Gays of thrones
Chapitre 77
Pas aujourd'hui !
Un quart d'heure plus tard, Arya était allongée, nue, sous un drap rêche, à méditer sur le sens de sa vie, et, accessoirement, sur ce qu'elle venait de vivre. Dans les deux cas, la conclusion restait la même : ce fut court, mais intense. Et réciproquement. « Tout ça pour ça ? », se demandait Arya. Elle commençait à se dire qu'elle aurait dû écouter Mini Mormont. Malheureusement, elle ne put se lever, elle avait besoin de récupérer.
« Mince, songea-t-elle, est-ce que je serai en état de lutter ? »
Soulevant discrètement le drap, Arya regarda sa paillasse : une légère trace de sang s'était déposée entre ses cuisses.
« De mieux en mieux ! », songea-t-elle, « l'armée des Morts est à nos portes, ça n'est vraiment pas le moment d'avoir ses règles ! »
Aucune femme de sa famille n'était là pour lui expliquer que c'était normal… Arya détestait assez sa féminité comme ça, pas besoin d'aggraver les choses ! Même Bran n'était plus là : la petite araignée n'eût donc pas à descendre du mur pour aller poser un pédipalpe réconfortant sur le bras d'Arya, ce qui lui permit au passage de survivre à cette longue nuit (on ne pense pas assez aux bestioles dans cette série ! Heureusement qu'il y a Tyrion pour protéger les blattes !).
Mais Arya n'eut pas le temps de s'appesantir sur ses questionnements existentiels : le sol s'était mis à trembler.
Lames de feu à la main, l'armée des Dothrakis s'élança en hurlant. Les fiers coursiers d'Essos galopèrent dans la neige, clamant l'hallali sur les squelettes.
Apparemment, les choses furent plus compliquées que prévu.
Du haut de leur colline, Jon et Daenerys regardèrent le spectacle, lui tétanisé par l'incertitude, elle, excitée comme à une représentation d'Holliday on ice. Tous deux avaient compté sur un incendie plus grand encore que celui de Mance Ryder au pied du Mur, malheureusement, il n'y eut pas la flambée espérée : les Dothrakis étant irrémédiablement concons, pas un seul n'avait compris que si on avait mis le feu à leurs machettes, c'étaient pour incendier l'ennemi. Ils ne connaissaient que la taille et le scalp, les autres techniques d'homicide, ça ne les intéressait pas. Lorsqu'il avait arraché à mains nues la langue d'un impudent, Khal Drogo avait fait montre d'une originalité novatrice et inégalée – un génie. Comme ils n'avaient pas compris qu'ils affrontaient des morts, ils se firent massacrer : les seuls qui revinrent avaient fui d'épouvante. C'était ça, la horde qui terrifiait les peuples ? Quelle déception !
Le premier escadron défait, les spectres arrivèrent en face des Immaculés. L'armée des Morts contre celle des Psychopathes : les gars étaient moins stupides, ils s'étaient préparés. Pas un seul pour déserter : allez hop, les copains, tous ensemble, on allonge la lance en criant « This is Sparta ! » ! Certains morts se firent découper en arrivant sur les fers, mais comme ils étaient déjà morts, tels des hydres de Lerne, ils ne firent que se multiplier.
« Ouh là ! », songea Ver-Gris en voyant déferler sur lui un morceau qui ressemblait vaguement à La Chose, « je crois qu'on a fait une erreur tactique ! »
Et il se retrouva à agiter un flambeau dans tous les sens pour se débarrasser des monstres.
Du haut des murailles, les guetteurs se demandèrent ce que signifiait ce signal.
La situation eût été perdue si, dans un sursaut de courage, Daenerys Targaryen, la reine la plus martiale de la série, n'eût fait voler son dragon au-dessus de l'ennemi : une fois encore, Drogon souffla les morts par milliers, suivi de Rhaegal, qui imitait son frère d'instinct, Jon sur son dos ne sachant trop comment guider la bête. Du haut des murailles, les soldats du Nord admiraient la bataille : des loopings, des effets pyrotechniques – le spectacle était parfait.
Ils n'en jouirent pas longtemps. Submergés par le nombre, les Immaculés se replièrent à l'intérieur des murs, où les Morts les poursuivirent : malgré une porte bloquée, ces sales engeances finirent par avoir les défenses à l'usure, et déferlèrent dans la place.
Lorsqu'il les vit, Samwell Tarly sentit ses forces l'abandonner : il se précipita dans la guérite, essayant de réveiller Ed.
« Ed, lève-toi, et danse avec la vie ! »
Mais l'écho de sa voix ne vint pas jusqu'à lui.
« Ce n'est pas possible, cria Sam, je suis un gentil garçon, je ne peux pas avoir fait ça ! »
A ce moment, un souffle glacial sortit de sa bouche, et ses larmes gelèrent sur ses joues. Ombre menaçante et silencieuse, un Marcheur Blanc était entré dans la guérite, et regardait Sam pleurer sur le corps de son ami.
« Je… Je ne vaux pas mieux que vous ! », lâcha Sam au mort-vivant, « je… je suis un tueur en série ! »
Un peu déstabilisé par une telle empathie, le Mort regarda Sam sans rien dire. Puis, il leva sa lance, et, alors que Sam ne put s'empêcher de mettre ses mains sur ses yeux, comme un petit garçon effrayé, il plongea sa lame dans le corps d'Ed. Le sang éclaboussa Samwell.
« Mais… Pourquoi vous nous faites ça ? », pleura-t-il.
De rage, comme un gamin en colère, il prit sa lame en verre-dragon et la plongea dans le corps du mort-vivant : le macchabée la reçut en plein ventre, et se désintégra en mille éclats de glace.
Samwell reçut cette nouvelle grêle en pleine face : après les caillots, les grêlons, double effet kiss cool, il n'était plus à ça près.
Dans la cour de Winterfell, le reste des guerriers affrontait les morts qui s'infiltraient partout. Jaime, Brienne et Podrick se retrouvèrent acculés contre un mur.
« On va crever tous ensemble ! », hurla Podrick.
« Arrête de geindre et frappe ! », répondit Brienne.
« Même pas mal ! », cria Jaime à l'encontre d'un macchabée qui lui avait mordu la main. D'un coup sec, il envoya valser la mâchoire du squelette.
Non loin de là, Gendry frappait comme un bourrin avec son marteau, auprès de Davos, qu'il avait décidé d'assister jusqu'au bout.
« Comment il fait pour garder la forme ? », demanda Podrick.
« Tant que Davos est vivant, j'ai une raison de me battre ! En plus, c'est du déjà-vu… », lui lança Gendry.
« Allez, tais-toi et cogne, si tu veux survivre ! », rappela Brienne à son écuyer.
Soudain, ils furent séparés par une vague de Nordiens qui déferla sur les zombies.
« Hardi, compagnons ! On va tailler du moribond ! »
A la tête de ses soixante-deux hommes, Mini Mormont menait l'assaut. Cela les galvanisa.
« Les gars, vous voyez ce que je vois ? », lança Tormund Fléau d'Ogres aux derniers Sauvageons.
« Hay ! », crièrent les Sauvageons en retour.
« Une fillette qui affronte la mort, et nous, on se défile ? On est quoi ? », cria Tormund, en marchant au milieu des siens.
« A Ka Maté ! Ka maté ! », répondirent les Sauvageons, en se frappant la poitrine.
« On est le peuple libre ! », hurla Tormund en levant les bras.
« A Ka ora ! Ka ora! », clamèrent les Sauvageons en faisant vibrer leurs mains.
« On est les hommes poilus qui vont chercher le soleil et le faire briller à nouveau ! », déclama Tormund en grimaçant.
« Hay ! », lâchèrent les Sauvageons en serrant les biceps.
« En avant ! », s'époumona Tormund Fléau d'Ogres, en se jetant, à la tête des siens, dans la mêlée.
Jorah Mormont, pour sa part, était resté à l'extérieur des murs, à combattre parmi les derniers Immaculés. Eux savaient qu'ils allaient mourir.
Dans la fumée des flambeaux, Jorah distingua soudain une silhouette familière : c'était Samwell Tarly, son ancien amant.
« Sam ! », cria-t-il.
« Jo… Jorah ! »
Mormont réalisa que Sam était en sanglots.
« Bon sang, Sam ! Arrête de pleurer et défends-toi ! »
« Snif ! Je ne pleure pas, je dégèle mes joues ! »
« C'est ça ! »
« Je… je suis jovial et épanoui ! », sanglota Samwell Tarly.
A ces mots, du sang jaillit de la bouche de Jorah Mormont : Samwell le vit tomber, et découvrit derrière lui une ombre qui le fixait de ses yeux bleus glacés.
« Nooooon ! Pourquoi ? », pleura Sam.
Il saisit le corps de Jorah. Ce dernier le regarda, et ses lèvres murmurèrent un prénom : « Daenerys. »
« Noooooon ! Pourquoi ? », pleura Sam.
« Mais ce n'est pas possible ! Tous mes amants meurent par ma faute, et en plus, il me préfère celle qui a tué ma famille ! »
Le Mort, quant à lui, leva son arme. Instinctivement, Samwell brandit le corps de Jorah comme bouclier, puis, portant le cadavre par le col et par les couilles, s'en servit comme une coquille de bernard-l'ermite, et parcourut tout le champ de bataille de Winterfell, plus ou moins dissimulé sous les restes de Jorah Mormont, mort parmi les morts, à la recherche d'une cachette plus efficace.
Sur les remparts de Winterfell, la Garde de Nuit affrontait l'ennemi. Arya, trop fluette pour oser se battre à découvert, jouait les appas, attirant un détachement dans une galerie étroite, lançant son nunjaku en avant et en arrière. Mais, submergée par le nombre, elle se retrouva désarmée, et n'eut plus que ses jambes pour fuir.
Errant dans les couloirs, tâchant d'esquiver les Morts, elle se retrouva bientôt dans la grande-salle du château.
Rarement l'ambiance avait été aussi agréable. Mélissandre d'Asshaï avait allumé tous les flambeaux, sorti les tapisseries, et se prélassait devant un grand feu de cheminée.
« Vous ! », s'écria Arya.
« Je vous attendais, Arya Stark, l'écureuil de Braavos. »
« Eh ouais, elle est là… »
Tournant la tête, Arya reconnut Béric Dondarrion et Sandor Clegane.
« Qu'est-ce que vous faites là, vous ? », s'écria-t-elle.
« La même chose que toi, fillette, répondit Béric, on s'est réfugié le temps de récupérer psychologiquement, et on s'apprête à repartir ! »
« T'en fais pas, on va le préserver, le château de ton papa ! », renchérit Sandor.
Pour toute réponse, Arya se jeta dans ses bras.
« C'est horrible ! Je n'en peux plus ! »
Surpris, Clegane se retrouva à lui tapoter le crâne : « Là, là… ça va passer… De toute façon on va tous y passer… »
Melissandra s'approcha : « Peut-être pas… », dit-elle.
Accrochée à Sandor comme à un nounours, Arya lui jeta un regard noir : « Parce que vous allez vous battre, vous ? »
« Et à votre avis, pourquoi ai-je allumé tous ces feux ? », demanda Melissandre, en balayant la salle de ses manches.
« C'est vrai que ça nous est bien utile… », concéda Béric.
Melissandre saisit soudain le menton d'Arya. Malgré les années, ses joues étaient toujours aussi moelleuses.
« La dernière fois que je vous ai prise comme cela… », commença-t-elle tendrement.
« …ch'ai cru que vous ch'alliez me mancher ! », marmonna Arya.
« Euh… Certes, il y avait un peu de ça, mais là n'est pas la question ! J'ai vu les yeux de ceux que vous alliez tuer : des yeux marrons, verts… bleus ! »
Arya comprit le message. S'arrachant aux bras maladroits du Limier, elle repartit au combat, suivie par les deux hommes.
