Gays of thrones

Chapitre 80

Des lendemains qui chantent

Ce fut la nuit la plus longue depuis plus d'un million de nuits. Et l'on fit la fête jusque tard cette nuit. La Mort avait péri, et les survivants de cette tragédie festoyaient.

A la table seigneuriale, Daenerys du Typhon, de la Maison Targaryen, première du nom, Reine de Meereen, Reine des Andals, des Rhoynars et des Premiers Hommes, Suzeraine des Sept Couronnes et Protectrice du Royaume, Khaleesi de la Grande Zone herbeuse, Pyromane d'Astapor, Briseuse de chaînes, Briseuse de couilles de Maîtres, Mère des Dragons, l'Imbrûlée, la Déchaînée, la Sauveuse ailée et zélée du Nord, prit la décision la plus courageuse de sa vie.

« Ser Jaime Lannister ! », lança-t-elle en se levant.

A ces mots, toutes les conversations s'interrompirent. Sauf celle de Tyrion qui avait déjà trop bu et jouait aux devinettes avinées, un jeu qu'il adorait.

« Brienne… Vous êtes vierge ! », cria-t-il dans le silence de la grande salle de Winterfell.

Aussitôt, son frère l'assomma de son poing doré. Non mais, quelle indécence !

Jaime soutint le regard de Daenerys, qui tâcha de passer outre le fait qu'il venait de cogner sa Main, Main qui elle-même ne savait pas se tenir…

« Ser Jaime, dit-elle, vous… Vous nous avez tous sauvés, ce soir. »

« C'est ce que j'ai toujours cherché à faire. », répondit Jaime, sans ciller.

« Et vous m'avez sauvé la vie, à moi qui ai toujours voulu votre mort. »

« C'était la chose à faire. »

« Je vous tiens quitte du décès de mon père. »

Il y eut un silence de plomb. Même si personne n'aimait le Roi Fou, on mesurait bien ce qu'il en coûtait à la Grande Pyromane de gracier ainsi un ennemi.

Daenerys déglutit, et leva sa coupe : « En l'honneur de Ser Jaime Lannister, le héros de Winterfell ! Qu'il porte désormais avec honneur son surnom de Régicide ! »

« Au Régicide ! », crièrent les soldats.

Jaime tâcha de ne pas se mettre à pleurer, ç'aurait été le pompon. Mais enfin, pour la première fois de sa vie, il fut en accord avec son sobriquet, l'image qu'on se faisait de lui, et l'homme qu'il était réellement. Il aurait tant voulu exprimer les émotions qu'il ressentait à ce moment-là, mais le seul à qui il avait l'habitude de se confier gisait, inanimé, le nez dans sa chopine, parce qu'il venait de lui taper sur le crâne avec sa main dorée. Non, vraiment, quel boulet, ce Tyrion !

Jaime se retrouva donc, assis sur un tabouret, à parler à Brandon Stark.

« Décidément, Bran, vous seul me comprenez ! »

« C'est que je vois tout, répondit Bran sur un ton insipide. Le passé, le présent… Avec moi, vous n'avez pas besoin de psychanalyse. »

En fait, je suis la solution à tous vos problèmes, songea-t-il. Qu'on mette ce garçon sur le Trône de Fer !

Pendant ce temps, Daenerys poursuivait ses largesses : « Gendry ! Vous êtes le fils de Robert Baratheon, n'est-ce pas ? »

« Euh… Oui. », fit Gendry, surpris qu'elle connût son nom. Mais au clin d'œil que lui fit Jon, il comprit.

« Les Baratheon règnent sur les Terres de l'Orage, et Accalmie ? »

« C'est exact. »

« Qui est aujourd'hui le seigneur d'Accalmie ? »

Personne ne sut répondre, pas même les fans les plus assidus.

« Fort bien, conclut D aenerys. A partir de maintenant, vous êtes Gendry Baratheon, seigneur d'Accalmie et des Terres de l'Orage. »

Et l'on repartit sous les vivats.

« C'est très bien joué, très stratégique ! », susurra Lord Varys à ses côtés, tandis qu'elle se rasseyait.

« Tiens, vous êtes là, vous ? »

« Personne ne voit arriver la petite araignée. »

« Que voulez-vous dire ? »

« Ainsi le nouveau seigneur d'Accalmie vous sera toujours loyal, ma reine. »

« Vous postulez pour le titre de Main, Varys ? »

« Hum… Disons que je suis déjà plus ou moins la femme de votre Main… Même si celle-ci n'est pas toujours opérationnelle ! », fit Varys en regardant, dépité, son ami cuver sa bière.

Daenerys suivit son regard, mais choisit de ne pas s'en formaliser : « Ce soir, je pardonne à tous ! Après tout, Gendry ne me voue pas la haine de son père, et j'ai jadis pardonné à Jorah l'Andal… »

Au souvenir de Jorah Mormont, elle sentit son cœur se serrer. Comme elle aurait voulu pouvoir dire combien la perte de cet homme, auquel elle n'avait jamais rendu son amour, lui pesait tout de même ! L'amitié homme-femme, cela pouvait bien exister, non ?

Varys s'éclipsa, et Daenerys se tourna vers Jon. Tormund, complètement saoul avec son lait de chèvre fermenté, vantait les exploits de Jon sur son dragon, allant jusqu'à clamer qu'il était le seul capable de faire ça, qu'il était un roi. Daenerys se sentit plus isolée que jamais.


Loin, dans la salle, Missandei regardait sa reine. Entourée de ses conseillers et vassaux, elle lui paraissait grande, noble, inaccessible. Toute à son idéalisation, Missandei, la pauvre esclave qui attendait qu'on lui dise quoi faire, n'osa pas aller voir cette femme qu'elle adorait, et soulever son masque royal pour mettre à nu une solitude qui ne demandait qu'à être comblée.

Au lieu de cela, toute à sa passivité servile, Missandei reçut ce soir-là l'hommage de Ver-Gris.

« Tu as survécu, lui dit-elle, je m'en réjouis. »

« Ça ne se voit pas. », répondit ver-Gris.

« Je suis introvertie. », dit-elle.

« Je sais. Et je voudrais tant t'aider à exulter. »

« Hein ? Mais pourquoi ? »

« Parce que je t'aime, Missandei de l'Île de Naath. »

« Vraiment ? »

Missandei n'en revenait pas.

« Ça ne se voit pas. », dit-elle.

« Je suis castré. », répondit Ver-Gris.

« Euh… Ce n'est pas tout à fait ce que je voulais dire… »

« Mais j'ai une grosse limace rose qui ne demande qu'à te réjouir. »

Ce furent les joues de Missandei qui rosirent.

« Euh… Je… Je vais allumer le feu dans la chambre de la reine ! »

Le visage de Ver-Gris s'assombrit.

« Désolée, dit-elle, j'ai encore besoin de réfléchir ! »

Pas facile de se connaître quand on a passé sa vie à s'oublier.

Ver-Gris resta là, la mine sombre. Levant le nez, il aperçut Podrick Payne qui lui fit un sourire mi-narquois, mi-sympathique. Il détourna le regard.


Arya Stark était en compagnie de Sandor Clegane, et, alors que tout le monde se réjouissait, lui ruminait son prochain meurtre : « Tout ça, c'est bien beau, mais je dois aller buter mon frère ! »

« Sandor, râla-t-elle, on fait la fête, on essaie d'oublier les morts, et toi, tu prévois d'en rajouter ! »

« C'est le sens de ma vie. »

« Pfffff ! C'est tellement nul qu'on t'a éclipsé durant toute la saison 5 ! »

« Rien à voir, je me faisais soigner ! »

« Parce que Brienne t'avait flanqué une raclée et que je n'ai pas osé t'achever… ça reste nul ! »

Sur ces entrefaites, elle le laissa ruminer et sortit prendre l'air.

Sandor Clegane buvait sa bière. Levant le nez, il vit Podrick Payne lui faire un sourire. Il lui décocha son poing dans la figure.


Arya déambulait dans le château de son enfance. Les paroles du Limier lui trottaient dans le crâne : elle aussi avait une liste de personnes à éliminer. Même si ce soir, pour la première fois depuis longtemps, elle n'avait pas envie d'y songer.

Elle tomba soudain sur Gendry.

« Arya ! », fit-il, « je te cherchais ! »

Ne lui laissant guère le temps de répondre, il s'empara d'elle et l'embrassa.

« La reine vient de me nommer seigneur d'Accalmie ! »

La foudre s'abattit sur Arya. Daenerys, cette furie du feu, suzeraine de Gendry ?

« Euh… Félicitations. », dit-elle.

Celui-ci s'agenouilla devant elle : « Toute ma vie, j'ai vécu comme un bâtard, et ce soir, je suis Gendry Baratheon, le maître d'un Royaume ! »

« T'enflamme pas trop, faut le conquérir… »

« Tout cela n'a aucun sens si tu n'es pas à mes côtés ! Arya, maintenant que je suis digne de toi, laisse-moi demander ta main ! Sois ma femme ! Deviens la dame d'Accalmie, la reine des Terres de l'Orage ! »

Dans la petite tête d'Arya, les warnings se mirent à clignoter en paniquant : « Dame, moi ? Dame, Non ! »

« Tu déchires du tonnerre ! », assura Gendry.

Chassez le naturel, il revient au galop.

Tâchant de garder contenance, elle brossa Gendry au maximum dans le sens du poil : « Tu es un homme formidable. Comme amant, c'est autre chose, mais ça va sûrement s'arranger avec l'expérience. Toujours est-il que tu es bon, que tu seras sûrement un grand seigneur, et que n'importe quelle femme serait honorée de t'avoir. »

Les yeux de Gendry brillaient, son regard paraissait un peu perdu.

Arya l'acheva : « Mais pas moi. »

Il se releva aussitôt.

« C'est quoi, ça ? Tu es une Stark, tu t'obstines à te croire trop bien pour moi ? »

« Mais non ! C'est juste que… Enfin, regarde-moi ! Je ne suis pas faite pour ça ! Je ne suis pas une dame ! »

« Elle est passée où, la fillette qui me suppliait de la rendre femme ? »

« Mais une femme n'est pas forcément une dame ! »

« Quand elle est une Stark, si ! Assume un peu, quoi ! »

« Je me suis battue, comme un homme, rougit Arya, je serai libre, comme un homme ! »

« Et tu feras l'amour comme un homme ? », railla Gendry, dépité.

« Je ne t'ai pas attendu pour ça ! »

Gendry rougit. Arya aussi.

« Je… je suis si mauvais que ça ? », demanda-t-il, soudain penaud.

« Mais non ! C'est juste que nous n'avons pas les mêmes projets de vie. »

La gêne étant palpable, Arya prit sur elle de quitter la pièce, laissant ce pauvre Gendry en plan.


Elle gagna une chambre. Poussant la porte, elle vit Lyanna Mormont, étendue sur une civière. Le géant lui avait infligé une fracture, qui s'était fait sentir une fois debout : à peine s'était-elle relevée pour embrasser Arya, qu'elle s'était effondrée sur le sol (apparemment les palpations n'étaient pas une méthode si fiable…).

« Partez combattre, lui avait-elle dit, je vais me débrouiller ! »

Elle avait aussitôt rampé et passé le reste de la nuit cachée sous le corps du géant, se maudissant de ne pas pouvoir se relever pour aller galvaniser ses troupes.

Lorsqu'elle vit Arya entrer, Lyanna eut les larmes aux yeux : « Oh, Arya ! Vous avez survécu ! »

« Oui, Lady Lyanna… »

« Ne pouvant participer aux festivités, je reste là, sans nouvelles… »

« Vous pouvez participer ! Mon frère Bran se promène en fauteuil roulant… »

Lyanna baissa les yeux.

« Lady Lyanna, lui dit Arya en la saisissant par les épaules, je sais que vos blessures ne sont qu'un prétexte ! Dites-moi ce qui vous tracasse ! »

« J'ai perdu plus de cinquante hommes… »

« Il vous en reste douze… »

« Je n'ai pas pu les sauver ! »

« Vous n'auriez rien pu faire, on combattait des centaines de milliers de spectres, je vous rappelle ! Cessez donc de culpabiliser, nous incinérerons tout le monde dès que les bûchers seront dressés. »

Lyanna rougit : « Arya… Est-ce que vous m'en voulez ? »

« Pourquoi donc ? »

« Je vous ai embrassée… », rappela Lyanna en rougissant de sa propre audace (tailler du zombie, ça passe, mais rouler un patin, c'est autre chose ! C'est comme ça chez les Mormont).

« Et vous avez bien fait. », dit Arya.

Lyanna la regarda, surprise.

« Nous étions au bord de la mort, vous avez vécu une dernière fois, on l'a tous fait ! »

Sauf mon idiote de sœur qui n'a toujours pas conclu avec Brienne, mais elle, sa cause est irrémédiable !

« Et puis… Finalement, c'est ce qui m'a décidée à revenir vers vous aujourd'hui. »

Lyanna faillit éclater en sanglots. Arya la prit tendrement dans ses bras.

« Lyanna, lui dit-elle, je dois tout de même vous dire… Lorsque l'armée descendra vers le Sud, j'irai avec elle. »

Elle la regarda : « J'ai un vœu à accomplir. Alors… attendez-moi, je vous en prie. »

Mini Mormont était aux anges : « Oh, Arya ! », lui dit-elle, les yeux brillants, « Je vous dois la vie, je la passerai à vous attendre s'il le faut ! ».


Humiliée par Tyrion Lannister, Brienne de Torth s'était réfugiée dans sa chambre. Elle rougissait de honte, et même si son ami Jaime avait pris son parti, elle n'osait pas se montrer.

Comment ce vicelard de nabot avait-il deviné ? Cela se voyait-il tant que cela ? Était-elle coincée à ce point-là ?

On frappa à la porte.

« Je ne suis pas là ! », s'exclama Brienne sans réfléchir.

« Mais bien sûr ! », répondit une voix, qu'elle reconnut aussitôt.

Rougissante et honteuse, Brienne s'empressa d'ouvrir sa porte à sa maîtresse.

Sansa Stark se tenait sur le seuil dans sa longue et épaisse robe sombre hivernale, une large ceinture en cuir lui serrant la taille, sa peau de loup gris tombant le long de ses épaules, et sa chevelure de feu illuminant le tout.

« Pardon, madame, je… »

« Ne vous excusez pas, Brienne. On a tous nos moments de faiblesse. »

Le ton de sa voix était d'une douceur infinie. Brienne ne l'avait jamais entendue ainsi. Elle avait toujours connu une Stark froide comme le climat du Nord, un feu de colère brûlant au fond des yeux. Pourtant, ce soir, dans le château de ses ancêtres, Sansa avait retrouvé quelque part en elle le petit oiseau qu'elle avait été (non, on ne parle pas de l'oie blanche !).

« Laissez-moi entrer. », ajouta-t-elle.

Même si elle savait que Brienne n'oserait pas refuser, son ton était suppliant. Brienne prit son courage à deux mains et la regarda dans les yeux. Ce qu'elle y vit la sidéra.

Sur un visage aux traits apaisés, les yeux de Sansa brûlaient d'un feu languissant. Jamais Brienne n'avait été regardée avec un tel désir. Elle ne sut comment réagir.

Heureusement, l'amour est une affaire entre deux personnes, et Sansa, voyant Brienne embarrassée, prit sur elle pour briser la glace. S'il y avait bien une chose qu'elle avait comprise en sortant de la crypte, c'était qu'il ne fallait jamais attendre d'être au seuil de la mort pour vivre. Et puisque les dieux avaient choisi de la laisser vivre…

« Comme il fait chaud ! », murmura Sansa.

Ou alors c'est moi qui… bref !

Elle défit son long manteau de fourrure, et le laissa tomber à ses pieds.

« N'aiderez-vous pas votre dame à se dévêtir ? », demanda-t-elle en souriant.

Brienne s'agenouilla : « Oh pardon ! », dit-elle, prête à ramasser le manteau – décidément !

Sansa interrompit son geste, et la releva.

La tenant dans ses bras, elle leva son visage vers elle et lui demanda : « Brienne… Nous avons survécu à la Longue Nuit… Ne comprenez-vous pas ? »

Brienne rougit. Sansa se blottit alors contre elle, et tendit ses lèvres vers son visage. Telle une louve affamée, elle dévora sa proie : menton, joues, paupières, front, lèvres, tout y passa. Elle défit les vêtements de Brienne, et les siens, faisant voler la tunique, laissant tomber sa robe au sol, et Brienne la saisit alors et l'étendit, à même le sol, sur la peau de loup.

Sansa cria, plus fort encore que sa tante Lysa lorsque Baelish l'épousait aux Eyriés, plus fort que son frère Jon que Tormund honorait au même moment à sa manière dans la crypte, devant la statue de sa mère, et plus fort encore que tous les soldats du Nord qui célébraient leur victoire auprès de leurs épouses, et plus fort que toutes les filles du Nord qui rendaient hommage aux valeureux guerriers qui les avaient sauvées, et plus fort que tous les invertis du Nord qui sortaient de leur placard après avoir survécu à l'Enfer, et tout Winterfell retentit du concert des loups qui savaient ce soir qu'ils survivraient à cet Hiver.