aaargh! avait beau s'exprimer délicatement, elle terrifiait la plupart des gens et absolument personne ne comprenait le dialecte du monstre poilu descendu d'Alaska avec les porgs.
Constantin Morave et Frederick 'Fezzik' Hagrid étaient parmi les seuls hybrides à se mêler aux sorciers et aux moldus, mais cela changea également à partir du moment où la Coccinelle rose débarqua dans le camp.
Il n'avait pas fallu très longtemps pour que des rumeurs se mettent à courir sur la nature exacte de la relation entre la sorcière aux abondants cheveux vénitiens et le loup-garou du Quartier Général. Euphrosine n'avait pas la moindre intention de permettre à Constantin de l'ignorer ou l'oublier et elle le démontrait à tous les repas en allant ostensiblement s'asseoir avec lui, se déplaçant dans le réfectoire comme lui jusqu'à ce qu'il renonce à trouver un endroit où il serait tranquille et se résigne à l'avoir en face de lui à sa table. Elle ne posait pas de question – n'en avait jamais posé – mais quand il lui jetait un coup d'œil furtif, il voyait qu'elle le contemplait silencieusement avec dans ses grands yeux gris des nuages d'orage gonflés de pluie.
Les adolescentes moldues et sorcières y avaient vite trouvé matière à commenter dans ce trou où elles étaient privées de tout contact avec les réseaux sociaux. Elles s'assemblaient en grappes bourdonnantes et les observaient en chuchotant, se tenaient mutuellement au courant des moindres moments où ils se croisaient et en faisaient de longs rapports frémissants de passion. Elles trouvaient pour la plupart que Stan Morave était trop vieux (son sale caractère et le fait qu'il soit à moitié loup lui conféraient cependant un certain nombre de supporters) et auraient mieux vu Euphrosine avec Zach, mais elles étaient vite devenues de grandes fans d'Arthur, aussi la jeune sorcière représentait-elle leur héroïne idéale avec son amour contrarié et son frère sublime.
La jeune sorcière aurait préféré que son histoire personnelle ne soit pas le sujet des bavardages de toutes les collégiennes du coin, mais elle avait en revanche compris très vite comment tirer parti de sa popularité pouvait bénéficier aux filles du camp. Elle avait donc commencé par bavarder avec quelques gamines isolées qui l'avaient regardée avec de grands yeux ahuris, sans réaliser qu'elle savait leur parler parce qu'elle avait été tout aussi décalée qu'elles à cet âge, puis elle s'était mise à inviter les plus violentes à s'entraîner avec elle – sachant très bien que son fan club viendrait regarder.
Sa prochaine étape avait été d'inviter Aaargh! à donner une classe d'auto-défense à celles qui ne pouvaient pas manipuler de magie. Des trollettes encombrantes aux cheveux gras, aux visages couverts d'acné et aux ongles rongés s'étaient jointes timidement aux lycéennes moldues. Puis des femmes étaient venues lui demander si elles pouvaient participer, d'une manière ou d'une autre, à l'effort commun : Jax Casburgot et Roy Mustang n'avaient absolument aucune idée du rôle à donner à une dame (avec ou sans pouvoirs spéciaux) et la cuisine, le linge et les enfants étaient par défaut leurs seules propositions, à part pour celles qui avaient les nerfs assez solides pour aider à l'hôpital.
Mais toutes les femmes n'avaient pas vocation d'infirmière, la fibre maternelle ou l'envie de rafistoler des chaussettes quand il y avait un milliard d'autres choses plus importantes à faire. Les elfes, de plus, monopolisaient déjà l'intendance et la cuisine, et rien de ce qui leur fut dit par la fondatrice de la S.A.L.E ne put les faire changer d'avis.
Il n'y avait pas que "les femmes", de plus, à être laissées à l'écart : les moins de dix-sept ans et les hommes qui ne souhaitaient ou ne pouvaient pas se battre se retrouvaient aussi à tourner en rond, ruminant leur colère, leur peur, leur douleur.
Publius Ham' Hilton et Laurens l'avaient entrevu, mais ils n'avaient pas eu le temps d'y remédier : il fallait pourtant que chacun trouve sa place dans le camp. Cela ne suffisait pas de nourrir et de garder au chaud les réfugiés, de leur rappeler les règles de la bienséance et de veiller à ce qu'ils se marchent le moins possible sur les pieds. Il y avait mille quatre cent quatre-vingt-douze âmes rassemblées à Frankenstein, Missouri, et pas une d'entre elle n'était identique à une autre, même si elles partageaient toutes une même souffrance. Beaucoup étaient brisées, perdues. Beaucoup ne pourraient se relever que si on leur donnait une chance de s'investir. Beaucoup avaient besoin de temps et de ne pas être jugées. Toutes devaient, oui, être guidées et disciplinées, mais toutes avaient aussi besoin de se sentir utiles, d'être aimées, d'être honorées et d'avoir de l'espace pour prendre le temps qu'il leur faudrait pour réapprendre à travailler, à se reposer, à pleurer, à rire.
Jax Casburgot et Roy Mustang couvraient tout ce qui concernait les soldats, les sentinelles, le roulement des équipes, la liaison avec les autres groupes de résistance, la logistique des lieux de couchage et de l'approvisionnement et la gestion des conflits en interne. Ils avaient bien entrevu qu'il faudrait trouver "quelque chose à faire" pour les femmes, mais ils avaient complètement négligé le fait que les enfants avaient besoin de continuer à aller à l'école et d'avoir des espaces de jeux et de créativité, pas seulement d'être quelque part où ils ne seraient pas "au milieu". Ils supervisaient les corvées essentielles à la bonne marche du camp, les raids, les ajustements à faire pour protéger les trois communautés en fonction des nouvelles extérieures et savaient expliquer pourquoi les lettres et appels personnels mettaient trop de monde en péril pour être autorisés, mais ils ne comptaient pas les mariages, les anniversaires, l'accueil des nouveaux venus, le respect des traditions inhérentes à chacun des groupes sociaux et l'importance que suivre les rituels de leurs diverses religions et croyances prenait à cette heure de terrible dénouement comme des choses prioritaires.
Ils avaient pensé à l'hôpital pour les rescapés des laboratoires et les blessés de guerre, mais ils avaient oublié le suivi des femmes enceintes, les besoins quotidiens des personnes âgées, le traitement des maladies chroniques, infantiles ou imaginaires, la gestion des rhumes de saison et des bobos qui n'étaient pas à prendre à la légère dans ce contexte où tout devenait plus effrayant, ainsi que le nombre toujours croissant de personnes qui avaient besoin d'être accompagnées psychologiquement.
Les rapports faisaient partie de leur organisation, mais ils ne voyaient pas l'utilité d'avoir un journal pour compiler les petites annonces du camp, rendre hommage aux défunts, partager des recettes et des astuces pour mieux vivre dans ces conditions habituelles, ou tout simplement relater les évènements qui marquaient la colonie. Ils avaient bien compris la nécessité d'accorder des temps de détente à leurs soldats, fourni des jeux de société, des magazines, des ballons et des boules de pétanque… mais n'avaient pas considéré que ceux qui n'étaient pas occupés à s'entraîner avaient aussi besoin de se distraire et d'évacuer le stress, que tout le monde ne réussissait pas à se défouler en courant derrière une balle et qu'une bibliothèque – même constituée seulement de livres abîmés récupérés çà et là – permettrait à beaucoup de s'évader de ce quotidien anxiogène.
Euphrosine et Aaargh! firent avec la timide mais résolue Martha Wesson et avec Joana Gorwitz, une no-maj ancienne gérante de motel, divorcée et particulièrement dégourdie, une liste non pas des tâches qui devaient être faites, mais des choses qui pouvaient être accomplies pour que le camp ne soit plus juste un lieu de transition, mais une véritable ville, une véritable maison. Elles créèrent un comité et, sur le conseil d'Hermione Granger, distribuèrent des rôles et cherchèrent des volontaires sans attendre l'aval des mâles.
Les deux colonels prirent un air un peu sceptique quand on leur présenta enfin le projet (déjà en cours de test depuis plusieurs jours), puis ils durent se résoudre à considérer qu'ils avaient fait de leur mieux, mais qu'on ne gérait pas une petite colonie de civils comme une caserne militaire ou un camp de réfugiés.
Constantin Morave suivit tout cela d'un air détaché, fumant comme à son habitude à la fenêtre comme s'il n'était pas concerné, puis il offrit de travailler avec le comité pour inclure dans ce réaménagement les sang-mêlés, accordant enfin à Euphrosine une véritable conversation d'adulte à adulte – mais sans pour autant lui donner une chance de dire tout ce qu'elle avait sur le cœur ou de pouvoir partager la souffrance et la haine qu'il étouffait sous son armure d'indifférence.
Les centaures restèrent sur leurs grands chevaux, ce qui n'était pas étonnant de l'avis de Mustang, et les gobelins représentaient un cas à part, mais les géants, les vampires et les garous finirent peu à peu par se mêler aux autres et à proposer leur aide pour divers pôles, selon leurs caractères. Leurs enfants en premier, là-aussi, puis les hommes désespérés de reprendre le contrôle de la vie qu'on leur avait volée et enfin les femmes, lorsqu'on les eut apprivoisées suffisamment longtemps.
Le soir de Noël, tout n'était pas encore gagné, tout n'était pas parfait, mais le camp était radicalement différent de ce qu'il avait été quelques semaines auparavant. Les trois communautés évoluaient en se mélangeant sans heurts dans le réfectoire décoré de guirlandes électriques alimentées par un générateur à fulgurite.
Des enfants aux cheveux bouclés et d'autres aux pieds velus piaillaient joyeusement en commentant leurs dessins épinglés le long d'une planche, tout en se bourrant de crackers au fromage, de cookies bleus et de Jelly babies. Des trolls versaient une petite larme émue en écoutant le mexicain qui ressemblait à un squelette pincer sa guitare en fredonnant une version éditée de 'Tout le monde connait Juanita' pour un vieux merrow ricanant en aquarium roulant, tandis que des bûcherons en chemises à carreaux entrechoquaient bruyamment leurs bières avec des sorciers en robes pailletées et des hommes d'affaires aux dents longues.
La mère d'Arthur et Euphrosine, Wendy Potter, et leur beau-père Scorpius Malefoy, qui avaient rejoint le camp depuis deux jours, étaient en train de discuter avec des ingénieurs no-maj et des hackers de tous bords pour voir comment mettre en place un système de communication combinant l'Hypérion et Internet, qui puisse rester sous le radar des agents d'Harold Saxon tout en permettant à la Résistance de se coordonner d'un pays à l'autre.
Drago Malefoy, qui avait été évacué avec eux de justesse, à peine une heure avant que la maison de la Route de la Pantoufle Rose n'explose sous les tirs combinés du SWAT, des Kromages et des brigades magiques corrompues par Barron, était coincé sur un banc entre une grosse vache (personne n'était trop sûr du terme politiquement correct pour désigner un minotaure femelle) et un gobelin qui se curait le nez du bout de son ongle recourbé quand il ne recomptait pas ses pièces d'or. L'aristocrate anglais n'était clairement pas à son aise et lançait des coups d'œil impérieux en direction de son elfe de maison, Nestor, pour que celui-ci vienne le tirer de là. Mais le vieux serviteur ne le voyait pas – ou l'ignorait royalement – car il était en pleine partie de poker avec une dame naine à la barbe et la poitrine impressionnantes, un chaporouge pubère qui rongeait son appareil dentaire, un moldu irlandais habillé d'un costume aussi bleu que ses yeux, qui repoussait de temps à autre son chapeau melon sur son front en sueur, et Dean Winchester qui sifflotait effrontément pour cacher le fait qu'il était en train de perdre lamentablement.
A quelques mètres de son frère, Sam Winchester était plongé dans une discussion très sérieuse avec plusieurs fantômes, quelques professeurs d'université et un ancien directeur d'Ilvermorny. Ils étaient tellement concentrés que même les ovations bruyantes des spectateurs du bras-de-fer entre Fezzik et Aaargh! ne semblaient pas les déranger.
Zach accrochait les fermoirs sur les colliers en pierres de bison blanc que Michael Gorwitz et Jack Wesson avaient fabriqués et voulaient offrir à leurs mères. Assise un peu plus loin près d'un brasero, à côté de Mama Odie qui somnolait la tête renversée en arrière dans un fauteuil en osier, avec son boa en guise d'oreiller sous la nuque, Hermione Granger aidait Jessica Dawson à nouer le ruban autour de son orange piquée de clous de girofle tout en lui parlant de son arrière-petite-fille qui venait de naître et qu'elle n'avait pas encore pu voir autrement que par Hypérion.
Constantin Morave et John Tanner échangeaient des histoires de flics et ne s'étaient pas aperçus que Benedict et Martin, deux gosses de Toad Suck, Arkansas, qui avaient un goût immodéré pour les romans de détectives, les écoutaient gravement. Des femmes tentaient de faire descendre l'insupportable Asher Gorwitz de la poutre sur laquelle il avait grimpé avec son meilleur copain, Peter Parker, apparemment à l'aide d'une sorte de colle à base de magie instinctive et de chewing-gum. Leonard McCoy, le principal médicomage du camp, distribuait les pilules du soir à sa collection de personnes âgées, taquinant les mamies et répondant d'un ton bourru à ceux qui le traitaient de pantouflard (il était toujours habillé comme un patachon) qu'il avait été sur la Lune dans sa jeunesse.
Dans un angle du chapiteau transformé en hangar à hautes arcades le temps du banquet, un immense sapin se dressait, décoré de centaines de photos et de grigris porteurs de souvenirs. Il n'y avait pas de cadeaux ou de crèche en-dessous, mais une portée de fléreurs s'était blottie dans un carton oublié rempli de copeaux de bois. Accroupis avec les bras noués autour des genoux, une demi-douzaine de mômes émerveillés, Remus Lupin et la petite cracmolle Bethany Mackenzie, dont l'air lugubre faisait place pour une fois à une douce expression de tendresse, contemplaient les chatons endormis. Le tigre avait dû penser que ces mini-minets avaient eu une bonne idée, car il s'était entassé dans une vieille caisse de bonbonnes de gaz juste à côté, dans laquelle il ronronnait à plein régime, les yeux à demi-fermés, la queue fouettant l'air de temps à autre, l'air plutôt inconfortable.
La magie reremplissait les plateaux de desserts croquants et les mugs de lait-de-poule, mais c'était des No-maj qui faisaient rôtir des poulets et des diricos dodus sur une broche démesurée, sous la supervision de Virginia 'Bill' Potts, cette jeune anglaise moldue originaire de Bristol, au franc parler et à la coupe afro, qui s'était retrouvée coincée aux Etats-Unis après les évènements d'Halloween avec sa petite amie, Billie Drake, une sorcière ingénieure affectée à un projet top secret à Assawoman Bay, dans le Maryland.
L'orchestre improvisé s'était autobaptisé "les musiciens de Brême" et c'était un nom tout à fait adapté à sa composition hétéroclite d'hybrides mélomanes, de virtuoses moldus et de choristes ensorcelants. De partout, des scènes impensables un an plus tôt avaient lieu et Jax Casburgot se demandait si Harold Saxon avait vraiment imaginé que cela serait possible, quand il avait utilisé sa propagande de réconciliation pour cacher ses véritables projets…
Dakota Moore – pauvre diablesse, sur qui tous crachaient… on venait d'apprendre son suicide… elle avait dû désirer cette harmonie ardemment, pour se nier à elle-même si longtemps qu'elle avait vendu son peuple à un dictateur…
Il posa les deux chopes de bièraubeurre sur la table et s'assit en face de Mustang, suivant des yeux Arthur qui retournait vers sa place, son violon à la main, les cheveux ébouriffés et un grand sourire sur le visage, après avoir joué un air pour accompagner le quadrille demandé par des nostalgiques de fêtes country.
- Il ne fera pas l'affaire, soupira-t-il. "Je suis désolé, mais non. Il est vraiment trop gentil."
Mustang but une gorgée, puis tamponna délicatement la mousse qui lui faisait une moustache avec son mouchoir.
- Nous ne nous sommes pas encore battus pour de vrai, remarqua-t-il.
Jax fit rouler ses yeux.
- Regarde les choses en face ! protesta-t-il. "Ça fait vingt-et-uns jours qu'il est là et je ne l'ai vu se prendre la tête avec personne !"
- C'est parce que les gens se rangent en général à son avis, dit Mustang sans se troubler.
Casburgot émit un grognement frustré.
- Tu sais très bien ce que je veux dire ! Il a su les unir, d'accord, mais ça ne veut pas dire qu'il sera capable de les garder rassemblés sous une bannière ! Il est peut-être très bon pour s'entendre avec tout le monde, pour fédérer des bonnes femmes, émuler des gosses ou même pour donner un sentiment de sécurité à des soldats, si tu veux, mais ça ne l'aidera pas à avoir de l'autorité au moment où le chaos éclatera.
Il s'assombrit.
- Et quand ils viendront à lui traumatisés parce qu'ils auront tué pour la première fois ? Quand il lui faudra prendre des décisions où il n'y aura pas de choix blanc ou noir ? Quand il ne pourra sauver une partie qu'en condamnant une autre ? Qu'adviendra-t-il quand ils tourneront vers lui pour lui reprocher les morts entrainés par ses décisions ? Il les charmera avec son violon ?
Il eut un ricanement las.
- Non, crois-moi, il faut arrêter de prendre le gombo de ma grand-mère pour autre chose qu'un bon ragoût. Il n'y a pas de roi ou en tout cas, ce n'est pas lui.
Il indiqua d'un geste de menton Euphrosine qui venait de boire cul-sec un second verre de whisky pur feu en fixant Constantin avec des yeux étincelants et qui se dirigeait maintenant vers lui d'un pas décidé en retroussant ses manches.
- Sa sœur a deux fois plus de caractère que lui. On devrait plutôt miser sur elle.
Mustang observa la jeune sorcière attraper le loup-garou par le bras et l'entraîner d'un pas vif hors du hangar, bousculant tous ceux qui se trouvaient sur son passage, tandis que sa mère et son père échangeaient un regard inquiet et que des rires et des sifflements enthousiastes résonnaient.
Le couple disparut dans la nuit derrière un camion chargé de balles de foin. Sous la voute sombre, des milliers d'étoiles scintillaient et les collines recouvertes de neige dessinaient un merveilleux décor de Noël bleuté (dans l'ombre de leur enclos, les Falthiers avaient presque l'air de dromadaires).
- Euphrosine est une sorcière talentueuse et pleine de bon sens, mais elle ne peut pas mener la Résistance, dit Mustang en secouant la tête. "Tu n'as aucune idée du pouvoir qu'elle possède, Lafayette." Il frissonna et baissa la voix. "C'est une… un passeur, un… shinigami, une faucheuse… Elle est capable de se rendre dans l'au-delà, d'emmener une âme à la Rivière… ou de l'en ramener… si les gens avaient la moindre idée de ce qu'elle peut faire, ils seraient terrifiés…"
Il avala sa salive et sa voix grave ne fut qu'un souffle.
- Remercie le Ciel qu'on n'ait pas encore combattu avec eux. J'ai eu l'occasion de l'observer quand elle… quand elle fait son boulot… je te promets que c'est quelque chose que tu n'oublies pas…
Ses poings se serrèrent sur la nappe blanche parsemée de miettes de festin.
- Et nous la verrons faire, Jax, continua-t-il dans le même murmure rauque. "Il y aura des tas de morts et elle ne les laissera pas errer sans les aider à trouver leur chemin. Alors tous ces gens qui sont en train de rigoler parce qu'elle court derrière Stan comme une gamine amoureuse sauront que le plus effrayant des monstres n'est pas dans les rangs de l'ennemi, mais parmi nous…"
Il prit une longue inspiration.
- Crois-moi. Je ne suis pas plus convaincu que toi par cette histoire de roi, mais je sais qu'il n'y a que son frère qui puisse garder les esprits en paix quand elle est là. Tu l'as entendu jouer du violon, le soir de son arrivée : pourquoi crois-tu que nous puissions célébrer Noël dans une atmosphère aussi paisible si peu de temps après la rafle de Seattle ? C'est lui qui a fait ça, avec sa musique. Rien que pour ça, on doit lui donner une chance. Nous serons là pour l'aider, le guider. Mais nous avons besoin qu'il soit leur cœur si nous voulons que ces civils puissent trouver la force de combattre comme de vrais soldats.
Une transpiration glacée mouillait la nuque de Casburgot, à présent. Il avala goulument sa bièraubeurre pour reprendre le contrôle de ses nerfs et s'essuya la bouche d'un revers de manche.
- Est-ce qu'il n'y a vraiment pas d'autre alternative ? bredouilla-t-il, essayant de se convaincre que c'était la pointe de rhum dans la boisson qui faisait trembler sa voix. "J'adore Arthur, Delaware, je te promets, je l'aime comme toi – même si je suis quasiment sûr que c'est en grande partie la faute du sortilège que cette sainte-nitouche de Zach nous a lancés… mais nous ne pouvons pas gagner cette guerre avec un nounours. Nous avons besoin d'un grizzly !"
Mustang ne répondit pas tout de suite. Puis quelque chose comme un soupir résigné – ou peut-être était-ce la bièraubeurre que quelqu'un, décidément, avait dû corser à leur insu – passa dans ses yeux et il marmonna :
- Juste pour que tu saches, son patronus est un blaireau, en fait.
Jax Casburgot laissa tomber sa tête sur la table dans une démonstration dramatique de sa consternation.
Quelques tables plus loin, Bucky Barnes répondit à l'invitation d'une fille et se leva, pressant gentiment au passage l'épaule de son pote, pour la suivre vers la piste de bal. Steve Rogers le suivit des yeux en souriant, puis il se tourna vers Arthur qui terminait d'engloutir une énorme glace à la pistache à côté de lui.
- Il a toujours beaucoup de succès, dit-il en rigolant. "Enfin, jusqu'à ce qu'il leur marche sur les pieds !"
Son interlocuteur lécha sa cuillère consciencieusement.
- C'est le désavantage quand tu restes collé au plancher, remarqua-t-il. "Mais à quinze centimètres du sol, tu n'as plus ce problème. Bon, tu en as d'autres : si tu perds ta concentration, ta cavalière risque de faire une chute infortunée et y'a des chances pour qu'elle t'en veuille encore plus !"
- Tu m'étonnes, s'écria Steve. "Mais quand même, ça doit sérieusement les emballer quand c'est réussi… la vache, j'aimerai pouvoir faire un truc comme ça… je suis encore plus mauvais danseur que Bucky."
Il eut une petite grimace ironique, avec un geste vague vers son torse maigre et ses bras en cure-dents.
- Bon, je suppose que ce n'est pas la seule chose qui m'empêche d'avoir une petite amie… aucune chance que la magie puisse remédier à ça, par hasard ?
- Temporairement, peut-être, dit le jeune sorcier, l'air d'y réfléchir sérieusement. "Ou avec des effets secondaires désastreux. C'est le genre de trucs que mes grands oncles auraient pu inventer, tiens : la potion qui te transforme en Rambo le temps d'un rencard, mais qui te laisse aussi faible qu'un mollusque pour le reste de la semaine. Je crois que ça les aurait fait beaucoup rire !"
- Je vais me rabattre sur un scientifique fou, dit Steve en riant. "Plus fiable et moins versé dans les leçons de morale."
- Sinon tu peux aussi essayer un truc à la Saxon, en puisant dans les recoins plus glauques de la Magie Noire, mais si j'étais toi, j'éviterais… tu risquerais de perdre ton âme dans la foulée.
Steve frissonna.
- Je crois que je préfère cent fois rester rastacouère plutôt que perdre mon âme.
- De toute façon, vu comme tu y travailles, je parie qu'à trente ans, tu seras quatre fois plus musclé que n'importe qui. Quand j'ai commencé à m'entraîner, je n'étais pas bien plus épais que toi, tu sais…
- Je crois que je devrais être vexé, rigola le blond de Brooklyn. "Tu n'avais pas, genre, quatorze ans ?"
- Quinze, rectifia Arthur.
Il s'aperçut qu'il avait fait tomber des pépites de chocolat sur le A vert tricoté sur son pull noir et il les récupéra soigneusement avant de nettoyer la tache d'un rapide "recurvite". Steve le regarda faire, amusé.
- Je voulais te demander : combien t'as de pulls comme ça, exactement ? demanda-t-il. "T'as acheté tout le stock du magasin ?"
Arthur eut un petit mouvement d'épaules, comme s'il ne fallait pas attacher d'importance à ce qu'il disait, mais un nuage de tristesse passa dans ses yeux malgré lui.
- Ce ne sont pas les miens, en fait, dit-il en tripotant un fil lâche dans sa manche. "Mon arrière-grand-mère les avait tricotés pour mon père. Il s'appelait Albus, d'où le A. Elle en faisait un chaque année à Noël pour chacun des membres de sa famille, c'était la tradition. Mais le temps que j'ai l'âge d'aller à Poudlard, elle était devenue trop âgée pour tenir ses aiguilles."
Il releva la tête et sourit, sans vraiment réussir à cacher son émotion.
- Mon père avait un peu la même carrure que moi, quand il avait mon âge. Et il n'a pas trop usé ses affaires, il était souvent malade…
Steve avait parfaitement remarqué le changement d'expression et il hocha la tête, avec un geste très naturel, très simple, pour tapoter l'épaule de son ami.
- Quand est-ce qu'il vous a quittés ? demanda-t-il doucement.
- Il y a douze ans, marmonna Arthur.
- Quand tu avais quinze ans… réalisa Steve.
Il avait pensé à haute voix et s'en voulut, inspira profondément.
- Je suis sûr qu'il est fier de toi.
- J'espère, dit Arthur sombrement. "Mais la guerre n'est pas terminée – elle n'a même pas vraiment commencé. J'espère que je serais à la hauteur quand mon tour viendra de faire honneur au nom des Potter."
Steve Rogers ne pouvait pas comprendre ce que cette dernière phrase signifiait réellement, aussi il la prit comme n'importe qui d'autre l'aurait fait et serra encore l'épaule de son ami avec sympathie. Ils restèrent un moment silencieux, dans le brouhaha joyeux de la fête autour d'eux. Ils n'étaient pas les seuls à vivre un de ces moments où la musique semblait s'assourdir pour laisser place à l'étreinte humide de souvenirs qui refluaient. Ici, là, quelqu'un essuyait rapidement une larme, s'isolait sur un prétexte quelconque pour quelques instants ou serrait brièvement les poings.
Noël avait un goût amer pour beaucoup de gens, cette année. Séparés de leurs familles, sans nouvelles de leurs proches, ayant perdu des êtres aimés dans des circonstances atroces, regrettant des choix qu'ils ne pouvaient avouer à personne, incapables d'offrir à leurs enfants le bonheur que ceux-ci méritaient plus que jamais… les réfugiés étaient reconnaissants de cet intervalle de fête inhabituel dans leur quotidien morose, mais ils se sentaient aussi encore plus seuls, encore plus désespérés, encore plus loin du bout de ce tunnel.
- On devrait chanter tous ensemble, dit Steve soudain. "Danser et écouter de la musique, c'est bien, mais chanter donne un sentiment d'unité aux gens. Ça fait circuler de l'oxygène dans le corps et ça réchauffe, ça donne du cœur au ventre."
- Tu parles comme un vieux, Rogers, grommela Arthur en pinçant l'arête de son nez. "Et qu'est-ce que tu voudrais leur faire chanter ? Un cantique ? Jamais assez ? Vieux Voyageur ? Ils sont dans le thème."
- Pas quelque chose d'aussi solennel, non, tu les ferais encore plus pleurer. Mais une bonne rengaine, un truc du style marche scoute ou une de ces chansons sur lesquelles c'est sympa de se casser la voix… Libérée, Délivrée, le Porte-bannière étoilé, Debout les gars, je ne sais pas, moi. Juste quelque chose pour qu'ils braillent ensemble et trouvent la force d'avancer.
Le jeune sorcier pouffa de rire, malgré le mal de tête que la glace et le brouhaha constant faisaient grandir sous ses tempes.
- Vous êtes trop bizarres, les Américains.
- S'il te plaît, c'est les Anglais qui ont inventé les scouts.
Des éclats de voix interrompirent leurs plaisanteries. Ils se retournèrent, curieux. Steve se haussa légèrement sur son fauteuil de jardin en s'appuyant sur l'accoudoir. Autour d'eux, plusieurs autres personnes cherchaient aussi à comprendre ce qui se passait.
- Il y a eu un accident ? demanda Arthur en plissant les yeux.
Cette migraine, décidément, s'annonçait particulièrement vicieuse.
- Je ne vois rien, marmonna Steve. "Peut-être qu'un des nouveaux a juste aperçu un sombral…"
Bucky vint les rejoindre. Il avait un drôle d'air.
- Il y a un truc avec les étoiles, dit-il d'un ton un peu haletant. "Vous devriez venir voir ça."
Steve se leva aussitôt pour le suivre, puis se ravisa après avoir jeté un coup d'œil en arrière et se pencha vers Arthur qui compressait maintenant son crâne des deux mains.
- Hé, ça va, mec ? Tu n'as pas l'air dans ton assiette…
Euphrosine se fraya un passage parmi les gens de plus en plus nombreux qui se rassemblaient hors du hangar, la tête levée vers le ciel avec inquiétude.
- Art', viens voir ! s'écria-t-elle. "Il se passe quelque chose, ce n'est pas normal !"
Elle s'arrêta net en découvrant son frère très pâle, les bras croisés sur l'estomac et la bouche résolument pincée.
- Je crois qu'il va vomir, dit Bucky en repoussant machinalement en arrière sa frange un peu trop longue, en faisant un pas de côté comme s'il craignait un peu pour ses pataugas.
Steve passait sa main en mouvements circulaires dans le dos d'Arthur.
- Je t'avais dit que tu aurais dû t'arrêter après la deuxième glace… marmonnait-il d'un air sincèrement navré.
- C'est pas quelque chose que j'ai mangé, articula le Traqueur d'une voix rauque.
Son front ruisselait de sueur, à présent. Il leva ses yeux verts brouillés vers sa sœur, avala difficilement sa salive.
- Ce sont les tambours. Ils sont plus forts que jamais… C'est comme si… comme s'ils l'attaquaient.
Les yeux gris d'Euphrosine se dilatèrent un instant, épouvantés, puis elle fit volte-face.
- Je vais chercher Zach.
- C'est trop tard, dit la voix sombre de celui-ci à ce moment-là. "Les étoiles s'éteignent une par une. Hafgan arrive."
Steve et Bucky échangèrent un regard stupéfait, mais avant qu'ils ne puissent réagir, de nouveaux cris éclatèrent, effrayés.
- Vite ! ordonna Zach. "Nous n'avons que très peu de temps. Aidez-moi à l'emmener dehors."
Steve et Euphrosine passèrent chacun un bras d'Arthur sur leurs épaules et Barnes leur ouvrit le passage d'une épaule décidée.
Il faisait froid, soudain. Très froid, trop froid – comme si la température avait chuté drastiquement en quelques secondes. Les haleines des centaines de gens rassemblés autour du hangar se condensaient en petits nuages bleutés tandis qu'ils scrutaient tous le ciel, dans lequel les étoiles disparaissaient les unes après les autres, comme si le néant les engloutissait.
- Qu'est-ce qui se passe ? C'est une éclipse lunaire ? Des Détraqueurs ?
Des questions angoissées fusaient de toutes parts. Les mères rappelaient anxieusement leurs enfants, quelques personnes prenaient des photos, beaucoup de sorciers avaient sorti leurs baguettes, certains No-maj armaient leurs pistolets. Les sang-mêlés et les créatures grondaient et frissonnaient, incapables de cacher leur peur.
Jax Casburgot et Mustang étaient dehors eux-aussi, les sourcils froncés, hésitants. Au-dessus de leurs têtes, les deux dernières étoiles encore éclairées vacillaient faiblement, l'une plus vive que l'autre.
- C'est l'Etoile du Berger, dit un moldu en comparant la voûte aussi noire et opaque qu'une chape d'encre avec l'écran de son téléphone, sur lequel s'affichait une carte des constellations.
- Bien sûr que c'est l'Etoile du Berger, siffla Zach en passant à côté. "C'est notre dernier rempart. S'il tombe, plus rien ne nous protègera."
Plusieurs caisses de boîtes de crabe en conserve étaient entassées près de la cuisine. Il grimpa d'un bond au sommet de la pile et tapa dans ses mains, puis cala sa baguette contre sa gorge pour amplifier sa voix.
- Votre attention, s'il vous plaît ! Dans quelques minutes, ce sera officiellement la fin du monde, sauf si vous m'écoutez et que vous gardez votre calme.
Soit c'était que les gens étaient trop stupéfaits pour céder à la panique, soit il y avait quelque chose de magnétique dans sa voix, mais la foule s'immobilisa et se tint coite. Jax jeta un coup d'œil incrédule à Mustang qui lui fit signe de ne pas intervenir.
- Arthur Potter est le seul à pouvoir nous sauver, mais comme vous pouvez le voir, il est en train d'endurer de plein fouet l'attaque de l'ennemi. Ne vous leurrez pas, s'il meurt, ce sera pour nous ensuite.
Les gens cherchèrent du regard le Traqueur et se mirent à chuchoter en le voyant soutenu par sa sœur, livide. Personne ne comprenait rien, mais le ton autoritaire de Zach les subjuguait tous.
- Il faut agir immédiatement si nous voulons protéger le camp. Nous avons besoin de six volontaires… toujours pareil, voyons… les représentants de trois générations, un chevalier, quelqu'un sans pouvoir magique et une créature, pour prêter allégeance au Roi.
Il pointa du doigt vers les deux étoiles, ses yeux bleus étincelants comme deux saphirs.
- La force vitale d'Arthur est directement liée à la protection magique qui veille sur vous depuis des siècles. Si vous lui rendez sa couronne, le passage vers le Voile ne pourra jamais être complètement ouvert tant qu'il sera envie et Hafgan restera bloqué dans les Terres des Ténèbres.
Il marqua une pause, puis soupira.
- Okay, laissez-moi dire ça autrement, reprit-il d'un ton frustré. "Votre président, Harold Saxon, est littéralement en train d'ouvrir les portes de l'enfer et si on ne fait pas quelque chose là, tout de suite, la seule personne qui peut l'en empêcher va disparaître."
Jax Casburgot échangea à nouveau un regard avec Mustang, cette fois avec l'air désespéré de quelqu'un qui a remis sa vie entre les mains d'un idiot. Mais il y eut un mouvement dans la foule et Constantin Morave s'avança résolument, son poil gris brillant sous la lueur argentée des deux dernières étoiles.
- Je vais tenir la place de la créature, dit-il.
Et il alluma une cigarette sous le regard humide de reconnaissance d'Euphrosine, tandis que Zach sautait de ses caisses.
Hermione et Wendy esquissèrent un geste en même temps, mais il secoua la tête sombrement, avec un bref coup d'œil en direction d'Euphrosine. Scorpius, très sombre, inclina le menton et retint aussi Drago qui n'écoutait pas son elfe pendu aux basques de sa redingote.
- Je n'ai aucun pouvoir, commença Steve Rogers qui soutenait toujours Arthur, les genoux ployant sous la charge. "Je peux p't-être..."
- Merci, mais je t'avais déjà compté, chevalier, interrompit Zach, jetant sa phrase distraitement par-dessus son épaule, scrutant sans pitié les gens qui recroquevillaient la tête dans leurs épaules, tandis que derrière lui, Steve articulait "chevalier" d'un air ahuri.
McCoy, le médicomage principal, se moucha d'un air résolu, puis s'avança à son tour.
- Je peux être une des générations, je suppose, hasarda-t-il.
Joana Gorwitz leva une main tremblotante.
- Je peux en faire une autre dans ce cas, dit-elle timidement. "Je suis plutôt résistante à la douleur, s'il le faut, mais… euh… C'est sans danger ? Je ne veux pas laisser mes garçons tous seuls…"
Zach eut un bref sourire sans joie.
- Ce sera moins dangereux que d'aller voter et ça fera moins mal que de se faire vacciner.
Bucky Barnes repoussa gentiment la maman d'Asher et Michael vers eux, mais avant qu'il ne puisse prendre sa place, 'Bill' Potts avait retiré son tablier, embrassé fougueusement Billie Drake et s'était portée volontaire.
Zach acquiesça avec un sourire.
John Tanner s'extirpa de la foule et adressa un signe à l'ancien stagiaire de la Bibliothèque qui secoua la tête.
- Non, pas toi, déjà couvert…
Il aperçut le gros Irlandais qui avait enlevé son chapeau melon pour éponger son front en sueur et son regard s'éclaira.
- Ah, vous, pour le No-maj.
L'homme au tailleur aussi bleu que ses yeux jeta un regard interloqué autour de lui, se désigna pour s'assurer qu'on s'adressait bien à lui, puis rejoignit le petit groupe rassemblé autour d'Arthur qui respirait lourdement, les narines pincées, le visage couleur de cendre. Les jambes du Traqueur ne le portaient plus et il se serait effondré si sa sœur et Steve ne l'avaient pas tenu étroitement.
- Voyons… la dernière pièce… la troisième génération. Vous n'avez pas besoin d'être de la même famille, juste dans les âges approximatifs… marmonna Zach, calculant anxieusement. "Il nous manque… voyons, McCoy, passé, madame pour présent… il nous manque futur et il ou elle ne peut pas être trop âgé… Il nous manque un enfant."
La plus petite des deux étoiles vacilla et s'éteignit. Plusieurs exclamations épouvantées retentirent, tandis que la dernière lumière qui brillait dans le ciel s'assombrissait encore, jetant faiblement son éclat comme une luciole sur le point de mourir.
Arthur eut un haut-le-cœur. Il se mit à tousser, pressant une main sur sa bouche. Quand il la retira, ceux qui étaient près de lui s'aperçurent qu'il avait du sang partout sur le visage. A côté de lui, Euphrosine chancela soudain et ils faillirent tomber tous les deux, quand Steve plia sous ce double poids trop important pour sa maigre constitution. Bucky prit sa place, tandis que McCoy attrapait la jeune femme par le bras.
- Je ne sais pas ce qu'il a, lui, je suppose que c'est bien au-delà de mes compétences, mais toi… qu'est-ce qui t'arrive, ma petite ? Je te connaissais des nerfs plus solides…"
Euphrosine lâcha un petit rire étranglé. Elle enleva ses lunettes rondes, massa ses paupières, puis pencha la tête de côté pour regarder le médicomage qui était légèrement plus petit qu'elle. Elle était blanche comme un linge et ses yeux gris immenses scintillaient comme le reflet d'une rivière d'argent.
- Vous racontez des tas de trucs aux gens sur votre voyage vers la Lune, mais vous avez oublié où se trouve la porte du Pays Imaginaire, Doc ? murmura-t-elle.
McCoy frissonna en se souvenant du serment inviolable que Scorpius Malefoy l'avait obligé à faire en Antarctique, pendant la pire nuit de sa carrière, mais avant qu'il ne puisse répliquer, quelqu'un jaillit de la foule comme un bouchon de champagne et se précipita vers Zach.
- Moi aussi, je veux aider !
Jack Tanner tressaillit et s'élança pour s'interposer.
- Non ! Ce n'est qu'une môme, elle ne sait pas à quoi elle s'engage, protesta-t-il.
Zach secoua la tête.
- Oh, je crois qu'elle sait exactement pourquoi elle veut faire ça, dit-il doucement, en prenant la main de Jessica Dawson.
- Il m'a sauvé la vie, dit la fillette en levant ses grands yeux sombres vers le policier.
- Je sais, soupira Jack Tanner. "Mais il ne l'a pas fait pour que tu risques la tienne pour le sauver à son tour."
Jessica Dawson haussa ses fières petites épaules.
- Je veux quand même le faire, dit-elle fermement.
Zach l'amena vers les autres, puis il disposa les six volontaires de façon à former un hexagramme et leur piqua à chacun le bout du doigt avec un aiguille – six gouttes de sang tombèrent dans la neige, l'éclaboussant comme de minuscules fleurs écarlates. Il renvoya Bucky Barnes avec le reste des spectateurs, aida Euphrosine à soutenir son frère jusqu'au milieu de la figure, chuchota quelques mots à l'oreille du Traqueur, puis remonta sur ses caisses.
Au-dessus d'eux, l'Etoile du Berger était de moins en moins visible, comme un diamant en train de sombrer dans l'océan, et les réfugiés retenaient leur souffle.
- Nous y sommes presque, dit Zach. "Je n'ai pas le temps de vous apprendre à chacun ce qu'il faudra dire, alors je vais l'écrire là (il fit un geste vague en direction du ciel d'un noir d'encre) et vous n'aurez qu'à le lire."
Il marqua un temps d'arrêt et fronça les sourcils, fixant Jessica Dawson qui mit les poings sur ses hanches et lança d'un ton offensé : " Je sais lire !" puis il leva sa baguette et prononça l'incantation pour laquelle l'Ordre du Phoenix l'avait préparé pendant des années.
Un frisson courut dans la vallée recouverte de neige, soulevant un nuage de poudreuse qui retomba lentement sous la voûte sombre, comme s'ils étaient tous, à cet instant, perdus très loin dans l'espace, sur la surface crevassée d'une lune oubliée.
Zach articulait sans arrêter, le visage crispé par la concentration, mais ils n'entendaient rien.
Des filaments dorés vinrent s'entrelacer autour des six volontaires, jusqu'à ce qu'ils soient tous liés les uns aux autres. Puis les mots dansèrent autour d'eux et ils les répétèrent – pas seulement eux, mais aussi les centaines d'autres qui les entouraient, dans un chuchotement fervent, irrépressible, comme s'ils avaient tous besoin de s'approprier ce talisman, de prononcer cette promesse.
- Ceci est le premier jour de notre serment… la couronne que nous choisissons appartient à Celui qui fut et qui vient… Au service les uns des autres, nous trouverons la liberté... Que nous soit conféré la sagesse de percevoir ce qui est juste, la volonté de le choisir et la force de le défendre en toutes circonstances… et que jusqu'au dernier jour nous soyons fidèles…"
Steve Rogers avait fermé les yeux sans s'en apercevoir, d'instinct retrouvant les phrases qu'un autre lui-même avait prononcées très longtemps auparavant, et il fut le seul à ajouter à mi-voix, les paupières brûlantes de larmes : "à la vie, à la mort, à nos frères et au roi".
Quand il rouvrit les yeux, Arthur était debout au centre de la formation, seul. Sa sœur avait reculé de quelques pas derrière lui. Il se tenait très droit et il y avait dans son regard vert un étrange mélange de fierté, de tristesse, de férocité redoutable et de tendresse infinie.
Il ne dit qu'un mot.
- Adfero.
Au même instant, au-dessus de leurs têtes, l'Etoile du Berger s'éteignit complètement.
Euphrosine sentit alors la même magie puissante qui avait implosé à l'intérieur d'elle-même douze ans auparavant, quand son frère avait désactivé la Trace, gonfler très haut puis exploser, irradiant à des miles à la ronde comme une vague de chaleur – avant de revenir droit sur Arthur, comme une comète, et de s'enfoncer dans sa poitrine, le faisant tituber en arrière sous la violence du choc.
La lumière qui les avait éblouis s'éteignit brutalement et ils se retrouvèrent dans le noir, haletants, accroupis pour la plupart, certains jetés à terre, beaucoup en train de tendre les bras instinctivement pour protéger les enfants et les vieillards. Derrière eux, les ampoules colorées des guirlandes éclatèrent en pétaradant le long des lignes et le générateur de fulgurite tressauta, lâchant brusquement une bouffée de fumée à l'odeur d'œuf pourri, et provoquant de nouveaux cris de frayeur.
Puis tout redevint calme.
Il n'y avait plus une seule étoile sous la voûte céleste et le hangar illuminé par les braseros semblait curieusement isolé, au sommet de la butte, avec les allées de neige foulée qui s'enfonçaient dans l'obscurité. On devinait à peine les barrières de l'enclos des Falthiers et les tentes les plus proches.
Euphrosine se redressa, les oreilles bourdonnantes. Elle était assise sur le sol glacé, étourdie, et le bout de ses cheveux électrifiés crépitait encore d'énergie. Son cœur battait à tout rompre, mais elle n'avait plus peur.
Le vide brumeux dans lequel elle avait été près de sombrer avait disparu de sa tête et ses pensées lui appartenaient à nouveau. C'était comme si, à l'intérieur de son esprit, brûlait à présent une grande porte de feu qui gardait à distance les murmures inquiétants du Voile.
Zach la hissa sur ses pieds, mais elle ne lui prêta aucune attention. Elle cherchait son frère des yeux, le trouva à quelques mètres d'elle, en train de se relever avec l'aide de Steve Rogers qui lui tendait la main. Il secouait un peu la tête, pour terminer de se débarrasser d'un vertige. Les manches de sa chemise en lambeaux lui pendaient sur les bras, son pull avait été complètement carbonisé, son jean était noir de suie, quelques braises grésillaient encore dans sa tignasse et son visage était toujours maculé de traces rougeâtres par le saignement de nez qu'il avait essuyé vaguement un peu plus tôt, mais il ne semblait pas blessé, à part pour la marque de brûlure en forme d'étoile qui s'étalait maintenant sur son torse nu, déjà brune comme si elle était aussi ancienne que les cicatrices laissées par le combat contre l'Evideur.
Il souriait et il serra spontanément Steve Rogers dans ses bras, comme un vieux camarade retrouvé après une longue absence. Le petit blond maigrichon lui rendit son étreinte avec chaleur, bien qu'un peu surpris, puis il recula, ôta le blouson d'aviateur qu'il portait et le tendit au Traqueur.
- Le look Superman, c'est sympa, mais pas vraiment recommandé en cette saison, mec. Tu vas attraper la mort, dit-il.
Quelque chose passa sur le visage d'Arthur, une expression de déception ou de détresse si rapide que personne ne la vit, à part sa sœur dont la gorge se serra malgré elle, et il accepta le blouson de cuir, l'enfila en faisant craquer un peu les coutures, mais cessa de sourire.
Ses yeux verts parcoururent la foule silencieuse autour de lui, les volontaires encore un peu hébétés, les créatures nerveuses qui semblaient prêtes à s'enfuir, les enfants aux yeux remplis d'attente, les femmes inquiètes, les hommes partagés entre l'envie de croire et la méfiance – les sang-mêlés, les moldus et les sorciers, tous ces gens qui attendaient anxieusement qu'il parle ou fasse un geste.
Son cœur se gonfla d'amour pour eux sous l'étoile encore chaude et les siècles de solitude endurés pour les protéger lui semblèrent soudain insignifiants. Il recommencerait, s'il le fallait.
- Arthur ? dit une voix incertaine à côté de lui.
Il ne répondit pas. Une main frôla sa manche, tandis que l'intonation se faisait suppliante, dans un souffle :
- Artos ?
Il prit une longue inspiration pour mieux se blinder contre ses émotions et fit un pas en avant.
- Au travail, lança-t-il. "Il n'y a pas de temps à perdre. La Nuit Eternelle a commencé, ce qui veut dire que le premier combat que nous aurons à livrer sera contre les échos des dix mille âmes sacrifiées pour ouvrir cette brèche. Elles seront enragées, désespérées et vous ne voudrez rien d'autre qu'avoir pitié d'elles. Nous allons barricader ces lieux et installer un filet avec un couloir au bout duquel le Passeur pourra les envoyer vers la Rivière. Préparez-vous ! Ce sera une rude bataille, mais nous pouvons l'emporter."
Il passa en revue les réfugiés en face de lui – c'était comme s'il cherchait leurs noms dans sa mémoire, mais qu'il ne les reconnaissait plus vraiment – puis désigna une dizaine de personnes pour diriger des groupes d'actions, répartit les tâches en quelques phrases brèves, s'adressa aux femmes et aux enfants en termes bienveillants mais qui ne laissaient aucune place à la discussion et dispersa enfin la foule subjuguée.
Alors seulement il retourna à la tente du QG et fit face à ceux qui l'avaient attendu.
Près de la cheminée, Drago Malefoy se tenait derrière Scorpius, une main sur l'épaule de son fils qui était très pâle. Hermione s'appuyait sur le bras d'Euphrosine, la respiration tremblante. Les yeux gris de la jeune sorcière ne quittaient pas son frère. Wendy était au centre du tapis, frissonnante malgré les flammes qui jetaient leurs ombres chaudes dans la pièce, serrant contre son cœur un autre pull d'Albus, une chemise propre, qu'elle tendit silencieusement à son fils.
Mustang voulait la laisser parler, la laisser pleurer et réclamer, mais il n'avait pas le choix. Il savait très bien que dans quelques minutes ils seraient à nouveau interrompus, que quelqu'un aurait besoin de précisions, de donner un message, de simplement lâcher un commentaire qui bouillonnait en lui.
Et Arthur devrait se rendre disponible. Arthur allait se rendre disponible. Il n'était plus à eux, plus maintenant. Il était à tous.
- Que leur dirons-nous quand ils demanderont pourquoi nous ne sommes pas intervenus plus tôt ? demanda-t-il. "Quand ils diront que nous aurions pu empêcher ces dix mille sacrifices si nous savions que c'était le but d'Harold Saxon ?"
Ce n'était pas un reproche, c'était une simple question. Jax Casburgot serait bientôt de retour et il aurait encore plus de mal que son homologue à accepter la situation.
- Nous leur dirons la vérité, dit Arthur qui terminait d'enfiler son pull. "Qu'il fallait que l'ancienne magie soit détruite complètement si vous voulions pouvoir les protéger. Que la première bataille devait être perdue pour que nous puissions gagner la guerre."
- La Trace n'existe plus et personne ne peut transplaner à présent, expliqua sombrement Zach. "Plus personne, nulle part sur la surface de la planète. Tant que la vieille protection subsistait, chaque fois que quelqu'un glissait à la frontière de plus en plus fragile du Voile, le risque demeurait que les voyageurs soient happés par Hafgan. A présent c'est impossible. La bataille ne pourra se tenir que d'un seul côté et nous aurons l'avantage."
- Mais tous les gens qui comptaient sur cela pour rentrer chez eux ou pour fuir… bégaya Hermione.
- Ils devront recourir aux mêmes méthodes que les Moldus. C'est le prix à payer pour que des milliers d'autres ne se perdent pas, pour que les enfants de la Terre ne soient pas engloutis par les Mangeurs d'Ombres, dit sèchement Arthur. "Vous savez le sort qui attend ceux dont l'ombre est dévorée. Expliquez-le à ceux qui l'ignorent."
Drago ferma un instant les yeux, comme pour ne pas voir devant lui la silhouette du Détraqueur enfermé au pied de la Tour Ecarlate.
- Demain, le soleil ne se lèvera pas, continua le jeune homme. "Nous devons savoir comment Harold Saxon présentera la situation au reste du monde. Cela influencera nos décisions. Une grande partie de notre travail consistera à contrer l'emprise des tambours sur tous ceux qui sont là-dehors."
Il se tourna vers Scorpius.
- Quand pourrez-vous être prêts ?
Le parrain d'Arthur avala sa salive. Il fit un mouvement vers Wendy, puis se ravisa.
- Aussitôt que possible, dit-il d'un ton rauque.
Un éclair de contrariété passa dans les yeux verts, mais avant qu'Euphrosine ne puisse riposter vertement, le cœur transpercé de voir son père baisser le regard devant comme s'il n'était pas assez bon, pas assez courageux ou pas assez impliqué, Wendy fit un pas en avant, frémissante.
- Est-ce qu'il est toujours là ? demanda-t-elle dans un souffle. "Mon fils. Est-ce qu'il est toujours là, quelque part ? Ou n'y-a-t-il plus que vous ?"
Euphrosine détourna le regard, la gorge obstruée. Mustang retint son souffle. Drago crispa ses longs doigts osseux sur sa canne.
Le roi regarda enfin en face la femme suppliante qu'il avait délibérément ignorée jusqu'ici et il resta un moment silencieux. Puis il laissa échapper un soupir et ses longs cils frémirent imperceptiblement.
- Je suis là, maman, dit-il enfin.
Un sanglot s'étrangla dans la gorge de Wendy et un sourire cassé tenta de s'accrocher sur son visage, sans y parvenir, tandis que des larmes débordaient sur ses joues. Elle se mordit les lèvres, enroula ses bras autour d'elle comme si elle avait froid ou mal. Tout son corps tremblait.
- Je suis désolée, balbutia-t-elle. "Je suis désolée. Je suis vraiment désolée, Arthur. Je suis désolée, désolée, désolée…"
Il s'approcha, la prit délicatement par les épaules, pencha la tête de côté pour la regarder dans les yeux. Elle hoqueta.
- Je suis là. Je serai toujours là. C'est ce que je dois faire, maman. C'est pour ça que je suis né.
- Non, bredouilla Wendy. "Non, tu n'es pas né pour ça. Tu es né seulement parce qu'on s'aimait... C'est ma faute. Je n'aurais jamais dû… j'aurais dû écouter Scorpius, j'aurais dû laisser partir ton père comme il me l'avait demandé…"
Il l'enlaça, caressa ses cheveux, la tint embrassée, étouffant contre son épaule les sanglots irrépressibles qui la secouaient.
- Tout ira bien, murmura-t-il. "Tout ira bien."
Et c'était exactement le ton qu'Albus aurait employé, c'était sa chaleur, sa douceur… mais les yeux verts qui se levèrent quand Jax Casburgot entra sous la tente étaient ceux d'Artos.
- Je ne veux pas déranger, mais on a une guerre à mener, dit le colonel d'un ton trainant dans lequel il y avait un certain défi. "Et j'aimerais bien qu'on me mette au clair sur la chaîne de commande et sur cette histoire de Voile."
Arthur confia sa mère à Euphrosine qui emmena celle-ci, trop épuisée pour protester, hors de la tente, puis il regarda Casburgot de haut en bas d'un air sévère, comme s'il le voyait pour la première fois. Son visage finit par s'éclairer et il eut un petit haut-le-corps heureux, comme s'il était sur le point de donner une claque sur l'épaule du nouveau venu.
- Oh, dit-il avec un sourire chaleureux qui tordit le cœur de Zach. "J'aurais dû me douter que je te retrouverais ici. Bon travail, Gauvain."
Jax toussota, incertain, et se tourna vers Mustang qui semblait atterré et ne réagit pas.
- Euh… ça va, mon garçon ? Rude soirée, hein. T'as bien mérité un peu de repos. On va prendre le relais.
Le regard d'Arthur se troubla. Il serra les poings, ravalant la déception qu'il n'avait pas pu cacher cette fois, puis son regard étincela et il se redressa, remplissant la pièce de sa présence impérieuse.
- Nous ne nous connaissons pas, visiblement, dit-il d'un ton glacé. "Cessez ces familiarités. Vous m'appellerez Votre Majesté et vous me montrerez le respect que vous devez à un officier supérieur."
Hermione étouffa un petit couinement et recula, les mains pressées sur sa bouche. Scorpius fit volte-face avec un geste haché pour repousser en arrière ses longs cheveux blancs et alla se réfugier dans le coin le plus sombre de la pièce, où Drago se hâta d'aller le rejoindre.
Casburgot faillit s'étrangler, mais avant qu'il ne puisse répliquer, Zach fit un geste : une espèce de brume jaunâtre s'enroula au milieu de la pièce et des silhouettes, des paysages s'y dessinèrent à l'encre claire au fur et à mesure qu'il parlait.
- Voici une représentation incomplète de ce qu'est le Voile, dit le sorcier. "J'ai employé le mot enfer tout à l'heure, faute de meilleur mot, mais le Voile n'est pas la destination définitive des âmes qui la traversent. Une meilleure description serait de dire qu'il s'agit d'une bande de brouillard qui sépare notre monde du prochain."
Des canyons escarpés dont s'échappaient des fumerolles noires et des montagnes déchiquetées se dressaient dans la brume.
- Des tas de choses naissent dans le Voile ou y échouent, faute d'ancrage dans la réalité : des rêves inachevés, des désirs inassouvis, des regrets inavouables. Tout ce qui ne peut pas traverser la Rivière y reste prisonnier et ceux qui y pénètrent en transgressant les lois immuables de la magie sont condamnés à y demeurer, pour toujours spectateurs.
- Les Evideurs, souffla Mustang.
Zach se racla la gorge. Il jeta un coup d'œil en direction d'Arthur qui n'avait pas réagi, l'air sinistre à la lueur du feu, et il poussa un soupir avant de reprendre.
- Hafgan est le produit d'une telle expérience – une créature née dans l'horreur, le désespoir et la rancœur, nourrie par la haine, l'hypocrisie, la cruauté et la violence qui sont déversées dans le Voile chaque fois que les hommes s'abandonnent à leurs pires instincts. Il a développé une conscience et croit qu'il pourrait franchir la Rivière s'il s'emparait de la Réalité.
Il fit disparaitre la brume et humecta ses lèvres.
- La bonne nouvelle, c'est qu'il n'y a pas que des choses horribles dans le Voile.
- Oh vraiment ? Tu vendais ça plutôt bien, pourtant, grinça Jax d'une voix railleuse, croisant les bras pour mieux carrer ses épaules qui étaient en train de s'affaisser.
Mustang pinça l'arête de son nez et fit signe à Zach de continuer.
- Ce que les sorciers appellent un patronus – la forme la plus pure et la plus belle de la magie – nos souvenirs les plus précieux, tissés par l'espoir, le courage, l'humilité, l'amour, l'abnégation… existent aussi dans le Voile et l'imagination des enfants le peuple quand ils s'endorment.
- Je n'aurais pas appelé ça une bonne nouvelle, grogna Casburgot.
- ç'en est une parce qu'un enfant qui se sent en sécurité, un enfant qui est aimé, revient toujours dans sa chambre après avoir été au Pays Imaginaire, expliqua Zach. "Le Voile est un dédale de cauchemars dans lequel ils sont les seuls à pouvoir retrouver leur chemin…"
Il avala avec difficulté sa salive.
- Sauf s'ils y sont happés à leur insu. C'est pour cela que la Trace a été créée. Pour les empêcher d'y glisser par accident... On risque bien plus grave que d'être simplement désartibulé en transplanant. On risque de perdre son âme.
- C'est une bonne chose alors qu'on ne puisse plus le faire, dit la voix sombre de Constantin Morave qui venait d'entrer dans la tente.
Le tigre et Remus Lupin pointèrent tous les deux leurs têtes derrière lui, un peu intimidés.
- Les sang-mêlés ont reçus leurs instructions. Fezzik gère les questions, dit le loup-garou. "Si ça ne vous ennuie pas, j'aimerais mettre ces deux-là au lit. Je sais que c'est Noël, mais il est plus de minuit, l'heure de les coucher est passée depuis longtemps."
Zach hocha vivement la tête.
- Oui bien sûr. On, euh… désolé, on a squatté ici, mais on peut aller dans la Coccinelle.
- A partir de maintenant, si Euphrosine ou sa mère peuvent bricoler un passage entre la voiture et le QG, je pense que ce serait mieux que les gens puissent trouver Arthur ici, intervint Mustang.
Jax Casburgot opina.
- Je le pense aussi. Ce n'est pas le moment de les embrouiller.
Il lança un regard à Arthur, sembla sur le point de dire quelque chose, puis y renonça.
- Je vais retourner faire un tour du côté du portail, voir comment ça avance. On se retrouve ici dans une heure ?
Constantin Morave fit signe qu'il avait compris, Zach étouffa un bâillement involontaire et leva le pouce, mais Mustang attendit qu'Arthur hoche brièvement le menton pour acquiescer à son tour.
- Dans ce cas, je vais aller voir comment ça avance sur la barricade ouest.
Il recula d'un pas en agrafant le col de son manteau bleu marine, pour laisser passer le loup-garou, le tigre et Remus Lupin qui contemplait Arthur en penchant légèrement la tête de côté, intrigué, comme s'il le trouvait différent de d'habitude, quand le roi parla d'un ton sec :
- Teddy Lupin et sa femme étaient à Sleepy Hollow il y a trois semaines. Que quelqu'un les prévienne et les fasse venir. Quelle que soit la raison pour laquelle vous avez tenu cet enfant séparé de ses parents jusqu'ici, elle n'a plus de raison d'être devant ce qui arrive. Les familles devraient toujours avoir le droit de se dire adieu avant la fin.
Il sortit ensuite pour aller donner d'autres ordres, hâtivement suivi par Zach qui fit apparaitre une longue cape de laine pour l'envelopper, et les colonels, après un bref échange de regards, partirent chacun de leur côté. Morave emmena Remus et le tigre à l'étage. Drago et Scorpius quittèrent aussi la tente, mais Hermione resta transformée en statue de sel, seule au milieu du salon.
Pendant un bref instant, elle avait entendu la voix d'Harry, comme ce jour terrible au 12, square Grimmaurd, où il avait eu le même ton sec et brûlant en ordonnant au professeur Lupin de retourner auprès de sa femme et de son enfant.
Elle tituba, tâtonna pour s'asseoir dans le fauteuil et contempla le feu dans la cheminée, sans sentir les larmes qui coulaient sur ses joues ridées, réalisant soudain que depuis le début, elle avait été là, un témoin inconscient, impuissant, de tout ce qui était en train de se jouer.
Elle avait été là quand Harry avait choisi d'écouter le dragon.
Elle avait été là quand Albus avait combattu le dragon.
Et elle était encore là, maintenant, alors qu'Arthur devenait le dragon.
Le destin maudit des Potter était inextricablement mêlé au sien et elle ne comprenait pas.
Elle était la première personne qu'Harry avait sauvée et la dernière personne qui était resté avec lui dans les heures les plus sombres de la Résistance – et elle était la seule à lui avoir proposé de tout oublier.
Elle n'était pas ici par hasard, mais elle ne savait pas ce qu'elle devait faire.
Ron n'était pas là.
Harry était mort.
Et elle n'était qu'une vieille femme, une très vieille femme, seule, fatiguée et désarmée.
Les flammes dansaient en se reflétant dans ses lunettes en demi-lunes embuées par ses larmes et elle finit par sombrer dans un sommeil agité.
Le lendemain, l'aube ne se vint pas. Mais dans le ciel grisâtre où tourbillonnaient des flocons noirs comme des cendres, une lune rouge énorme, si proche qu'on pouvait en distinguer les crevasses, se leva au-dessus des collines.
A SUIVRE...
Note : pour info, vous pouvez retrouver à la fin de ce même chapitre, mais dans la version en épisode O MES ENFANTS, une liste détaillée des personnages (OC et invités d'autres fandoms) qui font partie de la Résistance, si vous vous sentez un peu submergés par cette foule ^^. Je vous ai mis les chapitres où on les avait vu apparaître la première fois et un petit récap' de qui ils sont !
