Gays of thrones

Chapitre 78

Une nuit dans les Sept Enfers

Pendant ce temps-là, dans la crypte de Winterfell, Tyrion essayait de recoller les morceaux avec Sansa.

« Pourquoi vous obstinez-vous à me mépriser ? », lui demandait-il.

« Pourquoi vous obstinez-vous à persévérer ? », lui demandait-elle.

#balancetongnome

« Nous aurions dû rester mariés… »

« Vous étiez le meilleur de tous. », admit Sansa.

« Ça va, je ne vous dérange pas trop ? »

Assis dans un coin, Varys ne perdait pas une miette de leurs échanges, les mains dans les manches.

« Qu'est-ce qui vous arrive ? », lui demanda Sansa.

« Il m'arrive que Tyrion et moi sommes ensemble, dorénavant, et que je goûte assez peu ses manœuvres auprès de vous ! »

Sansa haussa les sourcils, mais ne parut pas plus émue que cela.

« Je pense tout de même que notre mariage aurait garanti la paix sur Westeros, insista Tyrion. Nos sentiments personnels n'ont rien à voir là-dedans ! »

Varys soupira : cette idée-là était de lui. Apparemment, son amant ne l'avait que trop écouté…

Heureusement, nos amoureux contrariés furent vite tirés de leur triangle infernal : à l'extérieur des murs, dans le sang et la neige, le Roi de la Nuit s'était relevé d'une chute de dragon, et, narguant Daenerys dans les airs, il avait levé les bras : alors les morts s'étaient relevés dans Winterfell.

Dans la crypte, les tombeaux se fendirent dans un fracas épouvantable, et les femmes et les enfants se mirent à hurler en voyant surgir devant eux les squelettes de Brandon le Bâtisseur, constructeur du Mur et pourfendeur de caveau, et Torrhen Stark, avec son genou plié, et Brandon Snow, et Cregan Stark, et Morgan Stark au morgenstern, et Edwyle Stark et Marna Stark, et Eddard Stark, et Lyarra Stark et Rickard Stark, et Rickon Stark, et Rubicon Stark, et Robb Stark avec sa tête de loup, que Roose Bolton avait eu la délicatesse de ramener, et les deux paysans que Theon avait enterrés là, et Tony Stark dans son armure de fer, et Cetera Stark.

Sansa pâlit : « Jamais mes parents ne me feraient de mal… »

« Ce ne sont plus vos parents, c'est l'Armée des Morts ! », répondit Tyrion, qui avait enfin retrouvé toute son intelligence (mieux vaut tard que jamais !).

Alors qu'un massacre s'opérait dans la crypte, nos deux ex-époux se retrouvèrent cachés ensemble, derrière un cénotaphe.

Un mort vint les trouver : croisant le regard bleu de Sansa, il fit aussitôt demi-tour sans rien dire.

« Tout va bien ! », murmura Tyrion, qui s'était caché sous sa traîne, « il a dû penser que vous étiez l'une des leurs à cause de vos yeux bleus ! »

« Je suis une des leurs, insista Sansa, en outre, j'ai toujours eu les yeux bleus ! »

Toutefois, par précaution, elle sortit le silex en verre-dragon que sa sœur lui avait remis avant la bataille.


Arya, Sandor et Béric étaient à peine repartis dans les couloirs qu'ils se virent submergés par des morts.

« Ce n'est pas possible ! On dirait qu'ils se sont multipliés ! », aboya le Limier.

Béric Dondarrion s'interposa aussitôt pour couvrir leur retraite.

« Béric, espèce de bourrique ! Tu vas te faire tailler en pièces ! », cria Sandor.

« Fuyez, pauvres fous ! » souffla Dondarrion pour toute réponse.

« Noooooon ! », hurla Arya, tandis que Le Limier la saisissait et l'emportait à l'extérieur.

« Clegane ! », cria soudain Béric d'une voix faible, alors que les morts-vivants le tailladaient, « n'oublie jamais notre cause ! »

« Oui, la Mort est l'Ennemi ! », acquiesça Clegane.

« Et reste toujours gay-friendly ! » expira Béric Dondarrion.

« Promis ! », murmura Sandor Clegane dans un souffle, avant de s'enfuir, épouvanté.

De retour sur le chemin de ronde, Sandor et Arya virent les combats dans la basse-cour. Soudain, la porte sauta, et un géant entra, piétinant sans égard les malheureux qui se trouvaient sur son passage, amis comme ennemis.

« C'est… quoi, ça ? », murmura Arya.

« Rainer Braun, le Titan Cuirassé ! », répondit Sandor, en cherchant Bertold des yeux.

« Arrête avec tes cross-over ! Ce n'est pas le moment ! Même Hodor était moins grand que ça… »

« Hodor ? L'autre demeuré, là ? Ben ce n'est pas lui, justement, qui est en train de secouer Gendry ? », demanda Sandor en montrant une paire de combattants.

Arya, horrifiée, reconnut effectivement l'ancien géant de Winterfell, en train d'affronter son amant.

« Oh, non ! Depuis quand ils l'ont eu ? »

Bran, bon sang, mais qu'est-ce que tu as fait au Nord du Mur ?

Arya allait s'élancer au secours de Gendry, lorsqu'elle sentit la main du Limier la retenir.

« Laisse, petiote, je vais m'en occuper ! »

« Mais… pourquoi ? »

« J'aime pas les types de grande taille ! », grogna Clegane. « Et accessoirement, il y a moins de flambeaux de ce côté-là. »

Il partit. Laissée seule, Arya s'apprêtait à lui emboîter le pas, lorsqu'un cri attira son attention. Le géant avait saisi d'une main Mini Mormont, et l'enlevait du sol. Aussitôt, Arya courut jusqu'à la tourelle où elle avait disposé un de ses trampolines. Une douzaine de morts-vivants lui barraient la route. Ni une, ni deux, Arya s'élança sur le côté, rebondit sur un créneau, piétina des crânes, franchit les créneaux de la guérite, et sur sa lancée, sauta sur la peau tendue et s'envola dans les airs.

Petite mais costaude, Mini Mormont saisit sa dague et la ficha dans l'œil du géant. Le monstre hurla, blessé à mort. Ce fut à ce moment-là qu'Arya atterrit sur son épaule.

« Arya ! », hurla Lyanna.

Arya se laissa rouler jusqu'au poignet du géant, saisit d'une main sa manche, et de l'autre attira le corps de Lyanna contre sa poitrine.

« Accrochez-vous, ça va secouer ! », cria-t-elle.

Le géant, tué par la petite fille, tomba à genoux et s'effondra, face vers l'avant.

Le choc fut violent.

Lyanna Mormont sentit son crâne heurter le sol, mais les bras d'Arya avaient amorti la chute. Arya, quant à elle, roula sur le corps de Lyanna.

Immobilisée par la main du géant qui lui enserrait les jambes, Lyanna resta étendue, à écouter les cris des combattants et le cliquetis des armes et des os.

Arya était étendue sur elle. Elle avait à peine eu le temps de replier ses bras pour protéger leurs têtes. Lyanna sentait qu'elle respirait.

« Arya ? », demanda-t-elle.

« Je… Tout va bien, je suis là. », répondit Arya.

Lyanna sentit les larmes lui monter aux yeux – elles étaient vivantes !

Arya se releva péniblement, le corps noueux, les bras en sang. Son regard croisa celui de Lyanna, étendue sous elle.

« Arya… », murmura Lyanna. « Restons comme cela un moment… Juste un instant, s'il vous plaît ! »

« Euh… Non, ça ne va pas être possible. », dit Arya. « Je dois m'assurer au plus vite que vous n'avez rien de cassé ! »

Elle dégagea ses bras, qui étaient bien écorchés, constata qu'ils fonctionnaient encore, puis, se redressant péniblement sur ses jambes, encore étourdie, elle entreprit de soulever les doigts du géant, avant que la rigidité ne les gagne. Puis, elle tâta les jambes de Lyanna Mormont.

« Ça va ? Vous sentez quelque chose ? »

« Oui. », répondit Mini Mormont en rosissant.

Lentement, les mains d'Arya remontèrent le long des jambes, en tâtonnant. Au milieu des hurlements et des éviscérations, Lyanna, troublée, laissait les mains d'Arya examiner son corps. Elles appuyèrent ensuite son ventre. Lyanna rougit.

« Je vous fais mal ? », demanda Arya.

« Non. », murmura Lyanna.

« Alors c'est qu'il ne doit y avoir aucune blessure grave ! », conclut Arya en lui tendant la main pour l'aider à se relever.

Les squelettes les entouraient. Les deux jeunes filles avaient le corps tendu, les muscles crispés et contractés par le choc, mais elles savaient qu'elles n'avaient pas d'autre alternative que celle de repartir au combat, encore et encore, jusqu'à leur propre mort.

Alors Lyanna Mormont, dans un dernier sursaut, saisit Arya Stark et l'embrassa à pleine bouche.


Dans le bois sacré de Winterfell, au milieu des archers de la Maison Karstrak, Bran attendait, assis dans son fauteuil, sous le barral. A ses côtés, Theon Greyjoy se tenait droit comme un i, le poing serré sur sa lance.

Bran le regardait. Il s'était repassé tout le film de leur enfance, n'avait manqué aucun de ses ébats avec Robb ou une fille, et en était arrivé à la conclusion qu'il comprenait les émotions qu'il avait ressenties dans sa jeunesse.

« Theon… », lui demanda-t-il.

Theon tourna son regard vers lui.

« S'il n'y avait pas eu Robb… Est-ce que toi et moi… ? », demanda Bran.

Au regard stupéfait que fit Theon, Bran comprit la réponse.

« Oh, Bran ! », fit-il. « Si j'avais soupçonné quoi que ce soit… Jamais… Jamais je ne vous aurais… »

« Trahis. »

Theon eut envie de pleurer. Son égoïsme lui revenait en pleine figure, au pire moment de sa vie (quoique… vu le bilan de sa vie… on peut relativiser !). Il se rappela les cris horrifiés des deux petits garçons qui le suppliaient d'épargner Ser Rodrick, la rage qu'il avait ressenti de devoir choisir entre son père qui le détestait et Robb qui avait promis d'épouser une fille de Walder Frey, mais à aucun moment, il n'avait mesuré le mal qu'il faisait au petit Bran qui l'aimait en secret.

« Ils vont arriver… », dit ce dernier, redevenu subitement stoïque.

« Je… Je dois aller pisser ! », avoua Theon.

Bran ne voyait pas vraiment le problème, jusqu'à ce que Theon allât se cacher derrière un buisson.

« Ah oui, c'est vrai, songea-t-il, il fait comme les filles, maintenant ! »

A moins qu'au moment de partir se battre, ses boyaux se défilassent, pour ce qu'en avait vu Bran, ça arrivait souvent…

Quoiqu'il en soit, ça n'enlevait rien à ce que ressentait Bran : il se passa discrètement le gant sous les yeux pour masquer son dépit.

Caché derrière un buisson aux branches gelés, Theon remettait ses hauts-de-chausse, lorsqu'un craquement derrière lui le fit sursauter.

Ce qu'il vit le tétanisa. Un cadavre écorché de partout, les os rongés, le fixait de ses yeux bleus glacés. Il marchait de façon saccadée, comme s'il lui manquait des os quelque part.

Instinctivement, Theon dégaina. Mais, alors que le cadavre se rapprochait, il eut une sensation étrange, comme une boule au ventre. Une seule personne au monde lui avait fait cet effet, et les yeux de Theon reconnurent, sous la carcasse ambulante, les traits de son pire ennemi.

Apparemment, on avait omis de le sortir du chenil…

« Rends-moi ma bite ! », hurla-t-il aux restes de Ramsay Bolton.

Ni une ni deux, Theon tailla le démon en pièces. Celui-ci faisait, en se désagrégeant, un curieux grincement, à se demander s'il n'était pas en train de ricaner.

Au bout de plusieurs minutes, les restes de Ramsay gisaient, définitivement pulvérisés, dans le sous-bois de Winterfell. Theon reprit son souffle, et regagna son poste.

Hélas ! Les Morts étaient arrivés. Ils encerclaient le barral, et avaient réduit en pièces les troupes d'Alys Karstark.

Seul Bran attendait, immobile. En face de lui, les Morts formaient une haie d'honneur jusqu'au Roi de la Nuit.

Theon rejoignit Bran.

« Theon… », dit-il.

Theon le regarda, droit dans les yeux.

« Tu es un brave homme. », lui dit Bran.

Allez, sois gentil, va crever pour moi ! S'il y avait bien une chose que Bran avait apprise au contact d'Hodor et des frères Reed, c'était bien à convaincre les autres de le servir.

Interprétant ses propos comme une reconnaissance de son honneur retrouvé, Theon saisit son courage et sa lance à deux mains, et s'élança droit sur l'ennemi. Les Morts lui faisaient un baroud d'honneur.

Impavide, le Roi de la Nuit attendit que Theon fût à sa hauteur, puis saisit sa lance, la brisa, et la lui enfonça dans l'estomac.

Ainsi mourut Theon Greyjoy, poignardé comme son ami Robb Stark, sous le barral de Winterfell où, jadis, ils s'étaient juré un amour éternel.

Le Roi de la Nuit marcha alors, à grandes enjambées viriles, jusqu'à Brandon Stark. Celui-ci n'essaya même pas de fuir – franchement où veux-tu aller en fauteuil roulant ? Quitte à mourir, autant le faire en regardant l'ennemi en face. Pas question qu'il fasse comme la précédente Corneille, qui s'était défilée dans un monde virtuel, brisant au passage la vie de ce pauvre Hodor. Bran était peut-être anesthésié émotionnellement, mais il tenait à conserver ce qu'il lui restait d'humanité !

Le Roi de la Nuit regardait Bran, qui soutenait son regard. Soudain, il souleva Brandon Stark de son fauteuil, et l'emporta avec lui, sous les vivats silencieux des Morts, jusqu'à son dragon.

Alors que la bataille faisait rage dans le château et ses environs, Jon Snow, Daenerys Targaryen, Sansa Stark et Tyrion Lannister qui s'étaient extirpés de la crypte, Arya Stark qui combattait aux côtés de Lyanna Mormont, et Varys, parce que les araignées survivent à tout, et Sandor Clegane qui avait tiré ce pauvre Gendry d'affaire, et Davos Mervaut, et Jaime Lannister, Brienne de Torth et Podrick Payne, et Tormund Fléau d'Ogres, et Mélissandre d'Asshaï depuis sa fenêtre où elle faisait des étincelles, et Samwell Tarly caché sous un tonneau, et Ver-Gris qui cherchait Missandei au milieu du désastre, et Lord Royce que tout le monde avait oublié mais qui restait bel et bien là, et tous les guerriers du Nord qui est au Nord du Mur et du Nord qui est au Sud du Mur, du Val d'Arryn, de l'Île-aux-Ours (oui, il en reste), de la grande Mer Herbeuse, de la Baie des Dragons, et du château de ta mère, tous virent, horrifiés, le Roi de la Nuit faire tournoyer Viserion au-dessus des tours, leur montrant à tous qu'il s'était emparé de Brandon Stark, et de s'élever, toujours plus haut, pour emporter sa victime loin du monde des vivants.