Notes de début de chapitre.
Warning ! Mentions de violences physiques et verbales, et très brèves allusions à des violences sexuelles.
CHAPITRE LXII
" Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi.
Le jour décroît la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif la clepsydre se vide."
(Charles Baudelaire, poète français, " L'Horloge")
a. Tempus Fugit
Il y avait eu un temps où Yeo Cho-Sang était encore relativement sobre, respectable, calme, amical. Sa-Mo parvenait encore à s'en souvenir parfois, même si l'alcool était rapidement venue balayer tout ce qui avait été son camarade avec les années, et avait tout recouvert, noyant lentement mais sûrement dans son acidité les vestiges de celui qui deviendrait le père de Woon plus tard.
Avec Baek Sa Goeng et son épouse, ils avaient quitté le confort obscur mais oppressant de la cave pour venir dîner en compagnie des Huk. Ju-Won dormait ce soir-là chez une amie dans le sud d'Hanyang, une compagne de jeu qu'elle s'était faite durant les premières semaines de leur emménagement entre les murs de la capitale et qui s'était transformée progressivement en amie de cœur et d'esprit, tout à la fois par le truchement d'une rencontre à un âge où les disputes et réconciliations étaient expédiées et simplifiées, favorisant l'édification d'une affection solide et davantage à l'épreuve des désaccords, mais également de deux tempéraments relativement similaires, dont les intérêts et les goûts, s'ils différaient parfois, restaient assez homogènes et par conséquent propres à renforcer l'entente entre les deux jeunes filles, sans risquer de provoquer une opposition due à trop de concordances entre leurs préférences et personnalités.
Le temps, également complice, avait contribué à épaissir et raffermir la nature des liens qu'elles entretenaient, comme il était par ailleurs capable d'annihiler des tendresses mutuelles, pourtant bâties elles aussi sur le long terme, mais qu'une rupture à un moment donné, un écart, quelque fois même minime, ou un ensemble de dissidences et de divisions amoncelées au fil des ans ayant amorcé l'installation d'une tension permanente, pathologique, souvent gardée secrète, avait mis à mal jusqu'à un point de non-retour.
Le temps construisait aussi bien qu'il détruisait. Sa-Mo, assis à côté de Jang-Mi, jetait tout en mangeant des coups d'œil à ses invités morts, et constatait sur leurs figures la présence d'une sixième convive, silencieuse et sans visage, qui se trouvait être le temps, et il avait conscience du poids que cet invité parasite faisait peser sur toute la maison, sur ses habitants, et sur ceux qui les connaissait.
Le temps était dans l'expression affligée de son épouse, dans son regard qui chutait avec détermination dans le contenu de son plat, et ne cherchait pas s'en relever. Outre la présence de gwishins chez eux, son inquiétude redoublait ces derniers temps en raison de l'absence de réponse de Min-So à la lettre que Jang-Mi lui avait fait parvenir, et qui avait été envoyée il y avait bientôt deux mois.
Les difficultés d'acheminement du courrier étaient connues et comprises par l'ensemble des sujets de Joseon, d'autant que l'apparition des morts sur le territoire avait un temps rimé avec plusieurs décès de messagers ayant eu le malheur de tomber sur des gwishins affamés, mais le système avait su développer des solutions de protection de ses recrues et avait en outre été toujours relativement régulier avant le début des résurrections, de par une organisation qui s'était affinée entre les siècles et qui était devenue tout à fait correcte comparativement à une époque antérieure et plus lointaine où la moindre communication en dehors des limites d'une ville ou d'un village se changeait en épopée digne des grands récits mythologiques exposés au cours des festins mondains, pendant les classes, ou aux enfants.
En outre, les échanges fréquents établis avec les Hong, bannis dans la campagne plus profonde, avaient permis à Jang-Mi de calculer la durée moyenne du temps qu'il fallait au messager pour remettre ses plis à sa nièce. Celle-ci était une correspondante assidue, et parfois même acharnée, qui répondait rapidement. Son changement de situation, et l'obligation de suivre son mari dans sa chute et sa perte de privilèges, avait effroyablement aggravé sa détresse, précipitant sa mélancolie, déjà accrue par la perte de ses enfants et son sentiment de culpabilité, aussi bien pour leur mort que suite aux reproches lui ayant été adressé sur son incapacité à donner un héritier mâle à Cho-Rip, dans un gouffre de découragement et d'hébétude.
Dans ses propres missives, Cho-Rip la blâmait d'être devenue inutile et apathique, incapable de prendre soin de la maison ou de leur fille. Min-So disait quant à elle qu'il devenait violent, aussi bien verbalement que physiquement, et que sa perte de pouvoir avait achevé de renforcer son obsession des gwishins et lui avait perdre définitivement l'esprit.
Il faut qu'elle parte avec la petite, avait dit Jang-Mi en lisant à Sa-Mo sa dernière lettre, il faut qu'elles viennent ici toutes les deux, on les prendra avec nous, mais elles ne peuvent pas rester avec lui, il est instable, et dangereux. Or, depuis que Jang-Mi lui avait écrit de venir les rejoindre à Hanyang, abandonnant Cho-Rip sans le mettre au courant de quoi que ce soit, aucune réponse n'était revenue, et Sa-Mo voyait son épouse se morfondre d'angoisse dans son attente (ma sœur est morte à cause de son mari, lui avait-elle dit, les yeux au loin, luisants de colère et de douleur, je ne veux pas qu'il arrive la même chose à ma nièce).
Sa-Mo avait tenté de l'apaiser en lui assurant que Min-So avait du caractère, autant que son père, qu'il y avait leur fille, que Cho-Rip traversait une mauvaise passe, que ce n'était probablement rien, mais les jours passaient, et le doute remontait à la surface, amenant avec lui les idées, les peurs, les appréhensions funestes.
Il voyait l'œuvre du temps aussi, sur les visages de Baek Sa Goeng et de la mère de Dong Soo. Lors de l'arrivée de celle-ci, ils avaient semblé sincèrement heureux de se revoir, s'étaient enlacés, embrassés, puis avaient commencé à parler, et depuis, quelque chose était apparu, une noirceur dont Sa-Mo ne parvenait pas à discerner l'origine, et ils étaient maintenant distants l'un envers l'autre.
Le visage de Sa Goeng était en permanence attiré vers le bas, comme le sol lui avait semblé particulièrement sympathique, et il n'intervenait plus dans les conversations à moins d'une absolue nécessité. Quand Sa-Mo l'avait connu, grâce à Gwang-Taek, dont Sa Goeng était probablement le plus vieil ami après lui, il était plus insouciant, plus bavard, moins renfermé, calme mais sans être aussi morose et amorphe.
Il était vivant, songea Sa-Mo avec une amertume douloureuse, tandis que les souvenirs du jour de son exécution s'arrimaient à son esprit, le prenait en otage, et persistait comme les harpons des pêcheurs.
- C'était vraiment délicieux, ma chérie, dit-il après avoir terminé son plat, pour démarrer une discussion, mais avant tout pour essayer de chasser l'invité dont il ne voulait pas, ce temps passé envahissant et étouffant.
- C'est vrai ? Jang-Mi parut reconnaissante de son compliment, et il put noter alors combien sa femme avait elle aussi conscience de la présence de l'intrus invisible. Tu as trouvé ça bon ?
- Bien sûr ! Je te l'ai toujours dit, tu pourrais ouvrir une taverne, les gens se presseraient pour goûter à ta cuisine !
- Sa-Mo-yah, tu ne devrais pas me flatter, répliqua t-elle, avec un sourire timide, délicat, celui d'une jeune fille, et Sa-Mo pensa alors "il ne faut pas que le temps y touche, à celui-là, surtout pas".
- Je t'assure que je le pense. Sa Goeng, tu ne penses pas que j'ai raison ?
C'était une de ses ruses, un des moyens qu'il avait trouvé pour faire participer leurs invités aux conversations. Autrement, ils pouvaient passer l'intégralité du repas dans un silence absolu et atrocement morbide. Durant les premiers jours de leur hébergement chez les Huk, les causeries avaient été plus chaleureuses, car on avait alors fait le point des situations de chacun, demandé des nouvelles, cherché à en savoir plus sur le phénomène de retour des morts, mais pour l'essentiel, c'était avant tout Sa-Mo et Jang-Mi qui avaient animé les échanges, racontant à tour de rôle.
En y repensant, celui-ci se rendait compte après coup qu'aucun de ses deux anciens camarades n'avait tenté d'approfondir les conversations en voulant en apprendre davantage sur lui et la vie qu'il avait mené sans eux depuis leur trépas. Leurs questions, essentiellement par ailleurs celles de Sa Goeng car Cho-Sang avait rapidement perdu tout intérêt pour les autres dès qu'il avait posé les yeux sur une carafe d'alcool, s'étaient bornées à être très larges, très peu nombreuses.
Qui plus est, ils n'avaient que peu réagi chaque fois que Sa-Mo achevait un récit, généralement très long et détaillé, par extension prompt à engendrer au moins quelques interrogations ou remarques supplémentaires. Au début, il avait cru à un contrecoup du choc de la renaissance. Par la suite, au fur et à mesure des semaines, il avait été forcé de reconnaître que ceux qui étaient jadis ses amis montraient désormais un engouement très limité pour tout ce qu'il pouvait leur enseigner en dehors des grandes thématiques générales telles que l'état du pays ou le fonctionnement des résurrections. Ce n'est pas le choc qui les rend aussi muets, avait protesté Jang-Mi un soir, dans leur lit, d'un ton frémissant de ressentiment, je crois bien que c'est juste parce que ça ne les intéressent pas.
Dong Soo recommençait à les éviter. Ils le savaient tous les deux, et bien qu'ils n'aient rien dit lorsqu'il leur avait affirmé avoir trop de travail, ils avaient vu aussi bien l'un que l'autre dans l'excuse les anciens spectres de la retraite sur lui-même qu'il avait plus largement entrepris après la mort de Woon, en réduisant ses visites, les contacts avec ses anciens camarades du camps d'entraînement, aujourd'hui partis rejoindre la lutte contre les gwishins et dont presque plus personne n'avait entendu parler depuis qu'ils avaient été envoyés en commandement dans les bastions de sud-est et sur la côté ouest.
Au début, ils avaient écrit, puis petit à petit leurs missives s'étaient faites plus rares, et depuis environ six ans, les Huk n'avaient rien reçu de leur part. Contrairement à Min-So, ils en avaient été moins préoccupés, car il y avait eu là un effet de la distance associé à des occupations prenantes et à, possiblement, un attachement moindre que l'éloignement de Dong Soo avait partiellement amplifié. Parfois, les garçons ressurgissaient dans les discussions (tu crois qu'ils sont morts ?). On pensait à envoyer une lettre, avant d'oublier.
Et le temps riait derrière eux, implacable et cinglant, toujours le même, tout puissant. Il s'était tout particulièrement esclaffé lorsque Sa-Mo avait revu Woon pour la première fois depuis quatorze ans, quand Dong Soo l'avait amené chez eux pour rencontrer leurs parents.
- Pourquoi tu ne nous l'a pas dit ? Lui avait demandé Sa-Mo, consterné et attristé du manque de confiance évident, alors qu'en lui remontait des images d'eux au camps d'entraînement, de Dong Soo battant les autres garçons jusqu'au sang alors que Woon regardait, de la façon dont il avait aperçu Dong Soo observer Woon parfois, avec une adoration décidée et troublante, de sa réaction après sa trahison, après sa mort, de ses deux effondrements successifs qui avaient été plus parlants que n'importe quel mot.
Il avait réussi à l'isoler, alors que Jang-Mi distrayait leurs invités et déployait des trésors d'inventivité pour rendre l'atmosphère plus conviviale. Dong Soo lui avait alors révélé depuis combien de temps Woon était revenu d'entre les morts, et il avait été incapable de contenir sa stupéfaction, ni les alarmes que lui avait causé l'idée de Dong Soo gardant Woon comme un secret, même aux yeux de sa propre famille.
- J'ai oublié, avait-il répondu d'abord, avec une hésitation visible, avant d'ajouter finalement d'une voix plus cassante : je n'étais pas sûr de comment vous réagiriez.
Derrière le mur de prétendue indécision, Sa-Mo avait entendu le reproche, l'accusation. Il avait voulu répliquer qu'il avait aussi bien veillé sur lui que sur Woon jusqu'à son retour à Heuksa Chorong, qu'il s'était inquiété pour lui, qu'il avait eu de l'affection pour le gamin comme pour tous les autres garçons du camps, qu'il avait espéré et accueilli avec joie sa volonté de revenir auprès d'eux après le coup d'état du ministre de la guerre, et qu'en vertu de toutes ces conditions, en plus du fait qu'il avait toujours considéré Dong Soo comme son fils, il ne voyait pas en quoi sa réaction aurait pu être négative.
Puis il s'était souvenu de ce qu'il avait dit à Jang-Mi, le soir où Sa Goeng s'était présenté à la porte de leur maison (personne ne doit savoir pas même Dong Soo pas pour l'instant). Il s'était aussi rappelé toutes les fois où il avait dit à Dong Soo de laisser Woon partir, de sa rage et de son indignation, de la façon dont il se repliait sur lui-même dès que Sa-Mo lui en parlait, des regards qu'il jetait dans le vide en espérant qu'on les lui rende, de ceux qu'il avait posé sur Woon jadis et qu'il posait encore, des garçons aux visages ensanglantés, de ses vieux doutes et de sa méfiance, jamais vraiment endormie malgré sa discrétion.
Il s'était souvenu de Byeong-cheol, de Jae-jin et de Do-Hyun. Et si et si et si et si. Il n'avait rien dit à Dong Soo, et l'avait laissé retourné auprès de ses parents. En se retournant, il avait croisé le regard de Woon, les beaux yeux noirs paisibles, tristes, qui observaient dans leur direction, et ces yeux-là avaient été ceux de l'assassin, du seigneur du ciel d'Heuksa Chorong, du garçon qui avait contemplé Dong Soo en brutaliser d'autres dès qu'ils l'insultaient lui, Woon, ou les deux à la fois.
Il reposa la question à Sa Goeng, mais celui-ci hocha juste la tête avec un sourire artificiel, forcé. Sa-Mo n'avait jamais été seul avec lui sans Gwang Taek, et il se demandait de plus en plus fréquemment depuis la résurrection de ses camarades de jeunesse si ce dernier ne les avait en fait pas tous réunis autour de lui en jouant le rôle de noyau, de catalyseur, autour duquel ils auraient tous gravité.
Le seul avec lequel il avait véritablement formé des affinités constantes et confortables avait été Dae-Po, et Dae-Po n'était pas revenu. Ils étaient tous les deux des roturiers, alors que Sa Goeng était fils de yangban, de même que Gwang Taek. Quant à Cho-Sang, le problème n'avait pas été sa basse extraction, mais son comportement. Du temps où il était garde royal, il buvait encore modérément, aimant le vin sans toutefois en abuser particulièrement, ou de façon exceptionnelle, lors de certaines nuits festives. Il était bon vivant, aimait la bonne chère, les femmes, le rire.
Sa-Mo avait passé avec lui des soirées incroyablement vivantes, joyeuses, et il s'était toujours senti à l'aise en sa compagnie, car contrairement à Sa Goeng, qui était parfois un peu moins accessible peut-être en raison de son éducation ou de son caractère, Cho-Sang était sociable et détendu. Il ne faisait pas de chichi, ni trop de manières. Il était simple, et accueillant dans sa familiarité. Sa-Mo ne comprenait pas ce qui s'était passé.
Les ennuis de Cho-Sang avec l'alcool s'étaient accentués peu après leur trentième anniversaire. Dae-Po avait mis le phénomène sur le compte du rejet amoureux qu'il avait subi, car il était à l'époque très épris d'une jeune femme de bonne famille, tristement hors de sa portée. Sa-Mo y avait vu d'autres choses, une résultante potentielle de certaines difficultés non résolues que son camarade lui avait confié, comme la mort de sa mère, survenue très brusquement alors que Cho-Sang avait vingt sept ans, le fait de n'avoir jamais connu son père, ou encore la persistance d'une terrible blessure à la jambe qu'il s'était faite lors d'une mission, et qui n'avait jamais vraiment guéri, lui infligeant des douleurs terribles.
Il avait été renvoyé de sa fonction de garde royal après son mariage avec la mère de Woon, que ni Sa-Mo, ni Dae-Po, ni aucun autre de ses compagnons n'avaient jamais rencontré, sous le prétexte que sa blessure était trop grave pour lui permettre de garder sa position, alors qu'en réalité sa consommation d'alcool, les sauts d'humeur et les délires qu'elle lui causait avaient davantage été à l'origine de son éviction. Après son départ, Sa-Mo n'avait presque plus eu de nouvelles pendant six ans. Il ne savait même pas qu'il avait eu un fils.
À la table des Huk, le Yeo Cho-Sang qui s'était levé des profondeurs de sa tombe grommela quelque chose en remarquant que la carafe de magkeolli était vide. Jang-Mi eut l'air désespéré, et la femme de Sa Goeng leva les yeux au ciel, exaspérée. Sa-Mo ne la connaissait pas bien. Il ne l'avait vu qu'à deux reprises, au moment de son union avec son camarade, à laquelle ils avaient tous été conviés, puis après la condamnation de celui-ci, pour aider la future mère alors sur le point d'accoucher à s'échapper.
Il ne savait quelle vie ils avaient eu ensembles, de quoi avaient été fait leurs rapports quotidiens. Il se demandait aussi où avaient disparus la mère qui avait gardé son bébé dix mois dans son ventre pour le protéger, et le père qui avait supplié Gwang Taek de veiller sur son enfant à venir. Il ne parvenait pas à les distinguer dans les remarques dépréciatives qu'ils adressaient à Dong Soo, dans la froideur de leur échanges, dans le peu de cas qu'ils paraissaient se faire du monde extérieur.
- Cho-Sang, arrête un peu de boire, veux tu, finit-il par dire, lassé de le voir agiter sa carafe comme un enfant à qui on aurait enlevé son jouet favori. Tu as terminé tout le magkeolli, tu ne trouves pas que ça suffit pour ce soir ?
Son ancien camarade secoua la tête avec véhémence, souffla comme un bœuf, reposa brutalement la carafe sur la table.
- Tu m'écoutes, Cho-Sang ? Répéta Sa-Mo.
- Si je veux boire, je bois, répondit vivement ce dernier. J'ai mes raisons, de bonnes raisons !
- Vraiment ? La voix de la mère de Dong Soo, lorsqu'elle intervint, était chargée de raillerie et d'agacement. Le fait que votre fils soit né coiffé vous paraît une bonne raison de vous soûler au point d'en devenir insupportable ?
- Vous ne savez pas ! Protesta aussitôt Cho-Sang. Vous ne savez pas interpréter les signes, vous n'y connaissez rien.
- J'en connais assez pour savoir que vous délirez, siffla la femme. La cicatrice de Sal Sung est une superstition insipide de bonne femme, que seul un ivrogne prendrait au sérieux. Vous nous rabâchez les oreilles avec cette histoire depuis des mois, accordez-nous donc une faveur et taisez-vous un moment. J'ai accouché d'un bébé après dix mois de grossesse, ce qui est tout aussi inhabituel, et pourtant vous ne voyez pas mon mari s'aviner en permanence. Bien que, je vous l'accorde, il faut admettre qu'il se soit arrangé pour ne pas avoir besoin d'en arriver là.
- Seo-yeon..., intervint Sa Goeng, alors que Sa-Mo et Jang-Mo n'osaient plus ouvrir la bouche, pétrifiés par l'emportement inattendu de son épouse.
Celle-ci lui jeta un regard noir, aiguisé de blâmes et de rancune.
- Quoi ? Lui demanda t-elle sèchement. Tu vas me dire que ce n'est pas vrai ? Que tu n'avais pas tout prévu ?
- Ça n'avait rien à voir...
- Ça avait tout à voir. Depuis le début. Dès le moment où je t'ai annoncé être enceinte, tu n'as eu de cesse de chercher des solutions, des échappatoires.
- Sa-Goeng, de quoi parle t-elle ?
Mais il ne répondit pas à la question de Sa-Mo, ignora sa tentative de désamorcer la dispute, et demeura tourné vers sa femme, impassible, aussi froid et inexpressif qu'une statue.
- Du jour où il a pris la faute sur lui pour les actes du prince héritier, dit alors cette dernière. Du jour où il a mis sa famille en danger, de façon délibérée, en sachant parfaitement ce qui les attendait et en décidant malgré tout de les condamner. Dis-leur, Sa Goeng. Dis-leur donc. Parle-leur du jour où tu as préféré mourir parce que l'idée de devenir père t'était trop insoutenable.
Elle se leva ensuite, raide, pâle et morte, mais bouillonnante de rage, et quitta la table sans rien ajouter d'autre. Le silence qui tomba après son départ avait la lourdeur du plomb, et de la vérité.
b. Impuissance apprise
Depuis que les contrôles avaient été instaurés aux portes d'Hanyang, le nombre de gwishins qui s'y étaient présentés avait drastiquement chuté, et il était désormais très rare de voir apparaître aux postes de surveillance leurs faces aux éclats de lune, blafardes, le long desquelles les veines étaient si aisément visibles au cours des premiers jours d'une résurrection, et comportant en leur milieu les yeux trop noirs, dans lesquels éclataient l'égarement, les incertitudes, la frayeur.
Nam-Kin n'y avait jamais réellement distingué de véritable danger ou d'hostilité, mais certains des autres soldats s'étaient moqués de lui lorsqu'il leur en avait touché deux mots, affirmant qu'il était trop crédule, et depuis trop peu de temps au service de l'armée de Joseon pour avoir réussi à prendre toute la mesure de la barbarie des gwishins. Tu verras quand ils s'en prendront à toi ou à ta famille, tu verras, lui avaient-ils dit, tu verras quand ils essaieront de te dévorer vivants.
Les murs de la caserne, si tant était qu'ils aient pu parler, auraient sans aucun doute abondé d'histoires affreuses, ébruitées par les soldats à l'instar de toutes les villes où stationnaient des garnisons militaires, et qui dépeignaient des attaques d'une férocité exacerbée, le plus souvent exagérée pour les besoins du sensationnalisme et pour stimuler la peur et le dégoût des audiences auxquelles elles étaient contées.
Nam-Kin, comme tous les hommes de l'armée, n'avait pas échappé à la coutume, et dès ses premiers jours d'intégration, il avait eu le droit au journal de l'horreur, soit une courte série de feuillets rédigés quotidiennement par un petit groupe de recrues, pour la majorité appartenant aux classes les plus fortunés et donc en mesure de pouvoir lire et écrire facilement, qui étaient déposés chaque matin devant les portes des dortoirs, et mis à disposition librement dans chacune des annexes de la caserne pour qui désirait en prendre connaissance.
Le nom de "journal de l'horreur" n'était pas officiel, mais c'était ainsi que tous s'étaient implicitement accordés pour nommer ces quelques pages qui décrivaient, en des termes crus, démoralisants et obscènes, souvent accompagnés d'illustrations sordides, des agressions de vivants par des gwishins, et plus spécifiquement au sein de l'armée du royaume.
Il en existait une version pour le reste des habitants de la capitale, placardée sur les murs des établissements, répandus dans les rues, sur le pas des portes des maisons. La stratégie avait été pensée sous le gouvernement du roi Yeongjo, mais c'était avec celui de son petit-fils qu'elle s'était véritablement établie. Elle se déclinait aussi en crieurs, en conteurs d'histoires publiques, en peintres et en auteurs. Tous les supports étaient bons.
Qui plus est, les récits étaient supportés par ceux des troupes itinérantes de passage dans la ville, dont les membres rejouaient des attaques pour le grand plaisir cruel des citoyens, sous la forme de rôles ou par le biais de marionnettes. Les gwishins étaient toujours les monstres, les affamés, les cannibales. Nam-Kin, qui avait assisté à quelques représentations dans les rues d'Hanyang, lu quelques pamphlets, entendu plusieurs récits, n'avait pas le souvenir d'avoir jamais entendu ou vu un mort dépeint comme un être sensible, doué d'autant de perceptions et de conscience de soi qu'un vivant, mais simplement assujetti à une faim de viande qui, si elle n'était pas assouvie, pouvait le conduire à faire preuve de violence.
C'était la fin de journée : il avait terminé son service et rentrait en direction de la caserne, accompagné par l'un de ses collègues lui aussi régulièrement envoyé à la surveillance des portes principales, avec lequel il entretenait des rapports amicaux et aimait discuter d'arts martiaux, de femmes et de bonnes auberges. Ce confrère était le fils d'un ingénieur, qui avait entre autre travaillé sur le renforcement des murailles d'Hanyang pour lutter contre les invasions potentielles de gwishins, mais aussi sur des idées de barrages à plusieurs points de la rivière Han.
Le roi Jeongjo, comme son aïeul, était un homme d'esprit que sa haute éducation avait porté à s'intéresser à de nombreux projets, et les deux souverains suivaient une politique quasi-équivalente. Les intérêts de Yeongjo s'étaient centrés sur le rétablissement économique du pays à la suite des guerres subies au cours des deux siècles précédents, sur la réduction en partie des taxes pour le petit peuple, le développement de techniques paysannes plus modernes, le commerce et l'accès à l'éducation de ses sujets les plus défavorisés.
L'apparition des gwishins avait été un frein considérable à ses dernières réformes, et avait mis à mal tous les efforts déployés auparavant pour améliorer la qualité de vie des résidents du pays. Les différences entre classes sociales avaient régressés, les richesses étaient revenues aux individus mieux nés, l'éducation avait été placée au second plan, et tous les bénéfices issues des actions commerciales des dernières années avaient été englouties par la défense du royaume et les besoins de l'armée pour combattre un phénomène que personne ne comprenait.
En l'espace de quelques mois, tout ce que Yeongjo avait pu bâtir de positif en cinquante ans de règne s'était effondré. Avec une situation désormais stabilisée, ou plus stable en tout cas que précédemment parce que mieux comprise et maîtrisée, son petit fils s'employait à proposer des réformes progressistes concernant le rayonnement culturel et mécanique de Joseon, se basant pour ce faire sur les gains accumulés par son aïeul, bien que la guerre contre les gwishins les eût grandement affaibli.
Il avait fondé la bibliothèque Kyujanggak en 1776, que Nam-Kin avait eu l'occasion de visiter une fois, lors d'un passage au palais royal, et il se rappelait n'avoir jamais vu autant d'ouvrages rassemblés au même endroit, sur autant de sujet, tandis que les odeurs pénétrantes et apaisantes du papier et de l'encre encensaient toutes les pièces.
Les gwishins avaient leur place dans cette bibliothèque, sous l'intitulé de l'Encyclopédie des Morts. Nam-Kin avait entendu des rumeurs vagues à propos d'un second tome qui avait été rédigé sous Yeongjo mais dont les conclusions, favorables aux morts et à leur intégration dans la société, ne lui avaient pas plu, et qui aurait été annulé dès sa lecture des premières pages.
Depuis quelques temps, les gens affirmaient aussi, et plus particulièrement dans le monde des lettrés et des aristocrates, qu'un volume supplémentaire avait été mis entre les mains du roi, découvert sur un gwishin capturé à plusieurs kilomètres de cela et écrit de la main de l'un des leurs, qui avait répertorié des caractéristiques jusqu'à lors jamais observé par les théoriciens et les experts auxquels on avait confié la question de l'étude des morts.
Lorsque le Décret Royal de 1777 était paru, il avait été accompagné, au delà d'une descriptions des nouvelles mesures de répressions et de la révélation de la présence des gwishins au sein même des institutions vivantes, d'une liste d'attributs nouveaux jusqu'à lors totalement inconnus du grand public, tout au plus envisagés à voix basse. Parmi ces particularité, trois d'entre elles avaient déchaîné les passions et les débats au cœur de toutes les factions de la société :
"Les gwishins possèdent la capacité de communiquer les uns avec les autres par la pensée, dans un espace d'esprit pur qu'ils nomment la conscience collective, et qu'ils utilisent pour échanger des informations ou pour se localiser."
" Les gwishins sont sensibles à la prise de certaines plantes spécifiques, qui, sans les tuer, peuvent jouer le rôle de drogues ou de paralysants."
" Les gwishins ne ressentent la douleur que si celle-ci est provoquée par le feu."
" Certains gwishins occupent des fonctions clés dans une hiérarchie des morts encore non déterminée par le gouvernement."
Nam-Kin et son compagnon croisèrent, au milieu de la grande rue commerciale du palais, la route du Prêcheur, silencieux et marmonnant dans sa barbe quand il n'était pas sur son estrade improvisé à haranguer les foules à propos des morts et de la fin du monde.
Celui-ci vint à leur rencontre, titubant comme un ivrogne, les yeux si ronds, si larges et si fiévreux qu'ils auraient fait reculer de peur tout passant n'ayant pas eu le plaisir d'assister à ses sermons et de faire plus amplement sa connaissance. Sa main osseuse s'abattit sur l'épaule de Nam-Jin, ses ongles se plantèrent dans sa peau comme les serres d'un aigle.
- Ils sont bientôt là, vous savez, récita t-il, comme il le faisait près de quatre à cinq fois par jour, à différents endroits de la capitale. Les Yeux vont arriver. Le Grand Brasier Blanc. C'est pour bientôt. Et ensuite l'Île et la Mer, et le monstre rejoindra le pourquoi, et tout sera résolu, tout, tout...
Il haletait, et sa voix était étouffée, rauque d'avoir trop crié. Il n'avait presque plus de cheveux, et l'un de ses yeux était plein de sang. Sa poigne était faible. Il semblait épuisé, terrorisé. Son regard était instable, incapable de se fixer. Nam-Kin éprouva pour lui une vague de pitié, tempérée par la répugnance que sa carcasse décharnée et sa puanteur lui inspiraient.
- Lâche-le, gronda le confrère de Nam-kin d'un ton ferme, mais pas véritablement menaçant. Et va t-en ennuyer quelqu'un d'autre avec tes Yeux.
Nam-Kin se libéra de l'étau de sa griffe.
- Vous devriez aller vous coucher, lui conseilla t-il.
Le Prêcheur émit alors un rire bref, effroyablement lucide.
- Je ne peux pas dormir. Je ne peux pas. Dès que je ferme les yeux, j'en vois d'autres, et je ne veux pas les voir, oh non, je n'ai rien demandé, rien demandé.
Il reprit son chemin le dos voûté, l'air prêt à s'effondrer au sol, répétant sa dernière phrase encore et encore, dans un murmure de plus en plus inaudible à mesure qu'il s'éloignait. Nam-Kin et son collègue recommencèrent à marcher vers la caserne. Ils n'étaient plus très loin.
Il les entendit avant de les voir, alors qu'il se remémorait le dernier gwishin qui avait passé les portes du poste de surveillance, un grand type à l'air menaçant, marchant lourdement, à l'œil sombre et à l'expression rude, sauvage. Il n'avait pas compris quand Nam-Kin lui avait demandé son nom et lui posé les questions habituelles de l'interrogatoire d'entrée à l'intérieur d'Hanyang.
Qu'est-ce que c'est que tout ça ? Avait-il exigé de savoir en faisant planer sur toute la pièce un index impérieux. Il n'était pas armé, mais Nam-Kin avait vu le danger dans sa posture, sur son visage aux traits nobles malgré tout. Il n'avait pas résisté quand les autres soldats l'avaient emmené dans la salle adjacente pour le test du feu. Nam-Kin ne l'avait même pas entendu protester ou essayer de repousser l'échéance, pas plus qu'il n'avait rugi de douleur quand le fer blanc s'était abattu sur sa main.
Gwishin ! S'était exclamé depuis la pièce l'un des soldats, provoquant un court mouvement de panique parmi les autres vivants qui se trouvaient là, et même alors, l'homme n'avait pas cherché à combattre quand on lui avait passé les fers et qu'on l'avait empoigné pour le mener vers la prison. L'un des confrères de Nam-Kin, qui était venu prêter main forte à ses camarades par prudence, avait raconté à celui-ci que l'homme avait simplement demandé ce qui se passait, ce à quoi personne n'avait daigné lui répondre.
Nam-Kin en avait profité pour lui confier sa stupéfaction face à la docilité du mort.
- Je me serais attendu à plus de...
- De résistance ? Avait complété généreusement pour lui son camarade, avec un sourire complice.
- Oui, avait-il admis. Il avait l'air si menaçant en arrivant au poste.
- Il n'avait pas d'épée pour se défendre, et nous étions beaucoup plus nombreux, avait alors observé posément son compagnon. Qui plus est, tu sais aussi bien que moi qu'il y a des gens qui ont l'air menaçant et qui se révèlent finalement être totalement inoffensifs, comme il en existe d'autres à l'aspect très amical, mais qui te réduiront en charpie dès que tu auras le dos tourné.
- Tout de même, avoue que tu as été surpris, toi aussi.
- Un peu. Mais j'ai fini par comprendre quand je l'ai vu derrière les barreaux. Il ne nous a pas opposé de résistance parce qu'il ne le voulait pas. Il avait l'air éteint, dans sa cellule. Comme beaucoup de gwishins avant lui.
Nam-Kin lui avait accordé l'argument. Le seul mort un peu véhément auquel il avait jamais été confronté depuis son affiliation à la surveillance des portes de la capitale avait été une femme qui avait succombé à la folie d'une crise de faim juste à l'entrée de la ville, et qui avait eu le temps de blesser sérieusement un vieil homme avant d'être décapitée par un garde. Tous les autres avaient certes crié et pleuré lors de leurs arrestations, mais s'étaient calmé aussitôt en prison, tombant pour la grande majorité dans un état d'abrutissement inquiétant, tant il évoquait la mort.
Dans une ruelle déserte et quasiment abandonnée, un groupe de cinq soldats tenant des torches entourait un homme dont Nam-Kin ne voyait pas bien le visage, à l'exception du fait que celui-ci était éclaboussé de tâches noires (le sang des morts). Il était à genoux, replié sur lui-même comme un enfant, et tremblait en sanglotant, en suppliant. Nam-Kin n'avait pas besoin d'être plus proche pour deviner ce qu'il disait. S'il vous plait. Arrêtez. Je vous en prie. Je n'ai rien fait.
Ce n'était pas la première scène de ce genre dont il était témoin. Parfois, quand des brigades trouvaient un gwishin, ils entreprenaient de le battre, profitant de sa condition théoriquement immortelle en dehors du feu et de la décapitation pour s'adonner à des sévices particulièrement cruels et atroces, les frappant à tour de rôles avec des coups de pieds, des coups de poings, appliquant sur leurs blessures ouvertes des braises retirés des feux de foyer afin de les faire souffrir physiquement, les brûlant avec les flammes des torches.
Ils les insultaient, crachaient sur leurs corps morts, les dépouillaient. Ils étaient des soldats, mais aussi des capitaines, des commandants, des instructeurs. Parfois, les gwishins venaient tout juste d'être repérés dans Hanyang. D'autres fois, ils venaient de la prison, et avaient été emmenés là dans le plus grand secret, pour servir de défouloir aux soldats. Ils étaient des cibles faciles, que la haine et la peur de la population à leur égard dispensaient de toute compassion et d'aide.
L'armée leur faisait payer au centuple les buffets de chair humaine, leur retour inexpliqué, le dérèglement qu'ils provoquaient. Tous les militaires ne se laissaient pas aller à ces pratiques, mais ils étaient un nombre suffisamment significatif pour être évoqué, et même ceux qui étaient de nature plus tranquille et mesuré se voyaient embrigadés dans les agressions de gwishins, et se retrouvaient à les martyriser avec une joie sadique, trouvant dans leur douleur un exutoire pour leurs propres terreurs et confusion.
En général, il s'en voulaient dès l'instant où prenaient fin les tourments. Certains allaient très loin, dans la distribution des souffrances. Les soupçons de nécrophilie dans l'armée de Joseon étaient, après tout, la conséquence directe de ces réunions clandestines.
Nam-Kin avait été invité, une fois, à l'une d'entre elle. Le gwishin était un gosse de son âge, et il lui avait donné dix coups de pied, sentant sa violence et sa colère grandir à chacun d'entre eux. Mais quand il s'était arrêté, passant le relai à un autre de ses camarades, le mort avait levé vers lui des yeux larmoyants, noirs, désillusionnés, suppliants (vivants), et il avait alors senti remonter une bile d'effroi et de honte depuis le fond de ses entrailles (pourquoi pourquoi pourquoi faites-vous cela pourquoi nous n'avons rien fait rien fait). Il avait décliné toutes les autres invitations.
Et comme le gwishin à présent encerclé par ses bourreau lui jetait ce regard terrible, cette fois empli d'espoir, il éprouva de nouveau la même sensation abominable de culpabilité, les mêmes remords. Son camarade lui tira le bras.
- Viens, le pria t-il. Partons.
(pourquoi faites-vous cela)
- On devrait faire quelque chose.
- On ne peut rien faire. Rien. Ça ne servirait à rien, de toute façon. Allons-nous en. Ne regarde pas.
Il obéit. En partant, il aperçut une femme sur le pas d'une porte de maison, situé juste en face de la ruelle, et qui regardait elle aussi se dérouler la persécution avec une épouvante grandissante. Elle croisa son regard. Ses yeux étaient très noirs, son teint très pâle.
Nam-Kin inclina la tête, baissa les siens vers le sol, et pensa "pardon", aussi fort qu'il le put.
