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Chapitre n°13 :
Émeute à la cantina
Dess tendit lentement la main, et tapota ses cartes en murmurant un simple mot à son adversaire :
- Sabacc.
Le soldat entra dans une rage folle. Il se leva d'un bond, agrippa le rebord de la table et la souleva brutalement. Son poids et les stabilisateurs encastrés l'empêchèrent cependant de se retourner. Elle retomba donc violemment sur le sol dans un vacarme assourdissant. Tous les verres posés dessus se renversèrent, la bière et le lume inondèrent les cartes électroniques, qui se court-circuitèrent dans un grésillement.
- Monsieur, je vous prie de ne pas toucher la table, l'implora le droïde-croupier d'un ton pitoyable.
- La ferme, espèce de tas de ferraille rouillé !
Le sous-entendait saisit l'une des chopes et la lança en direction du droïde. Elle le percuta dans un bruit métallique sourd. Le CardShark recula en titubant et s'effondra à terre. Le sous-officier pointa son doigt vers Dess.
- Tu as triché ! Personne n'obtient de sabacc lors d'une mort subite ! À moins bien sûr de tricher !
Dess ne répondit rien et ne se leva même pas. Il banda néanmoins ses muscles dans le cas où le soldat l'attaquerait.
Le sous-officier se retourna vers le droïde, ce dernier se relevant en chancelant.
- Toi aussi, tu es dans le coup !
Il jeta une autre chope et le droïde retombant à terre. Deux de ses camarades soldats tentèrent de le calmer, mais il se libéra de leur étreinte. Il se retourna rapidement en agitant les bras en direction des clients de l'établissement.
- Vous êtes tous dans le coup ! Bande de sales fumiers adorateurs des Sith ! Vous détestez la République ! Vous nous détestez ! Nous le savons ! Ça ne fait aucun doute !
Les mineurs commencèrent à se rapprocher en grommelant. Les insultes du sous-officier n'étaient pas complètement infondées. Il y avait bien une sorte de ressentiment à l'égard de la République sur Apatros. Et si le soldat ne prêtait pas plus attention à ses paroles, l'un de ses habitants allait lui montrer à quel point ce ressentiment était fort.
- Nous sacrifions nos vies pour vous protéger, mais vous vous en foutez ! Et vous sautez sur la première occasion pour nous humilier !
Ses camarades l'agrippèrent de nouveau, et tentèrent de le faire sortir de la cantina. Mais il leur était maintenant impossible de fendre la foule. À les regarder, les soldats semblaient terrifiés. À juste titre, songea Dess.
Aucun d'entre eux n'était armé, car ils avaient laissé leurs blasters dans leur vaisseau. Et ils étaient désormais prisonniers d'une foule hostile de mineurs excessivement musclés qui avaient bu toute la nuit. Pour couronner le tout, leur ami refusait de se taire.
- Vous devriez vous mettre à genoux et nous remercier à chaque fois que nous nous posons sur cette bouse de bantha que vous appelez planète ! Mais vous êtes trop stupides pour comprendre la chance que vous avez de nous avoir dans votre camp ! Vous n'êtes qu'une bande de sales illettrés qui...
Une bouteille de lume, lancée par un mineur en colère, le toucha violemment à la tempe et le sous-officier s'arrêta net. Il s'écoula à terre en entraînant ses amis avec lui. Dess resta immobile, tandis qu'un groupe de mineurs en colère s'élançait dans leur direction.
Le bruit d'un tir de blaster immobilisa tout le monde. Groshik était monté sur son bar et rechargeait son arme avant de tirer une nouvelle fois. Tout le monde comprit qu'au prochain coup, il ne viserait pas le plafond.
- On ferme ! lança-t-il aussi fort que sa voix rauque le lui permettait. Sortez tous de ma cantina !
Les mineurs reculèrent peu à peu, et les soldats se relevèrent avec méfiance. Le sous-officier chancela un instant. Le sang qui coulait de son front l'aveuglait.
- Vous trois en premier, déclara le Neimoidien. Vous autres, laissez-les passer.
Il pointa le canon de son arme d'un air menaçant dans la salle. Les mineurs n'émirent aucune protestation. Ce n'était pas la première fois que Groshik sortait son arme. Ce modèle de blaster paralysant était l'une des armes les plus efficaces pour contenir les foules. Non létal, il pouvait atteindre plusieurs cibles en un seul tir. Plus d'un mineur avait déjà fait l'expérience de son rayon paralysant et sombré dans l'inconscience. De sa propre expérience, Dess pouvait affirmer que personne n'oublierait jamais une telle douleur.
Les trois soldats de la République ayant disparu dans la nuit, le reste de la clientèle quitta lentement la cantina. Dess se joignit à eux, mais Groshik pointa son blaster dans sa direction au moment où il longea le bar.
- Pas toi, lui dit-il. Tu restes ici.
Dess ne bougea pas d'un millimètre et attendit que tous les autres soient sortis. Il n'était pas du tout effrayé. Il savait que Groshik n'ouvrirait pas le feu sur lui. Il ne voyait cependant aucun intérêt de lui donner une raison de le faire.
Groshik baissa finalement son arme lorsque le dernier client eut quitté l'établissement et fermé la porte derrière lui. Il descendit péniblement du bar et posa le blaster sur une table, avant de se tourner vers Dess.
- J'ai pensé qu'il serait plus sûr pour toi de rester un petit moment ici, lui expliqua-t-il. Ces soldats voulaient ta peau. Ils auraient pu t'attendre dehors.
- Je savais bien que tu ne m'en voulais pas, fit Dess en souriant.
- Oh, mais si, je t'en veux, lui répondit Groshik en grognant. C'est pourquoi tu vas m'aider à ranger tout ce bazar.
Dess soupira et secoua la tête avec une exaspération feinte.
- Tu as vu ce qui s'est passé. Je ne suis qu'un simple spectateur innocent.
Groshik n'était pas d'humeur à poursuivre la conversation.
- Commence par ranger les chaises, marmonna le Neimoidien.
Avec l'aide du droïde-croupier – qui, selon Dess, se révélait enfin utile à autre chose qu'à distribuer des cartes –, ils parvinrent à nettoyer l'établissement en une heure. Leur travail achevé, le droïde s'éloigna en chancelant en direction de l'usine d'entretien afin de subir quelques réparations. Avant qu'il ne quitte la cantina, Dess s'assura toutefois qu'il avait bien crédité son compte de la cagnotte de sabacc qu'il venait de remporter.
Lorsqu'ils furent enfin seuls, Groshik fit signe à Dess de se diriger vers le bar, puis il sortit deux verres et prit une bouteille sur l'étagère du bas.
- C'est une eau-de-vie de cortyg, lui indiqua-t-il en remplissant à moitié leurs verres. Qui vient directement de Kashyyyk. Il ne s'agit pas de l'alcool fort que boivent les Wookiees. Celui-ci est plus doux, plus léger.
Dess en but une petite gorgée et faillit s'étrangler, tandis que le liquide lui brûlait la gorge.
- Tu appelles ça moins fort ? Je ne voudrais pas boire ce que les Wookiees s'enfilent !
- À quoi t'attends-tu ? Ce sont des Wookiees.
Dess se montra plus prudent avec la deuxième gorgée. Il laissa le liquide rouler sur sa langue et savoura son goût riche.
- C'est très bon, Groshik. Et très cher, je suppose. Qu'est-ce qu'on fête ?
- Tu as eu une sacrée journée, répondit le Neimoidien. J'ai pensé que ça te ferait du bien.
Dess termina son verre. Groshik le lui remplit à nouveau, puis il reboucha la bouteille et la replaça sur l'étagère.
- Je m'inquiète pour toi, lui avoua le Neimoidien de sa voix râpeuse. Et pour ce qui s'est passé avec Gerd.
- Il ne m'a pas laissé beaucoup de choix.
- Je sais, je sais, lui dit Groshik en opinant du chef. Mais... tu lui as tout de même mordu et tranché le doigt. Et cette nuit, tu as failli déclencher une émeute dans mon bar.
- Je voulais simplement jouer aux cartes, protesta Dess. Ce n'est pas de ma faute si la situation a dégénéré.
- Peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Je t'ai observé ce soir, tu t'es joué de ce soldat et tu l'as manipulé comme tu le voulais... comme tu le fais avec tous ceux qui essaient de t'affronter. Tu les agaces, tu les manipules et tu les fais danser comme des marionnettes au bout d'un fil. Mais ce soir, tu ne t'es pas contenté de ça. Même lorsque tu avais le dessus, tu as continué de pousser ce soldat dans ses retranchements. Tu voulais qu'il réagisse de cette façon.
- Tu crois que j'ai prémédité tout ça ? lui demanda Dess en s'esclaffant. Allez, sois sérieux, Groshik. C'est la partie de sabacc qui l'a poussé à s'emporter. Et tu sais que je n'ai pas triché, car de toute façon, c'est impossible. Comment aurais-je pu savoir quelles cartes allaient sortir ?
- Il ne s'agit pas seulement de cette histoire de cartes, Dess, déclara Groshik de sa voix rauque tellement inaudible que le mineur dut se rapprocher pour entendre la suite. Tu étais en colère. Je ne t'avais jamais vu dans un tel état. J'ai perçu ta hargne jusque derrière mon bar, comme si elle imprégnait l'air. Nous l'avons tous ressentie. La foule s'est déchaînée en un instant, Dess. C'était comme si tous les clients se nourrissaient de ta rage et de ta haine. Tu dégageais de véritables vagues d'émotions, comme une tempête mêlant colère et fureur. Et tout le monde s'est trouvé emporté par cette tempête : la foule, ce soldat... Tout le monde. Même moi. La seule chose que j'ai pu faire a été de diriger mon premier coup de blaster vers le plafond, alors que tout m'incitait à tirer dans la foule. Je voulais tous les atteindre et les voir se tortiller de douleur.
Dess n'en croyait pas ses oreilles.
- Est-ce que tu as conscience de ce que tu me dis, Groshik ? C'est du délire. Tu sais que je n'aurais jamais désiré une telle chose. J'en suis incapable. Personne ne le serait, d'ailleurs.
Groshik tendit le bras et tapota l'épaule du mineur de sa longue main fine.
- Je sais bien que tu ne ferais jamais ça délibérément, Dess. Et je sais que ce que je te dis peut paraître dément. Mais tu étais différent ce soir. Tu as laissé libre cours à tes émotions et cela a déclenché quelque chose... d'étrange. Quelque chose de dangereux.
Dess but le reste de son verre en penchant la tête en arrière, son corps frissonnant pour toute réponse.
- Prends simplement garde à toi, Dess. S'il te plaît. J'ai un mauvais pressentiment.
- Et toi, prends garde à toi, répondit Dess en riant à nouveau. Les Neimoidiens ne sont pas réputés pour accorder de l'importance à leurs émotions. Ce n'est pas bon pour les affaires.
Groshik l'examina attentivement, puis il hocha la tête avec lassitude.
- Tu as raison. Je suis peut-être fatigué. Je devrais aller me coucher, et toi aussi.
Ils se serrèrent la main et Dess quitta la cantina.
Hmm... ça se terminerait vraiment comme ça, aussi simplement ? ;)
