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Chapitre 61

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

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Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;

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Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Une Charogne, Baudelaire

-J'ai parlé à Isaac.

Aidlinn se tenait face à son père, les joues ravagées par les larmes que ses yeux épouvantés déversaient. Son corps entier tremblait et ses poings étaient si serrés que ses ongles s'incrustaient dans la chair tendre de ses mains. Gordon Rowle referma sa revue avec un soin extrême et la posa sur la table basse, semblant faire durer l'instant.

-C'est faux. Dis-moi que c'est faux, insista-t-elle.

Il se leva et elle vit son visage aussi sinistre que la mort.

-Tu n'as pas ramené ta valise, remarqua-t-il sans vraiment sembler surpris.

-Dis-moi que tu n'as pas tué Maman.

-Je ne peux pas te dire ça. Je l'ai fait.

La dernière digue mentale d'Aidlinn céda, inondant son esprit de confusion et d'horreur, la traversant d'un flot d'épouvante. Elle était sur le point de tomber à genoux, ses jambes tremblaient sous le choc et son corps était agité de sanglots. Elle nageait en plein cauchemar. C'était impossible.

-Comment aurais-tu pu ?

Son père avait aimé sa mère, il n'aurait jamais fait ça. Aucun mari ne tuait sa femme.

-Je ne voulais pas. J'aurais préféré mourir plutôt que de lui faire du mal. Elle m'y a obligé, tu comprends ?

Aidlinn secoua farouchement la tête. Non, elle ne comprenait rien. Son père fit un pas en avant, mais elle recula pour maintenir une distance de sécurité. Elle n'était plus sûre de connaître l'homme qui se tenait face à elle. Les traits de Gordon se durcirent.

-C'est Isaac qui m'a mis sur la voie - le pauvre, il ne s'en est jamais remis en comprenant. Il n'avait pas quinze ans quand il m'a appris la visite d'un homme dans notre maison. Oh, ça avait été imprudent d'amener un tel individu chez nous et ta mère ne fit jamais plus cette erreur – à l'époque, elle n'avait pas de plan et ne réalisait pas encore qu'elle projetait de nous quitter. Mais c'était trop tard, j'avais senti avant elle le relent fétide de la trahison qui émanait de sa peau.

Il inspira pour se calmer. Ses yeux étaient deux billes d'acier si froides qu'elles gelaient Aidlinn sur place.

-Elle croyait que je n'avais pas saisi son petit manège. Elle vous déposait chez cette idiote de Sheraton et partait retrouver son Caradoc Dearborn. Il lui montait la tête à propos des moldus, lui remplissait l'esprit de ses inepties. Elle croyait que je ne remarquais pas ses joues roses et son petit sourire absent le soir, elle ignorait que je sentais son parfum sur elle.

Son visage se tordit de fureur.

-J'aurais pu lui pardonner la tromperie, bien sûr, si elle avait fait amende honorable et avait cessé sa folie. Puis j'ai compris que cela allait plus loin. Je l'ai surprise en train de fouiller dans mon bureau, une fois. Je n'ai rien dit – un mari n'est pas censé avoir de secret pour sa femme. Après ça, j'ai compris qu'elle espionnait le Maître à travers moi. Toutes ses questions innocentes, ses petites incursions dans mes affaires ou pendant mes réunions n'avaient eu qu'un unique but : glaner des informations pour le camp adverse. J'ai cru devenir fou de rage, mais Merlin sait que j'avais connu pire. J'ai gardé la tête froide, si le Seigneur des Ténèbres avait appris cela, nous aurions tous été en danger – vous auriez été en danger, Isaac et toi. Je n'ai rien dit et j'ai attendu, je l'ai laissée faire. A la fin, elle se doutait de quelque chose, elle se méfiait de moi. Elle retirait chaque semaine un peu d'argent de notre coffre ; j'ai compris qu'elle voulait partir. Mais c'était trop tard, j'avais déjà entamé mon œuvre. Chaque jour, j'avais dissous quelques grammes de poudre de verlieu dans son thé - j'avais caché le goût avec du lait et du miel. Ça la rendait fiévreuse. Elle est restée alitée une semaine avant de comprendre. Son état ne s'améliorait pas. Oh bien sûr, j'avais de quoi mettre fin à ses jours dès que je le souhaitais – un coûteux poison à base de venin d'acromentule -, mais je ne pouvais pas… Finalement, elle m'a parlé directement. Elle m'a demandé si je l'avais empoisonnée et je lui ai dit que c'était le cas, que je ne la laisserais jamais s'enfuir avec vous, que je ne la laisserais jamais salir mon nom et ma réputation. Elle m'a tout avoué, mais elle ne m'a pas supplié. Elle était persuadée que j'étais un monstre. Elle s'était fait embrigader par Dearborn et tous ces sympathisants moldus. Si elle m'avait supplié…

Il s'interrompit.

-Je lui ai donné la dose létale, j'ai abrégé ses souffrances. Ta mère n'allait pas bien depuis déjà un moment, le médecin Mr Hoff a cru à un suicide.

- Maman allait très bien, le contredit Aidlinn.

-Non. Elle était sous laudanum depuis plusieurs années. Elle était dépressive, tout le monde était au courant ; elle était devenue la risée de Mrs Black et de ses partisantes.

-C'est faux, tenta Aidlinn.

Sa voix manquait de conviction, comme elle ne pouvait plus ignorer ce que son esprit avait volontairement relégué dans un coin de sa tête. Elle se rappelait bien les brusques changements d'humeur de sa mère, ses yeux vides et noyés, les heures interminables qu'elle passait enfermée dans sa chambre même lors des plus belles journées estivales, ses tableaux sombres et inhabités. Mais c'était sa mère, pas une quelconque malade, elle l'avait vu sourire tant de fois.

Gordon comprit qu'elle abdiquait et il reprit, d'une voix moins dure :

-Mr Hoff a gardé le silence en échange d'un geste gracieux envers sa famille – sa femme est née-moldue. Si tu savais, Aidlinn, le nombre de gens qui sont prêts à renoncer à n'importe quoi pour mettre leur famille à l'abri. Je m'étais servi de cette faiblesse toute ma vie et voilà que ma propre femme était la seule à ne pas respecter cette règle.

Gordon eut un sourire triste et furieux en même temps.

-Isaac a trouvé que ce n'était pas une raison suffisante pour tuer sa mère. Mais si le Seigneur des Ténèbres avait appris cette trahison - et Merlin sait qu'il l'aurait appris - il m'aurait fait regretter de ne pas l'avoir fait. J'ai vu ce qu'il faisait aux traîtres. Il aurait déchiqueté votre pauvre folle de mère, puis vous aurait arraché la peau sous mes yeux. Je ne pouvais pas la laisser faire cela. Elle est elle-même devenue l'ennemie de cette famille, elle a choisi son destin.

Son visage avait perdu tout trace d'expression.

-Ce n'était pas seulement une ennemie, c'était Maman, murmura Aidlinn, qui était tombée à genoux.

Elle ne pouvait chasser l'affreuse vision de l'ombre immense et maléfique de son père penché au-dessus de sa mère mourante. Elle prit sa tête dans ses mains en gémissant.

-Elle avait perdu la raison, elle nous mettait tous en danger.

Ce ne pouvait pas être vrai. Gordon continuait de parler, comme si cela pouvait retenir sa fille.

-C'était une sale égoïste. Toutes ces années, j'ai travaillé pour vous, pour vous assurer un avenir meilleur, j'ai risqué ma vie pour être parmi les favoris du Maître, pour être près de lui lorsqu'il arriverait au pouvoir. Et pendant ce temps, elle projetait de s'enfuir et de vous emmener. Comment est-ce que j'aurais pu laisser faire ça ?

Ses mains usées tremblaient de plus en plus.

-Je la hais pour ce qu'elle a fait, mais je ne peux m'empêcher de penser… si j'avais été plus attentionné, si j'avais été un meilleur mari, si j'avais été plus présent pour elle, peut-être que tout cela ne serait jamais arrivé.

Il baissa des yeux flous et perdus vers elle, tendit une paume hésitante vers elle.

-Aidlinn, tu comprends n'est-ce pas ? Tu ne vas pas partir comme Isaac ? Je n'avais pas le choix.

Aidlinn hésita. Il y avait une étrange crainte dans les yeux de son père, une crainte qu'elle avait déjà perçue dans ses yeux sans jamais comprendre d'où elle venait : la peur d'être abandonné. Il avait dû s'angoisser toutes les nuits à l'idée qu'Isaac vînt tout raconter à Aidlinn et qu'elle le laissât sans qu'il eût pu s'expliquer.

-Tu me tuerais aussi si je refusais de rester au côté des mangemorts ?

-Bien sûr que non ! Jamais ! C'est totalement différent. Je ne vous ferai jamais de mal, ni à toi ni à ton frère.

-En quoi est-ce si différent ? C'était ta femme.

-J'ai choisi entre sa vie et les vôtres et je vous ai choisis vous, mes enfants, ma chair, mon avenir.

-Nous aurions pu nous enfuir ! C'était ce qu'elle voulait faire.

-Mais fuir quoi ? Notre place est ici. Notre vie est ici. Il n'y a rien à fuir. Fuir le Maître ? Nous sommes de son côté, Aidlinn ! Il n'y a rien de mieux ailleurs.

Aidlinn se redressa et recula vers la porte. C'était absurde, ce n'était pas réel. Ce ne pouvait pas être réel.

-Isaac me pardonnera, tu sais. Il sait que j'ai fait ça pour votre bien. Il n'aurait pas attendu si longtemps avant de te le dire autrement. Je l'ai supplié de ne rien dire, tu n'étais pas prête… J'ai juré sur le nom des Rowle que je ne vous ferai jamais de mal – comme si c'était nécessaire ! Mais je n'aurais jamais cru qu'il tiendrait le secret aussi longtemps.

Il s'interrompit, leva un regard tremblant d'espoir vers elle.

-Toi, tu pourras lui faire entendre raison, n'est-ce pas ? Ma fille, si douce, si gentille… Tu dois lui parler pour que nous redevenions une vraie famille.

Aildinn secoua la tête, aussi effrayée par les révélations que par le désespoir de son père.

-Je suis désolée, mais je ne peux pas. Je ne peux pas.

Elle s'enfuit, quittant le manoir en courant, s'enfonçant dans les bois où elle s'était jurée de ne jamais retourner après l'anniversaire d'Isaac. La nuit avait pris possession des environs et elle manqua de trébucher plusieurs fois sur les racines noueuses qui sortaient de terre pour l'attraper.

Tout n'était plus qu'un tourbillon d'encre où elle se noyait.

C'était affreux.

Son père était un meurtrier. Il avait tué sa mère.

Les deux figures qui avaient le plus compté durant toute son enfance s'étaient déchirées jusqu'au fatal dénouement. Elle n'avait pas remarqué toute cette hostilité latente. Comment avait-elle pu être aussi aveugle ?

Elle n'avait jamais pensé à son père en qualité d'assassin, n'avait jamais soupçonné le monstre qui se cachait sous ses traits. Elle s'arrêta, à bout de souffle, dans une clairière éclairée par le croissant de lune.

C'était un cauchemar, elle allait se réveiller.

Elle resta la nuit entière dans cette clairière, terrifiée, épuisée mais incapable de trouver le répit. Le souvenir de sa défunte mère la hantait, tournait autour d'elle parmi les troncs, poursuivi par la silhouette noire inquiétante de son père. Il lui sembla qu'une force supérieure lui avait arraché son existence pour la remplacer par une autre, que dans un monde parallèle, elle vivait encore avec ses parents et son frère dans leur manoir et qu'ils étaient heureux. Comment tout avait pu finir ainsi ?

Au matin, elle retourna au manoir. La porte était encore ouverte, comme elle l'avait laissée en s'enfuyant ; elle aperçut la silhouette de son père ivre mort sur le canapé. Pendant un instant, elle eut pitié de lui, se sentit mal de l'abandonner, puis elle cligna des yeux et ne vit qu'un étranger à sa place. Elle monta discrètement et remplit une valise de ce qu'elle souhaitait emmener, fébrile, terrorisée à l'idée de le réveiller. Son cœur frappait dans sa poitrine alors qu'elle arrachait ses vêtements à leurs cintres, jetait au sol les affaires qu'elle ne comptait pas emporter. Le désordre envahissant sa chambre n'était qu'un pâle reflet de son chaos intérieur.

Par moments, elle croyait entendre des bruits de pas et se figeait avec horreur, croyant entendre son père qui montait l'escalier. Mais il n'y avait rien.

Elle passa dans la chambre de son frère, parcourut les lieux du regard. Contrairement à elle, son frère n'était jamais revenu pour revendiquer ses possessions. Elle comprenait désormais son horreur. Le manoir avait été le lieu de l'assassinat de leur mère. Elle prit au hasard quelques livres, dont celui de magie noire qu'Andrew lui avait offert pour sa majorité, quelques vêtements et attrapa Angus par le collier quand celui-ci apparut pour l'accueillir.

-Toi, tu viens avec moi, souffla-t-elle alors qu'il refusait de bouger.

Le chiot noir avait bien grandi, mais il était encore assez léger pour qu'elle pût le tirer de force. Elle attacha une vieille écharpe d'Isaac à son collier et l'emmena avec elle. Quand elle redescendit, son père n'avait pas bougé. En traînant sa lourde valise jusqu'au vestibule, elle trouva les deux elfes de maison qui pleuraient. Ils se jetèrent à ses pieds en gémissant, lui implorèrent de ne pas quitter le manoir. Ils disaient que Gordon ne s'en remettrait pas, qu'il allait mettre fin à ses jours, qu'il aimait ses enfants par-dessus tout et que sans eux, il n'était rien. Aidlinn était terrifiée à l'idée que son père fût réveillé par les lamentations des elfes.

-Ne partez pas, Maîtresse. Ne le laissez pas seul, la supplia Filwy une dernière fois. Restez avec nous.

-Je suis désolée.

Elle s'enfuit avec horreur, sans un regard en arrière, laissant derrière elle le manoir dont les volets claquaient sombrement et les appels désespérés des elfes.

Isaac ouvrit la porte au premier coup de sonnette. Il paraissait ne pas avoir dormi de la nuit non plus. Ses yeux fatigués avisèrent la valise qu'elle tenait, puis Angus qui tirait sur sa laisse de fortune, et il la prit dans ses bras.

-Je suis désolé, souffla-t-il. Je suis vraiment désolé. Pour tout.

Et Aidlinn savait qu'il l'était, même si cela ne changeait absolument rien.


Une année et demie passèrent pour Aidlinn, Isaac et leurs amis. L'automne 1977 vit le décès de Dorea Potter, née Black, disparue à l'âge surprenant de cinquante-sept ans. Les Black organisèrent un enterrement grandiose auquel une grande partie de la bonne société sorcière se rendit, davantage pour se faire bien voir des Black que pour rendre hommage aux Potter, qui semblaient se désengager du combat de leurs alliés sang-pur et de ce fait perdaient progressivement l'estime de tous ceux qui soutenaient encore le parti conservateur.

L'année 1978 commença avec la liquidation judiciaire de la Compagnie des balais universels, qui avait pourtant lancé une vingtaine d'années plus tôt l'Étoile filante, le modèle qui avait dominé le marché du balai de course bas de gamme toutes ces années. Si la nouvelle fit le tour de la communauté sorcière, elle fut vite remplacée par des évènements bien plus sombres.

Les arrestations de mangemorts et les catastrophes qu'ils provoquaient commençaient à faire systématiquement la une des journaux ; aucune revue ne se permettait plus de les classer dans les faits divers. En plus des escarmouches opposant les mangemorts et les aurors, les autorités étaient submergées d'accidents étranges, de disparitions, de démissions inattendues et de sombres tragédies. Sorciers progressistes et moldus étaient victimes d'horribles attentats, allant des explosions aux attaques de géants et de loups-garous.

Les aurors avaient beau arrêter des suspects, ces derniers étaient trop terrifiés par le courroux de Lord Voldemort et aucun ne parlait. Ils préféraient être envoyés à l'horrible prison d'Azkaban, car ils étaient persuadés que leur maître accèderait prochainement au pouvoir et les libèrerait aussitôt. Le chef du Département de la justice magique Bartemius Croupton Sr. proposa une loi autorisant l'usage de veritaserum et de legilimancie sur les inculpés, mais un mouvement, soigneusement soutenu par les sang-pur les plus influents, s'opposa à sa promulgation, déclarant que cela bafouait les droits les plus fondamentaux de tous les êtres doués de raison, et la proposition dut être abandonnée.

En conséquence, Croupton Sr. durcit les sentences et les criminels les plus chevronnés furent condamnés à subir le baiser du détraqueur ; un sort horrible que connurent cette année-là les mangemorts Rogers, Griffin et York, jugés coupables d'une vingtaine de séquestrations et tortures de nés-moldus, de neuf meurtres ainsi que de la destruction de plusieurs hameaux moldus.

Cela n'eut cependant pas l'effet escompté et la colère s'éleva parmi les partisans du Seigneur des Ténèbres. Leurs compagnons n'avaient-ils pas connu là un sort plus terrible que la mort ? La guerre s'intensifia encore, si c'était possible ; la peur grandissait dans le camp des progressistes, mais le ministère se bornait à résister.

Le ministre de la magie Harold Minchum, ordonna de doubler les effectifs des détraqueurs à Azkaban en réponse aux rumeurs qui prédisaient une évasion massive des prisonniers les plus dangereux. Minchum survécut à deux tentatives d'empoisonnement, dont l'une s'acheva par la mort d'un de ses fidèles conseillers. La sécurité fut renforcée au ministère, mais c'était inutile, car le mal gangrénait déjà la société en profondeur depuis de nombreuses années et le grondement de la révolution était tout proche.

En novembre 1978, le monde sorcier anglais n'était plus divisé qu'entre les conservateurs et les progressistes, des désignations qui avaient depuis longtemps été dérivées de leurs signifiances respectives, et il était impossible de savoir quel camp allait gagner.

Aidlinn ne retourna pas vivre au manoir Rowle, comme l'avait prédit Isaac, car, si elle ne détestait pas entièrement son père, elle n'arrivait simplement pas à agir comme si tout était normal quand ils se tenaient dans la même pièce. Elle emménagea dans la maison de Bury Lane que louait son frère aux Shafiq. Ils bénéficiaient tous deux de l'argent que leur déposait Gordon chaque mois sur leurs comptes personnels à la banque de Gringotts, sûrement dans une vaine tentative de réconciliation, mais ils se mirent à travailler quand même, bien que pour des raisons différentes : Isaac devint langue-de-plomb au ministère pour satisfaire sa curiosité insatiable et pour se rendre utile à Lord Voldemort ; Aidlinn s'engagea dans une formation d'audit financier au ministère afin d'échapper aux pièces vides et à l'ennui en l'absence de son frère.

Elle ne parla pas à Isaac des lettres qu'elle avait reçues et qui indiquaient que leur mère aurait choisi de laisser son fils derrière elle - cela aurait sûrement trop ébranlé son frère. Aidlinn y vit un curieux coup du destin : en fin de compte et contre l'avis d'Eleanor Rowle, il était possible que ce fut Isaac et non Aidlinn qui aurait été le plus enclin à s'enfuir avec elle.

Aidlinn garda aussi sous silence le reste de l'affaire dont seuls Rosier et Avery avaient connaissance. Elle savait désormais qu'Evan avait été mis au courant par Isaac de l'assassinat de leur mère – son frère le lui avait avoué – et elle s'était presque attendue à ce que Rosier vînt la trouver pour lui expliquer pourquoi il n'avait rien dit. Elle se rappelait comme à Poudlard, il avait pris soin d'écarter les doutes d'Isaac de ses propres oreilles et elle en vint à conclure que tout cela n'avait fait partie que de la vaste machination d'espionnage qu'il avait mise en place contre les Rowle.

Elle ne le trahit jamais, même si elle songea plusieurs fois à le faire. Les deux jeunes gens ne s'adressèrent plus que brièvement la parole entre Noël 1976 et fin 1978. Les seules fois où Aidlinn apercevait Rosier de près étaient quand il rendait visite à son frère dans leur maison de location. Cela suffisait à lui causer assez de peine pour le reste de la journée, si bien qu'elle refusait de se rendre aux rassemblements de leurs amis auxquels il prenait part.

Pendant plus d'un an, sa vie prit une rassurante monotonie destinée à lui faire oublier la terrifiante réalité de la guerre, ainsi que tout ce qui l'avait ébranlée personnellement. En plus de devoir vivre avec le poids d'une lourde tragédie familiale, Aidlinn craignait chaque soir de ne pas voir revenir son frère ou de trouver la photo d'un de ses amis dans le journal du lendemain matin. Elle-même se tint à l'écart des réunions de mangemorts, n'allant qu'aux larges réunions de sang-pur où les enfants, les épouses et les investisseurs étaient conviés. Comme Rosier l'avait écrit dans les horribles lettres destinées à son père, elle n'était finalement pas sûre d'avoir la force nécessaire pour survivre si elle s'aventurait plus profondément dans les ténèbres.


Bon, voilà une page qui se tourne, c'est sûr.

Merci énormément à feufollet, RhumFramboise, Baccarat V, LeleMichaelson et Lettie-Charlie pour avoir laisser leurs impressions sur les derniers chapitres ! J'espère que ceux-ci auront été à la hauteur de vos attentes.

Je vous dis à dans une semaine si tout va bien pour la suite ! :)