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Chapitre n°25 :
Lames d'entraînement
Des gouttes de sueur coulaient déjà sur le crâne chauve et dans les yeux de Bane, qui mettait son corps à l'épreuve. Il plissa les paupières et redoubla d'efforts en fendant l'air devant lui, encore et encore et encore, avec son sabre d'entraînement. Les autres apprentis faisaient de même autour de lui, chacun d'eux s'efforçant de dépasser ses propres limites physiques pour ne plus être qu'un simple guerrier armé. L'objectif était de devenir une extension du Côté Obscur lui-même.
Bane avait commencé par apprendre les techniques de base communes aux sept styles de combat traditionnels du sabre-laser. Il avait passé les premières semaines à répéter sans cesse les positions défensives, les coups par-dessus, les parades et les contre-attaques. En observant les attitudes de ses élèves au cours des premières séances d'entraînement, le Seigneur Kas'im avait choisi quelle technique leur convenait le mieux.
Pour Bane, il avait opté pour le Djem So, la Forme V. Cette cinquième technique se concentrait sur la force et la puissance, et permettait à Bane d'employer sa taille et ses muscles à son avantage. Lorsqu'il parvint à exécuter chacun des mouvements du Djem So, Kas'im s'en trouva satisfait et lui permit de commencer le véritable entraînement.
Aux côtés des autres élèves de l'Académie, il passait presque une heure chaque matin à s'exercer avec son sabre d'entraînement, sous la direction du Maître bretteur. Les sabres d'entraînement, en duracier, aux pointes émoussées, étaient fabriqués de telle manière que leur équilibre et leur poids imitaient les rayons d'énergie projetés par les vrais sabres-lasers à la perfection. Un coup violent pouvait provoquer de sérieux dégâts, mais puisqu'un sabre-laser n'en engendrait pas de pareils, chaque lame d'entraînement était recouverte de millions de petits barbillons invisibles à l'œil nu qui contenaient une toxique. Ces derniers provenaient des épines microscopiques qui recouvraient le dos des insectes pelkos – une espèce rare vivant uniquement sous les sables de la Vallée des Seigneurs Noirs sur Korriban. En touchant un adversaire, les minuscules aiguilles transperçaient n'importe quel tissu, et le poison brûlait immédiatement les chairs et les couvrait de cloques. Une paralysie temporaire frappait instantanément l'endroit touché. Cela imitait à merveille l'effet ressenti par la perte d'une main, d'un bras ou d'une jambe emportés par la lame d'énergie d'un sabre-laser.
L'atmosphère matinale était emplie des grognements des apprentis et des bruits de leurs lames fendant l'air. D'une certaine manière, cela remémorait à Bane son entraînement militaire – un groupe de soldats unis dans la répétition d'exercices jusqu'à ce que leurs gestes et mouvements deviennent instinctifs.
Mais il n'y avait aucun sens de la camaraderie à l'Académie. Les apprentis étaient tous rivaux. Cela ressemblait assez à ce qu'il avait vécu sur Apatros, sauf qu'ici, la vie était digne d'être vécue. Ici, il apprenait les secrets du Côté Obscur.
- Ça ne va pas ! aboya subitement Kas'im.
Il avançait dans les rangs et venait de s'arrêter à côté de Bane.
- Il faut frapper avec malice et précision !
Il tendit le bras et retourna brutalement le poignet de Bane afin de modifier l'angle de son sabre.
- Tu frappes trop haut ! s'exclama-t-il. Tu n'as pas le droit à l'erreur !
Il demeura aux côtés de Bane pendant plusieurs secondes pour s'assurer qu'il avait bien compris la leçon. Après l'avoir observé simuler plusieurs frappes en modifiant la position de son poignet, le Maître bretteur opina du chef et poursuivit son parcours parmi les élèves.
Bane répéta ce simple mouvement encore et encore, en prenant soin de maintenir la hauteur et l'angle de la lame exactement comme Kas'im le lui avait montré. Il imprima ce mouvement dans ses muscles, jusqu'à ce qu'ils soient en mesure de le répéter à la perfection. Par la suite, il pourrait l'intégrer à d'autres manœuvres plus complexes.
Il haleta bientôt en raison de tous ses efforts. Physiquement, les sessions d'entraînement de Kas'im ne rivalisaient pas avec le travail dans les mines, où Bane portait le marteau-piqueur des heures durant pour creuser les veines de cortosis, mais elles étaient bien plus épuisantes par d'autres aspects. Elles requéraient une attention de tous les instants et une concentration intense. La véritable maîtrise de la lame nécessitait une parfaite symbiose entre le corps et l'esprit.
Lorsque deux Seigneurs s'affrontaient dans un duel au sabre-laser, leurs gestes étaient bien trop rapides pour que l'œil nu puisse les distinguer, ou que l'esprit ait le temps de les anticiper. Chaque geste devait être accompli instinctivement, le corps devait suivre le mouvement sans même y réfléchir. Pour y parvenir, Kas'im faisait travailler des séquences à ses élèves, des séries soigneusement chorégraphiées de frappes et de parades diverses issues de leur technique d'apprentissage. Les séquences étaient conçues par Kas'im lui-même, qui s'assurait que chaque manœuvre s'enchaînait parfaitement avec la suivante et que l'efficacité de l'attaque était maximale et l'exposition à l'adversaire minimale.
Employer une séquence de combat permettait aux élèves de se libérer l'esprit, puisque leur corps se déplaçait automatiquement. L'utilisation de ces séquences était bien plus efficace et plus rapide que de réfléchir à la frappe ou à la parade à laquelle recourir. De plus, elle offrait un avantage considérable face à un adversaire qui n'était pas coutumier de cette technique.
L'apprentissage d'une nouvelle séquence était, en revanche, un processus long et laborieux. Pour la plupart des apprentis, cela nécessitait deux ou trois semaines de répétitions intensives – et davantage encore si la séquence faisait appel à un style que l'élève ne maîtrisait pas encore. La plus petite erreur dans l'enchaînement pouvait rendre la séquence complètement inutile.
Kas'im avait remarqué une faute potentiellement fatale dans la technique de Bane. Ce dernier était maintenant déterminé à la corriger, même si cela signifiait des heures et des heures de pratique soustraites à son temps de repos. Bane ne relâchait pas ses efforts dans sa recherche de la perfection – pas seulement dans l'entraînement au combat, mais aussi dans tous les autres domaines. Il se sentait investi d'une mission.
- Ça suffit, cria Kas'im.
À ces mots, tous les élèves s'arrêtèrent et se tournèrent vers le Maître bretteur.
- Vous pouvez pour reposer dix minutes, leur dit-il. Ensuite, les duels commenceront.
Bane, comme la plupart des autres apprentis, s'assit en tailleur, les jambes repliées, dans une position méditative. Il posa son sabre sur le sol à côté de lui, ferma les yeux et se plongea dans une légère transe afin de puiser de l'énergie dans le Côté Obscur pour apaiser ses muscles endoloris et reposer son esprit fatigué.
Il laissa le pouvoir du Côté Obscur investir son corps, et son esprit vagabonder. Comme souvent, il se concentra sur la première fois où il avait caressé le Côté Obscur. Il ne revint pas sur les contacts maladroits qu'il avait établis sur Apatros ou pendant sa carrière militaire, mais sur le jour où il avait véritablement embrassé la Force.
Cela remontait à son troisième jour à l'Académie. Il utilisait les techniques de méditation qu'il avait apprises la veille, lorsqu'il la ressentit. C'était comme si un barrage venait soudainement de céder, comme si un courant tumultueux l'avait submergé et en avait profité pour balayer tous ses défauts – sa faiblesse, sa peur, ses doutes. Il avait alors compris pourquoi il se trouvait sur Korriban. En cet instant précis, sa métamorphose de Dessel Heldane en Bane, d'un simple mortel en un membre des Sith, avait réellement débuté.
Par le pouvoir, je gagne la victoire. Par la victoire, mes chaînes sont brisées.
Bane en savait beaucoup sur les chaînes. Certaines étaient évidentes : un père brutal et indifférent, le travail éreintant dans les mines, les dettes contractées à l'égard d'une compagnie impitoyable et anonyme. D'autres étaient plus subtiles : la République et ses promesses idéalistes d'une vie meilleure qui n'advenait jamais, les Jedi et leur vœu pieux de débarrasser la galaxie de toutes ses injustices. Même ses amis de la Marche Obscure avaient été pour lui comme des chaînes. Il s'était soucié de leur bien-être et de leur survie. Mais en définitive, comment l'avaient-ils aidé lorsqu'il avait eu besoin d'eux ?
Il prenait désormais conscience que les liens personnels ne pouvaient le freiner. Les amis étaient un fardeau. Il ne devait compter que sur lui-même. Il devait développer son propre potentiel, son propre pouvoir. C'était là son objectif ultime – le pouvoir. Et, par-dessus tout, la puissance promise par le Côté Obscur.
Il entendit des bruits autour de lui, le léger bruissement des robes des autres apprentis quittant leurs méditations et se dirigeant vers le cercle des duels. Il s'empara de son sabre d'entraînement et alla les rejoindre.
À la fin de chaque session, les apprentis formaient un grand cercle au sommet du temple. N'importe quel élève pouvait y pénétrer et provoquer l'un de ses acolytes en duel. Kas'im les observait avec attention, et analysait les mouvements en classe une fois l'affrontement terminé. Ceux qui gagnaient étaient félicités pour leur performance, et voyaient progresser leur statut dans la hiérarchie informelle de l'Académie. Les perdants étaient réprimandés et subissaient également une perte de prestige.
Lorsque Bane avait commencé son entraînement, de nombreux élèves l'avaient défié avec enthousiasme. Ils savaient qu'il était novice dans la connaissance de la Force, et ils étaient impatients de battre ce géant musclé devant leurs condisciples. Bane avait tout d'abord refusé. Il savait que ces duels étaient le moyen le plus rapide pour gagner en renommée au sein de l'Académie, mais il n'était pas suffisamment stupide pour participer à un affrontement qu'il savait perdu d'avance.
Au cours des derniers mois, il avait cependant travaillé âprement pour apprendre sa technique et perfectionner ses mouvements. Il avait rapidement appris de nouvelles séquences, et lorsque Kas'im lui-même avait loué ses progrès, Bane s'était senti suffisamment en confiance pour accepter les duels. Il n'en sortait pas victorieux à chaque fois, mais il remportait plus de combats qu'il n'en perdait, et gravissait lentement les échelons de la hiérarchie de l'Académie. Il se sentait aujourd'hui capable de progresser davantage.
