Nouveau chapitre ! J'espère que vous avez apprécié le calme du chapitre précédent...
Mouahaha
Bonne lecture!
En règle générale, la nuit était un moment apaisant à Hyrule. Beaucoup d'habitants appréciaient la nuit hylienne, particulièrement dans les relais car l'aura y était particulière. Chaleureuse, vivante… On appréciait y dormir pendant un périple et on aimait manger les spécialités de ces endroits. Ces microcosmes étaient précieux et nul ne pouvait songer à déséquilibrer la paix bucolique qui y régnait chaque jour, accompagné par les odeurs de la nature, des animaux et rythmé par les musiciens armés de leurs instruments aux mélodies reposantes.
Le relai de Rébona faisait parti de ces havres de calme.
Il ne pouvait se douter de ce qu'il se passait à moins d'un kilomètre de là.
Zelda Bosphoramus Hyrule, courait sans s'arrêter malgré un poing de côté de plus en plus persistant. Combien de temps cela faisait-il qu'elle tentait de semer la horde de soldat à ses trousses ? Ils ne lâchaient pas l'affaire, arrivant très bien à s'orienter dans cette petite forêt située non loin du pont de Rébona. La pénombre ne semblait n'avoir aucun impact, tout comme les changements incessants de la météo, variant entre pluie diluvienne et éclaircie. Zelda dû se rendre à l'évidence que sa tactique avait échouée.
Elle qui avait compté sur les éléments de la nature et sur la nuit tombante… ils n'étaient d'aucunes efficacités face à ce contingent très bien entrainé et connaissant vraisemblablement bien les lieux. Manque de chance.
Qui plus est, elle avait perdu son époux, Link, de vue depuis bien vingt minutes. Première fois que cela arrivait depuis leur fuite quelques jours avant.
Séparés à la suite d'une embuscade savamment calculée qui n'avait laissée aucune place au hasard. Zelda, comme Link, n'avaient presque pas eu le temps de réagir et seul le reflexe inhumain de Link, forgé grâce à sa très longue expérience, leur avait permis de stopper l'attaque dont ils avaient été victime pendant quelques précieuses secondes. Les quelques boules de fumées qu'ils avaient emmenées avec eux avaient fait leur œuvre. Suite à ça, Zelda n'avait pas pu protester face à Link qui lui avait ordonné de s'enfuir dans une direction qui garantissait une certaine sécurité, de par les reliefs et la nature environnante alors que lui-même avait décidé d'attirer l'ennemi en terrain découvert. De ce fait, ils étaient partis dans des directions diamétralement opposées. Se séparer allait compliquer la tâche de ces soldats à la solde de l'Impératrice. Zelda n'avait pas eu son mot à dire… Elle aurait au contraire bien voulu être attrapée pour avoir la possibilité de se faire l'Impératrice en face à face. La raison l'avait emporté sur ce ténébreux désir finalement et c'était tant mieux.
Ainsi, les soldats avaient dû faire un choix, poursuivre un seul des deux ou poursuivre les deux. Ils avaient opté pour la seconde option, coupant ainsi leurs effectifs en deux. Sept soldats d'un côté et sept soldats de l'autre. C'était sans doute cela qui allait sauver la vie du couple royal cette nuit même si, dans le cas de Zelda, elle se savait ne pas être encore tirée d'affaire. Link avait déjà par le passé échappé à des hordes de monstres mais elle, elle n'avait pas cette expérience là et n'en avais jamais voulu.
Et d'ailleurs, mise à part l'appréhension de se faire attraper, elle s'étonna de ne pas ressentir de peur pour celui qui partageait sa vie. Après-tout, il n'était pas celui qu'il était aujourd'hui par hasard. Il avait vécu bien pire que de se faire poursuivre par des types qu'ils surveillaient depuis des jours. Il allait s'en sortir… c'était une évidence. De plus il connaissait la nature sauvage d'Hyrule mieux que personne.
Quant à elle, la reine ne comptait pas se laisser faire mais elle était loin d'avoir les mêmes capacités de survie que son mari malgré les entrainements rigoureux qu'elle avait suivi. Et « rigoureux » était un bien faible mot. Mais elle restait LA reine d'Hyrule et de ce fait, il ne fallait surtout pas la sous-estimer. Personne ne pouvait se douter de la véritable puissance qui sommeillait en elle, à l'exception de son bien aimé bien sûr. Puissance gardée secrètement pour ne pas attirer des problèmes et susciter la peur. Sa démonstration de force au château n'avait été qu'un avant-goût de ce qu'elle était capable de produire.
Un simple avant-goût d'une fureur contre laquelle même Ganon aurait reculé !
Affronter une mère dévastée était bien plus dangereux que d'affronter une reine courageuse et sûr d'elle.
Zelda soupira avant de laisser doucement retomber sa rage, consciente que ce n'était pas le moment d'avoir des idées noires. Elle ne voulait pas tuer et y être contraint était une véritable torture pour elle.
Un rappel à la réalité se fit lorsqu'elle se rappela subitement que, dans la précipitation et la surprise de l'assaut, elle avait fait tomber sa tablette Sheikah dans l'herbe. Elle n'était, de ce fait, pas du tout armé à l'exception d'un poignard qu'elle savait être inefficace face à des guerriers en armure.
Cependant, cela restait une arme malgré tout et elle pouvait lui servir à beaucoup de choses. Mais à défaut d'arme blanche, elle avait encore sa magie non héréditaire parfaitement apte à faire des dégâts. Cela dit, elle se refusait pour le moment à employer les grands moyens. Là où elle s'interdisait carrément d'utiliser son pouvoir de lumière – depuis sa confrontation face aux traitres de sa propre armée – elle répugnait simplement à faire usage de sa magie acquise à force d'entrainement et de pratique. De simples sorts de feu, de glace, ou de vent, mais des sorts pouvant faire très mal voir causer des blessures affreuses. C'était pour cela qu'elle préférait la fuite pour le moment. Pour ne pas avoir à sombrer dans un état où elle ne contrôlerait plus rien, hormis son envie de réduire en cendre tout ce qui ne lui revenait pas de près ou de loin… Et c'était ce qu'il s'était passé dans son château, dans sa propre maison.
Non, pas d'idée noire ! Elle ne devait surtout pas y penser !
Zelda se reprit et se reconcentra sur son environnement.
Par un fameux coup de chance, elle bénéficiait d'un camouflage idéal en basse luminosité. Le noir sur le noir fonctionnait pas mal. Zelda était recouverte d'une cape miteuse trouvé par hasard en pleine forêt mais qui avait l'avantage d'être d'une teinte sombre se fondant dans l'obscurité. Sous la lumière émise par la lune, c'était la solution la plus appréciable car, à travers les branches et autres buissons, elle était difficilement distinguable par rapport au décor, et sous un temps pluvieux, elle était carrément invisible. Ajouté à cela l'odeur des conifères et de la pluie, elle était intraçable par l'odorat. Cependant, même si tout cela faisait gagner à Zelda des précieuses secondes de répit, elle n'ignorait pas qu'on était toujours à ses trousses. Était-elle si peu discrète que ça ?
Rien de réellement étonnant en soi car elle ne faisait pas vraiment attention à là où elle posait les pieds mais tout de même… ! C'était insultant !
Elle fuyait et elle savait juste qu'elle était en route pour l'est du royaume. Au vu des montagnes qui se dessinait au loin, elle s'orientait davantage vers le domaine Zora que vers les Monts Géminés. Elle aurait aimé se réfugier chez son amie Pahya mais c'était trop dangereux à présent de prendre un autre chemin et surtout de prendre le risque de donner à ses poursuivants davantage de temps pour mettre la main sur elle.
À force de sprinter et de mettre son système cardiaque à rude épreuve, Zelda sortit finalement de la forêt et sentit bientôt une odeur d'humidité plus prononcé et ne tarda pas à sentir le sol devenir plus mou, moins ferme. L'herbe fit place à la boue. Les arbres se firent plus rares et la lumière naturelle lunaire reflétée par les étangs d'eau éclairait beaucoup mieux la zone. C'était la preuve qu'elle avançait vers son objectif.
Mais c'était aussi à double tranchant parce que la météo, encore elle, ne lui offrait pas la meilleure condition. Elle aurait préférée se faire doucher pour le coup…
Sa cape noire ne lui était plus d'aucune utilité à présent. Niveau contraste, elle ne se fondait plus dans le décor mais était au contraire détachée de celui-ci. Il ne lui restait plus qu'à courir le plus vite possible et…
Non, c'était clairement une idée stupide !
Zelda se ravisa et chercha une autre solution. Elle entendit des voix dans son dos. Ils s'approchaient toujours plus de sa position. Elle ne pourrait jamais traverser tout le marais ainsi pour peu qu'on la remarque… ce qui n'allait pas tarder ! En plus de ça, le niveau de l'eau était peu élevé et les zones de boue peu nombreuses au final, si ses poursuivants décidaient de la rattraper à cheval, elle n'avait aucune chance… enfin si, elle pouvait toujours leur cramer la tronche mais d'un, cela reviendrait à faire couler le sang une nouvelle fois et de deux, cela reviendrait également à tuer les chevaux sur le coup, ce qu'elle se refusait à faire. Elle avait assez de cadavres sur la conscience, pas la peine d'en rajouter !
Des échos et des brides de paroles audibles arrivèrent à ses oreilles ! Que faire ?
Que faire ?
Soudain, Zelda changea brusquement de direction et, s'en faire attention aux bruits de ses bottes dans l'eau, alla se réfugier derrière un simple tronc épais en guettant avec attention le moment où ses ennemis déboucheraient sur le marais.
Elle nota mentalement la position de chaque élément pouvant la faire disparaître du regard de ses agresseurs.
Elle avait une idée ! Complètement folle mais pas irréalisable. Elle savait de source sûr qu'un relai se trouvait non loin. Et il y avait toujours des chevaux gardés dans des enclos, surtout en ce moment où les voyages au sein d'Hyrule se faisaient très nombreux. Son objectif était simple… profiter de la nuit, prendre un cheval, n'importe lequel, quitte à le voler, et reprendre sa route vers le domaine Zora en profitant de la vitesse de sa monture pour traverser toute la zone marécageuse. Ensuite, une fois qu'elle aurait rejoint la route longeant la rivière Zora, elle pourrait terminer à pied car le chemin de l'aval à l'amont était vallonné, tantôt étroit, tantôt large… Un lieu idéal pour se cacher. De plus, si elle tombait sur un Zora suffisamment costaud, elle pourrait carrément remonter toute la rivière sans se fatiguer.
Mais le tout à présent était d'y arriver… Simple sur le papier, moins évident dans la réalité.
Zelda bascula sa tête, personne en vue ! Elle n'entendit d'ailleurs plus aucune voix et plus aucun son, ce qui ne la rassura pas. Elle sentit qu'elle avait baissé sa garde pendant un laps de temps à la fois trop long et trop court.
Où étaient-ils ?
La nature lui parut effrayante tout d'un coup.
Soudain, elle vit une ombre passer devant ses yeux… non pas pile devant elle, mais dans l'eau…
Les reflets !
Une flèche frôla son visage et elle eut une dose d'adrénaline monumentale. Plusieurs cris fusèrent. Zelda sortit immédiatement de sa cachette de fortune et tenta le tout pour le tout. Mine de rien, elle avait beau ne pas vraiment savoir comment s'y prendre pour être discrète, elle savait cependant esquiver.
Une seconde flèche vint passer près de son visage en sifflant. L'instant d'après, Zelda se laissa tomber dans l'eau, esquivant ainsi une troisième flèche qui passa bien au-dessus d'elle. Néanmoins, cette manœuvre lui couta quelques secondes bien trop importantes.
Avait-elle vraiment cru que ça marcherait ?
Un assaillant arriva à son niveau bien trop vite et lui porta un coup avec une masse qui heurta son épaule gauche avec une violence qui lui déboita directement l'articulation. Le choc la fit tomber dans l'eau sur le ventre. La douleur fut intense et elle perdit encore quelques instants précieux. Alors qu'elle peina à se relever. D'autres soldats se positionnèrent autour de la reine légitime, armes brandies, armure sur les épaules et symbole hylien visible sur leur cuirasse... une insulte que Zelda n'accepta pas.
- Eh bien ! Elle nous aura donné du fil à retordre, déclara un premier soldat visiblement fier de voir sa proie au sol. Depuis quand les sangs bleus sont-ils aussi entrainés ?
- Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas adonné à une telle chasse ! Fit un autre en relevant la visière de son heaume.
- Vos gueules vous deux ! Répondit aussitôt une vois autoritaire provenant du chef du contingent qui retira son heaume. On a une femme de sang royale sous le nez, un peu de respect ! Sa Majesté tient à bien traiter une personne de son rang.
- Ce n'est pas un peu ironique ça chef ? Questionna une quatrième personne sur un ton moqueur. C'est pas elle qui a torturé la donzelle pour récupérer son pouvoir ?
Les yeux de Zelda s'écarquillèrent à cette annonce. Il ne parlait tout de même pas de… La reine leva les yeux vers celui qui avait calmé ses hommes et commença à se redresser, une expression haineuse au visage mais deux manches de lance la plaquèrent au sol sans avertissement. Le visage de la reine toucha une aspérité qui lui fit une coupure.
- C'est totalement vrai ! répondit la voix autoritaire. Mais ne vous y méprenez pas, Sa Majesté n'a pris aucun plaisir à faire cela, croyez-moi ! Et au lieu de papoter, attachez-moi cette femme qu'on puisse la ramener là où on aura tout le temps de la cuisiner.
- Et c'est vous qui disiez qu'on devait bien la traiter chef ?
Le « chef » eut un sourire mauvais.
- Exactement ! Mieux elle sera traitée, mieux on pourra la faire souffrir longtemps, annonça le commandant de l'unité avec toute la joie sinistre dont il pouvait se permettre.
Zelda sentit deux mains gantées s'emparer de ses deux épaules et on la remit droite sur ses deux jambes s'en prêter attention à son articulation gauche qui lui arrachait des grimaces. Trempée, recouverte de boue par endroit et la lèvre inférieur coupée, elle fit face à son tortionnaire. Toutefois, elle ne se laissa pas faire et avant même que le gradé de cette bande de cinglé ne vienne lui adresser la parole, elle lui cracha à la figure.
L'homme en question reçut le cracha en levant un sourcil.
- Oh ? Madame le prend comme ça ? Très bien ! Aussi têtue que sa propre fille qu'on a bien fait hurler dans les geôles de son propre château ! Et dire que tu es censé être une noble ! C'est déplorable.
Un coup de poing d'une puissance inouïe percuta la joue gauche de Zelda, sa tête partit sur sa droite en une fraction de seconde. Sonnée, elle mit plusieurs secondes à revenir à la réalité. Sa mâchoire lui faisait mal…
- Cela t'apprendra à ne pas me manquer de respect ! Maintenant, tu vas…
L'homme ne termina pas sa phrase. Plus aucun son ne sortit de la bouche de ce dernier et même de toute l'unité entière.
Les animaux aux alentours cessèrent eux aussi de se mouvoir.
Zelda pivota sa tête avec une infime lenteur alors qu'un son cristallin naquit dans l'ambiance sonore quasi inexistante. La tête de la reine, dont la joue gauche avait pris une teinte carmin, se dévoila aux soldats qui ne pipèrent mots lorsqu'ils croisèrent le regard assassin de celle qu'ils étaient venus capturer. Un regard qui les fit frémir au point qu'ils se demandèrent si s'était bel et bien la reine déchue qu'ils avaient en face d'eux. Ils étaient sept et pourtant à cet instant, ils se sentirent bien seuls…
Zelda fit vibrer ses cordes vocales avec une voix désincarnée.
- Vous avez fait souffrir ma fille ?! Vous avez osé ! Vous allez le payez !
Les soldats reculèrent, la peur au ventre, toute trace d'assurance envolée, reprenant soudain conscience de la nature même de celle qu'ils avaient poursuivi. Ils s'étaient attaqués à une reine, une puissante magicienne, une réincarnation d'une déité et par-dessus-tout, une mère à qui on avait arraché ses trois enfants !
- Vous allez mourir ! Déclara simplement Zelda sur un ton énonçant une vérité prochaine.
OoOoO
Être un prince et un futur roi n'était pas de toute repos mais il prenait sa tâche à cœur et aimait patrouiller non loin de son domaine. Enfin ça, c'était surtout quand le royaume n'était pas en situation de crise.
- Cette soirée est bien calme !
- Votre Altesse ? Questionna un garde zora à la peau bleu azur.
Sidon regarda son concitoyen. Il avait oublié sa présence pendant un cours instant. Cela lui arrivait souvent ces derniers temps.
- Rien de grave ! Je ne faisais que penser à voix haute, répondit-il sans émotion.
- Bien Votre Altesse…
Sidon se tourna vers le soldat.
- D'ailleurs, n'es-tu pas censé retourner à la citadelle ? Tu as un service de nuit à effectuer me semble-t-il. Il est l'heure je crois… Ne fais pas attendre ton capitaine. Hurvre n'est pas du genre à accepter les retards quel qu'ils soient !
- Vous avez raison ! À vos ordres ! Répondit militairement le guerrier zora avant de prendre la direction de sa maison mère.
Sidon soupira lorsque le soldat en question fut suffisamment éloigné. Il commençait à croire qu'il intimidait les jeunes recrues, pourtant il ne cessait de se montrer ouvert pour éviter précisément ce genre de cas.
Peut-être cela venait-il d'ailleurs ?
Pour beaucoup, le prince Sidon avait perdu de sa superbe. Pas dans le sens où on le pense cependant. Ces dernières années avaient refreinées les sourires éclatants du Zora le plus charismatique de la région. Certains y voyaient là de mauvais augures quant à la suite des évènements dans le pays alors que d'autres y voyaient simplement la preuve que le prince avait gagné en maturité.
Mais s'il y avait bien une personne qui n'avait que faire des avis des uns et des autres, c'était bien Sidon lui-même. Il n'était pas à son poste actuel pour faire « joli » dans les rues de la citadelle n'y pour ravir de potentielles prétendantes car oui, Sidon ne laissait pas la gent féminine Zora indifférente. Et lui n'en avait que faire aussi de ce constat qui ne lui faisait ni chaud ni froid. Il avait déjà engagé une relation avec une Zora et ça se passait très bien. Les ragots et autres rumeurs ne l'atteignait pas.
Ce n'était que du vent. Rien en comparaison des problèmes auxquelles ils devaient faire face.
Du haut de son rocher, sa magnifique lance incrustée de saphir attachée dans son dos, version améliorée de l'arme de sa défunte sœur, Sidon guettait les lieux, comme il le faisait depuis une dizaine de jours maintenant. On ne lui avait rien demandé. Il aimait simplement se rendre partout dans les limites de son domaine. Parfois, il se rendait dans Vah'Ruta pour inspecter le travail du personnel y travaillant et aussi pour y déposer quelques fleurs pour sa sœur. Sa présence était importante et cela lui faisait chaud au cœur d'être aux côtés de son peuple. Comment les humains extérieurs à Hyrule faisaient-ils donc pour négliger un aspect aussi important du rôle de prince d'un peuple ?
Cependant, ces derniers jours, la gaieté ambiante s'était assombrie. Les nouvelles allaient vite et tout le domaine Zora était à présent au courant des évènements récents du château royal. La surveillance s'était accrue suite à ça et beaucoup de volontaires s'étaient présentés aux casernes pour se former aux armes.
Ce peuple…
Son peule, songea Sidon, était déjà dévoué à se protéger de lui-même. C'était une bonne chose. Nul ne savait encore comment les choses allaient évoluer dans les prochains jours alors savoir que les jeunes zoras souhaitaient renforcer les défenses de leur lieu de vie, était réconfortant.
Mais insuffisant pour le moment et Sidon ne tenait pas à engager qui que ce soit dans une guerre qu'il n'avait pas souhaité ou à défaut, qu'il n'aurait pas pu éviter. D'où sa présence aux avants postes, là où seuls les moins gradés allaient en général.
Pour le moment, nul soldat à la solde de la nouvelle dirigeante ne s'était encore pointé et Sidon ne savait pas s'il devait se réjouir ou au contraire se méfier d'une telle… indifférence ?
D'autant plus qu'un mort avait surgi de l'enfer d'un seul coup pour venir leur rendre une petite visite de courtoisie sur fond militaire comme si de rien n'était. Blague à part, il ne s'agissait pas vraiment d'un mort mais plutôt d'un hylien qu'on croyait disparu hors d'Hyrule. La stupéfaction de Sidon avait été grande lorsqu'il avait vu ce ses propres yeux le visage de ce jeune homme qui ressemblait beaucoup trop à son père et qui possédait une noirceur que le prince Zora n'avait pas su identifier. Voir Aram avait illuminé sa journée et il en était de même pour tout ceux travaillant au sein du palais. Sidon avait cependant tût l'arrivé du fils du champion et de la reine au sein de son domaine. Aram l'avait demandé d'ailleurs et Sidon n'avait pu refuser une telle demande. C'était mieux pour la sécurité de toutes et tous.
Ce dernier avait vu avec le prince hylien ce qui l'avait amené aussi soudainement. Sidon avait été surpris qu'on lui demande d'activer « Divine Trois » sachant que les tunnels souterrains étaient inutilisés depuis leurs créations. Mais joint à cela la lettre de Riju, Sidon n'avait pas eu de protestation à formuler, conscient que la situation du royaume tout entier basculait dans quelque chose d'infiniment indescriptible.
« Divine trois » donc ! Un vaste plan de communication et d'échange de matériel à travers un réseau souterrain qu'un nombre incroyablement réduit de personne connaissait. Le but était simple, en cas d'invasion où les routes seraient coupées et où les régions se retrouveraient seules, le réseau souterrain d'Hyrule devait entrer en fonction. Ce labyrinthe creusé en quelques années seulement grâce, par Hylia merci, à la technologie archéonique, comportait un nombre incalculable de galeries, d'artères destinées à l'évacuation de la population, de culs de sac, de relais souterrains… Un système très complexe de ventilation permettant d'acheminer et de recycler de l'air depuis une multitude de point d'aération depuis la surface. Ce protocole avait été conçu dans le but de répondre à des situations d'extrême urgence. Il n'avait pas encore servi…
Jusqu'à présent !
Si Riju l'avait demandé, c'était qu'il y avait un besoin immédiat. En espérant que la nouvelle reine autoproclamée n'ai pas eu vent de ce plan. Ça serait la cata assurée sinon…
Cette nuit était plutôt tranquille pour le moment. Sidon n'avait rien remarqué d'anormal ces dernières heures. La météo n'en faisait qu'à sa tête, causant tantôt des éclaircies laissant entrevoir la lune et tantôt de la pluie diluvienne mais pour un poisson quelle importance ? Tant qu'il ne faisait pas trop chaud.
Un flash de lumière survint au loin, pas très loin de la zone du relai, attirant le regard de Sidon qui s'étonna d'une telle manifestation à cette heure tardive. Qui aurait eu l'idée de faire exploser des pétards en pleine nuit avec un temps pareil ?
Cela ne devait être qu'un pauvre abruti ayant forcé sur l'alcool…
Sidon détourna la tête, pas vraiment inquiété par ce qu'il venait de voir…
Il s'en mordit les nageoires aussitôt.
Un son terrifiant d'explosion frappa ses tympans avec une force acoustique démentielle pour ne pas dire que c'était littéralement une explosion auditive dans tous les sens du terme. Sidon porta ses mains à sa tête aussitôt et sentit pour la première fois depuis des semaines une véritable appréhension naître dans son corps. Le prince Zora, symbole de tout un peuple, dégaina sa lance mais avant même qu'il ne puisse prendre une autre décision, un second flash, beaucoup plus lumineux, irradia le marais et les premières montagnes avoisinantes d'une lumière brulante.
Sidon se boucha les oreilles en prévention de la seconde onde de choc et il eu raison de le faire car même ainsi, ses oreilles ramassèrent une pression sonore indécente.
Un troisième flash survint à peine cinq secondes plus tard mais cette fois, la lueur ne disparut pas totalement. Elle fit même place à un spectacle que le prince Zora n'avait encore jamais vu de son vivant. Un spectacle que Sidon trouva à la fois beau, majestueux et terrifiant.
Quatre ailes lumineuses apparurent au loin, éclairant les environs comme en plein jour. Leurs dimensions dépassaient complétement les lois de la physique et de la nature. Immatérielles et immensément grandes, ces quatre ailes semblaient trouver leur source en un point minuscule que Sidon ne pouvait distinguer à cette distance. Une présence divine englobait l'espace. Pendant un cours instant, Sidon se sentit juger puis on le laissa tranquille et tout bascula. Les ailes explosèrent en une bombe de lumière qui obligea le prince Zora à détourner le regard. Une vague de chaleur toucha son beau visage puis tout s'arrêta.
Toute trace de magie disparut même.
C'était la seule bonne nouvelle.
Car une bonne partie du marais était à présent en feu !
Abasourdie face à cette magie dévastatrice aussi fulgurante qu'elle avait été violente, Sidon put se ressaisir mais à sa propre surprise, il ne décida pas de remonter la rivière pour aller prévenir les siens. Car vu le boucan que l'entité avait produit, toute la région devait avoir entendu ces déflagrations assourdissantes.
Sidon fut comme attiré vers les bords extérieurs du marais. En y repensant, Sidon se rappela qu'un relai se trouvait non loin et il espéra que ce dernier n'avait subit aucun dégât.
Quelque chose lui demandait de venir, d'aller se jeter au beau milieu de ce bordel. Il eut le sentiment que quelque chose de dramatique venait de se produire et ça n'avait rien à voir avec un abruti bourré qui aurait fait exploser des pétards pour la blague. C'était différent, bien différent…
Sidon s'élança, plongea dans la rivière qui se trouvait en contre-bas de sa position et entreprit de la descendre à grande vitesse, inconscient de ce qu'il allait trouver et de ce que cela allait signifier.
Inutile de dire que, une quinzaine de minutes plus tard, il fut stupéfait de découvrir la souveraine légitime du royaume dans un état critique, respirant à grande bouffée d'air, ensanglantée, des brûlures partout sur son corps et sur ses vêtements déchirés et surtout autour d'elle…
Sept cadavres carbonisés !
OoOoO
Cela faisait bien longtemps que les souterrains n'avaient pas été entretenus, cela dit, il étaient praticables et suffisamment larges pour permettre l'utilisation du Vesta.
Aram ne pouvait tout simplement pas rêver de meilleur moyen de transport à travers ce dédale de couloirs sombres, humides et peu accueillant. Cela lui faisait gagner un temps fou et un détour conséquent en prime. Passer dans le sol plutôt que de contourner les montagnes réduisait considérablement la distance à parcourir et les possibles mauvaises rencontres. Cependant, le voyage n'en était pas plus plaisant pour autant.
Aram avait dû sursauter plusieurs fois au cours des deux dernières heures, interpellé par des bruits étranges ou des ombres qui semblaient sortir de nulle part. L'éclairage était entièrement archéonique et fonctionnait de manière autonome au passage d'être vivant. Une prouesse technologique sans commune mesure, en avance de plusieurs dizaines d'années par rapport aux pays limitrophes, et qui montrait que l'usure ne l'atteignait pas même après plusieurs années sans maintenance. Enfin ça il n'en savait rien au final…
Aram avait noté cinq ou six lanternes éteintes mais en comparaison des milliers qui se trouvaient ici et là dans ces sombres passages, c'était ridicule… mais suffisant pour faire resurgir une dose infime d'inquiétude dans son être. Une peur dont il ne pouvait définir la provenance.
Il n'y avait en théorie aucune raison de s'inquiéter puisque le réseau souterrain d'Hyrule n'avait, pour ainsi dire, jamais réellement été utilisé. Pas de trace d'habitation clandestine ou de repaire à l'aura sinistre mais malgré tout une impression d'oppression très présente. Aram ne se savait pas claustrophobe mais il avait du mal à se sentir à l'aise dans cet environnement fermé, dépourvu de la lumière du jour. Il avait déjà dû emprunter des chemins étroits par le passé, mais jamais encore il ne s'était senti ainsi peu en confiance.
Il se sentait seul aussi et il n'y avait que la résonnance de sa machine pour lui tenir compagnie. Un bruit monotone et assourdissant, amplifié par l'acoustique évidente des couloirs aux dimensions réduites. Aram avait l'impression aussi d'être en permanence dans une caisse de résonance qui lui fracassait les oreilles.
Eh bien, s'il fallait se servir de tels chemins en période de crise… bonjour le sentiment d'insécurité et la panique générale qui pourrait en découler.
Pourtant, même si Aram n'était pas à son aise dans ce labyrinthe, il ne doutait pas de ne pas pouvoir trouver les bonnes intersections, les bons virages et surtout la sortie. Il avait bien étudier le dédale grâce aux nombreuses cartes fournies par la reine Gérudo, il avait mémorisé de tête le tracé exact et son pouvoir propre lui permettait d'anticiper chaque changement de direction. Toutefois, cela commençait à sévèrement lui piquer les yeux et à ralentir ses réflexes visuels. Tout compte fait, il y avait peut-être aussi le manque d'oxygène dans un lieu si renfermé qui jouait un rôle. N'y avait-il pas une ventilation normalement ?
Deux fois à droite puis une fois à gauche. Aram fit bouger ses jambes et sa machine bascula très légèrement pour suivre la direction voulu par son pilote. Le prince s'était fait assez vite à cette machine pour l'avoir pratiqué de la citadelle Gérudo jusqu'au village de Cocorico, dans un souterrain semblable à celui-ci. Entrer et sortir de ce dédale ne fut d'ailleurs pas une chose aisée car les accès était intelligemment bien cachés et protégés. Un bon gros système très efficace. Aucun voyageur du quotidien ne pouvait dénicher un des accès par inadvertance. Il fallait de toute façon posséder une clé qui enclenchait l'ouverture ou la fermeture à partir d'un certain endroit et chaque clé était différente pour chacun des accès… autant dire qu'il y avait au moins une vingtaine de ces clés et qu'en perdre ne serait-ce qu'une pouvait avoir des conséquences désastreuses car impossible de sortir sans cet objet précis. Cette mesure de sécurité était franche mais dédié à piéger quiconque t'enterait de pénétrer les galeries souterraines d'Hyrule avec de mauvaises intentions. Et Riju lui avait appris que certains avaient essayé par le passé. Preuve en est qu'il y avait toujours des détraqués mais en temps de paix…
Enfin c'était pas vraiment le cas en ce moment.
Au bout d'un moment, Aram arriva à une portion beaucoup plus étroite du chemin qu'il était censé emprunter et le prince dû même complétement s'arrêter, voyant que le Vesta ne pourrait plus se faufiler sans rien heurter.
Aram fronça les sourcils et inspira tout de suite pour garder son calme face à cette situation imprévue.
S'était-il trompé de chemin ? Non, pas possible, pas en possédant un pouvoir permettant de voir au-delà de la vision humaine.
Il n'était pas arrivé à un cul de sac, il voyait ce qu'il y avait derrière. Un éboulement peut-être ? Pas vraiment. C'était comme si la roche se refermait sur elle-même de façon naturelle. Ce n'était pas prévu. Et encore si ce n'était qu'une portion plus réduite dû au terrain creusé, pourquoi pas, mais là, Aram voyait très clairement qu'il était impossible d'y passer à deux, contrairement à tout le reste du réseau qui permettait un minimum de dix personnes de large. Étrange…
Aram fit basculer le Vesta sur le côté et entreprit de le faire rouler, seul moyen pour aller de l'autre côté. Autre côté qui beignait dans une lumière plus orangeâtes qu'avant. Les lampes archéonique ne produisait pas cette teinte habituellement, sauf en y ajoutant un filtre ou un composant spécifique, chose qu'il n'y avait nulle part ailleurs. Aram sentit soudain et clairement une onde le traverser pendant un cours instant. Une onde froide et sèche accompagnée d'un sentiment de malaise extrême et abrupte qui disparût aussitôt, une fraction de seconde plus tard, comme si cela n'avait été qu'une illusion sensorielle. Toutefois, même en ayant ressenti cela, Aram ne décida pas de ralentir la cadence et continua plutôt avec le désir naissant de sortir au plus vite de ce dédale souterrain bien trop inquiétant et qui, bizarrement, commençait à jouer avec ses nerfs d'une façon qu'il n'appréciait pas.
D'ailleurs, jamais encore il n'avait ressentit une telle angoisse pour un évènement si… simple.
Le chemin reprit ses dimensions normales mais cela ne fut pas suffisant pour calmer l'anxiété du blond qui posa dans la seconde le Vesta au sol dans sa position classique, monta dessus, et démarra en trombe comme une flèche quittant la corde tendue de l'arc au moment du tir.
Une sueur froide traversa son dos de haut en bas
Il voulait juste s'enfuir à présent ! Comme si une entité le suivait à la trace sans qu'il ne puisse la distinguer. Il n'avait jamais connu ça et il ne voulait pas le connaître. Guidé par les éclats orangeâtes des lampes archéonique qui, normalement, ne devait pas être orange, Aram fonça droit devant lui pendant bien cinq minutes avant de faire pivoter sa tête dans une envie presque morbide de savoir ce qu'il y avait derrière lui à ce moment précis. En théorie, il ne devrait rien y avoir.
Et c'était vrai ! Il n'y avait rien !
Au premier sens du terme !
Il n'y avait même plus de couloir, plus de lumière derrière lui, même plus de mur… juste un vide noir qui le fit trembler.
Ni une ni deux, Aram se relança à pleine vitesse, une peur véritable au ventre cette fois et un besoin immédiat de sortir pour confirmer la seule explication rationnelle qui était parvenu à son esprit en état d'alerte maximale.
A bout de bien une demi-heure de « fuite », il ne tarda pas à apercevoir une lueur blanchâtre au loin. En se référant à sa mémoire et au dernier virage pris, Aram comprit qu'il arrivait enfin en vue de la sortie…
Il en oublia sur le coup que ladite sortie ne devait normalement pas être ouverte sur l'extérieur sans clé et que les Zoras ne savaient rien de sa venue. La porte ne pouvait donc pas donner sur l'extérieur comme ça ! Aram franchit le seuil de ce qu'il pensait être le sas de sortie et se stoppa net en découvrant toute la vérité derrière la terreur qui l'avait habité ces derniers instants. Bien sûr c'était évident.
Il eut un rire nerveux.
Il n'était absolument pas arrivé au domaine Zora…
Il était dans le complexe des Chevalier Célestes. Oui. Aussi surprenant que celui puisse paraître, il était de nouveau dans l'enceinte de cette « prison ». Devant la porte du bâtiment qui menait droit aux salles médicales et au centre de recherche du complexe. Un lieu qui n'inspirait rien de positif à Aram. Il y était déjà allé, à ne nombreuses reprises mais s'il en avait eu la possibilité, il n'y aurait jamais mis les pieds… D'ailleurs, il ne se rappelait pas pourquoi il avait dû y aller…
Enfin bref.
Aram regarda autour de lui, et se découvrit seul. Malgré tout, il y avait quelque chose de différent, dans l'air, dans l'ambiance, dans l'espace sonore. Il leva la tête et ricana de plus belle en découvrant un ciel noir comme un néant mais pourvu d'éclats lumineux d'un rouge sanglant qui colora les nuages noirs comme un signe annonciateur de quelque chose de terrible. Il ne s'agissait pas d'éclairs, cela ressemblait davantage à des nuages de matières mais rien de positif n'en ressortait. Cette fois, il n'y avait plus de doute et Aram ne chercha même pas à comprendre le pourquoi du comment. Il connaissait la règle à présent. Il ne pouvait rien faire d'autre que d'assister à tout ce qu'il allait voir sans rien pouvoir faire, sans pouvoir agir sur la matière qui l'entourait, coincé dans un rôle de spectateur impuissant victime de la vision qu'on lui imposait.
Un monde étrange où tout était réel sans l'être ! Monde auquel il n'avait pas accès normalement et monde dans lequel il aurait préféré ne jamais remettre les pieds depuis la dernière fois où, avec Aurore, au sommet de cette montagne Gérudo, il avait vu ce que sa sœur avait vu.
Un hurlement stridant atteignit ses tympans et déclencha avec facilité tous les signaux d'alertes qu'un corps humain pouvait posséder. La puissance vocale résonna partout, contre les murs du « complexe » et même dans l'air ambiant. Chose impossible et pourtant réel. Aram se sentit envahir par une pression énorme et une caresse de glace gela chaque parcelle de son anatomie.
Sans trop savoir ce qu'il fit, Aram se précipita vers la source du cri. Que pouvait-il faire d'autre ? Il pénétra à l'intérieur du bâtiment en trombe, ouvrit des portes, traversa des couloirs vides et sombres qu'il reconnut par ailleurs – ce qui ne le rassura pas du tout –, croisa des silhouettes sans visages et arriva finalement au niveau d'une porte faite d'un vieux bois usé par le temps. Aram tourna la poignée et découvrit un escalier qui plongeait vers les ténèbres. Tout en pierre, en piteux états et repoussant de saleté. Une odeur d'humidité et de produit médical trainait dans l'air avec férocité. Un subtil mélange qui n'augurait rien de bon. Un nouvel hurlement se fit entendre, beaucoup plus fort que le précédent et les gémissements d'une petite fille s'en suivit avec une douceur qui aurait pu trancher net une épée bien affutée. Ce cri… cela fracassait l'âme humaine, purement et simplement.
Aram sentit son corps se glacer à nouveau et son cœur accéléra d'un seul coup au point qu'il entendit son propre organe battre avec intensité. Mais qu'est-ce qu'il se passait bon sang ?
Aram descendit l'escalier, sachant pertinemment qu'il n'allait pas voir un jardin de Princesse de la Sérénité tout en bas. Il posa le pied sur une dernière marche de pierre sombre puis l'autre au sol et…
Une vision d'horreur s'offrit à lui ! Sa gorge se noua, son ventre se noua. Il reconnu sans mal la petite fille qui était devant lui et n'eut pas besoin de cinq secondes de réflexion pour comprendre ce qui était en train de lui arriver. Aram eut un haut de cœur tel qu'il n'en avait pas connu depuis des années.
Devant lui, Hystoria, enfant, pas plus de six ou sept ans, se tordait de douleur dans des hurlements déchirants, en pleurant toutes les larmes de son petit corps. Un homme en combinaison blanche s'approcha d'elle avec un objet cylindrique et long, contenant une substance étrange et terminé par une très longue pointe. Sans aucune once de pitié, il le planta dans le bras droit retenu prisonnier par une sangle de la petite fille et actionna une sorte de piston qui fit disparaître le liquide, directement dans le bras d'Hystoria. L'instant d'après, la blonde eut plusieurs spasmes et se tordit de nouveaux en vomissant ce qu'elle avait encore dans le ventre en hoquetant.
Aram était paralysé par cette vison cauchemardesque ! Il ne pouvait plus esquisser le moindre geste ! Ses membres ne lui répondaient plus. Ses yeux étaient cruellement fixés sur les silhouettes du corps médicinal des Chevaliers Célestes et sur la petite Hystoria qui se débattait en hurlant et convulsant toujours plus fort. Ce son, cette voix, tout se déversa avec fureur pour aller poignarder l'âme d'Aram avec une force qui le cloua sur place. Oh oui, au-delà même de perdre la raison en voyant cela, il aurait pu même tomber inconscient rien qu'en voyant cette scène mais quelque chose le maintenait conscient et cette chose voulait qu'il voie toute la scène du début jusqu'à la fin.
Il n'y avait aucun temps mort ! Les médecins enchaînèrent les piqures sur Hystoria sans s'émouvoir de la souffrance extrême de la blonde qui ne semblait être dans un état végétatif à présent. Aram vit des doses du liquide disparaître par dizaine, il vit même un des médecins, qui par ailleurs était une femme, gifler avec force Hystoria au point de l'assommer pour qu'elle arrête ses cris… Et il ne pouvait rien faire contre ça ! Rien ! Absolument rien ! C'était d'une horreur indescriptible et il ne pouvait pas agir ! Ses poings se serrent comme jamais mais c'était tout ce qu'il pouvait consciemment faire. Une déferlante de haine s'empara un instant de son esprit et il eut bien du mal à ne pas défaillir. Il se passa encore bien dix minutes avant que cette torture aussi bien physique pour Hystoria et mental pour Aram ne cesse. Toutefois, ce n'était pas la fin et Aram vit encore pire, si c'était possible, que de voir la fille qu'il avait connu pendant huit ans se faire torturer.
Il le vit ! Il vit la naissance de ce qu'il n'avait jamais compris auparavant ! Il vit le visage de la petite fille se tordre, se transformer, des poils apparaitre, ses yeux changer de forme… L'air se chargea d'une tension mauvaise et bientôt, la petite fille qui n'en était plus vraiment une, se stabilisa sur ses quatre pattes et releva doucement le museau avec la lenteur d'un prédateur affamé de violence et de souffrance.
Aram vit la toute première transformation d'Hystoria en loup. L'origine de la louve dorée ! Voilà ce qu'il venait de voir. Maintenant qu'il y pensait, à quand remontait la dernière fois où il l'avait vu se transformer ainsi ? Il n'en savait rien et finalement, il du se rendre à l'évidence, c'était peut-être mieux qu'il n'ai jamais vu la louve dorée en action, pas comme elle l'avait été à Aytema en tout cas… Une colère inimaginable naquit dans sa tête et cette colère était dirigé droit vers Reiyan Arlaurhys. Qu'est-ce que cet homme abject avait créé ? Comment avait-il pu déshumaniser Hystoria, juste une enfant à ce moment-là, à ce point ?
Les « médecins » s'écartèrent et disparurent dans les ténèbres en exultant, laissant Aram et la louve dorée, face à face ! Il resta statufié d'horreur. Line lui avait appris des choses au sujet d'Hystoria mais le voir ainsi n'était rien en comparaison d'une explication orale, c'était mille fois pire que ça. Aram entendit bientôt une série de phrases. D'abord incompréhensibles, elle se transformèrent en quelque chose d'écoutable… Mais ce mot n'était pas approprié. Il entendit des brimades, des insultes, des sifflements, des gémissements, des pleurs, des cris de souffrances, des rires déments, des bruits indescriptibles, des bruits secs d'os qui se brisent… Tout un panel de bruits qui n'avaient aucun rapport entre eux mais qui se referaient tous à une seule personne.
Des gouttes d'un liquide poisseux tombèrent soudain du plafond. Elles étaient rouge sang ! L'esprit d'Aram fut mis à rude épreuve et il eut une brève pensée pour sa sœur Aurore… Alors c'était ce genre de terreur viscérale qu'elle avait ressentit cette fameuse nuit précédant la nuit écarlate de leur fuite huit ans auparavant ? Cette vision qu'Aurore avait oublié sur le coup, tant le choc avait été immense ?
Aram sentit bientôt ses vêtements se recouvrir d'un carmin noirâtre et sentit également une odeur de pourriture atteindre ses narines.
Et finalement il le vit…
« Hystoria » le regardait avec des yeux améthyste à la brillance démente et destructrice, mettant à mal la santé mentale d'Aram qui ne put maintenir le contact visuel. Il vit des traces sanglantes apparaitre sur le pelage de la louve et un sourire carnassier se dessiner sur sa gueule. Il fut intimidé au premier sens du terme. Il eut même une pensée brève qui le fit douter de ses propres capacités guerrières face à ce « monstre » à la puissance quasi divine.
Un ultime regard et un ultime sourire de démence pure de la part de la louve… Voilà la dernière chose qu'il vit de cette vision. Des milliers d'échardes le transpercèrent soudain. Aram eut l'impression que son corps de brisa et finalement, dans un océan immatériel où tout se confondit, toute s'arrêta.
Plus rien, plus d'image, plus de son, plus d'odeur. Le néant
Aram nageait dans un univers blanc sans dimensions, sans haut ni bas, sans droite ni gauche.
Il n'entendit qu'une seule chose. Une phrase… une demande plutôt, prononcé avec une intonation qu'il ne connaissait que trop bien. « Elle » lui parla directement dans son esprit.
« Aram, sauve-moi ! »
OoOoO
Aram se redressa d'un bond sur son lit en inspirant de grandes bouffées d'air ! Trempé de la tête au pied, il ne réalisait pas ce qu'il venait de se produire. Pas plus que ce que cela signifiait ! Ce qui était sûr, c'est que cela ne laissait pas indifférent.
Aussi brusquement que l'instant où il avait quitté cette vision, une troupe de zora en tenue de travail débarqua dans la chambre d'Aram pour s'enquérir de l'état du prince. Avait-il crié ? Il n'en savait rien mais la présence de ces êtres du peuple aquatique n'était surement pas une visite de courtoisie… qui aurait l'idée d'ailleurs ne faire pareille chose au beau milieu de la nuit ? Cela eu au moins le mérite de confirmer quelque chose il était bien chez les Zoras, au sein de la citadelle éclatante de brillance et de sérénité et pas dans un tunnel sombre qui respirait la terreur. Et dire qu'il devrait y repasser sur le chemin du retour…
Mais inquiétude mise à part, il n'était plus en train de délirer dans un monde où il n'aurait jamais dû se trouver en temps normal. Un bon point mais c'était bien le seul.
On s'approcha de lui. Encore sonné, Aram ne comprit même pas ce que firent les cinq Zoras avec son corps. On lui souleva un bras, puis l'autre, on lui épongea le front. On lui posa des questions mais c'était à peine s'il les entendait. Aram regarda tour à tour chaque Zora avec un air vitreux, s'étonnant au passage – et enfin – qu'on puisse à ce point s'occuper de lui sans qu'il n'ai besoin de le demander.
Cela l'agaça.
Enfin de toute façon, c'était comme ça depuis son arrivé dans le domaine. Passer la surprise non feinte de revoir une personne censée être morte, passer la centaine de questions qui lui étaient tombés dessus et surtout passer les interminables sourires, d'ailleurs moins éclatants qu'avant, du prince Sidon, Aram s'était vu être chouchouté comme jamais on l'avait chouchouté et il avait trouvé ça fort désagréable.
La surprise du peuple Zora dans son ensemble était légitime mais bon sang, cela l'énervait. Il avait eu l'impression d'être une attraction à lui tout seul. Alors forcément, cela l'énerva qu'on puisse accourir à son chevet quelques secondes à peine après un brutal réveil. Mais cet énervement était bien secondaire dans la foule d'émotions et de pensées confuses qui animaient l'esprit retourné d'Aram…
Venait-il réellement d'avoir une vision ? Chose impossible normalement sans l'aide d'Aurore. Et comble de l'ironie, pour entrevoir Hystoria ? C'était carrément impossible que ce cauchemar ne soit qu'un rêve. Pas en prenant en compte l'ultime voix qu'il avait entendu.
Les oreilles d'Aram entendirent des sons et des mots qui n'eurent aucun sens pour son esprit abimé. Il sentit qu'on essayait de lui retirer sa tenue et cela le braqua immédiatement. Il repensa sans trop savoir pourquoi aux médecins qui avaient torturés Hystoria dans sa vision et il eut soudain peur qu'on lui fasse subir la même chose. Reflexe de défense, Aram tendit son bras droit vers une table de chevet en marbre blanc mais on agrippa son poignet alors que ses doigts étaient tout proche d'effleurer la poignée de sa première épée noire. Quatre autres paires de mains se posèrent alors sur son autre bras et sur ses jambes. En réponse à ces gestes de prime abord censés assurer sa sécurité, Aram le prit comme une agression. Ses sens se confondirent entre rêve et réalité et les images réapparurent dans son esprit. Impossible dès alors de distinguer le réel de l'irréel.
Il était épuisé. Complètement à bout ! Dépourvu de sa force habituelle, Aram ne put atteindre la poignée de sa lame malgré ses efforts et fut contraint de laisser tomber. La panique s'empara de lui ! À présent, il ne voyait plus ce peuple fier, maître des courts d'eau et des océans, il ne voyait même plus la chambre apaisante aux teintes marines dans laquelle il était depuis de nombreuses heures.
Il ne voyait plus rien de tout cela.
Parce qu'à présent, il se vit à la place d'Hystoria, attaché à une chaise bancale, face à plusieurs individus au regard dangereux. Tout se bouscula dans sa tête, ses pupilles se dilatèrent dans la seconde et un tremblement parcouru son corps lorsqu'il vit les mêmes objets qu'on avait planté dans la chaire d'Hystoria quelques minutes avant.
Il sentit son esprit partir, horrifié comme jamais il ne l'avait encore été et…
- QU'EST-CE QUE VOUS FAITES ENFIN ! LACHEZ MON FILS IMMEDIATEMENT !
La pièce sinistre disparut de son champ de vision, tout comme les hommes et femmes en blouse blanche. La peur qui l'avait pris en étau s'évapora d'elle-même et une douceur calma ses sens sans dessus dessous.
Aram vit ensuite, sans réellement le voir, les Zoras s'écarter vivement à cet ordre clamé avec une puissance capable de stopper le temps… Un des Zoras protesta vivement mais lorsqu'il aperçu Sidon dans le dos de la personne qui avait imposé son autorité, il se calma.
La tension retomba et Aram eut le temps de voir brièvement Sidon ordonner à ses subalternes de sortir de la pièce.
Le flou de ses yeux se dispersa et Aram vit nettement qui lui faisait face.
Une immense vague de nostalgie le traversa avant de laisser place à une stupéfaction qui se changea tout de suite après en une émotion vive qu'il ne comprit qu'à l'instant où deux bras passèrent dans son dos et qu'il sentit sa tête se poser contre quelque chose de doux et de chaud. Une odeur qu'il reconnut tout de suite alla lui chatouiller les narines.
Il n'avait plus rien à craindre !
D'instinct, Aram sentit ses bras libres partir en avant et se poser contre le dos de la personne qui venait de l'enlacer. Il sentit au touché que ce n'était pas des vêtements mais plutôt des bandages mais il n'y accorda pas d'importance. Aram était bien trop chamboulé pour se rendre compte de l'état dans lequel était sa mère. Les sentiments qui fusèrent étaient bien trop indescriptibles.
Mais il n'eut aucun mal à reconnaître la femme qui le tenait fermement contre elle en sanglotant.
- Oh mon dieu ! Aram… Par quel miracle… enfin je… Par Hylia… mon fils ! Fit tendrement Zelda en pleurant.
Toute trace de négativité, de colère, de peur, de tension… tout avait disparu au plus loin possible. Aram se sentit étrangement serein et lorsqu'il sentit sa tête se décoller du torse de sa mère, il sut que quelque chose d'important venait de se soigner en lui. Une fissure venait de se refermer, le trou venait d'être bouché et le manque venait de se combler. Il venait de s'en rendre compte que maintenant. Son esprit était beaucoup trop retourné pour capter toute la portée de cette intervention et de cette coïncidence parfaite qui les faisait se réunir lui et sa mère pour la première fois depuis plus de huit ans.
Mais son subconscient lui, répondit avec une envie refoulé depuis trop de lune.
Zelda attrapa la tête de son fils, caressa son visage et lui rendit un sourire bienveillant armé de toute la douceur maternelle dont elle était capable.
Il vit un visage souriant de bonheur malgré les nombreuses marques et blessures inscrit dessus. Aram ne répondit qu'un seul mot avant de fondre en larme pour de vrai et tomber dans les bras de sa mère pour la première fois depuis des années. Il n'essaya même pas de cacher les apparences. Quelle importance après-tout ? Il se rendit compte à présent à quel point son âme avait souffert de l'absence de sa mère durant toutes ses années. À quel point il avait été dans le déni le plus total lorsqu'il avait affirmé à Riju que « ça allait ». C'était faux !
Les émotions étaient vives des deux côtés mais Aram, mentalement déjà affaibli ne résista pas à cet assaut d'amour et de tendresse. Il s'endormit presque aussitôt contre Zelda, un large sourire aux lèvres, non sans avoir prononcé un seul et unique mot :
« Maman »
