Bonsoiiiiir ! La chapitre 47 est déjà là, truc de fou ! J'espère qu'il vous plaira ;) On remercie Titou Douh pour sa correction rapide !
Bonne lecture :)
Chapitre 47 : Audrey Delacour et la potion de vieillissement
- Il ne s'est rien passé, s'indigna Percy.
- Mais tu as dormi chez elle, insista Nil avec un sourire carnassier.
Alice ne disait rien, certainement par égard pour le jeune homme, mais sa compagne parlait pour deux.
- Elle m'a gentiment proposé de passer la nuit, on a dormi à une distance respectable l'un de l'autre...
- Dans le même lit.
- C'est un canapé dépliant.
- Tu ne vas pas me dire que tu as fait le difficile à cause de la couchette, Casanova.
- Je me rends compte que suis montré beaucoup trop gentil quand tu as commencé à fréquenter Alice.
- Donc tu admets que tu fréquentes la Française ? conclut Nil.
Percy se perdit dans la contemplation de son thé. Fréquenter la Française ? Il n'aurait su le dire. C'était la troisième fois qu'ils se voyaient intentionnellement, après s'être rencontrés en mai. La première, ils l'avaient passée en compagnie de Bill et Fleur à la chaumière aux coquillages au cours d'un après-midi pluvieux. Il avait proposé de lui faire visiter les musées de Londres le week-end suivant, et ils s'y étaient tenus malgré le mauvais temps persistant. Une dizaine de jours plus tard, elle l'avait invité en France. Des trois rendez-vous, il avait été le plus intime, mais le Weasley ne mentait pas quand il disait que rien n'était arrivé. Le regrettait-il ? Non, pas spécialement. Il était parfaitement satisfait d'avoir quelqu'un avec qui partager son engouement pour la culture moldue.
Comme elle ne montrait aucune disposition magique, Audrey n'avait jamais été invitée à intégrer Beauxbâtons. Elle avait vécu comme une Moldue la majeure partie de sa vie, en dehors du fait qu'elle possédait une chouette et qu'elle avait suivi des cours de Potions à distance. En outre, elle possédait de solides bases en Astronomie et distinguait sans mal les simples qui entraient dans la confection de ses potions. Sa double culture l'avait dotée d'une nature solitaire dans son enfance : les Sorciers et Sorcières de son âge s'intéressaient peu à une Cracmolle, mais les jeunes Moldus la trouvaient bizarre. Quand bien même elle était parvenue à se fondre dans la masse moldue en grandissant, son besoin de tranquillité avait perduré.
Percy n'avait pas la sensation d'être accompagné lorsqu'il passait du temps avec elle ; il ne se sentait pas seul pour autant. La présence de la jeune femme lui semblait aller de soi, à présent qu'il s'était habitué à sa réalité et qu'il avait cessé de la dévisager comme un goujat. Ils pouvaient parler des heures et s'arrêter d'un seul coup, sans que l'un ou l'autre en prenne ombrage. Ils avaient énormément de références communes et s'enthousiasmaient à l'idée de faire découvrir à l'autre un livre ou un film qu'il ne connaissait pas, mais qu'il allait adorer, à n'en point douter. Il leur était également arrivé de se lancer dans d'interminables débats où chacun avait redoublé d'éloquence et de mauvaise foi assumée. À trois heures du matin, ils étaient allés faire cuire des pâtes et avaient poursuivi leur conversation dans la cuisine.
Audrey était jeune comme Percy était censé l'être mais, comme lui, elle paraissait plus vieille en réalité. Quand il était avec elle, il avait l'impression d'avoir le bon âge.
- J'aime beaucoup la Française, admit-il. Elle est brillante, drôle, très jolie, cultivée... Arrête de sourire.
- Pourquoi est-ce que j'ai l'impression qu'il y a un « mais » ? demanda Alice d'un air soucieux.
- Parce qu'il y a toujours un « mais » avec Percy.
L'intéressé adressa une œillade blasée à Nil, puis recommença à parler avec Alice comme s'il n'avait pas été interrompu.
- Après tout ce qu'il s'est passé, après tout ce que j'ai vécu...
- Tu as envie de t'engager avec elle, oui ou non ?
- La question n'est pas là.
- Et si ça l'était ?
Elle ne le savait pas, mais Nil avait posé sa question exactement en même temps que le Sirius qu'il hallucinait depuis la fin de la guerre, ce qui ne lui facilitait aucunement la tâche.
- Et si la seule question était votre envie ? Si c'était la seule chose déterminante ? Que feriez-vous ? ré-attaqua son amant – et son intervention constituait déjà un début de réponse.
- Si ça l'était, je crois que je continuerais de voir Audrey. Je laisserais les choses se faire et je suppose qu'on finirait par se mettre en couple, si ça l'intéresse.
- « Mais » ? soupira Nil en se levant pour leur servir le thé.
- Mais ce n'est pas le seul facteur déterminant.
Il eut du mal à regarder Alice dans les yeux quand il poursuivit sa réflexion. Elle lui sourit tristement.
- Sirius ?
Il hocha la tête. Nil s'appuya contre le plan de travail derrière elle et se mit à l'écouter attentivement ; toute trace d'amusement ou d'impatience avait déserté son visage.
- Je ne peux pas lui imposer mon passé. Elle mérite mieux que ça.
- Ce ne serait pas à elle d'en juger ? hasarda Nil.
- Tu sais... commença Alice en tapotant sa tasse du bout des ongles. Tu n'oublieras jamais Sirius, mais tu y penseras moins souvent. Tu vas forcément te séparer des objets qui te font penser à lui, tu vas t'éloigner tes gens que vous avez connus à deux, tu vas quitter les endroits qui te le rappellent... Et tu auras à nouveau de la place dans ta vie. Pour toi, ou pour quelqu'un, ajouta-t-elle en regardant Nil.
- Je ne suis pas sûr d'en avoir envie, avoua-t-il.
Même si ça n'avait aucun sens, il ne pouvait pas se défaire de l'impression qu'aller de l'avant reviendrait à tuer Sirius une seconde fois. À n'en point douter, l'Indicible contribuait à cette impression : tant qu'il existait quelque part une copie de la recette de cette potion terrible, Sirius pouvait revenir à la vie. Il avait beau passer du temps avec sa famille et multiplier les rendez-vous avec Audrey, il n'effacerait jamais de son esprit l'immense pouvoir conféré par le voyage temporel.
Alors qu'il s'apprêtait à boire une petite gorgée de son thé, il intercepta une conversation muette entre les deux aurors.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- On hésitait à t'en parler, mais puisque tu n'as pas l'air prêt à aller plus loin avec Audrey...
- Ils cherchent un nouveau professeur d'Études des Moldus à Poudlard, acheva Nil avec un sourire qui se voulait engageant.
Percy eut la sensation très nette d'assister au divorce de son entendement en deux entités distinctes. L'une d'elle se voyait déjà retrouver ses petites habitudes d'enseignant zélé, avide de transmettre ses connaissances à de jeunes Sorciers prometteurs ; l'autre accueillit la nouvelle avec raideur. Si les regrets et les angoisses de l'animagus devaient s'incarner, ils prendraient à coup sûr la forme des plus hautes tours de Poudlard. Tant de choses s'étaient jouées dans l'enceinte de l'école et ses alentours. Combien de ses proches y avaient trouvé la mort ?
Sirius, Fred, Dumbledore, Severus, Remus. Les destinées des hommes de sa vie étaient liées au château, d'une façon ou d'une autre.
- Trop tôt ? demanda Nil en crispant son visage.
- Non, c'est... Merci de me l'avoir dit.
- Trop tôt, donc.
Il enroula ses doigts gelés autour de sa tasse fumante. C'était ridicule d'avoir froid aux mains en cette saison.
- Vous ne pensez pas que je suis trop vieux ?
- Je pense un paquet de choses à ton sujet, depuis le temps, mais s'il y a bien une chose que tu n'as jamais réussi à faire, c'est vieillir. Physiquement, j'entends. Dans ta tête, c'est une autre affaire.
Alice pouffa de rire et Percy se surprit à sourire.
- Justement. J'aurais l'impression de ne pas avoir changé en retournant là-bas après toutes ces années. Ce serait comme renoncer à essayer de devenir meilleur.
- Meilleur en quoi ? s'enquit la blonde.
- En tout, ou presque. (Il secoua la tête.) Je suis un piètre ami, un mauvais fils et je ne vaux pas tellement mieux comme frère, mais bon sang, je suis un bon professeur.
Nil ouvrit la bouche pour le contredire, mais il la devança en plantant son regard dans le sien :
- Je t'ai caché qui j'étais, je n'étais pas là quand tu es tombée enceinte, je t'ai menti au sujet de la mort de Sirius et je t'ai utilisée pour réunir les conditions de préparation d'une potion que je n'ai pas utilisée.
Il y eut un silence.
- Bon, tu n'es peut-être pas l'ami dont tout le monde rêve, mais personne n'est parfait.
- Espèce de Poufsouffle, ricana Alice.
La conversation dévia gentiment sur une vieille rivalité entre Maisons et, l'heure qui suivit, Percy s'arrangea pour esquiver toutes les questions liées à sa vie romantique ou professionnelle. Il pressentait qu'il aurait le temps de s'y appesantir dans un avenir proche. Ses doutes se confirmèrent en un temps record : une lettre d'Audrey l'attendait au Terrier.
Cher Percy,
J'espère que tu te portes bien.
J'avais très envie de t'écrire, mais il me fallait une raison. Je l'ai trouvée ce matin, ma raison : ils repassent Brève Rencontre dans un petit cinéma près de chez moi, mercredi prochain. Tu aimes les vieux films, tu es anglais... et c'est un vieux film anglais. Si ça se dit, on peut aller le voir ensemble. Tiens-moi au courant.
Avec toute mon affection,
Audrey
Il ressentit un petit quelque chose à la lecture du mot « affection », tracé avec la jolie écriture arrondie de la jeune femme. Il relut la courte missive pas moins de deux fois et sourit bêtement en songeant qu'Audrey s'était trouvée une excuse pour communiquer avec lui. Cela le ramena des années en arrière, quand Pénélope et lui s'écrivaient quotidiennement des mots tendres et maladroits, pendant les vacances d'été, afin de tromper l'absence.
Sirius n'écrivait pas beaucoup de lettres. La seule qui avait réussi à traverser les décennies, c'était celle que Dumbledore lui avait fait parvenir à son entrée à Poudlard. Ce message désespéré n'avait rien à voir avec les tâtonnements amoureux de sa première petite-amie, car Sirius s'adressait à lui sans grand espoir que ses mots viennent le trouver. Il s'était servi de l'encre et du papier pour se décharger un peu du poids d'un amour qu'il croyait perdu. Un amour absolu, exalté et insupportable.
Perdu dans ses pensées, il s'arma tout de même d'un parchemin et d'une plume.
Très chère Audrey,
Je serais ravi d'aller voir ce film avec toi, mais j'aimerais d'abord te parler. Veux-tu qu'on se retrouve quelque part à Lyon ou à Londres ?
Avec mes plus sincères sentiments,
Percy
Au fond de lui, sa décision était déjà prise.
Le temps était chaud en France. De ce fait, Audrey avait dû renoncer à ses pulls. À la place, elle arborait un débardeur jaune – une couleur fétiche. Les rayons du soleil sur son pendentif, ses bagues, sa peau et son verre de bière correspondaient à autant de nuances ambrées qui se reflétaient dans un tableau d'une rare finesse.
Il avait recommencé à la fixer sans s'en apercevoir. Elle lui adressa un clin d'œil moqueur. Il s'empressa de porter son jus de fruit à ses lèvres, gêné. On ne pouvait pas dire qu'Audrey était à l'aise en société, mais elle faisait parfois démonstration d'une assurance déconcertante.
- De quoi voulais-tu me parler ?
Percy aurait aimé posséder un soupçon de son aplomb. Il aurait voulu que son breuvage soit alcoolisé, afin d'y puiser le courage qui lui faisait soudainement défaut. Il aurait préféré que sa décision soit toute autre.
- Il vaut mieux qu'on arrête de se voir.
Audrey changea imperceptiblement d'expression. C'était assez subtil, mais loin d'être invisible pour quelqu'un qui avait passé beaucoup trop de temps à la scruter. Son regard se durcit, sa bouche se raidit très légèrement. Malgré tout, la jeune femme parvint à se sculpter un masque dans le marbre.
Le Weasley se sentit tout petit sur cette terrasse idiote.
- Je peux savoir pourquoi ?
- Je ne veux pas prendre le risque de tomber amoureux de toi, dit-il le plus honnêtement du monde. Je sais que ça peut arriver rapidement si on continue de se fréquenter.
- Donc on se fréquentait ?
Il faillit sourire en songeant à Nil. Elle dut percevoir sa micro-expression à son insu, parce qu'elle laissa échapper un soupir amer tout en jetant un coup d'œil inamicale à sa bière.
- J'aurais dû me douter que ça finirait comme ça.
- Comment ?
Elle haussa les épaules.
- Avant d'avoir commencé.
- Est-ce que tu vas me jeter ta bière au visage si je te dis « Ce n'est pas toi, c'est moi » ?
- Je ne sais pas. Essaye, pour voir ?
Cette fois-ci, il s'autorisa à glousser. Elle l'ignora, ce qui le décida à faire preuve de franchise – il espérait de tout cœur réussir à l'écœurer de lui.
- Mon passé est compliqué et... Ce n'est pas une façon de parler. Il y a encore beaucoup de choses qui m'échappent.
La Française releva la tête vers lui, partagée entre plusieurs sentiments, mais la curiosité l'emportait.
- J'ai approximativement quarante-huit ans.
- Tu te moques de moi.
Il secoua lentement la tête. Audrey arqua un sourcil, très nettement méfiante.
- Si je demande confirmation à Bill ?
- Aucune chance, j'ai fait en sorte que le Ministère lui efface la mémoire.
- Quelqu'un peut en témoigner ?
- L'actuel Ministre de la Magie britannique, les Langues-de-plomb, un Mangemort à Azkaban et un psychomage incompétent. Ou tout simplement ma meilleure amie, Nil Youngblood. Elle te plairait.
Elle le dévisageait avec une interrogation palpable. Il la regarda en retour, ne sachant que trop bien qu'il n'aurait pas l'occasion de le faire de sitôt. Il tenta d'enregistrer les contours de son visage, mais elle recommença à le questionner :
- Tu es né quand ?
- Le 22 août 1976.
- Pourquoi est-ce que tu es plus vieux ?
- J'ai voyagé dans le temps.
- Comment ?
- Sans le faire exprès, à cause d'une potion illégale préparée par George.
- Le moment le plus lointain où tu es allé ?
- Décembre 1975. J'avais vingt-trois ans.
- Pourquoi est-ce que George a préparé cette potion ?
- Pour sauver Fred qui est mort pendant la bataille de Poudlard.
- Pourquoi est-ce que tu t'es intéressé à moi ?
Le brusque changement de registre le désarçonna. Après avoir pris le temps de réfléchir, il déclara :
- D'un point de vue physique, je n'en sais rien, c'est magnétique. D'un point de vue intellectuel, je te trouve impressionnante. Quant au reste, c'est une question de goût.
La brune mit un certain temps avant de répondre. Un sourire agita le coin de sa bouche en dépit de ses efforts pour le taire.
- J'aurais dû te demander : « Pourquoi est-ce que tu t'es intéressé à moi, si tu ne veux pas tomber amoureux ? ».
Il pinça les lèvres. Peu importe les circonstances, il fallait toujours qu'il se ridiculise dès qu'il était question d'Audrey Delacour. C'était proprement affligeant.
- Je suis affligeant, se corrigea-t-il à voix haute.
Elle ne fit rien pour lui donner tort.
- C'était inévitable que je m'intéresse à toi. En revanche, ce que je peux éviter, c'est de te revoir, par respect pour toi et par respect pour mon fiancé.
- Tu es fiancé ?
Il porta sa main droite à la chevalière de Sirius qui ornait toujours son annulaire, invisible mais tangible. Le forme des initiales gravées dans le métal chatouillèrent la pulpe de ses doigts. Sirius G. Black. Ça lui revenait : un jour, il lui avait assuré qu'il s'appelait Sirius le Génialissime Black.
- Il est mort pendant la guerre, cet idiot.
- C'est agréable.
Indifférente à l'intervention de Sirius, Audrey laissa s'écouler une minute avant d'ajouter :
- Je pense qu'on aurait été heureux, tous les deux.
- Moi aussi, consentit-il.
- J'ai mieux à faire que de te courir après, conclut-elle.
Ce constat acerbe le ramena des années en arrière, la dernière fois de sa vie où il avait voulu interrompre une relation qui prenait une tournure indésirable. Ou plutôt, une tournure désirable mais indécente. Il pensa à l'héritier Black, son arrogance, ses doutes, son insistance, son trouble. Sa vie aurait été bien différente, si Sirius avait eu mieux à faire que de courir après son professeur vaguement indigné.
- Pour ton problème, par contre, j'ai peut-être un début de solution.
Il l'interrogea du regard. Elle marqua une pause en buvant une longue gorgée de sa bière.
- Mes potions de vieillissement sont vraiment pas mal.
Percy arriva à Poudlard à la fin du mois d'août, deux jours avant le début des cours, afin de reprendre ses marques. Il n'avait eu aucun mal à se faire engager, compensant son absence d'expérience concrète dans le milieu moldu par ses connaissances évidentes en la matière. Il avait expliqué à la directrice McGonagall qu'il avait vécu à Londres pendant plusieurs années et cela lui avait amplement suffi, à plus forte raison qu'elle se souvenait du sérieux de l'ancien préfet.
Ses parents avaient paru heureux de son choix ; rassurés, même. Le jour de son anniversaire, ils lui avaient assuré qu'ils étaient contents d'avoir « rattrapé le temps perdu » avec lui, mais que « retrouver son indépendance » allait contribuer à lui « remonter le moral ». Il avait acquiescé sans même chercher à leur expliquer que l'idée même de remettre les pieds à Poudlard le paralysait, à mesure que la date décisive approchait.
Ainsi qu'il l'avait redouté, le château était scrupuleusement identique à celui de son souvenir, avec ses tours, ses escaliers, ses armures et ses fantômes. Il devait être fait d'une pierre vouée à tous les regarder disparaître, les uns après les autres.
On lui assigna la même chambre que lors de son premier passage à Poudlard en tant que professeur d'Études des Moldus. Il flottait dans l'air une odeur qui n'était pas la sienne, mais celle du précédent occupant. Cependant, la pièce dénudée était telle qu'il l'avait laissée – la décoration n'avait jamais été son fort. Même lorsqu'il eut terminé de disposer ses maigres effets dans les meubles à disposition, la chambre continua de ressembler à un logement de fonction anonyme. Fait amusant : sa salle de classe avait toujours été beaucoup plus intime, avec ses affiches et photographies collées au mur, avec ses appareils mécaniques et autres bidules électriques exposés un peu partout. Mais la nuit était trop avancée pour s'employer à aménager la salle de classe : il allait devoir s'y pencher le lendemain, de manière à ce qu'elle soit fonctionnelle le surlendemain.
Sur son balcon, l'atmosphère de la fin de l'été était délicieuse. La chaleur avait cessé d'être insoutenable et les arbres se paraient d'or. Il lui sembla qu'une éternité s'était écoulée depuis le dernier septembre qu'il avait connu. Une éternité rythmée par le deuil et de la préparation d'une potion partie en vapeur sans avoir servi à qui que ce soit.
Il avait envie d'une cigarette, certainement parce que c'était l'endroit où il se tenait pour fumer par le passé, mais il n'avait pas touché à un seul paquet depuis Azkaban. Ses pensées se dirigèrent vers Evan Rosier, avec qui la cohabitation s'était mieux déroulée que prévu. Le Mangemort n'avait rien fait pour compromettre ses plans d'Indicible. Comment aurait-il pu s'y prendre ? Après tout, ce pauvre vieux garçon croupirait dans sa cellule au milieu de l'océan jusqu'à la fin de ses jours.
Le saule cogneur s'ébroua, comme au sortir d'un rêve. Percy se mit à tendre l'oreille. Il n'était pas seul. Le plus fidèle de ses fantômes personnels était lui aussi accoudé à la rambarde en pierre, tout près de lui. S'il décalait son coude de quelques centimètres, peut-être parviendrait-il à le toucher.
- Tu es encore là.
Ce n'était pas un reproche, tout juste une observation, mais Sirius avait toujours été prompt à se vexer. La mort ne l'avait pas arrangé.
- Si tu veux, je peux partir, siffla la voix dans sa tête.
- Non, reste. S'il te plaît.
- Il me plaît.
Pendant un moment, il n'y eut que la nuit et l'envie de fumer. Puis :
- Tu vas bien ?
- Un peu fatigué.
- Tes cauchemars ?
- Pour ça, il faudrait que je m'endorme.
- Tu dors mieux quand je suis là.
- C'est indéniable.
Ce fut tout. La nature redevint silencieuse. Percy quitta le balcon en prenant soin de refermer derrière lui.
Il se dirigea sans hésiter vers sa malle et en sortit le seul objet auquel il n'avait pas touché : une fiole bien scellée renfermant un liquide vert sombre. Tracée en jolies lettres arrondies sur une étiquette blanche, l'inscription disait « Potion de vieillissement ». Il l'emporta dans la salle-de-bain attenante.
Audrey l'avait informé de la démarche à suivre. Il devait nécessairement être à jeun, afin d'éviter les mauvaises surprises. C'était mieux s'il était seul, dans un endroit calme, et s'il pouvait prendre le temps de se reposer après avoir ingéré le breuvage. L'expérience était connue pour être épuisante, surtout s'il comptait gagner vingt-quatre années d'un seul coup. « Gagner » ou « perdre » d'ailleurs, c'était un peu un mélange des deux quand il était question d'âge. Audrey l'avait également prévenu que ses cheveux et sa barbe allaient pousser : la potion allait momentanément stopper la croissance de ses ongles, mais les cheveux, c'était trop aléatoire. Percy eut une pensée pour la chevelure singulière de Saul Funestar qui – en raison d'une expérience malheureuse – était condamnée à pousser noire et tomber blanche chaque jour.
Il n'aimait toujours pas les miroirs, mais la perspective de se regarder vieillir lui paraissait si étonnante qu'il était prêt à faire une concession. Il prit une profonde inspiration, déboucha la fiole et s'adressa un coup d'œil résolu dans la glace.
- Santé.
Il avala la potion d'une seule traite.
Il ne s'attendait pas à ce que le liquide soit aussi épais. Audrey avait employé le terme « riche » pour le décrire : « Tes cellules vont mourir et renaître plusieurs fois. Ça va te demander énormément d'énergie, mais la potion va te donner un petit coup de pouce ». Petit, en effet. Il se voyait maigrir à vue d'œil.
Vieillir magiquement était très différent d'une vieillesse normale. Dans le processus, l'organisme s'usait beaucoup plus vite que la peau, dans la mesure où l'absence de mouvement préservait le visage et les mains d'une partie des rides. Néanmoins, Percy eut très peu de temps pour se rendre compte des transformations de sa figure, car cette dernière disparut en partie derrière sa barbe et ses cheveux. L'événement était presque ludique.
Au bout d'une minute, sa barbe devait mesurer à peu près un mètre. Quelques rares poils blancs étaient parvenu à s'y greffer, mais le roux demeurait largement majoritaire. Obnubilé par sa pilosité nouvelle, il ne prêtait plus vraiment attention aux sensations nettement moins plaisantes qui lui traversaient le reste du corps. Le Weasley faillit sourire. Il ressemblait à Dumbledore.
Il aurait voulu avoir son polaroid moldu sous la main pour immortaliser son portrait amusant, mais sa propre réflexion le heurta avec une intensité et un étonnement renouvelés.
Il ressemblait à Dumbledore.
Ses yeux bleus-gris le dévisageaient avec gravité. Il fronça les sourcils. Évidemment, son double fit exactement de même, mais il se reconnut pas. Le Sorcier qui lui rendait son regard était trop différent pour être lui, mais trop familier pour être tout à fait étranger. À mesure que la potion de vieillissement poursuivait son art, le doute grandissait en lui, affreux, énorme, sans pitié, jusqu'à se teinter de certitude.
Sa tête commença à le faire souffrir, comme lorsqu'il ressortait d'une Pensine : l'air lui manqua, pourtant il respirait de plus en plus fort et de plus en plus vite, puis la salle de bain se mit à tourner autour de lui, les lumières à danser, tout ça sous l'œil parfaitement calme de son reflet immobile, alors il voulut se rattraper, amorcer un pas, s'éloigner de l'homme qui le jaugeait en silence, mais il marcha sur la queue de Pac-Man qui poussa un miaulement perçant et il perdit l'équilibre. Une vive douleur à l'arrière du crâne fut la dernière chose dont il eut conscience.
Il voit la plage, la mer, le vent qui les chahute et le ciel gris qui les surplombe. Il peut presque sentir l'air iodé venir gonfler ses poumons de bonheur. S'il continue de se perdre dans les paysages que le miroir lui renvoient, il sait qu'il finira par entendre les mouettes, le roulis des vagues, le rire de sa nièce et le bruit des pas dans le sable. Il fait volte-face. Sirius lui sourit.
Ce n'est pas vraiment Sirius.
L'écho de Percy se désagrégea aussitôt dans le rêve.
- Sirius.
- N'utilise pas ce nom.
Le ton qu'emploie son amant pour le rappeler à l'ordre n'a rien d'autoritaire. Une pointe d'inquiétude transparaît, tout au plus. Il l'enlace.
- Je me sens privilégié quand je le fais. C'est idiot.
Il raffermit son étreinte autour de lui, si fort qu'il lui coupe le souffle pendant une seconde. Il pourrait mourir de joie, ici, dans le Nord de la France, loin de tout ce qu'il connaît. Pour quelqu'un qui n'a connu que la guerre, c'est une aubaine.
Le nom de la plage. Il était sur le point de le connaître, mais le rêve repoussa Percy avec impatience, comme on chasse une mouche.
Malheureusement, une autre voix interrompt la vision idyllique. Tant pis pour le rêve.
- Et vous, qu'est-ce que vous voyez quand vous regardez dans le miroir ? demande Harry.
- Moi ? Je me vois avec une bonne paire de chaussettes de laine à la main.
Cache-Nez. Le nom de la plage, c'était Cache-Nez !
Il fut réveillé à l'aube par une sensation de faim terrible. L'injonction de son corps affaibli lui parut triviale, vulgaire, à côté des informations qui avaient réussi à s'immiscer dans son esprit endormi, semblables à des racines qui profitent d'une simple fissure dans le béton pour prospérer. Il s'en était si bien protégé, des années durant, drogué aux potions pour un sommeil sans rêves. Un moment de faiblesse, un soupçon de malchance, et la vérité lui avait éclaté au visage, assez littéralement.
Visage. Il devait y remédier : sortir comme cela était exclu.
Percy se leva avec lenteur, non pas par choix, mais parce qu'il avait mal partout et que la faim lui provoquait une douleur invraisemblable dans le ventre. Perchée sur le lavabo, Pac-Man le regarda comme s'il était un inconnu avant de détaler. Le Sorcier s'empressa de tourner le robinet d'eau froide, positionna ses mains en coupe et but longuement. Il n'avait pas compris qu'il était complètement déshydraté, la faim prenant le dessus sur tout le reste.
Une fois sa soif étanchée, il se saisit de sa baguette, soulagé de la trouver intacte dans sa poche malgré sa chute, puis leva les yeux vers le miroir. Celui qui s'y trouvait lui inspira un cocktail d'émotions indigeste.
- Diffindo.
La glace demeura intacte, même si ce n'était pas l'envie de la briser qui lui manquait. À la place, une très grande partie de sa barbe tomba à ses pieds. Il répéta l'incantation pour se débarrasser de ses cheveux de la même façon. Le résultat était très imprécis, mais des tâches plus urgentes l'attendaient.
Un papillon couleur azur s'envola à tire-d'aile par la fenêtre de la chambre, en direction de la zone la plus proche où le transplanage était possible. Il devait retourner en France.
Minerva McGonagall avait l'esprit vif, mais il était pour ainsi dire constamment occupé par mille choses à la fois, et ce déjà à l'époque où Mr. Wistily était arrivé à Poudlard avec fracas, la veille de Noël 1975. Tout s'était précipité : la première guerre, les tensions grandissantes avec le Ministère de la Magie, la pierre philosophale, la Chambre des Secrets, l'évasion de Sirius Black, le Tournoi des Trois Sorciers, cette conne d'Ombrage, la mort d'Albus et – enfin – la seconde guerre. Elle avait dédié une grande partie de sa vie à ses élèves et à la protection de l'école, ce qui avait naturellement relégué le « cas Wistily » au deuxième plan.
Est-ce qu'elle l'avait trouvé intriguant dès son apparition ? Évidemment. Est-ce qu'elle approuvait difficilement son laxisme avec les Maraudeurs ? Sans aucun doute. Est-ce qu'elle avait remarqué sa ressemblance frappante avec Perceval Weasley ? Pas le moins du monde. Pourtant, son intuition lui souffla que l'irruption de l'ancien préfet dans son bureau ne demeurerait pas la seule surprise de la journée.
- Mr. Weasley, vous êtes bien matinal, lui dit-elle d'un ton à mi-chemin entre l'affabilité et le reproche. Et excessivement mal rasé, je dois dire. Avez-vous été victime d'un mauvais sort de Peeves ?
Le nouveau professeur d'Étude des Moldus avait les yeux rivés sur le tableau d'Albus. Elle patienta quelques secondes ; après tout, se trouver en présence d'un défunt en deux dimensions provoquait toujours une émotion, la première fois.
- Professeur, est-ce que vous voulez bien nous laisser seuls ?
- Je vous demande pardon ?
- Minerva.
Albus avait prononcé son prénom d'une voix profonde, depuis son cadre, mais elle n'avait pas l'intention de se laisser dicter sa conduite sans explication – et encore moins si les ordres provenaient d'un fantôme cloué à un mur. Toute la brochette des anciens directeurs de Poudlard observait l'échange avec avidité.
Les sourcils de l'ancienne enseignante en Métamorphose étaient tellement froncés qu'ils menaçaient de se rejoindre.
- Mr. Weasley, qu'est-ce que...
- Je vous expliquerai plus tard. Pour le moment, j'ai besoin d'être seul. Je vous en prie.
Comme elle ouvrait déjà la bouche pour protester, le vieux jeune homme la devança :
- Je suis le professeur Wistily qui a déboulé à Poudlard dans la nuit du 24 décembre il y a trente ans. J'ai voyagé dans le temps. J'ai été le professeur d'Étude des Moldus des Maraudeurs.
L'urgence dans la voix de Percy laissa sa place à une détresse mal dissimulée.
- Et je suis peut-être beaucoup d'autres choses. Je vous en supplie, laissez-moi une heure.
Ce ne sont pas ses prières répétées qui finirent par la convaincre. C'était autre chose, qui se logeait quelque part au milieu de sa figure prématurément vieillie. Elle l'ignorait, mais il s'agissait en fait d'une lueur bien particulière dans ses yeux translucides. Ou plutôt, une étincelle à laquelle elle avait accordé mille fois sa confiance, du temps où Albus était vivant.
Elle quitta la pièce sans se douter de la tempête qui était sur le point de se déchaîner derrière elle.
Percy sortit sa baguette sans attendre, puis fit apparaître un coffre de bois sombre, poli par le sable et rongé par le sel.
- Je vois que tu as découvert la plage, dit simplement Dumbledore.
Il l'ignora et entreprit de déverrouiller le coffre. À sa grande (et agréable) surprise, le mécanisme n'opposa aucune résistance à son Alohomora. Une fois soulevé, le couvercle dévoila une multitude de fioles transparentes. Une vive lumière argentée éclaira le visage de Percy, qui fut contraint de plisser les yeux.
Un petit morceau de parchemin relié à un fil tressé accompagnait chaque flacon. Dates, lieux, événements ou patronymes avaient été inscrits méticuleusement. Les flacons ne semblaient pas avoir été rangés dans un ordre logique, à première vue, mais Percy nota qu'ils étaient regroupés. Ici, les souvenirs s'étendaient du 31 octobre 1981 au 18 avril 1999. Là, ils commençaient en mars 1981 et s'achevaient en novembre 1994. Les plus vieux remontaient à la fin du siècle précédent et beaucoup d'entre eux portaient l'inscription « Cache-Nez ».
Percy piocha une fiole au hasard. Enfin, pas tout à fait. L'étiquette lui faisait miroiter « Janvier 1982, procès de Sirius ». À l'aide d'un informulé, il ouvrit le placard qui renfermait la Pensine de l'ancien directeur. Elle lévita de bonne grâce jusqu'au bureau. Luttant contre les tremblements dans ses mains, il déboucha le flacon, versa son contenu dans le récipient magique et s'y plongea.
Le souvenir le projeta dans une salle d'audience qu'il commençait à bien connaître. L'endroit grouillait de monde comme rarement. Il identifia un grand nombre de personnes, de la Ministre de la Magie Millicent Bagnold à Remus Lupin, en passant par son propre père. Sirius occupait la place de l'invité d'honneur : l'accusé. Ses traits tirés portaient déjà les marques de son séjour parmi les Détraqueurs, mais il affichait ostensiblement un sourire suffisant. Percy le vit adresser un clin d'œil confiant à Remus qui se rongeait les sangs.
Dumbledore fut appelé à témoigner. Percy ressentit une nausée si violente qu'il se demanda s'il allait vomir dans le souvenir, sur le sol du tribunal, ou dans la Pensine restée à Poudlard. Malgré tout, une esquisse de joie l'habita quand Sirius fut déclaré innocent, faible reflet de la liesse qui envahit la salle d'audience. Le fragment s'acheva sur le rire incrédule et les yeux mouillés de larmes de Sirius, dont la bouche articulait silencieusement « merci » à l'intention du vieux Sorcier.
Percy retrouva la tangibilité du bureau de la directrice. Ce souvenir ne lui apportait aucune réponse, mais une part de lui rechignait à en découvrir davantage. Il se tourna en direction du portait de Dumbledore pour gagner du temps.
- C'était intéressant ? s'enquit poliment celui-ci.
Le plus jeune le fixa en retour sans rien dire. Alors le portrait fit couler son regard vers le coffre en bois plein de sable.
- Comment l'as-tu trouvé ?
- Severus m'a révélé son existence, par le biais des souvenirs qu'il a légués à Harry. La plage, je m'en suis rappelé cette nuit, ajouta-t-il d'un ton sec.
- Ah.
Son ancien mentor hocha la tête.
- J'étais le Gardien du Secret de cette plage. C'est donc normal que tu aies été capable de la trouver. Quant à Severus... je n'avais pas prévu qu'il te soit si loyal.
- Je suppose que ça remonte à l'époque où j'enseignais à Poudlard.
- Oui, ça fait sens.
Rien dans la conversation ne laissait présager qu'ils étaient en train de discuter des rouages incertains du cours des choses. Dumbledore conservait les mêmes manières que de son vivant et Percy ne parvenait pas à se mettre en colère. Pourtant, n'importe quoi aurait pu mettre le feu aux poudres : le calme désinvolte de son vis-à-vis, l'imbrication des pièces d'un vaste puzzle qui répondait aux questions de toute une vie, ou encore ce rôle qu'il avait joué sans le savoir et dont personne n'avait jugé bon de lui parler – ni Albus, ni Abelforth, ni Severus. Était-ce cela que Sirius avait découvert avant de mourir ? Leurs doubles identités ?
- Sais-tu pourquoi nous avons décidé de baptiser cette plage Cache-Nez ?
- J'en ai strictement rien à foutre.
Il s'était exprimé en même temps que le Sirius dans sa tête. Leur unanimité était une première. En retour, l'homme dans le tableau lui adressa une œillade tolérante qui frisait la condescendance. Avait-il déjà regardé quelqu'un comme cela ? Il espérait que non.
Le silence s'éternisa dans la pièce. Percy commença à se sentir étrangement seul face à tous ces augustes portraits, avec les échos d'un défunt pour toute compagnie. Un puissant désir de briser le silence prit le dessus sur son découragement.
- J'ai toujours pensé que j'étais un odieux connard qui détruisait tout ce qu'il touchait. J'étais encore loin du compte.
Dumbledore secoua lentement la tête.
- C'est parce que tu n'as pas suffisamment de recul.
- De recul ?
La colère tant attendue se frayait un chemin dans le corps épuisé de Percy. Bienfaitrice, elle était l'unique carburant dont il avait besoin pour les mots trouvent enfin le chemin jusqu'à sa bouche empoisonnée.
- Si tu voyais la situation dans son ensemble...
- Et c'est précisément pour cela que vous m'avez dissimulé la vérité ? Parce que vous n'aviez rien à vous reprocher ?
- Je voulais que tu sois prêt à l'entendre. Je voulais que tu éprouves la nécessité d'utiliser l'Indicible.
- J'ai résisté.
- Pour le moment, mais fais-moi confiance, un jour...
- Ne me parlez pas de confiance, espèce de cinglé !
Dumbledore accusa l'insulte. C'était une question d'habitude. Mais Percy n'en avait pas terminé.
- Pendant tout ce temps, vous avez agi sans vous préoccuper d'autre chose que de vous-même. Vous sauviez Sirius, encore et encore, mais vous l'avez poussé à devenir Grindelwald.
- Cette possibilité, il l'avait en lui. Je n'ai fait que la...
- « Catalyser », peut-être ?
- Exactement ! Comme tu avais en toi l'élan de sauver Sirius au Département des mystères ! Je n'avais pratiquement rien à faire pour que...
- Qu'est-ce que vous avez fait ? le coupa-t-il.
La soudaine compréhension sur son visage se transforma rapidement en expression d'épouvante.
- Par Merlin, vous m'avez jeté le sortilège de l'Imperium ?! Vous m'avez obligé à sauver Sirius alors que ça allait le rendre malheureux ?
- Pendant un temps, certes, mais quand la Guerre serait terminée... insista Dumbledore avec l'obstination d'un enfant – ou d'un poivrot.
- Qu'est-ce que vous en savez ? Et s'il était redevenu l'un des plus grands despotes que le monde magique a connu ?
- Alors il suffira de recommencer.
- Ce n'est pas comme ça que ça marche.
La logique décousue de son vis-à-vis mural faillit le faire éclater de rire. Comment est-ce que ce vieux lunatique avait fait pour s'attirer le respect de ses semblables ? Comment est-ce qu'un esprit si brillant pouvait dorénavant lui servir un raisonnement boiteux et indéfendable ?
- Comment ? dit-il enfin à voix haute. Comment est-ce que vous avez fait pour cacher la vérité à tout le monde ? Grindelwald venait de Durmstrang, et vos parents... Tous ces petits secrets sordides que Rita Skeeter a arraché à Bathilda Tourdesac, comment...
- Nous n'étions pas seuls. Nous avons eu une vie bien remplie, là-bas, et nous avions des amis influents.
- Mais Skeeter a utilisé du Veritaserum.
Le visage jusqu'à présent impassible du Sorcier en deux dimensions se tordit très légèrement. Ce n'était pas facile à déceler, mais pour quelqu'un qui savait quoi chercher, ce soupçon de remords ne laissait pas de place au doute.
- Vous avez modifié sa mémoire...
- Et j'ai eu raison ! Sans cela, des reporters mal intentionnés auraient découvert une partie de la vérité et l'auraient tordue pour la faire tenir dans quatre paragraphes d'un torchon peu scrupuleux !
- Et qu'est-ce que ça aurait changé ?
Dumbledore émit un ricanement un peu mauvais. Sa ressemblance avec Abelforth n'avait jamais été plus frappante.
- Tu te demandes ce que ça aurait changé ? Parfois, la mort de Sirius se joue à quelques secondes. Parfois, elle se joue dix ans avant son échéance, à cause d'une rencontre qui n'a pas eu lieu, d'un fonctionnaire qui a mal fait son travail ou d'une connaissance un peu trop curieuse. Mais tout est là. (Percy pensa dans un premier temps qu'il lui désignait son oreille, avant de comprendre qu'il faisait allusion à sa mémoire.) Ses chances de survie grandissent. La prochaine fois...
- Il n'y aura pas de prochaine fois.
- Tu auras de nouveau recours à l'Indicible, peu importe ce que en penses maintenant. Dans un mois, dans un an, dans dix ans...
- C'est faux.
- Je sais ce que tu ressens, je l'ai ressenti par le passé, mais je n'ai jamais pu m'en empêcher.
- Je ne suis pas toi, siffla Percy en accentuant le tutoiement.
- Ne sois pas puéril. Tu es celui que je voulais bien que tu deviennes, et un jour ou l'autre...
- TA GUEULE !
La colère de Sirius lui donna la force de pousser le hurlement le plus perçant et le plus grotesque qu'il n'avait jamais expulsé de son ventre. L'ancien directeur de Poudlard le jaugea comme s'il ne voulait pas céder face aux caprices d'un enfant entêté. Percy eut l'irrépressible envie de cogner, griffer, déchirer le tableau de son double ravagé par les années et la potion à voyager dans le temps.
Dans son emportement, il souleva la Pensine – s'étonnant à peine de la sentir si légère entre ses mains enragées – et la jeta de toutes ses forces sur le sol. Elle vola en morceaux dans un fracas particulièrement mélodieux. Dumbledore continua de le fixer du haut de son cadre. Quelques murmures s'échappèrent enfin des autres tableaux, mais Percy aurait voulu que ce soient des cris aussi brisés que le sien.
Il n'était pas familier du sentiment de colère. Pas comme ça. Il étouffait dans sa propre indignation, le souffle court, les oreilles sifflantes, le corps en ébullition. Sa magie lui échappa, comme un enfant qui fait montre de son talent pour la première fois devant ses parents enchantés. Le coffre à côté de lui décolla du sol un bref instant et renversa son contenu sur la pierre, avec des bruits de verre brisé si fins qu'on aurait dit de la musique.
Après cela, le silence lui parut plus supportable. L'espace d'un instant béni, il eut l'impression qu'un son à peine perceptible qu'il avait entendu toute sa vie venait de disparaître.
Puis la masse argentée des souvenirs fondit sur leur propriétaire. Lui, selon toute vraisemblance.
Bon... voilà voilà... félicitations à celleux qui avaient plus ou moins deviné l'identité Percy/Dumbledore : Catoche, Pakalos (quand tu disais "Je crois savoir qui est Percy..."), Thalia Alice Potter (c'était complètement l'idée même si toi tu te demandais si TOUT LE MONDE n'était pas Percy haha xD), Lyra Morgana (tu n'étais pas loin avec Abelforth !), franchement vous dépotez :D Et pardon si j'ai oublié quelqu'un qui avait des doutes ! Des indices sont disséminés dans la fic, ne serait-ce qu'avec le comportement de Dumbledore d'une manière générale, mais ça commence vraiment à partir de la fin du chapitre 37, si vous voulez vous amuser à regarder certains passages autrement hihi. Bref, ce petit mot de fin était un poil long, mais je ne voulais rien dire dans la note au début du chapitre ! Bonnes vacances à celleux qui en ont/auront et des bises à tout le monde :) Et félicitations d'être arrivé.e.s jusqu'à la révélation !
