Bonjour/Bonsoir !
Je suis pas mal pris par le speedrun de Zelda TPHD que je travaille en ce moment mais ce n'est pas pour autant que vous n'aurez pas de chapitre !

Il est plutôt calme celui-là, c'est bien de se poser parfois ^^

Bonne lecture !


Ne pas être fâchée avec la paperasse !

C'était là une obligation qu'il fallait accepter et même si elle déléguait une partie de son travail à d'autres, elle ne pouvait pas descendre sous la barre des trois ou quatre heures passées à étudier, feuille après feuille, toutes les données administratives qui lui tombaient dessus. Taxe, contrat, nouveau chantier, nouvelle recrue… Cela n'en finissait plus.

Assise à son bureau, séparé par un seul mur de l'accueil de sa demeure propre à son rang, Pahya soupira intérieurement. Les questions légitimes des populations et de toutes les organisations indépendantes à la souveraineté du château d'Hyrule pleuvaient à n'en plus finir. C'était toujours la même chose… que s'est-il passé au sein du gouvernement hylien et pourquoi dit-on que Leurs Majestés Link et Zelda sont coupables de crimes graves.

Ça n'en finissait plus bon sang !

Elle en était à sa sixième tasse de thé et cela ne suffisait toujours pas à la calmer. Trop de nouvelles, trop de problèmes à gérer et trop peu de temps pour le faire ! Sa seule consolation dans toute cette affaire était que Laura était apparue d'elle-même il y a de cela trois jours, au beau milieu d'une réunion importante, visiblement dans un état lui permettant de se mouvoir.

La cheffe Sheikah se pencha en arrière sur sa chaise en repensant à la consternation qui l'avait prise elle et ses conseillers les plus proches lorsque la princesse était timidement apparue en bas de l'escalier. Alors occupés à traiter le dossier des patrouilles de l'impératrice un peu trop envahissantes, ils s'étaient tous arrêtés net en la voyant les regarder comme si elle n'avait pas vu d'être humain depuis des mois.

Pahya s'était précipité la première vers la rescapée, le sourire aux lèvres et un soulagement évident sur son visage. Et ce qui a suivi fut pour le moins particulier car elle avait décidé de suspendre la réunion pour s'occuper exclusivement de la princesse, ce que cette dernière accepta avec joie en marmonnant qu'elle était heureuse d'enfin parler à des gens qui montraient leurs visages.

Pahya savait très bien à quoi Laura faisait référence car après tout, la cheffe Sheikah avait elle-même nommée celle qui allait s'occuper de la princesse après avoir regardé une très longue liste de candidat potentiel. Elle ne savait toujours pas pourquoi elle avait choisi cette recrue parmi tous les vétérans les plus dignes de confiance… enfin bon, l'étrangère - qui n'avait pas voulu révéler son vrai prénom, préférant qu'on la surnomme « Blanche » - avait très bien rempli son boulot, c'était tout ce qui comptait.

Néanmoins, Pahya souhaitait s'entretenir avec Laura pour tenter d'en apprendre plus sur cette jeune femme mystérieuse. Ce qui était quand même un comble vu qu'elle, Paya'h, était censée être au fait de tout ce qui se passait dans son peuple. Mais quand on travaillait plus de douze heures par jour, avait-on vraiment le temps de traiter chaque cas indépendamment ? L'étrangère avait dû être de toute façon sélectionnée par un recruteur et Pahya ne doutait pas de l'efficacité et de la loyauté de ses équipes.

Mais resasser les évènements ne l'aiderait pas à avancer dans son travail !

Pahya se redressa dans une posture plus digne de son statut et attrapa un paquet de feuille au hasard. Elle lui restait au bas mot deux à trois heures de travail à accomplir avant de s'accorder une pause bien méritée. Ensuite, elle en aurait pour encore une heure ou deux avant de finir la journée.

Elle eut une forte envie de s'effondrer en voyant le titre du dossier qu'elle avait dans les mains.

Encore du commerce ! Encore des marchands mécontents demandant des justifications à la fermeture des frontières ! Encore des ignorants qui ne comprenaient pas qu'un roi et qu'une reine de la trempe de Link et Zelda n'avaient pas pu se faire dégager du château après un repas autour d'une table somptueuse. Les rumeurs n'aidaient pas mais il était inutile d'avoir l'intelligence suprême de l'existence pour comprendre qu'il y avait quelque chose de pas net dans la haute sphère hylienne depuis quelques semaines ! Par Hylia !

Oh bien sûr, la dirigeante Sheikah en avait vu des vertes et des pas mures depuis qu'elle était en poste mais des bêtises comme celles qu'elle recevait depuis peu, jamais ! C'était affolant de voir que la confiance qu'accordait un peuple à ses souverains légitime pouvait être aussi… bancale… sujet à changement pourrait-on dire également. Rien de nouveau cela dit, mais tout de même ! Tout Hyrule connaissait les exploits de Link et toutes et tous connaissaient la sagesse de Zelda. Elle-même, Pahya avait voué une admiration sans commune mesure à ce duo qu'elle savait très proche l'un de l'autre. Un amour indestructible. Et parce qu'elle savait ça, parce qu'elle connaissait très bien Link et Zelda, elle ne pouvait accorder aucun crédit à des inepties tout droit sortie de l'imagination farfelue d'imposteurs qui n'avaient rien à faire à Hyrule.

Alors entendre ou lire des choses critiquant ouvertement Leurs Majestés ou les décisions de Sidon, Teba, Yunobo, Makeela Riju et les siennes la mettait hors d'elle…

Tout compte fait, elle allait surement avoir besoin d'un thé supplémentaire… ou peut-être même de deux voir de trois.

Elle avait autre chose à faire que de s'occuper de ça ! Son peuple et son village lui demandait un temps incroyable, ce qui était parfaitement normal et elle y mettait du cœur à l'ouvrage… mais quelque part, si elle n'entretenait pas les liens avec le reste du royaume, les conséquences pourraient devenir fâcheuses. Encore un dossier qui recevra sa réponse la plus banale et la moins recherchée de l'existence des réponses… sans être vulgaire bien sûr, bien que l'envie d'écrire un « Allez-vous faire foutre » en guise de réponse trottait dans sa tête avec insistance.

Enfin bon…

Pahya posa avec fermeté le paquet de document sur son bureau, attrapa une plume et entreprit de traiter ces choses qui lui mangeait de plus en plus de temps au détriment du reste.

Et cela pendant plusieurs dizaines de minutes…

Ou plutôt plusieurs heures…

Le temps passa beaucoup trop vite et lorsque la cheffe Sheikah regarda le cadran accroché au mur, elle s'estomaqua devant le fait accompli. Elle venait de faire d'une traite le temps qu'elle s'était accordé et même plus. La nuit était surement tombée et pour appuyer cette hypothèse, le ventre de Pahya se mit à gronder avec férocité…

Ah oui c'est vrai… elle n'avait rien mangé depuis le matin. Quelle erreur.

Épuisée par une journée passée sur une chaise à voir passer des mots, des phrases, des paragraphes, des romans même – ce qui, bien sûr, désignait des textes écrits de bien dix ou quinze pages – et à boire du thé qui ne faisait plus effet pour calmer ses ardeurs de guerrière qui préférait le terrain aux bureaux. Voilà un résumé bref mais néanmoins vrai.

Au moins, le repas serait sans doute réconfortant… À voir si elle pourrait inviter Laura à diner avec elle mais la princesse avait encore besoin de beaucoup de repos, donc les chances étaient faibles surtout que Laura devait déjà être en train de dormir.

Mais avant tout, la Sheikah avait un tout dernier dossier à finir. Quitte à passer davantage de temps sur ce travail ingrat, au temps finir l'intégralité dudit travail d'une seul traite. Un point de plus pour son moral.

Forte de cette conviction bien plus séduisante que de repousser l'inévitable au lendemain, Pahya attrapa ferment le dernier survivant qui avait échappé à sa plume, commença à le parcourir avec une énergie venue de nulle part et…

On toqua à la porte.

Pahya lâcha le paquet de feuille traitant du fournisseur en matériau du magasin d'armement du village en s'offusquant. Elle avait bien précisé qu'elle ne voulait pas être dérangé, quel qu'en soit la raison, sauf cas d'extrême urgence… et si cela avait été le cas, elle aurait déjà été dehors avant même qu'on la prévienne ! Reflexe de guerrière Sheikah oblige… Et puis, il ne lui restait plus que ce tas de papier à traiter… par pitié !

Alors forcément, Pahya pouvait légitiment se demander pourquoi on la dérangeait dans sa besogne qui ne devait surtout pas être déplacé au lendemain car elle ne voulait sans aucun prétexte le repousser au lendemain. Arg… bon sang !

- Entrez ! Fit-elle malgré tout avec autant de neutralité que possible.

Un homme ouvrit la porte et entra. C'était un de ses gardes rapprochés. Une fois le seuil de l'ouverture passé, il se positionna bien droit, les bras dans le dos, regardant sa supérieure avec un respect absolu. La Sheikah le toisa en cachant on exaspération soudaine.

- Je m'excuse de vous déranger Madame mais nous avons reçu la réponse à votre missive envoyé il y a de cela quelques jours, déclara sans préambule le guerrier avec une voix propre à tout garde Sheikah qui faisait un rapport.

Pahya calla sa jambe gauche sur sa jambe droite et posa sa tête sur sa main droite.

- Eh bien, Sa Majesté à fait vite à ce que je vois mais je ne crois pas mon cher Gauti'he que cela justifie de me déranger. Nous verrons cette lettre plus tard, pas besoin de venir me…

- En fait Madame, il y autre chose de plus surprenant… enfin je crois.

- Enfin je crois ? Venant de toi, cela me surprend. Qu'est-ce qui te préoccupes ?

La déclaration du garde nommé Gauti'he l'intrigua subitement. Il y avait quelque chose qu'il ne souhaitait pas dire ici et maintenant.

- Madame, il vaut mieux que vous voyiez cela par vous-même…, annonça-t-il finalement sur un ton invitant à suivre le conseil. Je suis désolé de vous déranger dans votre travail mais votre présence est nécessaire.

- Bon très bien… Qu'à cela ne tienne, j'espère ne pas me déplacer pour rien !

Pahya se leva abruptement, regarda tristement – et avec beaucoup d'ironie – ses feuilles empilées, et suivit le garde qui commença à la guider. Pour que l'un de ses propres gardes en viennent à demander sa présence à cause de quelqu'un, s'était qu'il se passait effectivement quelque chose qui sortait du domaine de compétence des soldats Sheikahs… et Hylia seule sait que c'était rare.

Comme une évolution à son incompréhension, Pahya éprouva une soudaine appréhension.

Si la réponse à son message informant que Laura était en vie était arrivée, cela voulait dire que le messager aussi. Oh non ! La lettre retour avait-elle été intercepté ? À moins que ça ne soit plus grave… Mais dans ce cas, pourquoi la faire venir ?

La dirigeante Sheikah et son garde traversèrent le village au pas de course, intriguant bon nombre de passant qui ne comprirent pas la soudaine agitation de leur cheffe. Preuve en était qu'aucune situation de crise ne venait de se déclarer… renforçant encore plus les interrogations de Pahya. Elle ne voyait vraiment pas en quoi sa présence était importante. Est-ce que Riju en personne avait fait le déplacement ? Par tous les dieux Sheikahs, c'était une possibilité mais quelle folie cela serait…

Arrivé non loin de la structure majestueuse encadrant l'entrée au village, le garde s'arrêta et leva un bras.

- Il est là Madame, déclara Gauti'he en désignant l'étranger de la main. C'est lui que je voulais que vous voyiez. Il m'a demandé que vous soyez l'une des premières personnes à le voir. J'ignore pourquoi cependant, sa capuche cache son visage et il est armé… des épées que nous ne fabriquons pas à Hyrule d'ordinaire.

Étrange ! La silhouette ne semblait pas menaçante pourtant.

- Et bien cela ne va pas durer, déclara Pahya d'une vois assurée.

La cheffe du clan sheikah s'approcha avec la ferme intention de découvrir l'identité de ce malotru qui osait quémander sa présence mais, à peine cinq mètres de distance, la voix de l'étranger se fit entendre et Pahya sentit ses tympans répondre immédiatement à cette voix.

- Je ne suis pas encore totalement entré dans le village mais déjà que de souvenirs… cette atmosphère apaisante m'avait manqué, je dois l'avouer. Bonsoir, Pahya… c'est cela je crois ? Je ne me trompe pas ?

Pahya se statufia et devint livide lorsque la capuche sombre du nouvel arrivant tomba et révéla un visage qui ne la laissa pas indifférente. À vrai dire, elle ne put même pas réagir tellement la surprise était grande. Elle en recula de quelques pas.

Derrière elle, le garde semblait éprouver une franche surprise, chose étonnante et inhabituelle pour un soldat censé ne montrer aucune émotion.

Pahya balbutia des propos incompréhensibles avant de s'approcher de cette connaissance qui ne bougea pas et qui ne fut même pas gêné d'être observé de la sorte.

Mais enfin c'était impossible ! Elle avait le quasi portrait craché Link devant elle, mais avec presque vingt ans de moins. Elle ne crut pas ce qui lui chuchotait son esprit. Ce visage, ces cheveux, cette posture et cette tenue…

- Ah… Riju ne mentait pas visiblement, elle ne vous a rien dit, quelle farceuse…, reprit le nouvel arrivant.

Du haut de ses un mètre quatre-vingts, l'inconnu pas si inconnu que ça eut un petit rire innocent dédié surement à détendre l'atmosphère. À vrai dire, il était vrai qu'il venait de débarquer dans une tunique sombre avec deux épées noirs accrochés à sa ceinture. Difficile de rassurer qui que ce soit et encore moins des personnes qui ne pensait pas le revoir de sitôt.

- Aram ? Demanda avec hésitation la Sheikah qui n'en revenait toujours pas. Je ne rêve pas, c'est bien toi ? Mais enfin, comment…

Une chose était sûre, elle était complètement désorientée et ce n'était pas feint.

Aram écarta les bras théâtralement.

- En chair et en os Pahya, fit-il sans s'émouvoir de la réaction d'incompréhension de la Sheikah. Revenu d'une contrée lointaine après s'être échappé d'une bande l'illuminé. Cela fait un moment mais je suis quand même content de te revoir.

Pahya encaissa la nouvelle. Tout comme Gauti'he à côté d'elle qui ne semblait pas indifférent à la situation.

- Mon dieu, Aram, mon dieu… Et en plus tu débarques comme ça à l'improviste, essaya-t-elle d'articuler pour se reprendre. Comment as-tu fais ? Ne me dis pas que tu es passé par les routes habituelles ? Avec l'accoutrement que tu portes, tu ne passes pas inaperçu et… quelles sont donc ces épées noires ?

- Ah ça… répliqua Aram en fronçant les sourcils, comprenant à quoi Pahya faisait référence. Un cadeau précieux, très précieux… Très lumineux et dangereux aussi. C'est l'œuvre de Riju et de sa forgeronne pour tout te dire… et aussi de ma mère.

- Ta mère… Non attend tu ne parles tout de même de ce que je suis en train de penser à cet instant ? Vous avez réussi à faire cela ? Tu es en train de me dire que le pouvoir de ta mère est dans tes épées ? Par Hylia… mais c'est totalement contre nature à la tradition de la famille royale.

- Tu sais ce que ses lames peuvent faire ? Demanda Aram, intrigué par le sous-entendu équivoque de son interlocutrice.

- Tu n'es pas sans savoir qu'il s'est passé des choses fâcheuses au château j'imagine. J'ignore si Riju t'en a parlé mais ta mère Aram a fait… comment dire…

- Un véritable carnage, lâcha le garde comme si la réponse était plus qu'évidente.

- Oui c'est cela, coupa soudain Pahya d'un geste de la main. Bref passons Aram, ce n'est pas le sujet, ajouta-elle en voyant un des sourcils d'Aram se lever. Je souhaiterais beaucoup savoir ce qu'il s'est passé pendant huit ans, où étiez-vous ? Qui vous a enlevés ? Pour quelle raison ? Qui…

- Je crois qu'il est préférable que je ne réponde pas tout de suite à ces questions, coupa Aram, pas tant qu'on ne sera pas l'abris d'oreilles indiscrètes. Pas que je ne fais pas confiance à ton garde mais…

Le regard rempli de méfiance d'Aram choqua Pahya.

- Eh bien… Tu ne perds pas le nord, fit-elle en réponse. Excuse-moi mais je suis tellement surprise par ton apparition que je grille les étapes… Je te présente Gauti'he qui est à mon service depuis bien quelques années maintenant. Tu n'as rien à craindre de lui, ne t'en fais pas.

Aram fit pivoter sa tête de gauche à droite.

- Je viens d'un endroit où des centaines de personnes sont mentalement contrôlé par un fou furieux, et j'en faisais partie jusqu'il y a peu, alors excuse-moi si je suis méfiant Pahya, fit-il simplement avant de saluer de la tête le soldat posté aux côtés de la cheffe Sheikah et de balayer du regard les environs. Et puis à vrai dire, je ne suis pas spécialement venu faire la causette autour d'un verre. Riju m'a donné un objectif précis et je viens spécifiquement pour ça… Même si ça me fais plaisir de profiter un peu du coin.

Son visage se crispa un peu.

- Est-ce qu'il y aurait moyen… de voir ma sœur ? Reprit-il finalement d'une petite voix. Je sais que je viens d'arriver et que la moindre des choses est de respecter certaines politesses mais il s'agit de ma petite sœur alors…

La réponse de Pahya ne se fit pas prier.

- Laura ? Mais bien entendu Aram ! Par tous les saints, bien sûr que oui que tu peux la voir ! Excuse-moi de ne pas t'avoir proposé ça directement. On reparlera entre nous plus tard. Viens suis-moi !

Pahya attrapa le bras d'Aram.

- Tu as beau avoir disparu pendant huit ans, tu te comportes presque comme ton père toi ! Pas de superflu et direct droit au but. Ça me plait. Cependant, tu dois savoir que Laura dort. Elle a beau être sortit d'affaire, elle se fatigue assez vite. Mais je pense que ta simple présence la réconfortera beaucoup mieux que des somnifères et des potions apaisantes et puis… ça lui fera une jolie surprise à son réveil !

Aram se fit littéralement entrainé par une Pahya ayant soudain retrouvé sa vigueur et son énergie. Le garde suivit la cadence sans piper mot. Toutefois, la Sheikah se retourna et déclara :

- Je ne sais pas si c'est à moi de te le dire mais… Bienvenue à la maison Aram, ça me fais chaud au cœur de te revoir !

OoOoO

Elle émergea finalement.

Lentement.

Mais elle sentit déjà que sa nuit avait été réparatrice. Elle était moins faible, moins encline à grimacer au moindre geste et globalement plus en forme. Cela faisait longtemps, pas vraiment en réalité mais pour elle, c'était comme si plusieurs mois s'était passé.

Laura ouvrit les yeux.

Elle y vit le plafond de bois sombre mais éclairé par la lueur du jour et apprécia un silence parfait seulement entrecoupé de voix étouffée provenant des différents étages de la bâtisse. Sentir l'endroit où elle se trouvait depuis plusieurs cycles solaires vivre était agréable et rassurant… d'ailleurs c'était la première fois que la demeure semblait aussi vivante tout court. Dans la pièce trainait une odeur d'encens, une senteur douce et parfumée mais sans être trop présente malgré tout. Laura se sentit bien et eu une soudaine envie de voir ce que le monde pouvait lui offrir.

S'était-il passé quelque chose de joyeux pour que cela se répercute sur sa soudaine gaieté ?

Laura bougea lentement sous ses couvertures, apprécia la sensation de chaleur qu'elle ressentait à présent pleinement et voulu s'étirer…

C'est alors qu'elle sentit que quelque chose de chaud était posé sur sa main gauche.

Tiens étrange, elle n'avait pas souvenir d'avoir eu quelque chose en main avant de s'endormir.

Laura se redressa avec beaucoup de douceur tourna la tête et…

Le choc fut brutal.

Était-ce pour cette raison que la vie semblait avoir réélu domicile en ces lieux ?

Si elle avait été debout, elle aurait sursauté jusqu'au plafond. Ses grands yeux verts s'agrandirent de stupeur et son esprit se bloqua à la vue de cette personne qui…

Les larmes lui montèrent aux yeux. C'était impossible ! Proprement impossible ! Ça ne pouvait être qu'un rêve et pourtant… c'était réel. Elle entendit son cœur lui hurler que c'était réel. Laura tourna sa main gauche et elle sentit quelque chose de matériel puis elle se bascula en avant et tendit sa main droite vers le visage endormi de cette personne qu'elle aurait pu reconnaître entre mille.

La porte de la chambre s'ouvrit. Laura retira sa main.

- Bonjour Aram, tu as passé toute la nuit ici à ce que je vois et…

Pahya, cheffe du clan Sheikah, se stoppa dans son élan lorsqu'elle vit et compris que la personne réveillée dans la pièce n'était pas celle à laquelle elle s'attendait. Aram dormait assis sur une chaise mais la tête posée sur le bord du lit de la princesse, et avec sa main droite posé sur la main gauche de Laura. Cette dernière qui regardait avec un air effaré son frère. L'avait-elle reconnue ?

- Ah… j'aurais cru qu'il serait réveillé mais il faut croire que je me suis trompé. Princesse Laura, bien le bonjour.

Laura tourna sa tête figée en position choc émotionnel vers la Sheikah. Ses cheveux châtains décoiffés lui donnèrent un air d'une jeune femme sortant d'un très long tourment. Ce qui était ironique puisque d'une certaine manière, c'était vraie. Pahya s'amusa intérieurement de ce fait.

- Vous… Vous l'avez appelé… Aram ? Demanda timidement Laura alors qu'elle connaissait déjà la réponse.

La Sheikah le vit car ses yeux reflétaient ce duel entre stupéfaction et joie immense.

- Oui ! C'est votre frère Laura, fit simplement Pahya avec un air de douceur prononcé. Dire qu'il était pressé de vous revoir hier soir… Ah ! Même pas foutu d'être éveillé au bon moment… Mais oui, c'est votre frère. Il a dû passer la nuit entière sur cette chaise. J'ai essayé de l'envoyer dormir dans un vrai lit mais il a insisté pour rester.

Laura regarda la Sheikah.

- Bon bah quand il faut…, fit-elle en s'avançant vers le blond endormi avant de crier : DEBOUT MARMOTTE !

Aram ne bougea pas. Mais une esquisse de sourire ne tarda pas à se dessiner sur ses lèvres.

- Pas la peine de crier, j'ai une très bonne audition Pahya ! Fit-il en se redressant et en ouvrant les yeux. Et aussi une très bonne vision… quoique par forcément comme on l'entend, enfin bon…

Son regard témoignait du fait qu'il était bel et bien réveillé depuis au moins plusieurs minutes. Avait-il fait exprès pour faire une surprise ? Puis il croisa le regard de sa sœur qui le fixait avec une intensité qu'il avait rarement vu.

- Tiens, salut petite sœur ! Comment tu vas ? Demanda-t-il le plus naturellement du monde.

Aussi naturellement qu'un frère retrouvant sa sœur après huit ans d'absence bien sûr. Ce qui se traduisait par une voix qui avait chevroté un cours instant.

Laura ne répondit pas. Elle fixait Aram avec une surprise non feinte. Sa main droite, cette fois, se déplaça réellement et alla se poser réellement contre la joue gauche d'Aram qui accueilli ce geste avec beaucoup d'attention. Cela dura plusieurs secondes durant lesquelles la princesse inspecta au touché son frère pour être sûr et certaine qu'elle ne rêvait pas. Et elle ne rêvait pas ! Laura grimaça alors d'un chagrin qu'elle avait que trop refoulé, balbutia quelques mots puis finalement, au moment où Aram écarta les bras signifiant très clairement : « Viens là ma grande » Laura s'élança en avant pour venir enlacer son frère en pleurant. Aussitôt, Aram se mit à lui caresser la tête.

La scène était attendrissante. Pahya recula pour s'adosser contre la porte d'entrée. Cette scène lui rappela un vieux souvenir… Rien à voir cependant avec ce qui se passait devant ses yeux mais… Quand même, cela la fit remonter dix-huit ans en arrière lorsque Zelda avait accouché de Laura au beau milieu de la nuit. Link avait ramené – Aurore dormait comme une marmotte à ce moment-là – son fils alors âgé de trois ans qui n'avait pas fermé l'œil car se demandant ce qu'il se passait, pourquoi il y avait de l'agitation, des médecins partout et son père en état de stress. Elle, Pahya, avait été présente lors de l'accouchement et elle aujourd'hui, elle visualisait encore Link prendre son fils dans ses bras et l'amener à hauteur du bébé tout juste né et criant à plein poumon qu'était Laura. Aram avait approché sa petite main et l'avait posé sur la tête de sa petite sœur sous le regard remplie d'amour de sa mère et de son père.

Puis Zelda avait prononcé ces quelques mots « Aram, je te présente ta petite sœur : Laura ». Et le petit Aram avait montré un air tout joyeux qui avait fait fondre toutes les personnes présentes dans la pièce.

Pahya ne pourrait jamais oublier cet instant et comme un écho du passé, elle avait l'impression de le revivre ce matin même avec ces deux jeunes adultes – même si ce n'était pas tout à fait le cas pour Laura encore – aujourd'hui réuni après un très long temps d'absence. Et qu'est-ce que ça sera quand Laura reverra Aurore… Même si le lien entre Aram et Laura avait toujours été fort quand il était enfant, celui entre cette dernière et Aurore l'était tout autant.

Ah bon sang, elle commençait elle aussi à en avoir les larmes aux yeux.

- Oui c'est bien moi Laura, fit calmement Aram, la tête posée contre celle de sa sœur. Désolé d'avoir disparu pendant si longtemps. Désolé aussi de t'avoir causé autant de peine.

- Et… ? Dit-elle entre deux sanglots. Et Aurore ? Elle est…

- Elle est à la citadelle Gérudo actuellement, annonça Aram en jouant avec les cheveux de Laura. Blessée au genou, elle ne pouvait pas faire le déplacement mais elle est bien vivante et je suis sûr qu'elle t'attend avec beaucoup d'impatience… je crois même que c'est un euphémisme de dire qu'elle t'attend juste avec beaucoup d'impatience, elle doit trépigner dans tous les sens et faire chier bon nombre de personnes. Elle doit leur en faire voir de toutes les couleurs.

Les sanglots de Laura se calmèrent.

- Aram où étais-tu ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ce soir ? Pourquoi as-tu disparu aussi longtemps. Tu m'as tellement manqué !

Le visage d'Aram s'assombrit mais Laura ne put le voir car ils étaient toujours collés l'un à l'autre.

- Doucement Laura… Chaque chose en son temps. On a tous le temps de discuter maintenant. Ne nous pressons pas. Tu sauras tout, ne t'en fait pas.

- Mais…

- Princesse ! Intervint Pahya depuis sa position à l'autre bout de la pièce. Aram dit vrai, profitez déjà de ses retrouvailles, les réponses viendront plus tard d'autant plus que votre frère va devoir rester ici au moins quelques jours. Ça sera l'occasion de passer du temps ensemble avant de reprendre la route Laura.

La princesse ne comprit pas ce qu'avançait la Sheikah.

- Riju m'a ordonnée de te ramener à la citadelle Gérudo Laura, expliqua Aram en se décalant et en regardant sa sœur droit dans les yeux. Mais vu ton état, il serait risqué de te faire marcher sur de longues distances. C'est pourquoi, tu vas finir tranquillement de récupérer et lorsque tes soigneurs te jugeront aptes à partir… et bien on partira. Entre temps, j'aurai une autre mission à effectuer, rien de bien méchant mais je serai absent au moins deux jours.

Cette annonce crispa Laura.

- Non ne part pas, s'il te plait… Pas encore…

- Votre frère ne va pas disparaitre encore une fois, rassurez-vous, intervint une nouvelle fois Pahya avec un sourire rassurant. Il va devoir se rendre en territoire Zora pour s'assurer que le protocole « Divine Trois » est bien enclenché chez eux. Nos routes de communications sont coupées princesse alors nous ne pouvons pas savoir ce qu'il en est chez les Zoras et les Gorons. Mais dans les faits… le temps d'arriver, de poser quelques questions et de repartir et hop, Aram sera déjà de retour… et puis je serai là aussi princesse, tout comme Blanche, votre soigneuse. Elle revient par une belle coïncidence au moment où Aram partira.

- Et quand cela se passera-t-il ? Questionna la princesse.

- D'ici deux jours, répondit Aram.

- je vois…

Aram continua de jouer avec les cheveux de sa sœur, ce que cette dernière ne refusa pas.

- Mais d'ici là Laura, reprit Aram, on aura tout le temps de refaire le monde. J'ai plein de choses à t'expliquer j'en conviens et j'espère que tu comprendras pourquoi ils nous a été impossible Aurore et moi de revenir à Hyrule en huit longues années.

Le ventre d'Aram gargouilla alors… Etrangement bientôt suivi par celui de Laura qui devint rouge aussitôt. Ah ! Les habitudes revenaient bien vite.

- Eh bien… je crois qu'avant toute chose, il va nous falloir manger un morceau, déclara Aram avec délice. C'est l'heure du petit déjeuner non ? Qu'est-ce que tu en dis Laura ? Je crois me souvenir avoir demandé hier soir un petit jus de pomme comme on aimait en boire à l'époque, ça te tente ?

Le visage de Laura s'illumina soudain à cette annonce.

OoOoO

Ennuie !

C'était le mot qui convenait le mieux à sa situation.

Ne plus pouvoir se déplacer librement était sacrément handicapant et elle en prenait conscience pleinement. Déjà, ne plus pouvoir aller et venir comme elle le souhaitait la faisait clairement chier, n'ayons pas peur des mots, mais quand même bien elle restait fixée en position assise sur n'importe quel support, il y avait toujours un singulier grattement qui s'accompagnait généralement d'une douleur frappante… Aussitôt arrivé, aussitôt reparti, mais qu'est-ce que c'était énervant.

Alors bien sûr, qui disait blessure grave disait forcément protection qui, tout en empêchant sa jambe de s'articuler, la démangeait tout en lui donnant beaucoup trop chaud… Un comble vu qu'elle se trouvait au beau milieu d'un palais royal situé dans une citadelle qui elle-même se situait dans un désert qui lui-même se situait en territoire Gérudo. Question chaleur, elle était déjà servie par le climat environnant.

Alors forcément, qu'elle était la meilleure idée à faire ? Se retrouver avec une jambe inopérante, bloquée dans du plâtre parfaitement moulé qui lui tenait donc beaucoup trop chaud et n'ayant aucun autre moyen de se distraire que de déambuler à la vitesse d'un chuchu et de pratiquer assidument la lecture, les bidouilles sur tout ce qui pouvait fonctionner à l'énergie archéonique et… et c'était tout. On lui refusait l'accès à la cuisine soi-disant parce que la pièce était trop petite et qu'elle ne ferait que gêner le personnel.

Piètre excuse ! Mais elle n'était pas en état de s'y opposer.

On lui ramenait tout ou presque directement dans sa chambre, nourriture comme distraction, et l'ennuie l'écrasait. Et pire que tout, son frère était parti à l'extérieur des murs de la citadelle. Elle en avait éprouvé de la jalousie sur l'instant parce qu'elle aussi aurait bien voulu pouvoir sortir à sa guise pour aller dépenser le trop plein d'énergie qu'elle avait en ce moment. Mais non, elle était coincée dans une pièce qui ne la distrayait plus.

Et ça ne faisait même pas une semaine qu'ils étaient revenus « à la maison ».

Enfin bon, dans toute cette histoire il y avait du bon, le fait que Laura allait bientôt débarquer en ces lieux. C'était bien la seule chose qui aidait Aurore à surmonter cette période… Elle avait hâte… et un peu peur aussi. Une appréhension naturelle. Allait-elle lui en vouloir d'avoir disparu pendant huit années ? Cette pensée l'effrayait. Ça serait ridicule bien sûr mais…

Mais quand bien même, savoir qu'elle allait bientôt revoir sa petite sœur et mettre fin au secret de sa présence au sein du royaume était bien l'une des rares choses qui arrachaient un véritable sourire sur les lèvres d'Aurore.

Parce qu'elle se sentait profondément inutile à cet instant.

Et comme à chaque fois qu'elle se sentait inutile, elle ne trouvait rien de plus intéressant à faire que de se retrouver en position allongé, bras écartés, dans une tenue banale composé d'un haut gris très ample – beaucoup trop grand pour elle d'ailleurs mais ayant l'avantage de ne pas compresser sa poitrine – et d'un pantalon de toile beige, découpé au niveau du plâtre de sa jambe gauche, qui n'avait rien de féminin.

Allongé sur un lit double garni d'une multitude d'oreiller, Aurore refaisait le monde dans sa tête. Repensant à tout et rien à la fois. Une introspection bien trop longue.

Un souvenir très récent fit cependant son apparition dans son esprit. C'était juste après le départ d'Aram. Une gérudo avait voulu apporter des vêtements à Aurore mais en entrant dans la chambre, elle avait eu la surprise de voir la princesse, sa rapière noire en main, se couper ses cheveux sans aucun soin. Une idée saugrenue et subite qu'elle avait eue. Elle avait ressenti un besoin de changement. Voyant cette scène, la gérudo n'avait pipé mot, avait posé son chargement sur le lit d'Aurore et n'avait fait ensuite que se débarrasser des mèches blondes restées au sol. La Gérudo avait, cela dit, laissé un commentaire, suggérant de faire venir quelqu'un pour égaliser la coupe de la princesse hylienne.

Aurore n'avait pas été offusqué de cette remarque, au contraire même, cela l'avait amusé au plus au point. Cachant ainsi la réalité car c'était la première fois de sa vie qu'elle décidait de couper sa chevelure jusqu'à ses épaules. Depuis toujours, elle avait eu les cheveux longs…

À présent c'était fini… et quelque part ce n'était pas plus mal ! Non seulement c'était idéal pour supporter la chaleur mais cela allait être un poids en moins sur le terrain et puis…

Ne suivait-elle pas l'exemple de sa mère après tout ?

C'était également une manière de tourner la page de huit années de mercenariat au service d'un illuminé et d'une organisation de cinglé. À présent, avec ses cheveux courts, elle se sentait prendre une nouvelle identité.

N'empêche, elle s'était bien marré lorsque Riju avait débarqué pour admirer le résultat plus ou moins réussi de sa coupe improvisée. Et finalement, la reine Gérudo avait jugée qu'Aurore ne s'y était pas trop mal prise pour s'improviser coiffeuse et avait ajouté que cela lui conférait un air beaucoup plus sauvage qu'avant. Était-ce une bonne chose au final, elle n'en savait rien mais elle appréciait cette facette plus… naturelle de sa personne. Moins dans les codes.

Et en parlant de naturelle… Pourquoi ne pas braver les interdits un peu ? Rester allonger la fatiguait.

Forte de cette pensée nouvelle, Aurore voulu se lever de son matelas trop luxueux mais elle se souvint à ses dépens qu'elle ne pouvait pas. Pas normalement du moins. Elle ronchonna par reflexe et se déplaça en s'aidant de sa jambe droite, celle qui n'avait pas un genou en piteux état. Repoussant les nombreux coussins, elle parvint à se positionner au bord de son lit en posant avec une infime précaution sa jambe gauche au sol. Maintenant, le plus dur allait être de sautiller jusqu'au mur ocre le plus proche pour s'appuyer dessus… et tout cela pour faire une dizaine de mètres pour atteindre la sortie. Une tâche bien ardue en somme.

Ce qu'elle fit cependant…

Avant de parcourir les couloirs du palais en quête d'une activité à faire, devant les airs médusés du personnel. Ignorant l'effort que cela demandait à sa jambe droite.

Et cela amusait franchement Aurore de voir les expressions singulières de ces hommes et femmes qui n'avaient sans doute jamais vu une blessée, princesse qui plus est, s'aventurer de la sorte dans le dédale de couloir qui formait le palais royal Gérudo.

Cependant, Aurore croisa quelques hommes et quelques femmes afférés à l'entretien et au bon fonctionnement du palais qui ne tardèrent pas de lui faire remarquer qu'elle n'avait absolument pas l'allure d'une princesse de sang royal, ce à quoi elle répondit que c'était parfaitement normal puisque qu'en aucun cas elle ne souhait ressembler à une princesse de sang royal. Devant l'air choqué de ses interlocuteurs, habitués sans doute à voir débarquer des personnalités accordant une haute priorité à l'apparence, Aurore leur ajouta que ce n'était pas leur oignions et que son accoutrement d'hylienne lambda lui convenait très bien. Le tout bien sûr, prononcé avec une froideur et une bonne dose de réalité qui calma instantanément ses détracteurs.

Et finalement, ça l'amusa aussi de se rebeller face à ce genre de préjugé.

Aurore continua sa route pendant bien une dizaine de minutes et sentit la gourmandise montée en elle lorsqu'elle passa devant les cuisines. Elle put se retenir de faire un carnage dans les réserves de nourriture mais par Hylia, elle se jura de rattraper le temps perdu une fois sa jambe guérie. Elle ne pouvait résister aux gâteaux à la framboise ! Aussi aux pommes… mais surtout à la framboise !

Une belle promesse à respecter tiens.

Aurore continua encore son périple pendant quelques minutes avant de se rendre compte qu'elle tournait en rond. Quoique non, pas vraiment, c'était juste qu'elle prenait un temps infini à parcourir des distances ridicules et sa jambe droite commençait vraiment à faire sentir son mécontentement de supporter son corps à elle toute seule.

Bon…

Et maintenant ? C'était bien marrant de jouer la folle durant quelques instants mais elle ne pouvait pas le faire indéfiniment.

Elle n'avait donc plus qu'à retourner dans sa chambre avant que Riju ne lui tombe dessus pour l'engueuler et…

- Toi ! Fit une voix féminine forte. Te voilà enfin !

Aurore n'eut pas le temps de se retourner totalement qu'elle se heurta à une grande fille aux cheveux noirs. Par réflexe, elle recula et oublia que sa jambe gauche n'était plus en état de la supporter. À l'instant même où son pied gauche toucha le sol, une violente grimace se dessina sur son visage et elle bascula en arrière… avant de se faire rattraper de justesse par Line qui lui jeta un regard chargé de reproche.

La scène vue de l'extérieur était comique. Elle l'était moins pour la princesse qui sentit ses joues chauffer à cause de sa bêtise idiote.

- Bon sang Aurore ! Aurais-tu oublié que quelqu'un t'a explosé la rotule où ça se passe comment ? Cria l'ébène sur un ton n'offrant aucun moyen de discerner la véritable colère de l'espièglerie.

- J'ai oublié oui…

- Ah bah bravo ! Enchaîna l'ébène en aidant Aurore à s'appuyer sur elle, à la surprise de cette dernière. Je venais tranquillement pour venir faire la causette, je trouve une pièce vide, je cours dans tout le palais pour retrouver Son Altesse de la folie et je tombe finalement sur une blonde aux yeux turquoise qui met en danger sa guérison pour une petite aventure en solitaire. N'as-tu donc aucun respect pour ceux qui t'ont mis ce plâtre ?

Elle n'avait pas totalement tort mais Aurore s'offusqua quand même.

- Je me chier Line, voilà le problème ! Je m'emmerde profondément à ne rien pouvoir faire ! J'ai besoin de dynamisme.

Line soupira.

- Merci oui, j'avais remarqué… Heureusement que ta noble favorite est arrivée ! Bon, maintenant que je t'ai mis la main dessus, tu vas gentiment me suivre dans un endroit où Riju ne risque pas de débarquer de sitôt.

Aurore haussa un sourcil.

- Pardon ? Ça existe ce genre de lieu ? Je ne crois pas qu'il y ait un seul lieu dans ce palais qui échappe à sa surveillance et je sais très bien que je vais me prendre un savon dans les heures à venir. Au moins une dizaine de personnes m'ont vu.

Un sourire sadique apparut sur les lèvres de Line.

- Mademoiselle est dans l'ignorance ? Fit-elle d'un ton mielleux. Tu ne sais pas que Sa Majesté n'apprécie pas beaucoup de trainer dans les bibliothèques ? Elle m'a dit que c'est typiquement l'endroit qui a tendance à l'endormir en deux minutes chrono… Il suffit de se planquer là-bas et hop, plus de problème… Et ce n'est pas les domestiques de ce palais qui vont y changer quoi que ce soit.

Aurore eut un hochement de tête hésitant.

- Pour une dirigeante, c'est quand même paradoxal.

- Ah ça je ne te le fais pas dire ma petite Aurore, déclara Line avec un air malicieux. Bon maintenant tu te tais et tu me suis… Enfin, TU t'appuies sur moi et JE t'entraine avec moi, c'est plus cohérent je crois.

- Et si je refuse ? Demanda-t-elle sur un ton taquin en passant sa langue sur sa lèvre inférieure.

Line ricana.

- Je te prive de bouffe et je débarque au beau milieu de la nuit pour te chanter des chansons qui n'ont aucun sens. Tu ne pourrais même pas m'en empêcher en plus.

- Tricheuse !

- Moi aussi je t'aime bien Aurore ! Répondit Line qui savoura cet instant de complicité qui était par ailleurs le premier entre les deux filles. Ne t'en fais pas… Bon alors tu préfère poirauter ici ou échapper à Sa Majesté la reine pendant quelques heures ?

OoOoO

A défaut de voir une fille, on en vis deux déambuler dans le palais cette fois. Elles traversèrent quelques couloirs et un escalier qui fut particulièrement long à franchir à cause de son étroitesse. Finalement, elles arrivèrent dans une vaste salle vide de monde à la luminosité ambiante tamisée.

Après quelques péripéties de l'ordre de la marche à monter et de la chaise à tirer, l'ébène aida la princesse à s'asseoir avant de prendre place en face d'elle. Deux chaises banales, une table banale, une grande pièce silencieuse, une odeur de vieux livres et d'encens, des bouquins à perte de vue et un face à face entre deux filles à la personnalité radicalement différente. C'était ce qu'il y avait de mieux pour résumer l'actuelle situation.

Aurore ne savait toujours pas pourquoi Line l'avait emmené dans cet endroit précis. Elle avait brièvement échangé durant les quelques jours précédents mais sans jamais aller bien loin dans les sujets évoqués. L'instant qu'elles avaient partagé juste avant avait été particulier et l'entrain couplé à la gaieté de l'ébène lui redonnait un peu le moral. Cette dernière était fidèle à elle-même mais elle avait ajouté cette petite touche de douceur qu'elle n'avait pas avant. Depuis quelques jours, s'était presque si Aurore découvrait la face cachée d'un tableau… et cette face cachée était bien plus belle à contempler que ce à quoi la princesse s'attendait.

Perdue dans ses réflexions, Aurore n'avait pas vu Line partir chercher une pile de livre à la bibliothécaire. La citadelle Gérudo était décidemment bien équipé en termes de littérature diverses et variées. De retour, Line posa six ouvrages volumineux dans un fracas typique.

Cela intrigua Aurore.

- Line je peux te poser une question ? Fit Aurore en voyant la petite montagne de cuir et de papier devant elle.

- Bien sûr, qu'est-ce que tu veux savoir ?

- Pourquoi es-tu si gentille tout d'un coup ? Demanda clairement Aurore sans détour. Je veux dire, tu n'étais pas aussi…

- Ouverte ? Ma foi, c'est surement vrai…

Silence.

- Mais encore ? Demanda Aurore que la curiosité avait piqué.

- Écoute Aurore, répondit calmement Line en s'installant face à la princesse et en posant sa tête dans ses mains. Je ne vais pas expliquer en long, en large et en travers du pourquoi je suis bien plus sociable qu'avant mais si tu tiens à avoir une explication et bien… « Complexe des Chevaliers Célestes » et mon « passé », que tu connais. Je ne pense pas avoir besoin de t'en dire plus pour que tu comprennes… Ah oui et avant que tu me le demandes, c'est Riju qui m'a dit qu'Aram lui avait dit que tu avais écouté involontairement ma conversation avec Sa Majesté l'autre nuit. Pff… d'un côté, c'est pas plus mal que tu le saches en fait même si je déteste étaler ma vie privée ainsi. Enfin bon…

- Pardon, je ne voulais pas te vexer…

- Me vexer ? Tu ne me vexe pas, j'aurais juste dû faire plus attention c'est tout. Je pensais que le lieu que j'avais choisi serait parfait. Je me suis trompé mais comme je viens de le dire, ce n'est pas plus mal que tu sois au courant. Après tout, je connais le tiens.

Aurore la regarda fixement.

- Et même s'il est tragique, ce n'est rien comparé à toi…

- Ne dis pas ça ! La coupa violement Line sans pour autant hausser le ton.

Aurore se sentit comme une écolière prit en flagrant délit de dire quelque chose qu'elle ne devrait pas devant sa maitresse.

- Ne compare pas nos vies comme cela Aurore ! Reprit Line d'une voix sérieuse et professorale. Ce n'est pas parce que j'ai échappé à la torture, au viol et au meurtre et passé des années à fomentés une vengeance parfaitement calculée, tout ça dans le sang et la violence que je suis plus à plaindre que toi. Ce n'est pas parce que mon enfance est tachée d'une horrible marque sanglante que tu dois te sentir illégitime de ce que toi tu as vécu. Je te l'interdit Aurore, sache-le. Toi aussi tu en as bavé, toi aussi tu as pleuré à de nombreuses reprises, toi aussi tu as souffert sous les coups des formateurs des Chevaliers Célestes et la dureté de leur enseignement t'a transformé. Nous n'avons pas suivi la même route mais nous savons toutes les deux ce que c'est que d'être confronté à l'horreur dans son ensemble.

- Désolé…, ne put que répondre Aurore en baissant la tête. Je suis perdu en ce moment, je n'ai plus aucun repère. Je pense que tu l'as déjà compris en me voyant faire la gamine dans le palais.

Parce qu'effectivement, maintenant qu'elle repensait à sa petite escapade, elle la trouvait bien idiote et futile. Elle s'était bel et bien comportée comme une gamine.

- Ah ça, difficile de ne pas le remarquer, ça saute aux yeux…, confirma Line d'un hochement de tête, presque plus que de distinguer un Moldarquor immobile dans les dunes de sable. Une unité de soldate m'ont emmener hier pour une petite formation sur ces bestioles et… et pourquoi je te raconte ça en fait ?

- Aucune idée ! S'amusa Aurore en souriant.

Line regarda la princesse pendant quelques instants avant de sourire à son tour.

- Bah, ça n'a pas d'importance ! Si je suis venu te trouver, c'est pour te changer un peu les idées… ça sera l'occasion de mieux nous connaitre tant qu'à faire.

Cette phrase marqua Aurore. Elle fut presque choquée d'entendre ces mots.

- Je n'aurais pas cru que tu pourrais être la première à me dire ça.

Line esquissa un sourire, s'empara d'un livre dans la pile et le posa devant Aurore

- Riju est une bonne dirigeante mais elle néglige un peu de ta santé mentale ! Déclara-t-elle sans filtre. Remarque, peut-être préfère-t-elle attendre que tes parents soient ramenés ici. Elle ne veut peut-être pas se faire passer pour ta mère, par respect pour elle. C'est louable mais ça ne t'aide pas vraiment.

- Alors tu t'es dit que c'était à toi de venir me voir.

- Je suis entré chez les Chevaliers Célestes quand j'avais cinq ans, j'en ai vingt trois maintenant, commença Line en posant les bases d'une explication qui s'annonçait longue. Quand ma famille vivait encore – Line marqua une très courte pause –, j'étais la petite dernière de la fratrie, la huitième et la dernière. L'ainé, mon grand frère devait avoir dix sept ans je crois quand il est mort sous les coups de ses agresseurs. Je n'ai pas beaucoup de souvenir de ma famille et je n'ai pas connu longtemps mes frère et sœurs. Je les aimais beaucoup bien sûr mais… aujourd'hui, je me rend compte que depuis cette nuit tragique je n'ai jamais réellement pris le temps de me consacrer aux autres, de comprendre leurs soucis, leurs états d'âme, préférant me consacrer entièrement à ma vengeance. Alors maintenant que je suis « libérée » des Chevaliers Célestes, pourquoi pas m'occuper un peu d'autrui, commencer par toi du coup. Je n'ai jamais vraiment eut d'ami à cause du masque que je portais alors peut-être que… Enfin si tu en as vraiment envie ! C'est vrai que je suis venu comme ça sans prévenir…

Une joie immense s'empara d'Aurore. Cela remplaça tout le ressentiment qu'elle avait pu avoir envers cette fille depuis leur première rencontre. Comme si cela n'avait jamais existé. Il n'y avait que du positif à présent.

- Mais bien sûr que j'en ai envie Line, s'écria Aurore en se penchant en avant ce qui surpris Line. Tu es la première personne qui me parle de venir me changer les idées au lieu de venir s'enquérir simplement de mon état. Tu me donnes l'occasion de bouger, c'est génial ça et puis, ça fait longtemps que je n'avais pas fait quelque chose de normal avec quelqu'un… Passer un moment dans une bibliothèque, ça fait tellement longtemps que je n'en ai pas eu l'occasion et puis… c'est vrai qu'on pourrait apprendre à mieux se connaître, loin des problèmes, loin des armes, loin des situations stressantes… Comme deux filles parfaitement normales.

Le visage de Line prit une teinte carmin. Léger mais perceptible. Les deux jeunes femmes étaient gênées d'être aussi sincère.

- Eh bien Aurore ! S'exclama Line après un court instant à chercher ses mots. Cette pile de livre n'est pas là par hasard. J'ai trouvé deux trois choses qui pourrait t'intéresser et j'ai aussi penser qu'on pourrait… essayer d'élaborer quelque chose d'utile, un mécanisme archéonique peut-être, proposa Line en rougissant encore un peu plus. Je ne suis pas une grande connaisseuse de cette technologie mais j'aimerai bien réaliser un projet dans ce domaine, un objet du quotidien, une arme, qu'importe, mais quelque chose qui soit utile.

La princesse fixa un instant les yeux châtaigne de l'ébène.

- Eh bien tu sais quoi Line ? Ça sera avec plaisir, annonça Aurore avec un sourire sincère et mignon comme tout.