CANONNIER


-« Je ne suis pas sûr de vous suivre. » murmura Gabriel en fronçant les sourcils.

-« Allons, ne faites pas l'ignorant, cela ne vous sied pas du tout. Nous connaissons tous les deux votre petit secret. »

Gabriel fronça davantage les sourcils en regardant la personne qui se tenait face à lui. Il garda le silence quelques instants avant de reprendre la parole.

-« Je suis vraiment navré, mais je ne comprends pas ce que vous voulez insinuer. »

-« Dois-je être plus explicite dans ce cas ? Très bien. Vous êtes le Papillon, le super-vilain activement recherché. »

Loin de se laisser impressionner, M. Agreste haussa les sourcils alors que son visage se fendait d'un petit sourire ironique.

-« Vous entrez chez moi, vous me dérangez en plein travail pour oser m'accuser sans la moindre preuve ? Pathétique. »

-« Je n'ai aucun moyen matériel de le prouver, c'est vrai. Mais je saurai convaincre les autorités de venir fouiller chez vous. Après tout, vous devez bien avoir un endroit où exercer vos petits tours. Et au vu des proportions que prennent les enquêtes, je vous parie qu'ils finiront par le trouver. Il s'agit de la sécurité nationale. »

Gabriel perdit son petit sourire. Ce n'était pas totalement faux. Et s'il s'arrangeait toujours pour rester discret et ne jamais quitter son domicile, il n'était pas assez ignorant pour ne pas avoir envisagé que cette discrétion extrême pourrait lui causer quelques soucis si les soupçons se tournaient un jour vers lui.

-« Et même si cela était vrai, que voulez-vous de moi ? » demanda-t-il, intrigué.

-« Je veux vous aider. Je peux vous être utile. »

Cette fois, Gabriel laissa échapper un rire sardonique qui résonna sur tous les murs de son bureau.

-« Vous ? Vous voulez m'aider ? Et en quoi pourrais-je avoir besoin de vous ? »

-« Eh bien, vous êtes Papillon, vous avez commencé à sévir il y a plus de 4 mois et toujours aucun résultat. Cela doit être un petit peu frustrant, non ? »

Gabriel se contenta de rester silencieux, plissant légèrement les yeux.

-« Vous ne sortez jamais sur le terrain. Mais moi, si j'intervenais en même temps que votre victime du jour, il deviendrait soudain beaucoup plus facile de coincer Ladybug et Chat Noir, vous ne croyez pas ? »

-« … Pourquoi voudriez-vous faire cela ? »

-« Si je vous retourne la question, allez-vous me répondre ? »

-« Non. »

-« Alors je ne répondrai pas non plus. »

Il y eut un nouveau silence avant que l'invité ne reprenne la parole.

-« Allons, nous sommes entre personnes intelligentes ici. Vous savez que j'aie raison, et vous n'avez plus d'autres choix de toute façon. »

-« Sachez que vos menaces n'ont aucun effet sur moi. Vous ne pourrez jamais prouver ce que vous avancez, à qui que ce soit. »

-« Oh mais vous m'avez fourni tout ce dont j'avais besoin. »

Gabriel, écarquillant les yeux de stupeur, vit son invité sortir de sa poche un petit dictaphone noir qu'il secoua fièrement devant lui.

-« Je suis un peu déçu je dois dire, je pensais avoir affaire à quelqu'un de plus prudent. Vous avez baissé votre garde. Je suis persuadé que beaucoup de journalistes rêveraient de se procurer l'enregistrement de cette petite conversation. À moins bien sûr que vous reconsidériez ma proposition. »

-« … Si je refuse ? »

-« Vous vous retrouverez avec la police et la presse à scandale aux basques en un claquement de doigts. Vous êtes si mystérieux M. Agreste, si inaccessible ! La nouvelle se répandra comme une trainée de poudre, soyez-en sûr. »

Gabriel le scanna une nouvelle fois. Il devait reconnaître qu'il avait manqué de vigilance. Et maintenant, il était au pied du mur. Si la presse ne lui faisait pas peur, la police ne tarderait pas à se procurer toutes les autorisations nécessaires pour pénétrer dans sa maison et il savait qu'une fois les investigations lancées contre lui, il n'aurait alors plus de solutions.

Le visage de marbre, il se leva pour passer de l'autre côté de son bureau.

-« Je souhaite disposer de quelques jours pour réfléchir à votre… « offre ». »

-« Naturellement ! Prenez tout le temps qu'il vous faudra ! Sachez simplement que je ne suis pas quelqu'un de très patient. » ricana l'invité avant de faire volte-face.

Il quitta le bureau, passant devant Nathalie qui le foudroya du regard, lui remettant une petite carte sur laquelle était inscrit un numéro de téléphone. Elle attendit que ses pas s'éloignent avant de s'avancer vers son employeur.

-« Voulez-vous que j'envoie quelqu'un pour l'arrêter monsieur ? »

-« … Non. Ce jeune homme m'intrigue, et son culot m'amuse. Je vais y réfléchir. »

-« Vraiment ?! Mais Monsieur, il n'a rien contre vous ! Personne ne le croira jamais ! »

-« Je le sais Nathalie. Mais si quelqu'un souhaite se salir les mains à notre place, nous n'allons pas faire les difficiles, n'est-ce pas ? »

-« Mais… »

-« J'ai dit que j'allais y réfléchir. Retournons à notre travail maintenant. »

Nathalie se contenta d'acquiescer doucement, regardant Gabriel s'éloigner pour retourner s'assoir à son bureau, avant de regarder dédaigneusement la carte que lui avait confié l'insolent jeune homme.


Bridgette, Andréa, Félix et David patientaient sur le parvis du lycée, discutant tous ensemble pour se tenir chaud. Cela faisait deux semaines que l'akumatisation d'Andréa était arrivée et le petit groupe en était ressorti plus soudé que jamais. Au grand soulagement de Bridgette, elle avait vu Andréa et Félix reprendre leur routine habituelle tandis que Jehan était plus motivé que jamais à se déclarer à leur brune camarade. Depuis quelques jours, il travaillait intensément sur la chanson qu'il avait décidé d'interpréter pour elle, ne relâchant pas ses efforts et partageant ses quelques doutes avec sa meilleure amie qui l'éclairait avec assurance.

Tout était enfin redevenu normal et cela faisait du bien. Même Papillon semblait s'être apaisé. Il n'y avait pas eu de nouvel incident depuis l'akumatisation d'Andréa, permettant aux deux héros de Paris de souffler après une fin d'année forte en émotions, se retrouvant pour quelques patrouilles organisées çà et là dans la semaine.

Ce mercredi après-midi-là, le petit groupe avait décidé de se retrouver pour déjeuner ensemble à l'extérieur, profitant de leur après-midi libre pour faire traîner l'heure du repas un peu plus longtemps.

Mais si Félix n'avait pas trouvé d'inconvénient à cette petite sortie plus ou moins improvisée puisque prévue de la veille pour le lendemain, le jeune homme se sentait quelque peu tendu. De manière tout aussi soudaine, il avait été décidé d'inviter David mais également un autre adolescent répondant au nom de Priam à ce joyeux rendez-vous. Félix ne l'avait encore jamais vu mais avait souvent entendu parler de lui, étant un ami proche de Jehan et Bridgette, mais surtout en tant que petit-ami de David.

Bridgette, qui avait souvent promis de le leur présenter, à lui et Andréa qui ne l'avait jamais rencontré non plus, avait trouvé l'occasion de ce déjeuner parfaite et avait sauté sur l'occasion. Priam n'avait pas mis longtemps à confirmer et ainsi étaient-ils tous les quatre, attendant patiemment le retour de Jehan qui était rentré chez lui pour déposer sa guitare et l'arrivée de ce mystérieux jeune homme.

Bridgette étant plongée dans une vive conversation avec Andréa dans laquelle elle montrait fièrement ses nouvelles moufles rose pâle à son amie, excitée comme une enfant devant une vitrine de bonbons, Félix s'était naturellement tourné vers David, tentant d'ouvrir la conversation avec le timide garçon.

Et si ce dernier était toujours très effacé avec tout le monde lorsqu'il était en public, Félix avait été agréablement surpris de le voir s'ouvrir un peu plus à lui qu'il ne l'aurait jamais pensé. Malgré son regard toujours baissé et son manque flagrant d'assurance, David avait de la conversation et était un véritable passionné de littérature, d'art et de musique, ce qui ne déplaisait pas à son blond camarade. Mais alors que David complimentait son ami sur son talent pour le violon, ayant eu l'occasion de le voir jouer aux côtés de Jehan en passant au club de musique, le petit groupe entendit soudain des pas résonner fortement sur le sol.

Étonné, Félix se retourna pour apercevoir au loin Jehan qui se rapprochait, un petit sourire sur le visage et les mains dans les poches, mais surtout un autre jeune homme aux cheveux foncés qui courait vers eux. D'une carrure plutôt svelte, il devait être au moins aussi grand que lui mais semblait légèrement plus âgé. Félix n'eut pas le temps de le détailler plus que cela que déjà l'arriviste ouvrait ses bras avant de se mettre à crier en poursuivant sa course.

-« David ! » hurla-t-il avec un petit éclat de rire.

-« Non attends ! Je… ! Attends ! » protesta David, les mains en avant et en hochant négativement la tête.

-« DAVID ! » répéta le garçon avant d'attraper son compagnon dans ses bras alors que Félix se reculait, les yeux écarquillés de surprise.

Éclatant une nouvelle fois de rire, l'arriviste tourna plusieurs fois sur lui-même, enserrant David dans ses bras qui laissa échapper un glapissement de stupeur en se voyant soulever du sol avant de se mettre à crier sur le jeune homme qui riait toujours. Bridgette se mit à rire à son tour alors que Félix et Andréa se regardaient, dans l'incompréhension la plus totale.

-« Il est tout le temps comme ça. Ne vous inquiétez pas, vous allez vous y habituer. » déclara Jehan en arrivant à leur hauteur.

Reposant David au sol, légèrement sonné, le garçon ne défit pas pour autant son étreinte, le gardant bien serré contre lui avant que David ne fronce légèrement les sourcils, s'empourprant de manière flagrante.

-« Je t'ai déjà dit que je n'aimais pas que tu fasses ça. » grommela-t-il en faisant la moue.

-« Excuse-moi, c'était juste que ça faisait tellement longtemps qu'on ne s'était pas vu ! » gémit son compagnon.

-« On s'est vu dimanche ! C'était y'a trois jours ! » protesta David en détournant le regard pour manifester son mécontentement.

-« Oui mais pour moi trois jours c'était y'a longtemps… ! » reprit l'arriviste sur le même ton geignard.

Ignorant pour le moment les regards du reste du groupe posés sur eux, Priam serra davantage David dans ses bras, posant sa joue contre sa tempe.

-« Tu ne vas pas me faire la tête quand même ? »

-« J'ai besoin de réfléchir à la question. »

-« Aww… Allez… Je te demande pardon. Ne me boude pas, s'il te plait. »

-« … Tu es vraiment embarrassant parfois, tu le sais ça ? »

-« Je sais ! » ricana Priam avant de plaquer un baiser sonore sur la joue gauche de David qui s'empourpra de plus belle.

Le garçon se tourna ensuite vers le reste du groupe, un air malicieux sur le visage. Maintenant presque face à face, Félix put l'observer un peu plus en détail. Habillé d'un jean simple, d'un gros pull et d'un manteau, Priam passa ses yeux sur lui, permettant à Félix de remarquer que l'œil droit du garçon tendait dans les nuances bleues là où son autre œil tendait plus vers le vert. De petites cicatrices ornaient sa pommette droite ainsi que son menton, témoin de la vie sûrement agitée de l'adolescent tandis qu'un anneau argenté brillait à son lobe d'oreille droit. Il s'exprimait avec un léger accent qui lui était inconnu, lui faisant rouler certains « r ».

Priam s'avança vers Bridgette qui avait déjà fait quelques pas dans sa direction, passant ses bras autour de ses épaules avant de lui ébouriffer gentiment les cheveux.

-« Ça me fait plaisir de te voir, merci pour l'invitation. » déclara le jeune homme avec un sourire.

-« Moi aussi ! Ça faisait longtemps ! Et puis on avait des amis à te présenter. »

Priam acquiesça et continua sa route pour se poster devant Andréa. Ils échangèrent un regard, le jeune homme souriant plus largement avant d'attraper doucement la main de l'adolescente pour poser ses lèvres sur les phalanges de cette dernière. Surprise, elle écarquilla les yeux en le regardant faire.

-« Andréa, on m'a beaucoup parlé de toi. Ravi de te rencontrer. » dit-il d'une voix suave.

-« Hmm… Moi aussi… ? Enfin je crois. » déclara la jeune fille en retirant sa main, gênée.

-« Quel enthousiasme ! rit Priam en se redressant. Sans rire, ça fait vraiment plaisir de pouvoir mettre un visage sur ton prénom. »

Alors qu'elle échangeait un regard avec Jehan qui affichait un sourire serré, Priam se tourna vers Félix. Le grand blond eut un mouvement de recul, les sourcils froncés, inquiet de ce que pourrait lui faire l'arriviste. Mais celui-ci se contenta de rire une nouvelle fois, sans s'approcher davantage de lui.

-« Et toi c'est Félix c'est ça ? Je suis content que tu aies survécu jusqu'ici ! » ricana-t-il.

-« Pardon ? »

-« Attends, avec un paternel comme le tien, ça doit pas être facile tous les jours. Quoique tu me diras… Au moins il veille sur toi ! »

-« Comment est-ce que t- »

-« Oh allez, je connais tout le monde dans le quartier ! Mais ton père semble pourtant vouloir passer inaperçu. On se demande bien pourquoi d'ailleurs… Une idée ? »

Félix se raidit aussitôt, ce que remarqua Jehan. Il passa son bras autour de ses épaules pour couper court à la discussion.

-« Bon si tu nous donnais une idée sur un endroit où on pourrait déjeuner plutôt que de l'embêter, hmm ? »

-« Oh ! Ouais carrément ! Y'a une petite sandwicherie par-là-bas, annonça le garçon en pointant le boulevard du doigt. C'est un peu loin mais ça vaut le coup. »

-« Alors vas-y, on te suit. »

Priam haussa les épaules sans perdre son sourire et fit volte-face pour prendre la tête du cortège, attrapant la main de David au passage. Félix plissa les yeux en s'engageant à l'arrière du groupe. Ce garçon semblait un peu trop turbulent à son goût et surtout bien trop imprévisible pour qu'il puisse se sentir totalement serein quand il était dans les parages. Remarquant son visage fermé, Bridgette se mit à marcher à sa hauteur avant de poser rapidement sa main sur son avant-bras pour attirer son attention.

-« Il est un peu brute de décoffrage mais je t'assure qu'il est très gentil, tu n'as pas à t'inquiéter. »

-« J'ai juste été surpris, ce n'est rien. »

-« Il peut se montrer brutal quand il veut, rit Bridgette en se rejouant l'arrivée de son camarade, mais c'est vraiment quelqu'un sur qui on peut compter. Laisse-lui une chance, d'accord ? »

Félix croisa le regard de son amie avant d'acquiescer doucement, passant ses mains dans les poches de son manteau en observant Priam de loin. Un drôle de personnage, vraiment.


Bien que la température extérieure ne dépassait pas les 10 degrés, le temps était clément, la journée éclairée par le soleil accompagnée d'un grand ciel bleu sans nuage. Ne trouvant pas de places assises dans le petit commerce, les jeunes gens avaient décidés de s'installer dans un parc voisin, se serrant les uns et les autres sur un banc.

Depuis son arrivée, Priam n'avait pratiquement jamais cessé de parler, dialoguant vivement avec Jehan et Bridgette sans lâcher la main ou l'épaule de David, le gardant toujours près de lui, ce qui ne semblait pas déplaire à ce dernier.

En silence, Félix les regardait, légèrement surpris. David et Priam étaient totalement opposés dans leur comportement, le premier plus que réservé et le deuxième bien trop extraverti pour son propre bien. L'un passait son temps à regarder le sol ou à répondre timidement aux questions qu'on lui posait, l'autre ne manquait jamais une occasion d'ouvrir la bouche pour commenter toutes choses qui passait sous son regard ou tenter de faire rire ses camarades. Le grand blond se demandait bien comment les deux garçons avaient pu s'entendre et même former un couple alors que tout semblait les opposer.

Et soudain, en les regardant une nouvelle fois, Félix eut un flash et se mit à penser à ses parents, sans vraiment savoir pourquoi ni même sans l'avoir voulu. Au départ, eux aussi, tous les avaient opposés. Sa mère était lumineuse, son père renfermé. Emilie avait été la plus prévenante des mères, passant la plupart de son temps aux côtés de son fils, Gabriel avait toujours eu à cœur de rester enfermé dans son bureau, disparaissant parfois pendant de longues heures sans penser à lui. Mais au fond de lui, le garçon savait que tous deux, à leur manière, avaient toujours veillé à son bien-être et à ce qu'il ne manque de rien.

D'une certaine façon.

Les opposés s'attiraient, il en avait eu une parfaite illustration personnelle. Et aussi surprenant que cela pouvait l'être, la relation de Priam et David répondait également à ce standard, trouvant un équilibre entre leur train de vie et cette harmonie qu'ils partageaient donc si sereinement.

Plongé dans ses pensées, Félix mit de longues secondes à réaliser que l'on tentait de s'adresser à lui. Relevant les yeux vers ses camarades, il vit Priam incliner la tête sur le côté avant d'afficher un sourire tandis que les regards de ses autres camarades étaient posés sur lui.

-« Bah alors ? On dort debout ? » demanda l'adolescent.

-« J-Je réfléchissais, excusez-moi. » marmonna Félix, gêné.

-« Hehehe, c'est pour ça que je dis que c'est dangereux. »

-« Ça explique pas mal de choses alors… » dit Bridgette de manière innocente.

-« Non mais dis donc! »

-« Elle n'a pas vraiment tort en même temps… » murmura David avec un sourire qu'il peinait à dissimuler.

-« Mais dans quel camp tu es toi ? » s'offusqua Priam en pouffant.

-« Dans celui des gens intelligents ! » s'exclama Jehan.

-« Et tu t'inclus dedans ? » railla Andréa en lui adressant un petit sourire insolent.

-« Hey ! Pourquoi tu te retournes contre moi ?! »

Avec un petit sourire amusé, Félix regardait ses amis se disputer gentiment sans prendre part aux réflexions qui fusaient. Observant Jehan et Priam qui en étaient venus aux mains, se disputant joyeusement alors qu'ils essayaient, l'un comme l'autre, de prendre le dessus sur l'adversaire.

Après quelques secondes, le regard de l'adolescent glissa sur Bridgette, assise à côté de lui. Elle semblait absorbée par le combat inoffensif de ses camarades, riant en les regardant faire. Son regard posé loin de lui, Félix pu l'observer quelques instants avant de baisser les yeux.

Quelque chose n'allait pas.

-« Bon si on revenait à notre discussion avant que l'un de nous perde un œil hein ? » demanda Priam en se dégageant de la prise de Jehan.

-« Oh le lâche, abandonner en plein combat. Tout ça pour répondre à une pseudo question philosophique ! »

-« Moi je trouve ça intéressant comme question. » murmura Andréa en haussant les épaules.

-« Ah ! Merci bien ! déclara Priam. Alors Félix ? On t'offre la possibilité de faire un vœu, n'importe quoi tant que ce n'est pas matériellement impossible. Qu'est-ce que tu demandes ? »

Félix afficha une mine surprise face à cette question sortie de nulle part. Visiblement, Priam aussi aimait se lancer dans des questions profondes, tout comme Jehan le faisait parfois. Il prit quelques secondes pour réfléchir. Aussitôt, l'image de sa mère lui revint en tête avant de chasser rapidement cette idée. Bien évidemment, il aurait voulu la voir revenir, il aurait eu tellement de choses à lui dire, à lui raconter. Mais elle était partie, et faire ce genre de souhait aurait été contre nature. Il soupira avant de hausser les épaules.

-« Je ne sais pas, c'est une question très large. Il faudrait y réfléchir plus longtemps. »

-« Oh t'es pas drôle ! railla Priam en venant se poster en face de lui. Tu n'as pas une idée ? Même une toute petite ? »

-« … Non. »

-« Bon d'accord ! Tant pis ! Alors ? À qui le tour ? Bridgette ? »

-« Moi je pense que je demande la fin de la faim dans le monde ! »

-« Classique. Andréa ? »

-« Je ne sais pas, mais sûrement quelque chose d'utile comme Bridgette, faire construire des puits peut-être. »

-« Et toi David ? » continua Priam en se tournant vers son compagnon.

-« Hmm… Des écoles… peut-être, je ne sais pas trop… »

-« Pff ! Vous ne voyez pas assez grand ! »

-« Oh bah d'accord, répliqua Jehan en croisant les bras. Qu'est-ce que tu demanderais toi ? »

-« Mais soyez plus terre à terre ! Vous avez un vœu qui peut vous offrir n'importe quoi ! Moi je demande direct du pouvoir. »

-« Du pouvoir ? demanda Bridgette. Pour quoi faire ? »

-« Parce qu'avec le pouvoir, tu peux tout faire. Et même réduire la faim dans le monde, faire creuser des puits, construire des écoles, mais en mieux. »

-« Donc toi tu veux devenir « roi du monde » et c'est toi qui nous demande d'être réalistes ? » argua Andréa en échappant un petit rire.

-« Ce que je veux dire c'est qu'une fois en haut de la pyramide, tu as la mainmise sur tout ce que tu veux. »

Un silence se posa sur le groupe. Bridgette baissa les yeux et Félix l'imita en comprenant ce qui venait de lui passer en tête.

-« Ouais bah quand on voit ce qu'il se passe avec Papillon, j'espère que ça n'arrivera jamais tu vois. » déclara Andréa, faisant écho aux pensées de ses deux camarades.

-« Mais justement ! répliqua Priam. À sa place qu'est-ce que tu ferais toi ? »

-« Bah déjà je ne mettrais pas la totalité de la ville en péril pour poursuivre un but égoïste. On sait même pas ce qu'il veut faire des miraculous de Chat Noir et Ladybug de toute façon. »

Sans le savoir, Félix et Bridgette, à ces mots, eurent exactement la même pensée. Eux savaient pourquoi. Eux avaient bien conscience de ce que pourrait provoquer la réunion de leurs miraculous et, entre les mains d'une personne aussi mauvaise que le Papillon, le résultat pourrait être absolument catastrophique.

-« Moi je dis que s'il les poursuit, c'est qu'il doit y avoir une bonne raison, sûrement un pouvoir encore plus puissant à la clé ! » insista Priam en croisant les bras.

-« Et ça, ça justifie de mettre 2 millions de personnes innocentes en danger ? » coupa soudain Félix, les poings serrés.

Son intervention surpris tout le monde, faisant relever le regard de Bridgette pour se tourner vers lui. Elle pouvait sentir la colère vibrer dans la voix de son ami. Elle savait que son camarade avait un grand sens de la justice, et la situation dans laquelle était plongée la capitale, sous le joug du Papillon, devait être un sujet très sensible pour lui. Avant d'avoir pu dire quoi que ce soit pour tenter de faire redescendre la pression, Priam reprit la parole.

-« Imagine toi une seconde à sa place et ose me dire que tu ne songerais pas à faire comme lui, ne serait-ce qu'un instant. »

-« Tu défends ses actions ? » questionna Félix en serrant davantage les poings, enfonçant ses ongles dans ses paumes.

-« Non. Je dis juste que je peux le comprendre sur certains points. L'être humain est vénal, cupide et cruel par nature. Donnez à une personne l'occasion de s'enrichir et je peux vous assurer qu'elle le fera sans se poser de question, même si elle doit écraser des populations entières pour ça. L'appât du gain est une tentation trop forte. »

Félix observa le jeune homme avant de soupirer. Malgré la morale douteuse du garçon, il devait admettre qu'il n'avait pas totalement tort. Peu importe la motivation qui poussait Papillon à faire ce qu'il faisait, cette dernière avait forcément pour objectif d'atteindre un but égoïste. Car s'il avait voulu faire le bien, il n'aurait pas passé son temps à détruire la moitié de la ville toutes les semaines.

Le grand blond sentit de nouveau une pression peser sur ses épaules. Même si son rôle de Chat Noir se montrait maintenant plus simple que lors de ses premières missions, le garçon craignait toujours qu'un jour, elle et sa partenaire aient à affronter quelque chose de bien trop puissants pour eux, de ne pas se montrer à la hauteur, de ne plus pouvoir protéger la ville comme ils le faisaient depuis presque 5 mois maintenant. S'il parvenait à la faire taire la plupart du temps, cette peur était toujours présente, le suivant comme son ombre, pas toujours visible mais jamais très loin.

Passant sa main dans sa nuque, le garçon se releva du banc sous le regard de ses camarades.

-« Je suis fatigué, je vais rentrer chez moi. Merci pour l'invitation. »

-« Attends ! On va faire le chemin avec toi. » dit aussitôt Bridgette en sachant que le chauffeur de son camarade passerait le récupérer devant le lycée.

Après avoir rassemblé leurs affaires, le petit groupe se mit en mouvement, Andréa emboîtant le pas à ses deux camarades. Priam fronça les sourcils alors que David passait à côté de lui pour rattraper le trio qui s'éloignait déjà.

-« J'ai juste dit ce que je pensais, il fallait pas ? » demanda le garçon en se tournant vers Jehan.

Le grand métis ne dit rien, se contentant de soupirer, avant de passer son bras autour des épaules de son ami pour rattraper leurs amis.


Une fois Félix reparti, le petit groupe décida de poursuivre leur balade ensemble, prenant la direction de l'appartement d'Andréa qui était le plus éloigné du lycée, afin de la raccompagner chez elle. Le ton s'était fait plus léger, discutant de tout et de rien.

Malgré sa participation active à la discussion, Bridgette ne pouvait s'empêcher de penser à Félix. Elle l'avait vraiment vu contrarié par le sujet abordé par Priam et elle s'en voulait de ne pas être intervenue avant, et peut-être même d'avoir autant insisté pour les présenter. Les deux garçons avaient une vision des choses et même des styles de vie drastiquement différents et Priam n'avait même pas fait mine de ménager son camarade, le raillant assez souvent et l'obligeant à intervenir afin de calmer le jeu.

Et si elle savait très bien que Priam ne cherchait absolument pas le conflit mais simplement à le stimuler quelque peu, elle n'était pas sûre que Félix ait bien reçu les piques de son nouveau camarade.

Une fois Andréa déposée chez elle, le petit groupe prit la direction de la boulangerie des Dupain-Cheng en continuant leur joyeuse conversation. Main dans la main avec David et marchant juste derrière Bridgette et Jehan, Priam, un sourire narquois sur le visage, se pencha vers ce dernier.

-« Bon alors, tu comptes lui dire quand à Andréa ? »

-« Je ne vois pas de quoi tu parles. » répliqua aussitôt le grand métis.

-« Oh allez, pas à moi ! J'ai bien vu comment tu la regardais. Tu ne l'as pas lâché des yeux. Moi je pensais que vous étiez déjà ensemble ! »

Jehan fronça les sourcils alors que Bridgette se mettait à rire. Elle aussi avait remarqué les coups d'œil de son ami pour la belle brune, se faisant de moins en moins discrets et de plus en plus fréquents. Jehan fit la moue quelques instants avant de soupirer, un sourire en coin.

-« Bon d'accord d'accord, c'est bon, pas la peine de me regarder comme ça, dit-il en se tournant vers sa camarade. En fait, vous faites bien d'en parler parce que je compte me déclarer vendredi soir. »

-« C'est vrai ?! C'est génial ! » trépigna Bridgette en sautant légèrement.

-« Aha, c'est bien ! Moins tu attendras, plus vite tu seras fixé. Moi j'ai un peu trop traîné et un petit malin s'est déclaré avant moi. » dit Priam en regardant David qui s'empourpra légèrement.

-« Et… Comment est-ce que tu comptes le lui dire ? » osa demander ce dernier.

-« Bridgette m'a donné l'idée de lui interpréter une chanson. Alors j'ai travaillé un morceau de guitare. »

-« Ah ça c'est une super idée, j'adhère complètement ! dit Priam avec un hochement de tête. Je veux dire, la musique c'est tout toi, c'est la meilleure façon de leur exprimer tes sentiments. »

Bridgette leva les yeux vers Jehan pour lui faire un petit clin d'œil, auquel répondit son camarade. Elle était heureuse de voir qu'elle n'était pas la seule à avoir fait ce constat et elle était persuadée que tout se passerait bien pour lui et surtout pour eux deux.

-« Bon et toi Bridgette ? » demanda Priam avec un petit sourire.

-« Quoi moi ? »

-« Avec Félix, ça en est où ? »

La jeune fille fit violemment volte-face vers lui, la bouche grande ouverte, s'empourprant tout aussi rapidement.

-« Mais… ?! Qu'est-ce que tu… ?! N'importe quoi ! »

Les trois garçons éclatèrent de rire en voyant leur camarade si gênée, ce qui n'empêcha pas Priam de poursuivre.

-« Lui aussi il te regardait pendant le déjeuner… »

-« Mais non, il vous regardait vous, et il avait la tête tournée dans ma direction ! Mais ça ne veut pas dire qu'il me regardait moi. » bredouilla Bridgette en secouant négativement la tête.

-« Hmm… Désolé mais… » commença Jehan en faisant mine de réfléchir.

-« C'est toi qu'il regardait. » confirma David avec un petit hochement de tête.

Bridgette garda le silence quelques instants pour reprendre un peu de constance avant de répondre.

-« Bon, écoutez… Je ne sais pas ce que vous essayez de faire mais Félix est un ami, un point c'est tout. Vous l'avez peut-être vu me regarder, mais moi aussi je le regarde parfois, comme je vous regarde vous, et ça ne veut rien dire du tout. »

La jeune fille baissa ensuite les yeux, enfouissant le bas de son visage dans sa grande écharpe.

-« Et de toute façon, c'est impossible qu'il me voit un jour autrement que comme une amie. »

-« Pourquoi ça ? » demanda Jehan en haussant un sourcil intrigué.

-« Parce qu'il a toujours les yeux sur autre chose, quelque chose de très lointain. Même si j'en avais envie, je ne pourrais jamais m'élever assez haut pour qu'il me remarque. » soupira-t-elle en haussant les épaules.

-« Pff… Qu'est-ce que ça veut dire ça ? protesta Priam. C'est parce qu'il vit dans une grande baraque et que son vieux est riche que tu dis ça ? Et s'il se croit au-dessus des autres ton aristocrate, il ne vaut pas mieux qu'un autre. »

En entendant ces mots, Bridgette se mit cette fois en colère. Elle s'arrêta soudain de marcher pour faire face à son ami, les sourcils froncés.

-« Tu ne le connais pas et je ne te permets pas de parler de lui comme ça, tu m'entends ? Félix est un garçon très gentil et même s'il ne le montre pas souvent, c'est quelqu'un de très sensible. Et contrairement à d'autres, il n'essaye pas de profiter du statut de son père pour obtenir des faveurs ou des privilèges. Alors tu seras bien gentil d'arrêter de le faire passer pour ce qu'il n'est pas. Il est doux, c'est un excellent violoniste et je t'interdis même de penser qu'il pourrait se croire meilleur que nous pour nous faire du tort. »

Se rendant compte qu'elle avait haussé le ton, Bridgette s'arrêta aussitôt de parler, s'empourprant encore une fois sans pour autant décolérer. Priam, tout comme Jehan et David, d'abord surpris de cette intervention, laissa échapper un petit rire avant de lever les mains au niveau de sa tête en signe de rédemption.

-« D'accord, pardon, je suis désolé. Il n'a pas beaucoup parlé mais il a vraiment l'air d'être un gars sympa. Et je trouve d'ailleurs que tu lui dresses un beau portrait pour quelqu'un qui se dit pas intéressé… » dit-il avec un sourire.

Après un petit silence, Bridgette se contenta de hausser les épaules en reprenant sa route. Jehan, David et Priam échangèrent un regard avant de poursuivre eux aussi leur marche.


Heeeeeey ! Nouvel arc qui se lance, j'espère que ça vous a plu ! Je suis très excitée de vous le partager (enfin !) car cet arc était l'un des tous premiers auxquels j'ai pensé en commençant à écrire cette fanfic il y a plus de 2 ans. Je ne vous en dis pas plus, j'espère juste qu'il sera à la hauteur !

D'ailleurs, qu'avez vous pensé de ce nouveau personnage ? Comme je l'avais dit, Priam avait déjà été mentionné dans cette histoire (Gothika - Partie 1 - Chapitre 21) mais n'était jamais physiquement apparu. J'espère que vous l'appréciez tout autant que moi, c'est l'un de mes personnages que je préfère manier et dessiner !

D'ailleurs, vous pourrez retrouver une illustration de Priam et David liée à ce chapitre faites par mes soins en vous rendant sur mon Wattpad au même chapitre (Rimay89 - Un Autre Monde) ou sur mon instagram (15_maumau_04). On se retrouve la semaine prochaine pour la suite, restez connectés !