Bonsoir à tous ! Je tiens d'abord à vous présenter toutes mes excuses pour ce mois d'absence, mars a été un mois compliqué pour moi. Je voyais le temps filer et chaque jour je me disais : "tu es en retard pour ta fic, dépêche-toi donc de publier un nouveau chapitre ou tes lecteurs vont croire que tu as abandonné ton histoire !" Je tiens donc à vous rassurer, cette fic continue et je la publierai jusqu'au bout !

Par conséquent, et pour ne pas laisser passer un mois sans update (oui, je sais, je dis ça un 31 mars. Mais vous savez ce qu'on dit, mieux vaut tard que jamais) : voici la suite ! Au programme, un chapitre un peu plus calme pour faire retomber la tension après les révélations de l'historique.

Sinon, je me rends compte que cela fait déjà un an que j'ai commencé la publication de cette fic, c'est incroyable comme le temps passe ! Je tiens à remercier tous ceux qui suivent cette histoire depuis mars 2020 et ceux qui l'ont découverte depuis, je suis toujours heureuse quand je vois le nombre de visites sur mes stats. Merci à NoxShiningAbyssal, Sadie Sparks et Welin pour leurs reviews, ça fait toujours chaud au cœur de recevoir un petit mot et ça m'encourage beaucoup à continuer.

J'espère que cette suite vous plaira, je devrais revenir à un rythme de publication plus régulier maintenant !

Bonne lecture :)


Chapitre 48

Taichi se pencha sur le lavabo et s'aspergea le visage d'eau : il ne s'était jamais senti aussi submergé d'émotions contradictoires. Ses pensées s'entrechoquaient, à tel point qu'il ne savait plus ce qu'il éprouvait réellement. Du bouleversement ? Sans aucun doute. De l'incrédulité ? Oui, évidemment. Du soulagement ? Il n'en était pas certain. De la colère ? Oui, aussi. De l'angoisse ? Indéniablement. C'était un vrai débordement mental, un tsunami qui le laissait sans forces. Il voulait se secouer, mais il n'y arrivait pas.

Lorsque Gennai avait prononcé ses dernières paroles, une lumière intense les avait aveuglés et ils s'étaient tous réveillés dans la salle de réunion de l'Agence, leurs digimons sur leurs genoux. Ils s'étaient redressés sur leur siège, engourdis : ils avaient eu l'impression de ne plus être les mêmes personnes que celles qui s'étaient assises à cette table deux heures auparavant, deux heures pendant lesquelles la vérité leur avait été dévoilée. M. Tagaya, également sous le choc, leur avait conseillé d'aller se reposer : ils avaient tous besoin de temps pour assimiler ce qu'ils venaient de découvrir ; ils prendraient une décision le lendemain. D'un commun accord, les adolescents avaient décidé de passer la nuit à l'Agence.

Yamato sortit à ce moment des toilettes et vint se laver les mains. Il leva la tête et ses yeux rencontrèrent le reflet de Taichi, dans le miroir au-dessus du lavabo. Ils se fixèrent ainsi pendant plusieurs minutes.

– Ça va ? finit par demander Yamato à son ami.

– Hum … oui, je crois, marmonna Taichi. En fait, j'en sais trop rien. J'ai encore du mal à réfléchir.

– Moi aussi. On a appris tellement de choses d'un seul coup.

– Ouais … je ne suis même pas certain d'être content de savoir la vérité.

– Tôt ou tard, on aurait dû la découvrir, de toute façon.

– C'est vrai, mais … j'aurais cru que connaître la raison pour laquelle nous avions été élus m'aiderait à prendre les bonnes décisions. Au lieu de ça, j'ai l'impression que je sais encore moins ce que je dois faire.

Yamato dévisagea Taichi dans la glace.

– Je comprends. Mais …

– Mais …?

– Si on laisse l'angoisse nous paralyser, on ne pourra plus agir.

– C'est facile à dire …

– Je ne dis pas que c'est facile, mais il va falloir y parvenir malgré tout.

Les deux adolescents baissèrent les yeux vers les lavabos, pensifs. Finalement, Yamato murmura :

– Taichi ?

– Hum ?

– Je sais que tu te poses d'autant plus de questions que tu te sens … responsable des autres. Je sais que ça ne doit pas toujours être évident pour toi et je sais aussi qu'on n'a pas toujours la même manière de voir les choses. Mais j'aimerais bien que, sur ce coup-là, tu ne prennes pas tout sur tes épaules. Ce qu'on va devoir affronter va être suffisamment difficile comme ça.

– Qu'est-ce que tu veux dire ?

– Ce que je veux dire, c'est que si tu as besoin de t'appuyer sur quelqu'un … eh bien, je serai là.

Taichi sourit au reflet de son ami.

– Merci, Yamato.

Les adolescents sortirent des toilettes et prirent le chemin de la machine à café. Alors qu'ils tournaient au coin d'un couloir, ils tombèrent sur M. Nishijima : leur professeur était adossé à un mur, mains dans les poches et l'air absent.

– Professeur ! le héla Yamato.

– Ah ! Taichi, Yamato, dit-il en revenant brusquement à la réalité. Comment … comment vous sentez-vous ?

– Un peu perdus, comme tout le monde j'imagine.

– Oui, c'est normal.

Taichi lisait dans le regard de M. Nishijima cette tristesse grave qui surgissait dès qu'il se remémorait le passé ; les révélations de l'historique ne devaient pas être simples à encaisser pour lui non plus. Cependant, Taichi ne se sentait pas le courage d'aller le voir pour le moment. Il était le chef des Enfants Élus, et en tant que tel, il devrait rapidement déterminer ce qu'il convenait de faire à présent. Même si Yamato souhaitait l'épauler, il ne se sentait pas moins responsable de la voie sur laquelle il entraînerait ses amis. Parler avec M. Nishijima qui avait lui-même été le chef des premiers Enfants Élus ne ferait qu'augmenter sa crainte de prendre une mauvaise décision ; il avait besoin d'être seul.

– Je descends à la machine à café, lança-t-il à Yamato.

Avant que son ami n'ait pu répondre, il s'esquiva dans les escaliers. M. Nishijima fixa la silhouette du jeune homme s'éloigner, inquiet.

– Est-ce qu'il va bien ? demanda-t-il à Yamato.

– Hum … à vrai dire, j'en sais trop rien.

M. Nishijima fronça les sourcils, préoccupé, et ses yeux se perdirent à nouveau dans le vide. Yamato se retourna vers le professeur et le dévisagea longuement.

– Et vous, monsieur, vous allez bien ?

M. Nishijima sursauta.

– Moi ? … oui, ça va.

Yamato soutint le regard du professeur pendant plusieurs minutes. Finalement, il lâcha :

– Vous pensez à vos amis, n'est-ce pas ?

– Oui … mais pas seulement. Je n'aurais jamais imaginé que toute cette histoire aille aussi loin.

– C'est vrai, moi non plus.

– Ce qui est fait est fait, hélas, on ne change pas le passé. Mais j'aurais aimé que vous ne soyez jamais choisis. Ce n'est pas à des adolescents comme vous de porter le sort du monde sur vos épaules.

– Je ne suis pas d'accord avec vous. En primaire, j'étais quelqu'un de très solitaire et c'est parce que nous sommes allés dans le digimonde avec Taichi et les autres que nous sommes devenus amis. De plus, si je n'avais pas été choisi, je n'aurais pas connu Gabumon. Il y a aussi beaucoup de choses, sur moi comme sur les autres, que je n'aurais comprises que bien plus tard. Et puis, on ne vous aurait pas rencontré.

– Ça n'aurait pas été si grave …

– Ce n'est pas vrai. Vous nous avez aidés à de nombreuses reprises, vous vous êtes mis en danger pour nous. Vous comptez beaucoup aux yeux de Taichi, monsieur. Aux yeux de tout le monde dans notre groupe, en fait. Alors moi, je suis content de vous avoir rencontré.

M. Nishijima sourit avec reconnaissance à Yamato. Puis, il baissa les yeux et murmura :

– Mais il y a quelqu'un que je n'ai pas su aider.

Yamato cilla.

– Vous pensez à Mlle Himekawa ?

– Oui. Nous avons perdu tous nos amis, mais j'ai toujours gardé espoir de la sauver, elle …

– Elle a aidé Ken à s'évader de sa prison et elle lui a donné l'historique du monde digital … cela veut sans doute dire qu'elle a compris ses erreurs, vous ne croyez pas ?

– Je l'espère, mais … cela veut-il forcément dire que j'arriverai à la sauver ? Je n'arrête pas de penser à cette spore noire qu'elle a absorbée et j'ai peur qu'il ne soit déjà trop tard.

Yamato fixa intensément M. Nishijima et pensa soudain à Sora, à la douleur qu'il pourrait ressentir s'il la perdait. Il cligna des yeux et déclara gravement :

– Yggdrasil n'a pas encore gagné. Même si ce que nous avons appris ce soir a été un choc, nous savons maintenant où nous allons. Alors, n'abandonnez pas.

M. Nishijima releva la tête vers le jeune homme et lui sourit avec gratitude. Yamato lui sourit à son tour.

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Sakae referma une énième porte de l'Agence, perplexe. Quand ils étaient tous sortis de la salle de réunion, Koushiro s'était éclipsé rapidement et depuis, elle avait tenté de le retrouver, en vain. Elle avait ouvert de nombreux bureaux, pensant qu'il aurait peut-être cherché une pièce où il pourrait être seul, mais rien. Les deux gobelets de thé oloong qu'elle avait pris à la machine à café refroidissaient. Koushiro n'avait pourtant pas pu quitter l'Agence … les yeux de la jeune fille s'écarquillèrent soudain : elle aurait dû y penser plus tôt ! Elle monta au dernier étage de l'Agence, puis prit une dernière volée d'escaliers ; arrivée au bout des marches, elle poussa du coude la barre d'une porte qui donnait sur le toit en veillant à ne pas renverser ses gobelets. Elle sourit : Koushiro était allongé sur un banc, mains croisées derrière la tête. Le sac à dos contenant son ordinateur était posé au sol, le rabat clos. C'était bien la première fois que Koushiro abandonnait ainsi son portable. Sakae fronça les sourcils et s'approcha de lui.

– Koushiro ?

Le jeune homme sursauta en reconnaissant la jeune fille.

– Sakae ? s'exclama-t-il en bondissant pour s'asseoir. Qu'est-ce que tu fais là ?

– Ça fait près de trois quart d'heure que je te cherche, répondit-elle en souriant. Je crois que j'ai presque fait tous les bureaux de l'Agence !

– Tu me cherchais ? Pourquoi ?

– Déjà, pour te donner ça, dit-elle en lui tendant un gobelet. C'est du thé oloong, mais j'ai peur qu'il n'ait refroidi.

– Ah, merci … ce n'est pas grave, j'ai l'habitude de le boire froid de toute façon.

– Et puis, je voulais savoir comment tu allais, ajouta la jeune fille en s'asseyant à ses côtés.

Koushiro, qui avait porté le verre en carton à ses lèvres, se sentit rougir.

– Tu … tu veux dire … que tu te faisais du souci pour moi ?

– C'est normal après ce qu'on vient d'apprendre, non ?

– Certes … mais pourquoi spécialement pour moi ?

Cette fois, ce fut au tour de Sakae de rougir. Elle détourna le regard, embarrassée. Percevant son malaise, Koushiro chercha aussitôt à se rattraper :

– En tout cas … c'est très gentil d'être venue !

Sakae sourit et releva à nouveau les yeux vers lui.

– Comment tu te sens ?

– Eh bien … j'avoue que je n'aurais pas été capable d'imaginer le quart de ce que nous avons découvert. Savoir qu'un reboot du monde réel a déjà été lancé et que la Terre a déjà connu une civilisation aussi avancée, voire plus que la nôtre, c'est fascinant … et effrayant à la fois.

– Oui, je me suis dit la même chose. Tu as pensé à ton père ?

– Oui. J'aurais aimé qu'il puisse être avec nous aujourd'hui, afin qu'il puisse mesurer l'étendue de sa découverte.

– Mon père donne l'impression d'encaisser tout ça avec courage, mais je devine qu'il est aussi bouleversé que nous.

Les adolescents fixèrent machinalement leur gobelet, les images du passé défilant dans leur esprit.

– Tu sais Sakae, dit Koushiro au bout de quelques secondes, j'ai beaucoup réfléchi : à la création du digimonde, d'Yggdrasil, d'Homeostasis … au sens profond de nos symboles. J'ai aussi pensé longuement à Meicoomon : c'est le seul digimon qui ait été créé par Homeostasis, mais grâce au sacrifice des dix humains et de leurs partenaires, elle a pu vaincre Yggdrasil. Cela me laisse à penser que les pouvoirs d'Homeostasis peuvent surpasser ceux d'Yggdrasil. L'ennui, c'est qu'Homeostasis ne semble pas pouvoir agir seul, mais toujours en coopération avec des humains et leurs partenaires. Encore faut-il lui faire confiance, et vu comment il a déjà décidé une première fois du sort de la Terre, j'ai un peu du mal à m'en remettre à lui …

– Je comprends tout à fait.

Koushiro fronça les sourcils.

– Depuis que nous avons découvert les secrets de l'historique, une question me taraude.

– Laquelle ?

– Pourrons-nous vaincre Yggdrasil sans Meicoomon ?

Sakae baissa les yeux : c'était en effet une excellente question, qu'elle s'était posée elle aussi. Elle ne pouvait pas oublier l'expression déchirée de sa sœur quand elle avait assisté à la naissance de Meicoomon.

– Gennai l'a dit lui-même : il est impossible de la ressusciter.

– Il a dit qu'aucun programme n'avait jamais été créé à cette intention.

– Tu veux dire … que tu serais capable d'en inventer un ?

– Je ne dis pas ça non plus. Mais … j'y ai pensé.

L'adolescent appuya ses mains derrière son dos et s'y adossa, songeur. Sakae le dévisagea : elle aimait son expression quand il poursuivait une idée qui paraissait impossible à concrétiser de prime abord. Koushiro surprit son regard et recommença à rougir. Il toussa, ramena ses coudes sur ses genoux et demanda :

– Et … et toi Sakae, comment tu te sens ?

La jeune fille sursauta, surprise : Koushiro se risquait rarement à une question personnelle. Cette sollicitude la toucha. Elle leva la tête vers le ciel et avoua :

– Je me sens ... un peu bizarre, en fait. Contrairement à toi et aux autres, cela ne fait même pas trois semaines que j'ai découvert que je suis une Enfant Élue. Alors, j'ai sans doute ressenti un besoin moins aigu que vous de savoir pourquoi j'avais été choisie. Toutefois, maintenant que je connais la vérité, maintenant que je sais qu'il y a douze mille ans une femme a pu aider ses amis à repousser Yggdrasil parce que sa qualité de cœur était la créativité, je me sens … fière d'avoir hérité d'elle. Mais en même temps, j'ai très peur de ce qui va nous arriver à présent.

Koushiro dévisagea intensément la jeune fille : derrière l'enthousiasme qu'elle manifestait si souvent, Sakae cachait aussi ses propres doutes.

– Tu n'as pas à t'inquiéter.

– Pourquoi tu dis ça ?

– Il y a douze mille ans, dix êtres humains et leurs partenaires ont pu neutraliser Yggdrasil. Alors, je me dis que si aujourd'hui nous sommes quinze élus, il n'y a pas de raison pour que nous n'y arrivions pas. Tu ne crois pas ?

Sakae, bouche bée, fixa Koushiro : elle l'avait rarement vu arborer une telle assurance. C'était comme si les révélations du l'historique, loin de l'effrayer, le galvanisait. Il lui sourit, et par ce sourire il lui transmit une confiance qui réchauffa son cœur ; elle se sentit soudain moins inquiète pour l'avenir.

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Meiko, un verre de soda à la main, errait dans les couloirs déserts l'Agence. Elle s'accouda machinalement à une haute fenêtre et glissa son regard vers une cour intérieure blafarde et déserte. Les images de l'historique ne cessaient de tournaient en boucle dans son esprit : le visage de cette femme sans partenaire, l'œuf de Meicoomon, les corps des humains se désintégrant …

– Meiko ?

Elle sursauta et fit volte-face et se retrouva nez à nez avec son père, qui tenait un gobelet de café fumant à la main. Dans la semi-obscurité, ses cheveux poivre et sel semblaient faire écho à la pâleur de la lune.

– Papa …

– Je te cherchais, Meiko. Comment te sens-tu ?

La jeune fille écarquilla les yeux : son père n'avait pas pour habitude de se préoccuper des émotions de ses proches ; en général, il se montrait assez réservé, voire impassible, aussi, une telle question ne manqua pas de la surprendre. Son père parut deviner sa pensée.

– Je sais que d'ordinaire nous parlons peu de nos sentiments personnels, mais ce soir c'est différent. Tu es ma fille et je sais que ce que nous avons découvert doit t'affecter.

La jeune fille cilla, serra le gobelet entre ses paumes et murmura :

– Cela va sans doute te paraître étrange, mais … je suis à la fois soulagée et inquiète. Soulagée, car j'ai compris que même si Meicoomon n'est plus à mes côtés, notre amitié l'a protégée pendant toutes ces années de l'influence d'Yggdrasil, et compte tenu de ce qu'elle avait vécu dès sa naissance, j'en suis très heureuse. Alors, même si je ne devais pas initialement être une Enfant Élue, je suis aujourd'hui fière d'avoir rencontré ma petite Mei. Je compte bien aider Taichi et les autres de toutes mes forces, comme cette femme sans partenaire il y a douze mille ans …

M. Mochizuki battit des cils, impressionné par les paroles de sa fille.

– Et qu'est-ce qui t'inquiète ?

– La même chose que tous mes amis, je crois : la mission qui repose maintenant sur nos épaules. Nous sommes les seuls sur cette Terre à savoir qu'une civilisation aussi avancée que la nôtre a existé, et rien que d'y penser, cela me laisse sans voix … je ne sais pas exactement ce que nous devons faire à présent.

M. Mochizuki la dévisagea longuement.

– Tu as beaucoup changé depuis que tu connais tes amis, Meiko. Tu es devenue plus sûre de toi, et pourtant je sais combien la disparition de Meicoomon a été difficile à surmonter. Sache que même si tu ne devais pas être une Enfant Élue … je suis très fier que tu en sois une aujourd'hui.

Meiko fixa son père, le cœur battant, et sentit des larmes lui monter aux yeux tandis qu'un sourire étirait ses lèvres.

– Merci, papa …

M. Mochizuki lui rendit son sourire avec fierté.

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– Sora, tu as choisi les sandwichs ?

En entendant la voix de Mimi, Sora sursauta. Elle venait de passer cinq minutes face au rayon des aliments frais, immobile.

Quand les Enfants Élus avaient décidé de dormir à l'Agence, elle s'était proposée avec Mimi pour aller acheter à dîner à la supérette la plus proche. Cependant, les images de l'historique continuaient de la hanter et elle n'arrivait pas à se concentrer sur la nourriture à acheter ; elle fixait les salades, les yaourts et les sandwichs sans les voir. Mimi se rendit compte de son regard absent et demanda doucement :

– Ça va, Sora ?

– Oui, oui …

La jeune fille ouvrit la porte vitrée du rayon réfrigéré et prit plusieurs barquettes de salade composée, des sandwichs et des chips, qu'elle plaça machinalement dans son panier.

– Tu sais, lui dit Mimi, tu n'étais pas obligée de faire ces courses … si tu voulais te reposer, tu aurais dû le dire. Tout le monde aurait très bien compris.

– Non, fit-elle en secouant la tête. J'avais besoin de sortir … de faire quelque chose, pour arrêter de penser. Mais …

– Tu n'y arrives pas, c'est ça ?

– Non. Les images reviennent, encore et encore …

La main de la jeune fille se crispa sur l'anse du panier de course, son bras se mit à trembler. Mimi s'approcha de son amie et posa une main réconfortante sur son épaule.

– Ne t'inquiète pas. Moi aussi, je n'arrête pas de repenser à ce que nous avons vu.

Sora se mordit la lèvre.

– Ces dix hommes et femmes se sont sacrifiés avec leur digimon. C'était … terrible.

– Oui, reconnut Mimi, le regard peiné.

– Mais surtout … il y a une pensée que je n'arrive pas à écarter de mon esprit, depuis que nous connaissons la vérité.

– Vraiment ? Laquelle ?

– Un reboot de la Terre a eu lieu parce que Gennai et son collègue ont créé le digimonde. S'ils n'avaient pas lancé ce projet, Yggdrasil n'aurait jamais existé, Homeostasis non plus … et tous ces hommes, ces femmes et ces enfants d'il y a douze mille ans n'auraient pas perdu la mémoire, n'aurait pas été contraints de revenir à une vie de nomade et de chasse, ils n'auraient pas perdu leur savoir …

Mimi baissa les yeux et fronça les sourcils.

– C'est vrai, mais … nous n'aurions aussi jamais eu de partenaires digimons, si cela avait été le cas.

– Et alors ? cria presque Sora. Comment pouvons-nous avoir un rôle à jouer dans un monde dont la création a fait tant de mal à toute une civilisation ? Je voudrais n'avoir jamais été choisie ! Maintenant que je connais la vérité, je trouve que nous être rendus dans le digimonde est presque … une insulte à la mémoire des Jomons.

Mimi fixa son amie, bouleversée, et vit que des larmes avaient rempli ses yeux. Sora se rendit alors compte qu'elle avait haussé le ton ; gênée, elle balbutia en essuyant ses yeux :

– Dé … désolée. Je ne voulais pas m'emporter.

Mimi cilla et déclara :

– Tu te trompes. Nous rendre dans le monde digital n'est pas une insulte envers ces gens, mais une manière d'honorer leur savoir en renouant le lien avec les digimons avec lesquels ils ont vécu. Si nous refusons d'assumer notre rôle d'Enfants Élus, alors nous rejetons ce lien pour toujours et nous laissons Yggdrasil gagner, car il n'y a que lui qui souhaite nous évincer du digimonde. Comment peux-tu dire que tu n'aurais jamais voulu être choisie ? L'amitié que tu portes à Piyomon ne compte-t-elle pas à tes yeux ?

– Si, bien-sûr, mais …

– Alors tu ne peux pas dire que tu refuses d'être une Élue. Quand Gennai et son collègue ont créé le monde digital, ils ont voulu en faire un endroit merveilleux, et c'est cela que nous devons défendre. Si je veux me battre contre Yggdrasil, c'est pour que le monde digital redevienne ce que Gennai et son collègue désiraient qu'il soit : un monde où les digimons et les hommes vivent en harmonie.

Sora dévisagea intensément son amie, bouche bée : sa détermination et son espoir indéfectibles l'impressionnaient. Elle n'avait pas vu les choses sous cet angle, pourtant, en écoutant Mimi, elle se rendit brusquement compte combien elle avait été pessimiste en ne se focalisant que vers les tragédies du passé. Mimi, elle, s'appuyait sur le passé pour regarder vers l'avenir et cela lui donnait une force incroyable. Néanmoins, Sora ne pouvait écarter de son esprit une crainte presque incontrôlable.

– Il n'y a pas qu'Yggdrasil qui souhaite nous évincer du monde digital. Homeostasis aussi a voulu le faire.

– Oui, mais depuis il nous a aidé.

– C'est vrai, mais … si ce que nous faisions ne lui convenait pas ? S'il ne nous laissait pas faire ? S'il lançait un autre reboot ?

Mimi la dévisagea calmement.

– Tu sais, il y a six ans j'avais peur de me battre et je détestais la violence … je la déteste toujours, mais en voyant les dix premiers humains et leurs partenaires tenir tête à Yggdrasil, je me suis sentie honorée d'hériter de l'un d'eux. Cela me donne envie de me surpasser pour protéger notre monde actuel, comme ils l'ont fait pour leur monde il y a douze mille ans. Je crois que c'est davantage à cette pensée qu'il faut nous raccrocher, plutôt qu'à celle d'un possible reboot.

Sora fixa son amie : Mimi parlait rarement avec autant de sérieux.

– On devrait rentrer, lui suggéra-t-elle. Les autres auront sans doute faim.