.

Un peu d'action guerrière, pour changer :)


Chapitre n°19 :

Un tour de force


L'avant-poste était situé dans une zone découverte au sommet d'un plateau surplombant la vallée. À la faveur de la nuit, les soldats de la Marche Obscure avaient traversé la jungle jusqu'à encercler le plateau. Dess avait divisé l'unité en quatre groupes, chacun d'eux équipé d'un émetteur de brouillage et devant s'approcher de l'avant-poste d'un côté différent.

Ils s'étaient arrêtés à cinq cents mètres de l'édifice, et avaient activé les brouilleurs afin d'altérer toutes les transmissions dans ce périmètre. Les groupes s'étaient postés à la périphérie de la zone, et attendaient maintenant que Dess leur donne le signal de passer à l'action. Ils n'avaient aucun moyen de communiquer entre eux, car les appareils brouillaient également leur propre matériel de communication, alors les groupes attendaient un signal fiable pour agir : un tir de blaster.

Tandis qu'il fixait les trois vaisseaux à répulsion stationnés sur le toit de l'avant-poste, Dess sentit un sentiment familier lui nouer l'estomac. Qu'ils le reconnaissent ou pas, tous les soldats éprouvaient la même chose avant la bataille : la peur.

La peur de l'échec, la peur de la mort, la peur de voir mourir ses amis, la peur d'être blessé et de devoir passer le reste de son existence comme infirme ou mutilé de guerre.

La peur était toujours présente et vous dévorait si vous la laissiez faire.

Dess savait comment transformer la peur en atout. Étreins ce qui te rend faible et transforme-le en une chose qui te rende fort. Transformer la peur en colère et en haine – la haine de l'ennemi, de la République et des Jedi. La haine lui donnait de la force, et la force lui apportait la victoire.

Il était facile pour lui d'amorcer cette transformation une fois le combat engagé. Grâce à son père et à ses maltraitances, il savait comment faire depuis l'enfance. C'était peut-être pour cela qu'il était un aussi bon soldat et que les autres l'avaient élu chef.

Ils attendaient maintenant son signal, que Dess ouvre le feu. Dès que ce serait fait, ils chargeraient l'avant-poste. Les soldats de la République étaient deux fois plus nombreux que les membres de la Marche Obscure. Pour équilibrer leurs chances, il fallait donc les prendre par surprise. La présence de vaisseaux constituait cependant un problème que Dess n'avait pas anticipé.

La zone découverte était entourée de spots lumineux, qui éclairaient les alentours de l'avant-poste dans un rayon de cent mètres. Bien que les vaisseaux soient maintenus au sol, un soldat était posté sur la petite plateforme arrière de chaque véhicule, aux commandes des canons de tourelle. Les panneaux blindés situés autour de la plateforme s'élevaient à la hauteur de la taille, et offraient aux tireurs une bonne protection. Quant aux canons, ils étaient lourdement blindés pour résister aux tirs ennemis.

Depuis leur point d'observation sur le toit, les artilleurs avaient une vue dégagée sur la zone environnante. Si Dess ouvrait le feu, les autres unités de la Marche Obscure chargeraient en terrain découvert et se retrouveraient confrontées à un véritable barrage de tirs de blasters. Elles se feraient tailler en pièces comme de vulgaires zuccas donnés en pâture à un rancor.

- Y a un problème, sergent ? Qu'attendons-nous ? lui demanda l'un des soldats de son unité.

C'était Lucia, la jeune trooper qui lui avait transmis les ordres d'Ulabore plus tôt dans la journée.

Il était trop tard pour annuler la mission. L'armée Sith était déjà en marche. Le temps de revenir au camp pour l'avertir, elle aurait déjà traversé la moitié de la vallée.

Il jeta un coup d'œil à la jeune recrue et aperçut la lunette de visée de son arme. Lucia utilisait un fusil blaster TC-17 à longue portée. Elle le serrait si fort contre elle qu'elle en avait les articulations blanchies. Elle n'avait pris part qu'à de petits affrontements avant de rejoindre la Marche Obscure, mais Dess savait qu'elle faisait partie des meilleurs tireurs de son unité.

- Tu vois ces soldats à l'arrière des vaisseaux ? Ceux aux commandes des canons de tourelle ? lui demanda-t-il.

Elle opina du chef.

- Si nous ne nous débarrassons pas de ces artilleurs, ils vont transformer notre unité en chair à blaster en moins de dix secondes.

Elle acquiesça une nouvelle fois, les yeux écarquillés, visiblement apeurée. Dess fit en sorte de conserver un ton impassible pour éviter de l'effrayer.

- Je veux maintenant que tu réfléchisses sérieusement, trooper. Combien de temps te faudrait-il pour les abattre ?

- Je... je ne sais même pas si j'en suis capable, sergent, lui répondit-elle d'une voix hésitante. Du moins pas les trois. Pas depuis ma position. Je peux éliminer le premier, mais dès qu'il s'effondrera, je doute que les deux autres restent sagement à leur place en attendant que je les abatte. Ils plongeront probablement derrière les panneaux blindés pour se protéger. Et même si je parviens à descendre les artilleurs, je vois une bonne demi-douzaine de soldats sur le toit, qui se précipiteront pour prendre leur place. Seule, je ne peux pas éliminer neuf cibles aussi rapidement, sergent. Personne n'en est capable.

Dess se mordit les lèvres et tenta de trouver une solution à son problème. Il n'y avait que trois vaisseaux à répulsion. S'il parvenait à envoyer un message au sniper de chaque groupe pour qu'ils ouvrent le feu simultanément, ils pourraient peut-être éliminer les trois artilleurs... Il leur resterait encore à empêcher les six autres soldats de prendre leur relève.

Il interrompit sa réflexion avec un juron lancé à voix basse. Cela ne marcherait pas. À cause des brouilleurs, il n'avait aucun moyen de prévenir les autres groupes.

Il s'empara du fusil de Lucia, le leva et examina la situation à travers la lunette. Il scruta rapidement le toit de l'édifice, afin de noter la position de chacun des soldats de la République. Il parvint même à voir leurs lèvres bouger.

La situation était quasiment désespérée. Il fallait détruire l'avant-poste pour s'emparer de Phaseera, et pour cela commencer par détruire les tourelles sur le toit. Mais peu de possibilités s'offraient à Dess, pressé par le temps.

Il sentit la peur plus présente qu'à l'accoutumée, et prit une profonde inspiration pour se concentrer. Il sentait l'adrénaline lui parcourir les veines, tandis qu'il s'escrimait à convertir sa peur en force et en puissance. Il prit un des artilleurs comme cible, sentit un voile rouge lui masquer la vue. Il tira.

Il agit instinctivement, sans même réfléchir. Il ne vit même pas le premier soldat s'écrouler, qu'il dirigeait déjà la lunette vers sa prochaine cible. Le deuxième artilleur eut juste le temps d'écarquiller les yeux, avant de s'effondrer à son tour. Dess changea à nouveau de cible, mais ayant vu tomber le premier artilleur, elle avait déjà plongé derrière les panneaux blindés pour se protéger.

Dess résista à l'envie de tirer au hasard, et régla soigneusement sa visée. Le bruit de tirs de blasters déchira subitement la nuit, accompagné des cris et des bruits de pas des membres de la Marche Obscure sortant de leurs cachettes et chargeant l'avant-poste. Ils avaient parfaitement obéi à ses ordres en attaquant au premier coup de blaster. Dess savait qu'il ne restait que quelques secondes avant que les tourelles n'ouvrent le feu sur ses troupes et transforment la zone située autour de l'avant-poste en une vaste boucherie. Pourtant, il ne voyait toujours pas comment atteindre le troisième artilleur.

En désespoir de cause, il scruta à nouveau le toit pour mettre en joue un autre ennemi. Il s'arrêta sur un soldat accroupi derrière un petit container. Celui-ci ne bougeait pas et protégeait le visage de ses mains. Dess le toucha en pleine poitrine, et le container posé devant lui explosa au même moment.

- Une bombe aveuglante ! cria Lucia, mais il était déjà trop tard.

Il ne vit plus rien dans la visée, plus rien qu'un éclair lumineux qui l'aveugla momentanément.

En dépit de sa soudaine cécité, il lui sembla voir les choses avec plus de clarté. Il devina la position de chaque soldat, y compris de ceux qui couraient se mettre à couvert. Il savait précisément où ils se trouvaient et où ils se dirigeaient.

Le soldat dans la troisième tourelle tourna le canon dans la direction des troopers qui menaient l'offensive. Dans l'excitation, il avait levé la tête au-dessus des panneaux blindés, révélant ainsi sa position. Dess l'abattit du premier coup, le tir de blaster lui perforant le crâne de part en part malgré son casque.

C'était comme si le temps avait subitement ralenti. Agissant avec calme et avec une précision meurtrière, il pointa son fusil sur sa prochaine victime et l'atteignit en plein cœur, puis il tua le soldat d'à côté d'un tir de blaster entre les deux yeux. Dess abattit ensuite un homme qui courait sur le toit en direction d'une tourelle. Le suivant, qui montait à l'échelle d'une autre tourelle, fut touché à la cuisse, ce qui le déséquilibra. Il tomba de l'échelle et Dess l'acheva d'un tir dans la poitrine avant même qu'il n'atteigne le sol.

Il lui avait fallu moins de trois secondes pour abattre huit des neuf soldats postés sur le toit. Le dernier courut en direction du bord, espérant s'échapper en plongeant de l'autre côté du bâtiment. Dess le laissa courir un instant. Il parvenait à ressentir la terreur qui consumait sa victime, et savoura cette dernière aussi longtemps qu'il le put. Le soldat sauta du toit et parut s'immobiliser dans les airs l'espace d'une seconde – et Dess tira ses trois derniers coups.

Il rendit l'arme à Lucia en clignant des yeux pour tenter d'apaiser de ses larmes ses rétines blessées. Les effets de la bombe aveuglante étaient temporaires, et Dess recouvrait peu à peu la vue. Et son don de clairvoyance disparaissait lui aussi progressivement.

Il se frotta les yeux, sachant que ce n'était pas le moment pour s'interroger sur ce nouveau don. Il avait abattu les artilleurs, mais ses troupes n'étaient pas encore tirées d'affaire. Ses soldats avaient besoin de lui dans la mêlée, et non aux abords du champ de bataille.

- Garde un œil sur ce toit, lança-t-il à Lucia. Si un foutu soldat de la République réapparaît, descends-le avant qu'il n'atteigne les tourelles.

Elle ne répondit rien, la bouche grande ouverte. Elle était encore stupéfaite par ce qu'elle venait de voir.

Dess l'attrapa par les épaules et la secoua brutalement.

- Remets-toi, soldat ! Tu as une mission à accomplir !

Elle secoua la tête pour recouvrer ses esprits, et acquiesça avant d'insérer une nouvelle cellule énergétique dans son arme. Satisfait, Dess dégaina son 21D et chargea en direction de l'avant-poste, impatient de se mêler au combat.