Je pense qu'un autre avertissement ne fera de mal à personne, on n'est jamais trop prudent.
La direction que prend ma fanfiction est susceptible d'heurter des lecteurs.
Le thème abordé pouvant être difficile, je pense qu'il est préférable d'être préparé.
Lorsque tout le monde revint, après les rapides examens de Bailey, Meredith était pelotonnée sous la couverture. À droite du lit, on pouvait penser qu'elle était profondément endormie mais posté à gauche, on voyait ses yeux grands ouverts.
Alex et Cristina s'installèrent à gauche, sur le canapé. De l'autre côté, Richard était dans le fauteuil qu'une infirmière venait d'apporter. Bailey était partie au labo, Derek n'était pas encore revenu.
« Tu as besoin de quelque chose ? »
Meredith resta silencieuse face à la question de son amie.
« Je t'ai apporté un sac avec des affaires. J'ai sûrement pris n'importe quoi mais il doit bien y avoir un pyjama. »
Elle ne sourit pas au semblant de blague d'Alex.
Elle resta amorphe lorsque la petite infirmière rousse déposa un plateau repas et lui amena une deuxième couverture.
Cristina lui prit la main.
« Tu sais, on est tous là pour toi. On va faire tout ce qu'on peut pour que tu te sentes mieux. On ne t'abandonne pas, Mer. »
Elle resta concentrée sur le plafond puis ferma les yeux. On ne t'abandonne pas. Elle avait abandonné sa fille. On est tous là pour toi. Elle n'avait pas été là quand sa sœur aurait encore pu être sauvée. Pour que tu te sentes mieux. C'était inconcevable. Un mirage. Une idée trop floue, trop abstraite.
Meredith Grey se recroquevilla et, les paupières fermement serrées l'une contre l'autre, espéra désespérément s'éteindre.
Voilà une heure que Meredith n'avait pas donné signe de vie. Seul le bip régulier du moniteur cardiaque était témoin du reste de vie qui l'habitait.
Cristina noyait son inquiétude dans des revues médicales tandis que Karev attendait patiemment le moindre signe, les yeux perdus dans le vide. Quant au docteur Webber, il se rongeait les sangs en toute immobilité. Personne dans la chambre 216 n'avait le courage d'affronter la vérité. Elle faisait peur, cette vérité. Parce que s'en approcher signifiait devoir la supporter. Seule Meredith avait essayé et à présent, elle se retrouvait écrasée.
Le claquement de la porte les fit tous trois frémir. Pas la patiente.
Miranda s'approcha du lit et vit les yeux clos du docteure Grey.
« Est-elle endormie ? »
Alex haussa les épaules.
« Meredith ? » demanda doucement Miranda en lui touchant l'épaule.
Un sursaut parcouru le corps de la patiente.
Miranda resta patiente, elle avait observé de nombreux mécanismes de défense dans des cas relativement similaires.
« Meredith, tes analyses sont bonnes. Tu peux manger de la nourriture solide et je t'encourage à le faire. Sinon, nous serons contraints de poursuivre avec la nutrition par intraveineuse, ce qui veut dire te garder ici plus longtemps. Cette nuit, j'aimerais te garder en observation mais pour la suite, je l'en remettrai à l'avis du docteur Gardner. »
Gardner ?
« C'est le chef du service de psychiatrie, ici, au Seattle Grace. »
Psychiatrie ? Je ne veux pas aller mieux. Je veux mourir.
« Il va arriver d'un moment à l'autre. Il aimerait commencer le plus tôt possible. Si le docteur Gardner ne te convient pas, je peux évidemment trouver un autre psychiatre. D'accord ? »
Mer resta immobile.
« Meredith, je sais que tu n'as peut-être pas envie de parler à qui que ce soit mais dis-moi au moins si tu as compris ce que je viens de te dire, » reprit doucement Bailey.
Mer haussa les épaules.
Ça satisfit le docteure Bailey qui le prit comme un oui et alla ouvrir la porte de la chambre.
Paul Gardner entra, muni d'un bloc-notes.
Richard, Yang et Karev sortirent avec le docteure Bailey, laissant leur amie seule avec le psychiatre.
Paul prit place sur le canapé.
« Bonjour, Meredith. »
Elle n'avait pas envie de le laisser entrer dans sa tête. Elle ne voulait pas décevoir une personne de plus.
« Je ne pense pas que vous soyez en train de dormir. J'aimerais beaucoup avoir une discussion avec vous. »
Elle luta mais fini par ouvrir les yeux, curieuse de voir l'homme assis en face.
Paul Gardner avait la cinquantaine, un crâne fourni de cheveux bruns parsemés de mèches grises, un ventre rebondi et de grandes mains chaleureuses.
Mer voulait lui faire confiance. Ç'avait l'air d'un homme bien.
La voyant ouvrir les yeux, le docteur Gardner sourit.
« Je suis content de vous rencontrer. Comment vous sentez-vous ? »
Elle ne répondit pas et continua à le fixer.
« Comment vous sentez vous, Meredith ? »
« Je ne sais pas. »
Il pencha la tête vers son épaule droite sans cesser de la regarder.
« Pas très bien, » dit Meredith, sa voix s'enrouant.
« Est-ce que vous voulez manger ? » demanda-t-il en faisant un geste du menton vers le plateau repas.
Elle secoua la tête, couchée en chien de fusil face au psychiatre.
« Et avez-vous faim ? »
Elle secoua la tête.
« Est-ce que vous avez des souvenirs de ces neuf derniers jours ? »
Silence.
« Pas le moindre ? »
« Thanksgiving. »
« Et ensuite ? »
« C'est un peu le brouillard. »
C'était probablement la phrase la plus construite qui était sortie de sa bouche depuis son réveil.
« Y-a-t-il des moments en particulier qui vous viennent en tête ? »
« De ce soir-là ? »
« Ce soir-là ou après. »
La jeune femme repositionna inconfortablement l'oreiller sous sa tête et détourna les yeux.
« Je viens de penser à quelque chose. Je n'ai pas fait les présentations en bonne et due forme. »
Un point d'interrogation se dessina dans l'esprit de Meredith. Cet homme était plus bizarre qu'il ne paraissait.
« Je m'appelle Paul. Docteur Gardner, mais tu peux m'appeler Paul. J'ai cinquante-trois ans, cinquante-quatre en janvier. J'ai étudié la médecine à l'université de Pennsylvanie, second de ma promo à un point d'écart avec la major de promo. J'avoue que j'en suis plutôt fier. J'ai commencé mon internat en ORL mais j'ai vite changé pour la psychiatrie. Je voulais faire ORL pour mes parents, classique. J'ai été chef des résidents. Oh, j'étais au Mass Gen. J'ai obtenu un poste ici, au Seattle Grace, titulaire en psychiatrie. Je suis chef du service depuis six ans. J'ai publié de nombreux articles et je suis spécialisé en comportements autodestructeurs et troubles dépressifs. »
Mer frissonna. Comportements autodestructeurs et troubles dépressifs. C'était dramatique, comme formule.
« J'ai épousé la major de ma promo, celle qui m'a battu d'un point, Michelle. Nous avons cinq enfants, tous adoptés. Zola vient du Malawi, Lucia d'Italie, Emile vient de France, Yasmine du Congo et le petit dernier, Dae-Ho, de Corée du sud. Je suis très heureux, j'aime beaucoup mon travail et j'aime ma famille. »
« Vous voulez m'exposer vie parfaite ? Vous êtes nul, comme psy. »
« Je veux que vous me fassiez confiance, Meredith. Pour que vous puissiez me parler. »
Elle haussa un sourcil.
« Vous êtes nul. »
« Si vous voulez savoir, ma femme et moi avons divorcé, il y a quelques années. Nous nous sommes remis ensemble il y a quelques mois à peine. »
C'est elle qui haussa un sourcil.
« Écoutez, je sais que trouvez sûrement ça ridicule mais plus vous en apprenez sur moi, plus vous me ferez confiance. »
« Vous en êtes sûr ? »
« Revenons-en à ce que nous disions. »
« Vous n'avez pas répondu. »
« Vous non plus. »
« Vous avez lu mon dossier ? »
« En effet. »
« Vraiment ? »
Il acquiesça.
« On ne dirait pas. »
« Comment ça ? »
« Vous ne me regardez pas comme les autres. »
« Comment vous regardent-ils ? »
« Je me souviens de Thanksgiving, de toute la soirée et de la nuit qui a suivi. »
« Très bien. Autre chose ? »
« Ça ne marche pas. »
« De quoi parlez-vous ? »
« Votre truc pour que je vous fasse confiance. »
« Y-a-t-il autre chose que je peux faire ? »
« Laissez-moi tranquille. »
« Vous le voulez vraiment ? »
Mer remonta les couvertures sous son menton et regarda fixement le psychiatre.
« Pourquoi ne voulez-vous pas me parler, Meredith ? »
Elle l'ignora et ferma fort les yeux en espérant qu'une fois rouverts, Paul aurait disparu.
Il resta silencieux un moment. Il laissa le temps à Meredith Grey de savoir ce qu'elle voulait.
