Juliet
Assis sur le canapé du salon, je panse le bras d'Adrian qui grimace de douleur. Le pauvre. Mais il a eu de la chance. Il y a eu plus de peur que de mal et je vais pouvoir récupérer ses tissus cicatriciels à l'aide de baume de dictame et d'essence de champfleur. Sa peau sera toujours légèrement tachée mais ses os et ses muscles ne sont pas endommagés. Pour l'instant je dois surtout m'assurer que sa blessure cicatrise bien et qu'elle ne s'infecte pas.
Si j'avais encore mes pouvoirs, ce serait réglé en quelques secondes. Tout comme le visage d'Alastor d'ailleurs… Ce dernier est parti directement en soin intensif à Sainte Mangouste. Je crois qu'il ne retrouvera jamais l'usage de son œil.
J'étudie justement l'autre paume de mon petit ami qui avait été sévèrement brûlé lorsqu'il avait tenté de retourner à son époque du temps où j'étais encore étudiante et force est de constater que sa paume est intacte. Ma magie n'a laissé aucune trace, rien. Comme si sa brûlure n'avais jamais existé.
— Qu'est-ce que tu regardes bébé ?
Je remonte mon regard vers Adrian et lui adresse un sourire contrit.
— Rien… Laisse tomber.
— Tu repenses à ce que la vélane t'as dit, pas vrai ?
Je papillonne des cils, troublée par le fait qu'il devine toujours aussi bien mes inquiétudes. Je fonce les sourcils, est-ce qu'il lit encore mes pensées ?
— Pas besoin de lire tes pensées pour deviner ce à quoi tu penses, complète-t-il avec douceur en passant cette fameuse main derrière ma nuque pour capturer mon regard.
— Je… C'est juste que. Tu ne souffrirais plus et…
— Juliet, je pense qu'en trois ans tu as tout tenté pour les récupérer, non ?
— J'ai plutôt appris à composer sans, complété-je en mordillant ma lèvre inférieure d'embarras. De toute façon les événements tragiques n'ont fait que se succéder et s'il y a bien quelqu'un qui pouvait m'aider, il n'a pas tardé à disparaître prématurément. Donc je n'ai jamais vraiment cherché à les retrouver.
— Reg ?
Mon cœur se serre et je fuis le regard. Je ne veux pas parler de ça. Je ne veux pas parler de lui ni du fait qu'une tombe vide repose au cimetière. On a jamais retrouvé son corps. Jamais. J'ignore complètement ce qu'il a trafiqué mais c'est assez évident que Voldemort a effacé les traces derrière lui. J'ai évidemment essayé de comprendre et j'ai harcelé de lettres sa petite-amie allemande, Olivia, avec qui il avait prévu tant de choses, tant de projets. Et elle non plus ne sait pas. D'ailleurs elle m'a raconté que la mère de Regulus l'a forcé à abandonner leur enfant qui vit à présent en orphelinat. C'est horrible.
— La vélane m'a menti. Ou alors elle n'a vu que des traces de choses qui n'existent plus, soufflé-je, dépitée. Si mes pouvoirs étaient encore là, je le saurais.
— Je suis désolé chaton. Je sais que tu veux me soigner mais…
— Je te soignerai dans tous les cas, coupé-je, sûre de moi. Tu as déjà recouvert ta motricité aux doigts. Ce sortilège de glace t'as fait pas mal de bien, apparemment.
Adrian esquisse un sourire mais ne dit rien. Il continue simplement de me caresser la cuisse de sa main vacante avant de m'entraîner contre lui. Je me love dans ses bras et enfoui mon visage dans son cou. Je ferme les yeux quelques instants et me laisse enveloppée de sa chaleur et de son odeur boisée si caractéristique. Il baise le sommet de mon crâne et me câline de sa main libre tandis que l'autre reste enveloppée dans une attelle fixée à son épaule.
Il est quatorze heures, l'Ordre est réuni au complet dans la salle à manger et tous se restaurent silencieusement. En quelques jours, nous avons perdu Benjy, Edgar et maintenant Dorcas. L'ambiance est lourde. Très lourde.
— Tu devrais aller te reposer, me signale Adrian.
— Je suis bien là, indiqué-je en gardant les yeux fermés contre lui. A moins que tu veux que je parte…
— Surtout pas.
J'esquisse un sourire et renforce ma prise sur lui. J'enlève mes escarpins que je garde de mon accoutrement de ce matin et ramène mes jambes sur le canapé. Je repose ma tête sur lui tandis qu'Adrian me caresse doucement avant de finalement sombrer dans un sommeil léger. Je me sens tomber mais il est toujours là, les voix des autres sont toujours là avant que tout ne s'apaise.
J'ignore combien de temps de somnole mais je suis tellement bien. Enveloppée dans une bulle chaude et protectrice que je ne veux plus en sortir. Dans mon esprit, j'entends encore les cris, les plaintes, les pleurs, sorts qui fusent dans tous les sens. Des batailles comme nous avons vécu ce matin, nous avons l'habitude. Elles surviennent à peu près tous les six mois, à intervalles plus ou moins régulières. Désormais les Mangemorts et l'Ordre aiment bien se tendre des pièges où tous se réunissent pour un duel collectif et sanguinaire. Une part de moi ne peut s'empêcher de penser que Dumbledore savait précisément ce qui se passerait. Ou qu'il en avait une idée bien précise et qu'il n'a rien fait pour l'empêcher. Après tout, c'est lui, du jour au lendemain qui a demandé aux jumeaux de se pencher du côté du Suit et des vélanes.
Adrian déteste Dumbledore. Je le vois bien dans son regard combien il se retient pour ne pas lui mettre une droite dès qu'ils parlent ensemble. Et s'il savait des choses qu'il ne me dit pas ? Peut-on vraiment lui faire confiance ?
Bon sang Juliet ! C'est Albus Dumbledore ! Évidemment que tu peux ! Adrian est simplement contre l'autorité et les règles. Intrépide et fougueux, il ne sera jamais le servant chevalier de qui que ce soit.
Peu à peu, au fil de mes cogitations, mes paupières se font lourdes, mon rythme cardiaque s'apaise et je me laisse enveloppée d'une douce bulle chaude et protectrice. Depuis des mois, je ne dors que d'une oreille. Mais là… le monde peut s'écrouler, j'ai l'intime conviction qu'il ne m'arrivera rien. Les ténèbres m'emportent et je sombre complètement dans un sommeil lourd et réparateur, la main d'Adrian continuant à me caresser.
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— FABIAN !
Je rouvre les yeux et me réveille en panique. Qu'est-ce qui se passe ?! Adrian, toujours dévoué à veiller sur mon sommeil, me relève le buste et se dresse sur ses pieds. Violemment extirpé de mon état, je l'imite et nous rejoignons à la hâte la cuisine, source des exclamations.
Dès que je pénètre dans la pièce, tous les regards se tournent vers moi et m'ouvrent le passage. Je comprends alors que cette affaire est pour moi et mon cœur se compresse. Merde ! Qu'est ce qui se passe encore ?!
Fabian est avachi sur une chaise, il tourne de l'œil, il est en sueur et je devine son rythme cardiaque très faible. Emmeline éponge son visage à l'aide d'un gant de toilette imbibé de glace.
— Qu'est-ce qui s'est passé ?! demandé-je en tâtant son pouls.
— Je ne sais pas, c'est le contrecoup je crois, explique sa petite-amie d'une voix chevrotante. Il n'a pas arrêté de se lancer des "Revigore" depuis qu'on est rentré mais…
Sans réfléchir, je me jette sur sa chemise que j'éventre pour dévoiler alors une vilaine cicatrice en plein sur son épaule mouchetée de taches de rousseurs. Exactement là où il a reçu la lame de poignard d'Evan Rosier. Cette dernière reluisait d'une bien trop étrange lueur pour n'être simple lame. La plaie est fine mais un liquide noir perle sur sa peau transpirante dès que je fais pression dessus. Je devine d'ailleurs ses veines noires et gonflée à bloc par le poison. Elles partent de sa blessure et s'entendent jusqu'à son cou où ses vaisseaux sanguins ressortent considérablement comme s'ils étaient d'imposantes toiles d'araignée. Des toiles d'araignée sombres et injectées de poison.
— Il a été empoisonné, indiqué-je alors, d'un ton sans appel.
— Il faut une antidote, réagit aussitôt Lily. Je m'en occupe.
— Mobilicorpus !
Mon sortilège tombe sur Fabian qui se soulève dans les airs. Je l'amène jusque dans sa chambre où je suis suivie de près par Emmeline.
— C'est grave tu crois ?! me demande-t-elle, inquiète.
— Je n'en sais rien, je n'ai jamais rien vu de tel, avoué-je. Je vais déjà essayé d'extraire le venin.
Emmeline acquiesce et s'empare de la main de son petit ami. Ce dernier gémit de douleur dans le lit et je les abandonne, complètement chamboulée. Il faut que je trouve une solution. Et vite !
— Juliet !
Adrian m'attrape par le bras et plonge son regard inquiet dans le mien.
— Qu'est-ce que tu vas faire ? demande-t-il, la voix nouée.
J'enfonce mes mains dans mes cheveux, complètement déphasée. Je secoue la tête et tente d'exprimer une ou deux phrases mais je suis trop bouleversée pour le faire.
— Il me faudrait un extracteur de venin, commencé-je. Je connais une plante magique qui…
— Laisse tomber. Ça n'ira pas, coupe-t-il aussitôt.
— Quoi ? Comment ça ? Ça ne coûte rien d'essayer, argumenté-je en fronçant les sourcils.
Adrian mime une grimace et commence à faire les cents pas dans le couloir. Il semble cogiter à toute allure et je comprends alors que quelque chose m'échappe. Je l'arrête par l'épaule et l'interroge avec méfiance.
— Qu'est-ce que tu sais ? soufflé-je, en connaissant déjà la réponse.
Il s'humecte les lèvres et semble hésiter quelques instants. Il se mordille la lèvre inférieure d'embarras puis souffle bruyamment.
— Il ne passera pas la nuit, révèle-t-il dans un souffle.
Je papillonne des yeux, refoulant un relent de larmes salées qui menacent de surgir. Non ! Pas encore un nouveau mort. Je refuse !
— Comment tu le sais ?
— Je le sais Juliet, c'est tout c'est comme ça, je le sais ! s'impatiente-t-il. Dorcas et Fabian meurent tous les deux un 12 mai 1981, c'est tout c'est comme ça, j'y peux rien !
— Tu savais pour Dorcas ?!
— Evidemment ! Mais je ne peux rien faire, ce serait aller contre…
— Adrian ! On ne peut pas le laisser mourir ! attaqué-je en l'aggripant par le col de sa chemise. Tu m'entends ?! On ne peut pas !
— Je sais ! Ju' je le sais et crois-moi, je cogite depuis tout à l'heure mais ma solution ne va pas te plaire, grimace-t-il.
— Qu'est-ce qu'il y a ? paniqué-je. Tu veux remonter le temps de quelques heures ?
— Non. Trop dangereux, contre-t-il. Je vais aller faire parler à Avery.
— Comment ça ?
— Lui et Rosier gardent forcément l'antidote chez eux, explique Adrian. Je vais aller lui extorquer les informations pour le forcer à nous donner une antidote.
— Tu te fiche de moi ?! C'est moins dangereux que remonter le temps de quelques heures Adrian ?! Tu vas vraiment aller faire parler un Mangemort ?! Et comment ? Tu vas le torturer ?!
— S'il ne me laisse pas le choix, oui.
— Mais tu ne sais même pas où se trouve Avery !
— Moi je sais, intervient une voix.
Je fais volte face et croise le regard bleu, embrumé de larmes de Marlene. Elle a tout entendu de notre conversation. Elle regarde tristement la porte de la chambre dans laquelle est alité Fabian avant de revenir vers nous. Elle se plante devant nous et braque ses yeux déterminés sur Adrian.
— On va y aller ensemble, décide-t-elle.
Adrian esquisse un sourire en coin arrogant et jauge la blonde de la tête aux pieds.
— Un ninja de secours n'est jamais de trop, réplique-t-il avec suffisance.
— On prend Gideon avec, indique mon amie. Je ne tiendrai pas toute seule avec toi.
Le brun manque de s'étouffer de rire tandis que Marlene revient vers moi.
— Fais ce que tu peux pour maintenir son état stable et nous on se charge de l'antidote, ok ? indique la blonde en passant ses mains sur mes épaules.
— Donc on va impunément et en toute conscience modifier l'histoire ? demandé-je d'une voix tremblante.
Adrian hausse des épaules et opine de chef avec la blonde.
— J'ai bien sauvé les fesses des jumeaux une première fois, je peux le faire une deuxième.
Leur air déterminé finit par me convaincre. C'est de l'improvisation totale et de la pure folie mais ok. Je suis prête à tout. S'en est fini des morts.
— Du coup, McKinnon, tu sais comment trouver Avery ? demande Adrian.
— Oui. Lui, Travers et Dolohov habitent avec Mulciber, dans son manoir.
— Gaige Mulciber a un manoir ? demandé-je, étonnée. Je croyais que c'était un orphelin sans le sous ?
— Il a du bagout et sait tirer les bonnes ficelles visiblement, indique la blonde en haussant des épaules. Change-toi Potter, on part dans cinq minutes.
Je détaille Adrian et constate effectivement qu'il a toujours le blouson camel de Sturgis posé sur les épaules. D'ailleurs, moi même je suis toujours glissée dans la petite robe noire à corset et je suis soudainement prise de chair de poule.
— Viens, assure le brun en m'entrainant dans la chambre de Gideon.
Ce dernier me tend un gros sweat chaud beige et prend une nouvelle chemise, noire cette fois-ci, pour lui. Je passe ma tête dans le vêtement puis m'avance vers lui. Je l'aide à se dévêtir avec son attelle et lui lance un air malheureux. Je dépose la veste de Sturgis sur le lit et glisse mes mains sur son torse nu.
— Fais attention, soufflé-je.
Adrian passe sa main vacante derrière ma nuque et me rapproche de lui. Son souffle se dépose sur mon visage et il m'embrasse tendrement.
— Je suis là très vite, promet-il.
Alors qu'il s'apprête à me relacher, je m'accroche à lui, me glisse sur la pointe des pieds et passe mes bras derrière son cou pour le garder auprès de moi. Ce qu'il s'apprête à faire ne fait pas parti de l'histoire. Si tout foire, alors l'avenir aussi. Et je ne peux pas me permettre de le perdre. Ce serait insoutenable.
— J'ai vraiment besoin de toi, confessé-je à demi-mot à son oreille. Alors ne fais pas de conneries et reviens-moi en entier.
Ses iris gris me détaillent silencieusement avant qu'un timide sourire n'apparaisse sur ses lèvres.
— C'est promis bébé, souffle-t-il avant d'aplatir ses lèvres sur les miennes.
Je ferme les yeux et le laisse m'emporter dans une bulle de chaleur protectrice. Sa langue et la mienne viennent se rencontrer pour un tendre baiser avant que je ne le laisse finalement partir, à regret. Il passe la chemise propre sur son dos et agite sa baguette pour que ses boutons se ferment tout seul. Une fois paré, il m'adresse un clin d'œil rassurant avant de disparaître dans le couloir pour transplaner avec Marlene et Gideon.
Je me retrouve donc seule avec Lily et Emmeline qui courent dans tous les sens. Elles ignorent que leurs efforts ne servent à rien mais je me refuse à leur avouer. On a toujours notre rôle à jouer et retarder son état qui se détériore en fait parti.
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Le corps recouvert de sangsues, j'ai bon espoir pour stabiliser l'état de Fabian. Lily est en cuisine et s'adonne à une potion d'armoise qui permettra de maintenir le rouquin dans un état de semi-coma, ce qui évitera au poison de toucher ses organes vitaux. Emmeline est au chevet de son petit ami et lui passe tendrement des compresses glacées sur le visage.
Moi je tourne en rond comme un lion en cage. Adrian veut changer le cours du temps mais moi aussi, je pourrais. Il me suffirait que d'une infime brèche.
Et si dans le fond, la vélane avait raison ? Et si mes pouvoirs étaient toujours là ? Ils font partis de moi et coulent toujours dans mes veines. Alors pourquoi est-ce que je ne peux pas faire appel à eux ? Ils me manquent et j'en ai plus que jamais besoin. Je pourrais tous les guérir ! Tous les réanimer. Alors pourquoi pas ? Ce ne serait pas si insensé.
Je m'écroule contre le mur du couloir, et plonge ma tête entre mes genoux. Je m'arrache presque les cheveux tant je désespère. En vain, je contracte mes doigts et espère voir une étincelle surgir mais rien n'y fait. Je suis impuissante.
ARGH ! Fais chier !
Il faut que je m'entaille les veines pour vérifier qu'ils sont toujours là ou comment ?! Je les veux ! J'ai besoin d'eux. Ils sont innés, ils font partis de moi. Alors pourquoi ne puis-je pas les utiliser quand je le désire ?!
D'autant plus que je ne le sens pas du tout, le plan d'Adrian. S'il lui arrive malheur, je crois être incapable de surmonter une telle chose. Alors il me les faut ! Je veux mes pouvoirs !
Perdant patience, je retourne dans la chambre où est allongé Fabian. Je remplace les sangsues qui sont accrochées à sa peau par d'autres, jeunes et non gorgées de sang. Les anciennes, je les enferme dans une marmite en fonte. Lily m'a demandé de les garder pour en faire une potion de mort instantanée.
Je soupire et détaille la peau diaphragme du roux qui est constellée de veines noires apparentes. Bon sang, j'en peux plus de la guerre et des morts. Combien d'amis devrais-je encore devoir voir mourir ?
Avec soin, je refoule ma peine et ma frustration et vient désinfecter la plaie de Fabian. Cette dernière s'est aggrandie et une sorte de pus noir s'en échappe. Je prends garde à ne pas rentrer en contact direct avec le liquide et applique les soins que je connais maintenant par cœur à force de pratique. Au bout de trois ans au sein de l'Ordre du Phénix, j'ai pu avoir le temps d'approfondir le corps humain et l'art de le soigner. Aussi bien pour contrer la frustration de ne plus avoir mes pouvoirs mais aussi et surtout parce que ça me tient à cœur. Je veux aider, je veux soigner, je veux prendre soin des autres.
— Il va s'en sortir, souffle Emmeline, confiante, en câlinant la main de son petit ami d'un revers du pouce.
Je relève les yeux vers elle et lui adresse un sourire contrit. Je l'espère ma belle, je l'espère sincèrement.
— On va tout mettre en œuvre pour, confirmé-je.
— Je n'imagine pas un seul instant ma vie sans lui, souffle-t-elle en glissant son regard chocolaté sur lui.
Mes entrailles m'enserrent et me compressent de parts en parts. Ils ne méritent pas d'être séparés par la mort. C'est trop cruel.
— Tu sais… Nous nous sommes fiancés l'été dernier, confesse-t-elle, le regard toujours braqué sur Fabian.
— Je… Non, je l'ignorais.
— On attend le bon moment pour l'annoncer, pour célébrer mais le truc, c'est qu'il n'y a jamais de bons moments, souffle Emmeline.
Ma gorge se comprime et je déglutis avec difficulté. C'est vrai. Le bon moment n'existe pas. Il faut composer avec ce pêle mêle de désordre et de chao. Il faut vivre avec cette peur continuelle au ventre. Car cette guerre ne nous laissera pas de temps supplémentaire.
Le temps.
Cet espace indéchiffrable qui file sans qu'on ne puisse rien y faire et qui nous réduit à l'état de misérables petits insectes incapables de se défaire de cette boucle infernale. Il n'y a vraiment rien qu'on puisse faire, si ce n'est saisir l'instant.
Je soupire et délaisse la brune et le rouquin pour leur laisser un peu d'intimité. Je passe à la cuisine où je croise Lily, seule.
— Où sont les autres ? demandé-je.
Elle hausse des épaules et tourne avec vigueur une potion à l'apparence pateuse. Sans aucun doute, elle est ratée.
— Je… Je n'en sais rien, souffle-t-elle, les nerfs à vif. Une partie de l'Ordre est dans le salon. James, Sirius et Remus sont à la maison. Peter est retourné auprès de sa mère et…. Et je crois que Sturgis est en haut. Sur le toit.
— Sur le toit ? répété-je, étonnée.
— Oui il est parti fumé. Je crois que… Je crois qu'il ne va pas bien, souffle-t-elle en s'arrêtant soudainement dans sa concoction.
Ses yeux verts gorgés de larmes dévisagent son chaudron frémissant. Elle lorgne son échec cuisant avec dégoût et impuissance
— Lily…
— Je me sens inutile.
— Tu ne l'es pas, contredis-je. Mais c'est de la magie noire. On ne nous a jamais appris à contrer une telle force.
— Je sais.
Son regard malheureux revient vers moi. Elle m'adresse un sourire contrit avant d'abandonner.
— Tu devrais aller te reposer, conseillé-je en m'attardant sur son ventre.
Ce dernier est certe légèrement arrondis mais si on ne le sait pas, il est encore impossible de deviner qu'elle est enceinte. Ses joues s'empourprent et elle se mordille la lèvre d'embarras.
— Ne le dis à personne s'il te plait.
J'acquiesce bien que ne sachant pourquoi elle tient à ce point d'en faire une affaire d'état. Je respecte néamoins sa demande et tend la main vers son bras. Je l'attire vers moi et cette dernière vient tout naturellement dans mes bras. Nous nous serons silencieusement, avec émotion, blotties l'une contre l'autre.
Au bout de quelques minutes, la rouquine relève ses yeux embrumés de larmes vers moi et s'extirpe à regret.
— Je vais aller rejoindre Harry et James, souffle-t-elle.
J'acquiesce silencieusement et la laisse partir. Elle disparaît de la cuisine et je me retrouve alors seule. Mon regard se perd sur la pièce.
Depuis que je suis levée, je n'ai pas avalé un seul morceau. Mon estomac est compressé et je n'ai pas d'appétit. Je sens un poids de plomb me prendre aux tripes. J'ai l'impression d'être constamment compressée de part en part par une multitude de sentiments et parfois j'aimerais tout simplement ne plus rien ressentir justement. J'aimerais me laisser porter et vivre impunément sans me poser de questions.
Je soupire longuement pour moi même et tente de refouler cette boule de stresse qui veut me gagner. Une boule qui se pose mille questions comme : "Est-ce que Adrian ne se met pas inutilement en danger ? Encore ?", "Est-ce qu'on va pouvoir soigner Fabian ?", "Quand cette sensation d'impuissance va-t-elle cesser ?", "Les morts vont-ils cesser ?"...
STOP ! Stop Juliet.
J'ai besoin de prendre l'air.
Mes pas me guident directement quelques étages supérieurs. J'ouvre la petite porte en fer qui mène aux toits de l'appartement. Le vent vient fouetter mon visage et je ne tarde pas à apercevoir la silhouette affaissée de Sturgis. Mon cœur se serre aussitôt dès que je vois cet âme en peine errer comme un démuni. Une âme au cœur brisé. Qui a tout perdu ou presque.
— Hey, salué-je avec douceur tout en venant m'asseoir à ses cotés.
Sturgis ne me répond pas. Il reste assis silencieusement sur le toit, tire sur sa cigarette comme un damné tandis que ses yeux rougis fixent l'horizon. Je perds mon regard sur les toitures de Birmingham dressées au loin, dont leurs tuiles reluisent d'une fine pluie qui tombe en goutte à goutte. L'humidité fait rebiquer certaines de mes mèches de cheveux qui s'échappent de ma queue de cheval. La gorge serrée et le coeur lourd, j'ai la sensation d'être au pied du mur.
Sturgis frisonne à mes côtés. Il baisse la tête, écrase son mégot sur les tuiles et sort une nouvelle clope de son étui. Il m'en tend une deuxième que j'accepte sans broncher.
— C'est vraiment une sale ville, commente le sorcier.
Ses yeux bruns se déposent sur les voies ferrées qui égorgent notre quartier. A chaque fois qu'un train passe, les murs de l'appartement tremblent. Dehors, s'enchaînent de vieilles usines mais aussi de nouveaux bâtiments construits par les moldus, tous les uns plus hauts que les autres mais sans réelle âme. Des prisons dans le ciel. Ce ne sont que des tours de fer ou de briques qui n'apportent rien à l'architecture de la ville, donnant alors une impression de pêle-mêle chaotique.
— Mes grand-parents habitaient à Bath, commenté-je avec nostalgie. C'est bien plus joli.
— Jamais été.
Sturgis me tend sa baguette, éclairée d'une faible flamme et allume ma cigarette. Je tire dessus et enduis mes poumons de cette fumée caractéristique dont nous sommes tous presque devenus accro.
— Une fois que toute cette merde sera finie, je me casserai d'ici, décrète le blond. Loin. Très loin. Tu devrais en faire de même.
Je lève un sourcil et l'observe attentivement. D'horribles cernes couvrent ses yeux, sa barbe habituellement coupée court est cette fois-ci plus longue et négligée. Chaque poil semble dru et coupant. Comme s'il s'était naturellement forgée une carapace, à l'image d'un hérisson. Ses grosses mains sont pâles, rugueuses et tachées de sang. De son sang. Un filet rouge, certainement dû à la bataille dans le hangar, s'écoule depuis son arcade sourcilière et goutte en une petite constellation sur sa joue. Telle une larme, son hémoglobine perle jusqu'à sa mâchoire puissante et carrée et se meurt dans sa barbe mal taillée.
— Le problème, c'est qu'on est tous à court de temps, réponds-je, malheureuse. Il nous en faudrait plus. Mais on ne peut pas.
— Sauf Adrian, ricanne Sturgis en expirant un long nuage blanc. C'est le maître du temps ce type là.
— Sauf Adrian, concédé-je en étirant un sourire en coin.
Je baisse la tête et fait tomber la cendre sur le toit. Nous soupirons au même instant puis relevons le visage sur les alentours de la ville.
— Il ne te reste plus personne, pas vrai ?
— Comment ça ?
— Tes grand-parents, tu parlais d'eux au passé, demande Sturgis.
Je secoue négativement la tête.
— Non. Ils sont morts quand j'étais petite, expliqué-je. Et ma grand-mère, ce n'était pas ma vraie grand-mère. La vraie est morte en couche, elle aussi. Mon grand-père avait refait sa vie avec Rosalyn, qui était pour moi une vraie grand-mère. Certainement la seule figure maternelle que je n'ai jamais eu d'ailleurs.
— Hum...
— Et toi ?
— J'ai deux soeurs, m'apprend le blond. Une grande et une petite. Ana est mariée et à deux enfants. Je ne vois pas beaucoup mes nièces ces derniers temps comme tu t'en doutes... Et Tania est... Eh bien c'est une cracmole alors elle va encore à l'école moldue.
— Oh...Mais elle n'est pas en danger ? m'enquis-je en fronçant les sourcils.
— Les Mangemorts se focalisent sur les nés moldus et les gens comme nous, ceux qui leur résiste. Donc pour l'instant non.
J'acquiesce de la tête, puis remonte mes yeux vers le blond. Sa mine est défaite, il semble au bord du gouffre. Je comprends très vite ses pensées et ses peines. Nous donnons tous de notre personne pour cette guerre mais nous ne voyons aucun progès. Aucune avancée positive. Nous ne voyons que des pertes.
— Je… Je suis désolée pour. Pour Dorcas, exposé-je alors, la voix rouillée.
Le yeux du brun se gorgent de larmes et il fuit aussitôt le regard. Il déglutit avec difficulté et expire bruyamment.
— Tu la détestais.
— Je… Non. Enfin c'est juste que…
— Peu de monde ne l'aimait, coupe-t-il avec nostalgie. Peu de monde la comprenait.
— Je sais qu'elle luttait contre ses propres démons, soufflé-je, bien que légèrement mal à l'aise.
C'est vrai. J'ai du mal à être triste pour son assacinat. Mais aussi compliquée et détestable qu'elle l'était, je ne peux pas m'empêcher d'éprouver des regrets. Surtout pour Sturgis qui semblait la comprendre mieux que personne et qui méritait lui aussi, à sa part de bonheur.
— Je sais aussi que ses sentiments pour toi étaient sincères, lui appris-je dans un souffle.
Il fait revenir ses yeux reluisant de larmes vers moi et me considère quelques instants.
— Je l'ai appris un peu trop tard, regrette-t-il avec amertume.
— Peut-être. Mais en tout cas du début jusqu'à la fin tu as toujours été là, consolé-je. Vous avez toujours été présents l'un pour l'autre.
— Pas comme je l'aurais voulu…
— Tu l'as connais. Elle ne t'aurait pas laissé l'aimer, réponds-je, lucide. A croire qu'une partie d'elle se refusait au bonheur.
— Je sais, oui.
Le silence revient et Sturgis fixe ses chaussures comme si elles allaient lui apporter une réponse. Finalement, les émotions le submergent et il est secoué de soubresauts. Son visage se tord en une grimace douloureuse et les larmes perlent sur son visage. Il enfouit son visage dans ses mains et pousse un cri de rage étouffé.
Peinée, je m'approche de lui et passe un bras autour de son épaule. La montagne de muscles s'effondre et se laisse tomber contre moi. Déchiré et anéanti, Sturgis se vide de tous ses regrets. Le regret de ne pas avoir pu dire à la femme qu'il aimait la vérité sur ses sentiments avant qu'elle ne disparaisse précipitemment.
Exactement le genre de regret que je voulais éviter avec Adrian. La vie est courte, surtout la notre. Il faut saisir l'instant présent.
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Marlene
Le manoir de Mulciber me fait face et jamais je n'aurais cru revoir cette ancienne et imposante bâtisse. Cette histoire sordide était censée faire partie du passé mais des flashs incessants me reviennent en pleine tronche et je ne peux alors ignorer ce qu'il s'est passé, entre lui et moi il y a maintenant deux ans de cela. J'inspire et expire calmement. Honneur et dignité Marlene. Honneur et dignité.
Situés au Pays de Galle, il pleut des cordes et Adrian, Gideon et moi braquons un regard déterminé sur le Manoir qui est éclairé par d'imposants éclairs qui grondent dans le ciel. Comme s'ils indiquaient à l'avance le plan chaotique que nous avons improvisé à la dernière minute. Sérieusement ! Pourquoi est-ce que j'ai proposé une telle chose ?!
Je crois qu'une partie de moi a toujours de l'espoir. Un infime espoir. Gaige n'est pas stupide et parfois, quand ça lui toque il peut être compréhensif. Si je parviens à m'entretenir avec lui, je pourrais certainement lui extorquer une ou deux information et il nous sera possible de sauver Fabian. Mais seulement si nous sommes seuls. Autrement, il restera le gros con sanguinaire qu'il veut faire connaître aux yeux de la terre toute entière.
— Allons-y, indique Adrian en sortant sa baguette.
Lui et Gideon jettent des sorts sur le grand portail en fer noir pour contrer les enchantements de protection qui encadrent la demeure. En tout briseur de sorts qui se respecte, Gideon ne tarde pas à trouver une brèche et une explosion retentit. Toutes les mesures de fortifications magiques s'effondrent et le portail s'ouvre légèrement dans un grincement caractéristiques pour nous ouvrir le chemin.
Encore habillée de mon accoutrement de ce matin, je prends les devants et fait résonner mes talons aiguilles sur l'allée goudronnée du domaine.
Gaige, toi et moi on a des choses à rattraper.
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J'expire un grand coup. Ça y est. On y est. Nous sommes à l'intérieur du manoir de Gaige Mulciber. La demeure est plongée dans la pénombre et nous n'entendons que des tintements de verres provenir depuis le petit salon, celui à côté de la bibliothèque. Adrian, Gideon et moi sommes aux aguets, baguette sortie et tendue.
C'est véritablement la première fois que l'Ordre du Phénix tente une mission infiltration au sein de l'antre d'un Mangemort. Jamais cela n'a été fait auparavant et je m'étais jurée de ne pas le faire. De ne pas y retourner. Dans ce lieu si… Nostalgique. Ce même endroit qui m'a rendu captive pendant près de trois mois, il y a deux ans de cela lorsqu'une mission a mal tourné. Je me suis retrouvée kidnappée par Mulciber et sa bande. L'Ordre n'a jamais vraiment compris pourquoi et comment j'ai pu me libérer. La réponse est simple, Gaige m'a laissé partir à condition de ne plus jamais revenir ici. Aujourd'hui je romps ma promesse et reviens dans ce lieu chargé de souvenirs. La plupart sont des souvenirs heureux, c'est ça le pire.
Bon sang Marlene… pourquoi faut-il toujours que tu sois attirée par les personnalités les plus compliquées ?! Par les cas les plus désespérés ?!
Je guide Adrian et Gideon à travers l'immense entrée. Nous avançons à couvert, protégés par nos baguettes pour nous poster derrière les portes coulissantes en bois qui donnent sur le petit salon de la demeure. Des voix, des rires, ses grognements étouffés sont facilement discernables. Je crois reconnaître les voix de Avery, Dolohov et Travers.
Motivé, Adrian commence déjà à compresser ses doigts, pour prendre possession de leur esprit à distance. Gideon lui, sa baguette est prête à fendre l'air. Ils sont plus déterminés que jamais. Même l'obscurité du manoir ne parvient pas à dissimuler leur air farouche, prêts à tout pour sauver Fabian.
— On y va, soufflé-je. Allez-y, je couvre vos arrières !
Les deux jeunes hommes acquiescent puis se lancent. Les portes du salon coulissent à la volée et les deux sorciers entrent dedans. J'entends quelques sorts fuser, un poids lourd tomber sur le sol, des gémissements étouffés. Je me décolle du mur et jette un coup d'œil derrière moi pour m'assurer que nous sommes bien seuls. Malheureusement non. Nous ne sommes pas seuls.
Je me fige alors que mon cœur loupe un battement. Aussi silencieux qu'un vampire, Gaige sort de la pénombre, baguette tendue vers moi. Je ne perçois que ses deux yeux bleu nuits qui me fixent avec intérêt tandis que sa mâchoire et ses poings sont crispés. Son air sévère se dépose sur moi et j'ai peur. Très peur. Ma respiration se bloque. Il lève un de ses doigt tatoué et la pose sur sa bouche pour m'intimer le silence.
Il est là. Devant moi. Lui et son mètre quatre-vingt-dix de muscles, de tatouages du torse jusqu'au cou, de puissance et de testostérones. Habillée d'une veste en cuir noir et d'un jeans de la même couleur, il m'évalue de la tête au pied. La tête de mort tatouée sur le dos de sa main gauche ainsi que ses phalanges qui affichent les lettres "D-E-A-T-H" tiennent fermement sa baguette vers moi. Son parfum épicé et chocolaté me fouette le visage et réveille des parcelles endormies dans mon ventre qui vient alors irriguer mes autres organes. Tout mon corps prends feu et ma respiration se bloque.
— Qu'est-ce que tu fais là ? grogne-t-il dans un souffle discret pour qu'il n'y ait que moi qui l'entende.
Je déglutis avec difficulté. Bon sang, même son timbre rauque et chaud, je l'avais oublié. Mais maintenant qu'il est là, tout me paraît évident. Plus clair.
Je rassemble mon courage et expire de peur.
— Je… Un de nos ami a été touché par le poignard de Rosier, expliqué-je. On veut une antidote.
— Qu'est-ce qui te fait croire que j'en ai une ? On tue sans se soucier d'un retour en arrière, tu l'as peut-être oublié Marlene.
— Non, je ne l'ai pas oublié. Mais je sais que tu es du genre… prévoyant.
Gaige lève un sourcil avant de m'adresser un regard chargé d'arrogance et de supériorité.
— Le legilimens est là ? s'enquit-il en tendant le cou vers le salon.
— Oui.
— Tu l'oublièteras. Et l'autre aussi.
J'acquiesce aussitôt.
— Avance, ordonne le brun, sa baguette toujours braquée sur moi.
Je sens son bout froid et dur venir se loger dans ma gorge. Je tremble comme une feuille et recule de quelques pas, à mesure que Mulciber me guide dans le salon.
— Bon Marlou ! Tu fous quoi ?! rugit Adrian.
Ce dernier se fige dès qu'il me voit prise sous le joug du Mangemort. À reculons, j'entre dans la pièce où je distingue Travers, Dolohov et Avery maîtrisés et ligotés comme des saucissons devant un feu de cheminée crépitant.
— Un mouvement de ta part, et je l'égorge, prévient Gaige à Adrian.
Le brun et le roux battent en retraite et aussitôt lèvent les mains en l'air en signe de rédemption.
— On est pas obligé d'en venir à de telles extrémités, c'est une belle truie c'est vrai, mais elle mérite mieux comme mort, tu ne crois pas ? réplique le legilimens. Peut-on au moins le faire face au lever du soleil ? J'ai des principes, tu sais...
Je me retiens pour ne pas éclater de rire. Bon sang ce type est taré !
Mulciber lève un sourcil puis soupire d'agacement. Il roule des yeux et abaisse enfin sa baguette pour la diriger droit vers ses compagnons.
— Somnubilis.
Ses camarades, encore en train de se débattre, s'endorment aussitôt sous le regard attéré d'Adrian et Gideon. Ils ont un mouvement d'hésitation pendant lequel je m'autorise à respirer de nouveau. Merlin merci, Gaige va nous aider. C'est tout ce que j'espérais.
— Suis moi McKinnon, demande-t-il alors en m'emboîtant le pas. Dis à tes petits copains de rester sagement dans le salon.
Les garçons qui m'accompagnent me regardent avec incompréhension.
— Marlene qu'est-ce que…
— Plus tard, coupé-je en déglutissant avec difficulté. Faites ce qu'il dit.
Je ne me le fait pas répéter et suis l'imposante silhouette de Gaige dans le couloir. Mon regard s'attarde sur ses épaules carrées et robustes, sur son long dos musclé, lui aussi entièrement recouvert de tatouages. Un dos sur lequel je me suis souvent accroché, que j'ai souvent caressé, touché, léché, adoré…
Focus Marlene. Focus.
Le grand brun ouvre la porte de son bureau et me fait rentrer en premier en se plantant dans l'encadrement. Son regard brûlant s'attarde sur ma tenue. Je retiens mon souffle puis me jette dans la gueule du loup. Je ne suis plus à ça près… je suis déjà maudite de toute façon. Dès le jour où mes lèvres fiévreuses et assoiffées ont rencontré les siennes.
Je pénètre dans le bureau richement décoré, comme le reste du manoir. Mais tout y est impersonnel. Gaige a acheté le manoir tel quel, sans jamais rajouter sa touche. Comme s'il craignait encore une fois de devoir exposer sa vraie personnalité. Comme si personne ne devait savoir qui il est vraiment. A savoir un type qui a toujours été livré à lui même et qui a toujours fait les mauvais choix. Toujours.
J'en fais partie.
— Je t'avais demandé de ne plus jamais revenir, intervient-il en claquant la porte derrière nous.
Je me retourne et lui fait face avec courage. J'ignore mon palpitant qui pulse comme un détraqué dans ma cage thoracique et affronte son regard bleuté.
— Je n'avais pas le choix. Mon ami va mourir…
— C'est le but d'une lame empoisonnée.
— Aide moi, s'il te plaît.
Je plonge mon regard désespéré dans le sien et vient réduire la distance entre nous deux.
Je suis mortifiée. Complètement. Je ne sais plus quoi faire et je ne sais même plus pourquoi je suis ici. Devant lui. Tout chez lui m'appelle et m'attire mais tout est tellement compliqué. A commencer par nos vies qui sont diamétralement opposées.
Je lève la tête vers son regard bleu nuit qui me transperce de part en part. Son souffle brûlant se dépose sur moi, accélérant considérablement mon rythme cardiaque. Je suis complètement aspirée par son regard, complètement sous son emprise, ramenée deux ans en arrière.
Pourquoi et comment tout a basculé ? Je n'en sais rien. Je n'était qu'une captive. Il aurait pu me tuer, me torturer, me violer. Faire toutes ces choses barbares que les Mangemorts réservent à leur ennemis mais non. Pour une raison qui lui échappe lui-même, il a été incapable de s'en prendre à moi. Et inversement. Dès psychomages auraient parlé de syndrome de Lima et de Stockholm. Je ne suis pas d'accord. Dès l'instant où nous regards se sont croisés, nous avons été incapables de nous faire le moindre mal.
Au fil des jours qui sont passés, mon geôlier est devenu mon amant et de la cave sordide dans laquelle j'étais retenue captive je suis passé à la chambre à coucher de Monsieur Mulciber. Je connais tous les recoins de ce manoir. J'y ai vécu, coupée de tout et du temps avec lui pendant trois mois entiers. Aussi absurde que ça puisse paraître, pas une seule fois j'ai eu l'impression d'être retenue prisonnière.
On s'était juré que cette interlude, ne devrait jamais refaire surface. Aussi bien pour lui que pour moi. Nous ne pouvons pas. C'est tout simplement trop dangereux. Pourtant... Dès que nous nous revoyons, nous plongeons.
Tremblante, je lève doucement une main vers lui et dépose mes longs doigts fins sur le cuir noir de sa veste qui moule et compresse ses pectoraux saillants. Gaige réagit au quart de tour et m'attrape par le poignet pour m'empêcher de continuer. Son regard autoritaire me foudroie sur place. Cette fois-ci, ce sont ses phalanges droites qui me font face. Celles où sont tatoués les lettres "T-O-Y-S". Ces mêmes phalanges qui s'amusaient à se nouer autour de mon cou et qui avaient la faculté de me transformer en poupée de chiffon tant j'étais subjuguée par le personnage.
— Si je te donne ce que tu veux, tu partiras ? demande-t-il abruptement.
— Ma présence te gêne à ce point ? demandé-je, piquée sur le vif.
Il se penche vers moi et s'approche de mon oreille. Mon nez se retrouve à quelques centimètres de son cou et je ne peux m'empêcher de respirer son odeur si caractéristique. Un frisson me parcourt et mes poils se dressent sur mes avant-bras. Bon sang Marlene...
— Elle m'est insupportable, répond-il dans un souffle rauque.
Mon coeur loupe un battement et je lève les yeux vers lui. Sa prise se renforce sur mon poignet au point qu'il m'en coupe la circulation. Je suis animée par la peur et transcendée par les rapports de force. Gaige est tout cela à la fois. Je sais aussi qu'il peut être doux et attentionné. Tout comme je sais qu'il a trop de fierté pour regretter ses choix mais qu'il a aussi trop peur pour renoncer à son allégeance au Seigneur des Ténèbres. Je ne renoncerai pas à l'Ordre et lui non plus, il ne cessera jamais d'être un Mangemort. Il aime bien trop inspirer la crainte, lui cet orphelin seul dont le géniteur ne l'a reconnu qu'au cours de son adolescence afin qu'il aspire aux mêmes dessins que lui. A qui on ne lui a jamais montré ce qu'était la justice ou la compassion. Lui qui n'a toujours connu que la violence et les traumas.
Un part de moi à envie de l'aider, de le sauver, de l'aimer mais je sais que c'est impossible. On ne change pas un homme.
— On devrait abréger tes souffrances au plus vite, alors, m'entends-je dire.
Oui Marlene, tu dois couper court à toute cette mascarade. Ça te fait du mal de te tenir là devant lui, sans rien pouvoir faire. Sans que les choses ne puissent changer. Alors mets fin à cette torture.
Une torture lente et chaude qui s'infiltre en moi tel un serpent pour venir innondée mes chairs d'excitation. Je veux revoir son corps, toucher sa peau, caresser ses tatouages, m'agripper à ses muscles. Je veux à nouveau que la montage de testostérones s'effondre à mes pieds et devienne aussi fragile et touchante que la personne vulnérable et brisée qu'il est.
— Marlene, commence-t-il en passant son autre main vacante derrière ma nuque.
Il remonte le visage vers moi, son nez me frôlant la joue.
— J'ai pas de solution miracle pour ton ami. Je peux te donner un truc mais ce n'est pas dit que ça marchera. Prend-le et pars d'ici. Ne reviens plus jamais s'il te plait.
J'ai certe une main paralysée et emprisonnée dans sa poigne mais l'autre non. Et je refuse d'abandonner. Pas maintenant alors que je suis si proche de lui. Alors que nous sommes seuls.
— Tu vas m'aider sans contrepartie ? demandé-je, étonnée. Tu vas vraiment ne rien demander un échange ?
— N'abuse pas de ma patience...
— Tu ne négocies même pas un échange de bon procédés ? insisté-je en déposant mes doigts libres sur son abdomen.
A travers le fin tissus de sa chemise noire, je devine le tracé net et uniforme de ses abdominaux. Son ventre se tord sous mon passage, comme s'il luttait de toutes ses forces pour ne pas se jeter sur moi. Vas-y Gaige, craque.
— Marlene..., souffle le brun en fermant les yeux. Continue à jouer comme ça avec moi, et je ne te donne rien du tout.
Ok. Très bien. Step back Marlene. Tu ne vas pas risquer la vie de Fabian juste parce que tes hormones sont en feu. Alors prend sur toi. C'est pas comme si tu te contenais à longueur d'année de toute manière. C'est pas comme si ta trépidante vie sexuelle ne se passait que dans tes rêves.
Remus est bien gentil mais il a toujours peur de me faire mal. Je me suis très vite lassée. Gaige non. Il n'a pas peur. Il y va comme une bête et je me disloque à chaque fois dans ses bras. C'est le seul qui me fait sentir toutes ses choses. Jusqu'à lui je préférais coucher avec des femmes. Mais maintenant... Je ne veux plus que lui et son quintal de sexytude.
Dans une autre vie peut-être...
A regret je retire ma main de son ventre et laisse échapper un soupir mêlé de tristesse et de frustration. Il me relâche enfin et je recule de deux pas, en prenant une distance relativement acceptable entre lui et moi. La vérité est qu'il n'y aura jamais de distance acceptable. Là seule tolérable qui puisse exister est celle lorsqu'il se perd en moi. Je n'en veux pas d'autre.
Gaige me tourne le dos et part contourner son bureau. Je le vois agiter sa baguette et le tableau qui décors la pièce s'ouvre pour laisser apercevoir un coffre fort. Je vois une petite fiole reluire entre ses doigts.
— Mon maître vous veut tous morts, sans exception, annonce-t-il brutalement. Puisque Rosier a été tué, il a entrepris un plan d'action. Il a mis Dolohov sur toi.
Je l'observe silencieusement. Ce n'est pas nouveau que ma tête est mise à prix.
— J'ai insisté pour faire partie de la mission, complète-t-il en refermant le portrait d'un coup sec.
Je sursaute et le dévisage avec interdiction.
— Tu as insisté pour être celui qui me tuera ? répliqué-je d'un ton acide.
Gaige se retourne et m'observe avec un air de défi. Il revient vers moi de sa démarche lente et chaloupée puis se plante à quelques minuscules centimètres de ma poitrine qui monte et qui descend au rythme de mon souffle saccadée.
— Je serai doux, t'en fais pas, réplique-t-il en étirant un sourire en coin.
Je n'en doute pas une seule seconde. Aussi, je sais qu'il obéira à son maître.
— Alors c'est toi contre moi, soupiré-je.
— Ça l'a toujours été.
— Non. Pas toujours.
Mulciber ne répond pas. Il me dévisage toujours avec envie mais ne fais rien pour briser cette distance interminable entre nous deux. Il me tend simplement la fiole de potion sans me la remettre en main propre. Au contraire, il lorgne ma robe smocking noire et fait tomber l'antidote dans mon décolleté plongeant jusqu'à mon nombril. Je suis parcourus d'un frisson alors que le verre froid glisse sur ma peau.
— C'est malin, déploré-je. Je vais devoir me déshabiller pour le récuper maintenant.
— Hum...Ah oui ? C'est vrai que c'est dommage, gronde-t-il en faisant un pas en avant.
Je me cogne à son buste et titube sur place. Il m'attrape par le col et fond ses yeux menaçants dans les miens.
— Pars.
Je crois qu'il ne m'a jamais autant rejeter. Il est sincère cette fois. Son visage est froid et impénétrable. Il ne plaisante plus. Il veut vraiment me voir partir. Il veut vraiment mettre toute cette histoire derrière lui. Derrière nous. Passer à autre chose. Tous mes espoirs s'effondrent alors.
— Tu as quelqu'un d'autre dans ta vie, n'est-ce pas ? percuté-je alors, la gorge compressée.
— Marlene, qu'est-ce que tu ne comprends pas dans "c'est moi qui vais te tuer" ?
— Tu ne le feras pas, grogné-je avec affront.
— Ne me tente pas...
— Au dernier moment tu vas te dégonfler, insisté-je.
Gaige et moi nous nous observons en chien de faïence. Je sens toute la colère et la frustration s'accumuler dans son corps. Et alors que je pars récupérer la fiole dans mon décolleté pour la remettre dans ma poche, le Mangemort réagit au quart de tour et sa grosse main s'abat autour de ma gorge. Il me soulève et me pousse contre le bureau qui vient buter contre mon dos. Ma respiration se coupe et je suis prise par la sensation d'un douloureux étau qui s'enroule autour de mon cou.
Je ne me laisse pas faire et aussitôt mes réflexes prennent très vite le dessus. Je vise ses parties génitales d'un coup de genou bien placé, il étouffe un cri de douleur et je ne lui laisse guère le temps de retrouver ses esprits que j'abats sur son crâne un vase en porcelaine traînant sur le meuble.
— Putain ! rage-t-il en s'essuyant un filet de sang.
Dans ma prise, l'antidote s'échappe de ma poche et tombe à terre. Sa chute est amorti par l'épais tapis baroque avant qu'il ne glisse sur le parquet et traverse la pièce. Je me jette dessus mais Gaige est déjà relevé et me plaque au sol.
— Ah !
Son poids s'abat sur moi alors que je tends la main pour récupérer la fiole. Face contre terre, je me débats comme une lionne, rampe sur le sol comme je peux mais le Mangemort ne m'en laisse pas l'opportunité. Il m'écrase de tout son poids et sa main s'aplatit brusquement sur la mienne, à quelques centimètre de la potion. Ses doigts se nouent au mien et son souffle s'écrase dans ma nuque.
— Tu as perdu chérie, souffle-t-il à mon oreille.
Son timbre rauque résonne en moi comme un diapason et la proximité de son corps contre le mien finit de m'achever. Sans me contrôler, ma main vacante viens chercher sa tignasse. Mes ongles s'agrippent à ses boucles couleur de jais et je l'attire vers moi. Mon dos se cambre et Gaige grogne de mécontentement et de frustration ce qui m'exalte. Je laisse échapper un ricanement moqueur, ce qui l'énerve au plus haut point.
— Ça t'amuse tout ça, pas vrai ? gronde-t-il alors qu'il plante ses dents dans mon cou.
Si au début ses morsures sont fermes et douloureuses, très vite c'est la douceur de ses lèvres qui prennent le relais. Je ferme les yeux et cesse aussitôt de lutter. Ça ne sert à rien, je n'en ai pas envie. Je me laisse alors transporter dans cet espace hors du temps.
— Ose me dire que toi non. Aller Gaige, je pensais que t'étais un mec drôle.
Je l'entends pouffer de rire : ça y est, il abdique. Il rend complètement les armes. Sa main libre se dégage et vient titiller les pans de ma robe. Sans détour, il me la remonte jusqu'aux fesses puis vient s'infiltrer entre mes cuisses. Mon coeur loupe un battement alors que ses doigts viennent chatouiller mes flancs. Ses doigts délicats flattent mes jambes qui frétillent d'impatience. Intimement reliées à ma féminité, je sens une onde de choc déferler en moi et irriguer mes chairs. Je suis bouillonnante de chaleur.
Ma respiration se fige net alors que je sens son érection se frotter à mes fesses. Bon sang ! Je me mords la lèvre inférieure et prends sur moi pour ne pas défaillir. Dois-je le repousser ? Non bien évidemment que non Marlene. Tu n'en as aucune envie. Tout ce que tu veux, c'est que ses baisers chauds et intenses continuent et plus si affinité.
Je réprime un gémissement alors que sa main vient trouver le chemin de mon antre. Ses doigts rencontrent mon string qu'il fait coulisser le long de mes jambes. Gaige se redresse sur un coude alors que sa main qui emprisonne la mienne, au-dessus de ma tête, se ressert un peu plus fort. Je suis littéralement clouée au sol et Merlin je n'ai pas envie de me défaire de cette position. Un désir ardent s'anime dans mon bas ventre et je le veux plus que jamais, c'est viscéral.
— Gaige, soufflé-je.
— Tais-toi avant que je change d'avis, gronde-t-il en écartant mes lèvres.
Sans crier gare, le jeune homme me pénètre de deux doigts. Je sursaute de plaisir et gémit contre le sol. Oh bon sang... Son bras passe entre mes cuisses, frotte contre mes fesses et il me remplit de son doigté exquis. Il replie ses phalanges et frottent contre ma paroie intime en faisant un lent et intense va et vient. J'halète de plaisir. Je me crispe, je gémit. Oh bordel, il m'avait tellement manqué.
— Tu n'aurais pas changé d'avis quoi qu'il arrive, répliqué-je entre deux plaintes.
— Qu'est-ce que t'en sais ?
— Dès que tu me regardes, tu pues le sexe Gaige... Ah !
— Parce que tu m'excites beaucoup trop.
— Dis moi que tu me veux.
— Je te veux dans tous les sens Marlene. Je te veux complète et entière. Et complètement trempée.
Il se retire puis dans la seconde d'après, j'entends la boucle de sa ceinture se défaire. Le bruit de ses vêtements froissés glisse le long de ses grandes jambes musclés et avant que je n'ai eu le temps de souffler, il se relaisse tomber sur moi et me pénètre par derrière d'un grand coup sec.
— AH ! Gaige !
C'est aigu et lancinant. Ça me prend de mon bas ventre et ça se répand partout dans mon corps. Ce sentiment de remplissage et de communion est indescriptible. Gaige donne un coup de bassin et ça y est, la machine est lancée. Le jeune homme enfonce sa tête dans mon cou, m'immobilise complètement avant de se déchaîner comme une bête. Sa queue entre et sort entre mes chairs et un profond sentiment de plénitude m'envahit. Il me remplit de toutes parts et je pousse un cri désespéré. Ses coups de rein me perforent de part en part et je me désagrège sous la violence de l'impact. Je crie, je gémis, je frissonne, je transpire, je me cambre, me crispe. Ses dents se plantent dans mon cou et sa main libre vient faire le tour de ma taille pour venir attraper un de mes seins. Il le sort de ma robe smocking et s'amuse avec mon téton gonflé d'excitation. Il joue avec, le caresse, le titille pendant qu'il me mitraille de coups. J'encaisse chacun d'entre eux et me disloque de plaisir. C'est tellement bon, c'est tellement fort !
Comme d'habitude, aucun son ne sort de sa bouche alors que moi, j'en perds presque la voix. Il grogne, serre les dent, me caresse avec vigueur et j'ai la sensation que chaques empreintes de ses doigts laissent une violente marque sur ma peau, comme s'il voulait m'imprégner. Il m'embrasse la nuque et me dépose de grosses marques de succions. Je suis tellement serrée et broyée contre lui que je n'arrive même pas à bouger ou ne serait-ce que l'accompagner. Il continue ses va-et-vients plus que bestiaux, délaisse mon sein et descend sa main brûlante le long de mes hanches. Il m'empoigne une fesse avec vigueur tout en continuant sur le même rythme. La pression de ses doigts sur moi est tellement forte et tellement chaude que j'ai l'impression de me fondre en lui. Comme un indigent, il continue encore et encore, me serre, me comprime, me compresse que s'en devient douloureux.
— Gaige…, haleté-je. Tu, tu me fais ma...
Je ne fini même pas ma phrase qu'il se retire. Son poids s'enlève de mon dos et je sens un vide sidéral entre mes chairs. Il s'écarte le plus loin possible de moi le coeur battant la chamade. Je me relève sur les genoux et me retourne pour lui faire face. Son buste se soulève au rythme de sa respiration effrénée tandis que son regard fixe le sol avec une expression d'horreur lisible sur ses iris. Lorsqu'il les remonte vers moi, je ne sais comment interpréter l'intensité de ses mirettes bleues. Que veulent-elles me dire ? Qu'elles me veulent, ça oui. Mais pourquoi paraît-il aussi triste ? Aussi désemparé ? Le désir ne devrait pas être aussi… amer.
— Gaige je…
Il ne me laisse pas le temps que ses doigts fondent dans mes cheveux et qu'il écrase violemment ses lèvres sur les miennes. Sa bouche réclame la mienne avec autorité et il s'abreuve de mon souffle comme un affamé. Sa langue s'enroule à la mienne et je fonds comme neige au soleil. Je passe mes mains derrière sa nuque et m'y accroche de toutes mes forces tandis que ses doigts brûlants descendent le long de mon cou. Il s'empare à nouveau de mon col et d'un coup sec, il fait sauter les fermetures. D'un geste rageur il me débarrasse de mon vêtement pour me redécouvrir complètement nue. Ses yeux gorgés d'envie me dévisagent comme si j'étais la huitième merveille du monde puis il fond à nouveau sur ma bouche. Il me fait tomber à la renverse et se jette sur mon corps. Il s'abreuve de moi toute entière, glisse jusqu'à mes seins et les lèches avec avidité. Je gémis, me cambre et glisse mes doigts entre ses mèches.
Oh bon sang. Gaige n'est pas le genre de mec qui parle beaucoup. Il préfère l'action aux paroles et ses gestes tendres et fougueux à la fois parlent pour lui. Mon cœur bat la chamade à mesure que je réalise combien je le rend fou. Cela me compresse les entrailles et j'ai envie de pleurer tellement c'est fort. Le pire dans tout cela c'est que je ressens exactement la même chose. Il me fait perdre pied, complètement. Je le veux, sauvagement, brutalement, entièrement.
Je descends sa veste le long de ses épaules, lui arrache son t shirt alors qu'il se débarrasse de son jean d'un geste rageur. Mes yeux descendent sur son torse entièrement tatoué. Son dos, ses bras, son buste et sa gorge, tout est recouvert de dessins noirs qui lui donne l'effet d'une seconde peau. Ils mettent en valeur l'épaisseur et la puissance de ses hanches, la régularité parfaite de ses abdominaux et de ses pectoraux, le galbe net et gonflé de ses biceps où des veines marquées descendent jusqu'à ses avant-bras. Je tressaille et défailli devant tant de perfection. Devant tant de bestialité.
Alors qu'il remonte sa bouche exigeante de mes baisers, j'écarte les cuisses et l'accueille en moi. Yeux dans les yeux, il s'enfonce entre mes chairs et grogne de délectation. Il ferme les paupières quelques instants, comme s'il lui fallait un temps supplémentaire pour emmagasiner la pression de ma féminité autour de sa queue. Puis il se mouve, doucement d'abord, avant d'entrer et sortir de plus en plus vite. Il revient en moi à chaque fois un peu plus rapidement, un peu plus fort. Je gémis à nouveau alors qu'il écrase ses lèvres sur les miennes pour me posséder complètement. Certainement une dernière fois. LA dernière fois. Pourtant non ! C'est trop cruel. Je le veux !
Déboussolée et presque endeuillée, je plante mes ongles dans sa peau et l'accompagne dans ses mouvements comme une enragée. Je ne veux pas lui dire au revoir ! NON !
Nos corps lubrifiés de sueur claquent l'un contre l'autre dans un tempo rapide et régulier, m'arrachant un cri de plaisir. Mais je veux aussi crier de douleur. Je ne veux pas qu'on me l'arrache. Je veux rester encore là. Avec lui.
Hors du temps.
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Lorsque je reviens dans le salon, je suis complètement déboussolée. Mes cheveux partent dans tous les sens, ma tenue est complètement débraillée et je jurerais sentir encore des gouttes de Gaige glisser le long de mes cuisses.
J'agite finalement une fiole devant Adrian et Gideon pour leur faire comprendre que ça y est, on a réussi ! On a une antidote !
Évidemment, ils ont été oubliétés et ne comprennent pas grand chose mais ils sont bien trop obnubilés par la potion pour s'intéresser à autre chose.
— Parfait on retourne au QG ! s'exclame Gideon en sautillant sur place.
Adrian ne dit rien, m'observe silencieusement puis acquiesce. Je fronce les sourcils…. Merde. Pourquoi est-il aussi sérieux ? D'habitude ce type se sent obligé de sortir des conneries toutes plus grosses l'une que l'autre. Alors… Pourquoi ?
Je ne tarde pas à découvrir pourquoi. Dès que nous rentrons chez nous, je transmets la précieuse fiole à Juliet qui s'empresse de soigner Fabian. C'est sans compter sur Adrian qui m'agrippe par le bras et qui me tire à l'écart. Ses yeux gris tombent sur moi et je sens alors que quelque chose ne va pas.
— A quoi tu joues McKinnon ?! demande-t-il avec inquiétude.
Je bégaye, j'hésite. De quoi parle-t-il ?! Je l'ai pourtant oubliéter alors je ne comprends pas…
— Je parle de toi et Mulciber, souffle-t-il en s'assurant que personne n'entend. Et non, tu ne peux pas oubliéter un legilimens. Je contrôle mes pensées et les tiennes si je veux, alors c'est certainement pas un sortilège d'oublie qui va marcher sur moi !
Oh bon sang ! C'est un cauchemar. La pire petite fouine sur terre est au courant de mon plus grand secret ! Je vais mourir … C'est pas possible.
— Ça dure depuis combien de temps ? abrège-t-il.
— Euh, je… Deux ans.
— Putain… Tu sais que t'es dans la merde ?!
— Je, oui, je sais, soufflé-je.
— Mais attend, Mulciber c'est pas le type qui a charcuté Mary quand elle était étudiante ?! réagit le brun.
— Ce n'était pas lui ! défends-je.
Adrian lève un sourcil, sceptique.
— Il était avec Yaxley, oui, expliqué-je. Mais ce n'est pas lui qui a fait… Ça.
— Oh bah oui, tout s'explique ! ironise le sorcier. Il a juste gentiment assisté et applaudis quand une étudiante innocente se faisait agresser sexuellement. Un ange cet homme ! Une vraie perle !
— Je n'ai pas dit que c'était un ange ! grogné-je. Il était jeune et influençable. Et c'est surtout son père, qui dès qu'il a appris qu'il avait un fils, s'est mis à l'utiliser pour assouvir ses petits plans machiavélique !
— Oh donc c'est un gentil Mangemort c'est ça, se marre Adrian avec amertume. Lui non plus n'a pas eu le choix ?
— Non c'est différent, soufflé-je. Il a consciemment rejoint Tu-Sais-Qui. Mais c'est juste qu'il n'a pas eu une vie facile et Adrian, tu es le premier à savoir qu'on est pas tout blanc ni tout noir. Si je te dis que dans le fond, c'est un type qui en vaut la peine, crois moi.
— Ok mais il a fait des trucs qui le rendent plus noir que blanc, argumente le brun.
— Mais il a fait d'autre truc qui contrebalancent ! m'exclamé-je. Il m'a donné une antidote pour Fabian sans chercher à comprendre, il a endormi de gré ses camarades pour nous couvrir, ce matin dans le hangar il a attaqué un des siens qui s'apprêtait à me toucher, et… et avec moi ce n'est pas le même homme ! Il tient à moi, vraiment Adrian tu dois me croire, c'est sincère. C'est puissant, c'est…
— Ok, ok, coupe le jeune homme. C'est bon. J'ai compris l'idée.
Il soupire longuement puis revient sur moi.
— Le problème c'est que tu n'étais pas sensé le revoir, avoue-t-il. Ce qu'on a fait est de la totale impro. Dans l'histoire tu n'es pas sensée avoir vécu ça avec lui et j'ai peur maintenant que ça chamboule plein de trucs…
— Comme ?
— Je sais pas justement. Mais vu ce que tu me décris… C'est un vrai chien de garde ! Aïe !
Adrian se masse le crâne et me renvoie une moue contrariée. Je le foudroie du regard et croise les bras sous la poitrine. Je déteste qu'on parle mal de Gaige ! Ça me hérisse le poil.
— Notre histoire n'est pas nouvelle et tu n'as rien changé du tout si tu veux mon avis, grogné-je finalement.
— Si. Vous avez renoué.
— Et ?
— Et vu ce que tu me décris, c'est pas juste physique vous deux.
— Effectivement, c'est compliqué. Et puis de toute façon…
— FABIAN !
Je suis interrompue par un cri déchirant qui provient de la chambre du rouquin. Je sursaute, la main sur le cœur. Bon sang mais qu'est ce qui leur arrive ?!
Je fronce les sourcils et à ce moment même, Emmeline est tirée de force par Gideon dans le couloir. Elle se débat dans ses bras comme une lionne puis Lily leur vient en aide et attrape en coupe le visage de la jeune Auror.
— Non ! Laissez-moi !
— Em', je suis désolée. Vraiment. On a fait tout ce qu'on a pu.
La brune s'immobilise quelques instants avant de fondre en sanglots dans ses bras. Gideon la relâche et recule de deux pas en titubant. Non… Me dites pas que ?!
Adrian n'attend pas et me devance. Il fonce droit dans la chambre tandis que j'accours vers le roux.
— Qu'est-ce qui s'est passé ?! m'enquis-je, le cœur gros et la gorge compressée.
Gideon me tombe dans les bras et explose de chagrin. Je titube sur place, emportée par son poids alors qu'il me serre de toutes ses forces. Ses larmes viennent chatouiller mon cou tandis que la sensation d'un puissant étau se resserre autour de ma gorge. Oh non… Pas ça. Pas encore un mort.
— Il… Il a. Crise cardiaque, baragouine le sorcier contre mes cheveux avant de redoubler en sanglots.
Mes yeux se gorgent aussitôt de larmes. Non. Pas Fabian. Dorcas ce matin, Fabian ce soir. Non ! C'est trop !
Je suis soudainement frappée d'une profonde tristesse qui me mitraille les côtes. L'émotion me gagne à mon tour et je m'accroche au rouquin de toutes mes forces si bien que je ne sais plus qui console l'autre.
— ARRÊTE !
— Juliet ça suffit ! Laisse, c'est fini !
— LAISSE-MOI !
Je relève la tête et vois mon amie batailler dans les bras d'Adrian. Elle est penchée au dessus de Fabian qui gît sur son lit de mort, ses doigts compressés au dessus de lui.
— Je peux le faire !
— Non tu ne peux pas !
— Je peux …
Non. Elle ne peut pas. Elle a perdu ses pouvoirs depuis bien trop longtemps maintenant. Elle est impuissante et elle le réalise alors à cet instant instant précis. Elle s'effondre dans les bras de son petit ami, son visage défiguré par l'impuissance, la tristesse et la colère. Elle se laisse tomber par terre, pleurant à chaudes larmes tout en se faisant bercer par le brun. L'image est déchirante. Je ne sais plus vers qui aller. Je les vois tous souffrir et moi aussi, je souffre. C'est intense, c'est vif, c'est l'effet d'un poids de plomb.
C'est tout simplement, la mort.
