Chapitre 43 : Fin d'une chose
Le vendredi tant redouté était enfin arrivé. Je doutais encore de ma décision mais je savais quoi faire à présent. Je ne peux me laisser hanter par mon passé, il faut que j'avance, que j'essaie… au moins tenter cela. Les raisons de ma défection me semblent raisonnables mais mon cœur saigne encore, lui sait ce que j'ignore.
J'attendais Alice et Jasper sur le parking de l'université. Sa voiture jaune pétant était bien trop ostentatoire – les regards qu'elle attirait me rendaient mal à l'aise.
Je regardais mon portable – rien à signaler. Edward devait être dans l'avion. Il le prenait bien trop souvent – par ma faute – et je commençais à m'inquiéter des répercussions climatiques… voyez, je me cherche mille raisons de le quitter.
Le quitter…
Rien que d'y penser j'en frissonnais.
Alice et Jasper arrivèrent quelques secondes plus tard. Ne me lançant pas un regard, elle ouvrit la voiture et se mit au volant.
Je m'installai sur le siège arrière.
Au départ, le trajet se fit silencieux. Je sentais Alice tendue et Jasper lui tenir la main. Elle roulait anormalement vite, prenant des virages secs, soupirant et perdant patience face aux autres usagers. Je n'osais lui parler – elle l'avait pressenti. Je le savais.
Alice n'était pas le genre de personne à qui nous pouvions cacher un secret. Elle connaissait nos émotions mieux que nous-même et comprenait au-delà des mots ce que nous n'osions pas même nous avouer.
Ces capacités extrapersonnelles me faisaient parfois peur – à l'instar de présentement.
J'avoue lui avoir parler de mes doutes quelques heures avant notre départ. Je ne lui avais pas tout dit, cependant, j'avais juste exprimé mon envie de rester seule et de le laisser vivre sa petite vie à New York. C'était elle qui avait posé la question d'ailleurs.
Depuis, elle était muette.
Nous arrivions à Concord lorsqu'elle me lança ses premiers mots.
« Je comprends ta décision mais je ne peux pas dire que je l'accepte, Bella. »
Elle me regardait de ses yeux gris perçants à travers le rétroviseur. Je n'y échapperai pas.
« Mais je comprends. Je te donnerai les clés de la voiture, je suppose que tu n'auras pas envie de rester après… »
Je relevais les yeux, humides, vers les siens. Elle ne me regardait plus, préférant privilégier la route.
Elle me facilitait les choses. Elle voulait m'aider à… quitter son frère, la personne qu'elle aime le plus au monde.
Cette famille sont bien trop bons pour moi, je ne les mérite tellement pas. Raison de plus pour partir…
« J'expliquerai la situation aux autres. »
Elle se gara devant la maison, la voiture garée face au sentier d'où nous revenons afin de me permettre de partir plus rapidement.
Je me sentais tellement mal.
Au moment où elle coupa la moteur, mon téléphone vibra.
Je suis dans la voiture, à tout de suite. E.
Emmett était allé le chercher, il allait arriver dans quelques minutes.
Alice me tendit le bras avec les clés de la voiture, comme promis. Je les pris en main, au bord des larmes devant son regard froid. Elle était tellement déçue, elle qui nous avait déjà vu mariés avec trois enfants et une grande maison…
Je préférais rester dehors, assise sur un rocher devant cette rivière en face de la maison. Le courant était fort et puissant, ce soir-là.
Nous voyions la lune à travers les nuages. Celle-ci éclairait ces moutons de poussières, leur donnant cette impression céleste qu'ils étaient vivants.
Je ne sus combien de temps je restais plantée là mais bientôt j'entendis la voiture se garer devant la maison. Je ne bougeais pourtant pas.
Les portes claquèrent et des pas se dirigèrent vers moi.
C'était le moment.
Une larme coula le long de ma joue et j'étouffais un sanglot.
« Bella ? »
La voix de mon amant, de mon seul et unique amour, de la personne qui a toujours cru en moi et à qui je devais tout se fit entendre.
Une deuxième larme coula le long de ma joue.
Il plaça sa main sur mon épaule.
« Ca ne va pas ? »
Son regard, d'un vert jade absolument magnifique et lumineux grâce à cette atmosphère crépusculaire, était inquiet voire… résigné ? Avait-il déjà compris ?
Je me relevais, lui faisant face. Mes larmes coulaient et étaient inarrêtables le long de mon visage.
Il tenta de les effacées mais je l'en empêchais. Je méritais ce châtiment.
« Je suis désolée… » soufflais-je. « Je… »
Ses épaules s'affaissèrent et son bras tomba le long de son corps. Je n'osais le regarder et sentir la tristesse de son regard.
« Non, ne fais pas ça… »
Ses paroles, ses supplications, n'étaient qu'un murmure. Sa voix tremblait et était empreinte d'un sentiment douloureux fort qui me traversa l'échine.
« Je ne peux pas… te laisser… enfin, je ne peux pas. Il faut que tu vives pleinement ce que tu es en train de vivre, je t'empêche de t'épanouir à New York, tu voudras absolument rentrer pour moi… » pleurais-je. « Edward, je suis sincèrement désolée, je n'en peux plus. »
Mon corps entier tremblait, je pleurais comme une enfant mais mon cœur me faisait souffrir. Ces paroles, c'étaient moi qui les disais mais elles me faisaient tellement souffrir. Tellement de mal. Tellement de peine.
J'avais du mal à respirer, ma poitrine était serrée et parcourue de soubresauts incessants.
« Tu… me quittes ? » me demanda-t-il finalement.
N'osant toujours pas le regarder, mon regard porté sur mes chaussures, j'hochais la tête.
Je l'entendis prendre une grande inspiration, coupée par des pleurs silencieux. Il recula de deux pas avant de porter ses mains dans ses cheveux. Je pouvais le voir se tirer les cheveux, je pouvais voir sa gorge se serrer d'une émotion trop vive, trop perçante, déchirante.
Finalement, il desserra sa prise.
« Je n'aurai jamais dû partir, » finit-il.
« Non ! Je… »
« Je n'aurais jamais dû retourner passer le nouvel an avec mes amis ! J'aurai dû rester avec toi ! »
« Non ! Edward ! Tu ne comprends pas ce que j'ai voulu t'expliquer… »
« Et qu'essaies-tu de m'expliquer, Bella ? Ne m'as-tu jamais aimé ? »
La tristesse d'alors avait fait place à la colère. Très bien, je la méritais. J'avais enfin osé rencontrer ses yeux, deux prunelles vertes dures et figées.
Je ne répondis pas, choquée face à sa réaction et par l'intensité de ses émotions.
« Tu ne m'as jamais aimé… »
« Ce n'est pas vrai, » finis-je par dire.
« Alors, pas autant que je t'aime. »
Un cœur enfermé et emprisonné par une poitrine déjà trop étranglée pouvait-il se briser ? Il semblait que le mien en fut capable.
Sur ce, il me tourna le dos et rentra dans la maison.
Il avait été tellement rapide que je ne l'avais pas vu le faire. Il pensait que je ne l'aimais pas, que je ne l'avais jamais aimé. Rien que cela me rendit encore plus mal.
Combattant mes larmes, je me ruais vers la voiture d'Alice et commençait le chemin de retour vers l'université.
J'allumais le moteur, les mains tremblants, ne sachant exactement ce que je faisais.
Mon corps entier tremblait et ma vision était embrumée par l'humidité de mes larmes fraiches. Ma séparation était difficile, c'était la douleur la plus vive que j'aie eu à connaitre dans ma vie. Pourtant, je savais que c'était la meilleure décision.
Ainsi, il pourrait vivre. Ainsi, il pourrait rester à New York et profiter pleinement de son aventure. Ainsi, je n'aurais plus jamais cet arrière-goût amer en voyant mes amis profiter de leurs amoureux alors que le mien est à des kilomètres de moi.
Ainsi, il aura une chance d'être véritablement heureux et de rencontrer une fille digne de lui.
