Hello !

Alpo : Eh oui, on aborde un nouveau mystère mais qui devrait venir éclairer les plus anciens mystères à termes ! Merci de continuer à me lire :)

Poussin18 : Je te remercie beaucoup, eh bien voilà la fameuse suite ;)

WhiteAir : Mystère, mystère... Les réponses vont venir, doucement mais sûrement ;)

Lucie : Oh, je suis ravie et toujours si impressionnée qu'on puisse littéralement dévorer mes mots aussi rapidement ! Je suis vraiment contente que l'histoire que j'ai créé te plaise, tes compliments m'encouragent beaucoup pour la suite, alors merci d'avoir pris le temps de me laisser ce petit commentaire !

Bonne lecture à toutes et tous !


26. Les fantômes du passé

Les nuits que j'ai passées après ma rencontre avec l'étrangère ont été agitées. Les questions qu'elle a ramenées avec elle ont provoqué beaucoup de remue-ménage dans mon esprit. Et même quand Embry est à mes côtés, je ne parviens pas à tenir les cauchemars à distance.

Au réveil, je ne me rappelle de rien de spécifique, si ce n'est des émotions ressenties. La peur et le désarroi, surtout. La colère et la haine, parfois. Et plus rarement, je perçois également un arrière-goût à peine perceptible de bonheur et de joie. Mais souvent, trop souvent, cet arrière goût agréable est totalement gâché par les émotions négatives.

J'ai vite compris de quoi ces cauchemars devaient retourner, sûrement des traces de très lointains souvenirs que je ne suis plus en capacité de me remémorer.

Embry s'inquiète beaucoup de me voir chaque fois me réveiller en sursaut, paniquée. Il aimerait pouvoir m'aider mais même ses bras autour de moi ne parviennent pas à faire reculer les cauchemars. Parce que ces cauchemars, ils existent au fin fond de mon esprit. Ils font partie de moi et rien ne peut les dissiper. Rien à part peut-être des réponses sur mon existence. Des réponses qui me hantent et qu'on refuse de me confier.

Alors, bien souvent, comme maintenant, je suis envahie par la colère, cette émotion destructrice que je hais ressentir, celle qui nous rend capable du pire. C'est à cause de cette colère que j'ai décidé d'aller me promener sur les sentiers de la réserve quileute que j'aime arpenter pour me ressourcer l'esprit et m'apaiser.

C'est alors que mes pensées sont à des années lumières de la réalité que quelqu'un m'interpelle.

— Décidément, tu ne me suivrais pas toi ? C'est Seth qui te fournit mon emploi du temps heure par heure ?

Cette voix massacrante d'ironie, c'est celle de Leah. Dans un sursaut, je me retourne et la découvre derrière moi, une ombre de sourire à la commissure qu'elle ne tarde pas à faire disparaître.

— Je t'assure que je n'avais aucune idée que tu te trouverais là, objecté-je. Ça devient une habitude pour nous de nous rencontrer ici, il semblerait.

— Les terres quileutes sont mes terres, tu sais. Techniquement, tu es chez moi.

— Mais les terres quileutes sont aussi plus larges que cet unique sentier. Crois-moi, c'est un hasard. J'avais plutôt escompté être seule, sans vouloir t'offenser.

— Oh mais tu ne m'offenses pas, moi aussi je souhaitais être seule avant de te découvrir là.

— Mais c'est toi qui as engagé la conversation alors que je ne t'avais pas vue. Tu aurais pu simplement faire demi-tour et ne pas te manifester. Pourquoi ça, Leah ?

Je sais que j'ai tapé juste en constatant le froncement de sourcils de la quileute. Elle ne s'attendait manifestement pas à cette question et elle se retrouve bien embêtée. Avant qu'elle ne trouve à répliquer, je reprends :

— Peut-être n'es-tu pas aussi insensible que tu le prétends ?

Je sais que je m'engage sur un terrain miné mais je ne cherche pas à épargner les sentiments de Leah. Je crois que nous sommes au-delà de ça, nous deux.

— Je ne sais pas ce que tu cherches à me faire dire, mais je ne souhaite toujours pas que nous soyons amies.

— Je ne cherche pas à te faire dire quoi que ce soit. Je trouve juste curieux que tu n'ais pas d'instinct chercher à m'éviter tant que c'était encore possible. C'est ce que tu avais tendance à faire, avant.

— C'est ce que j'aurais effectivement du faire, grogne-t-elle. Si seulement j'avais su que tu serais aussi agaçante !

— Je ne te retiens pas, Leah, tu sais ? Pourquoi es-tu encore là ?

La louve me fusille du regard et parait prête à tourner les talons. Néanmoins, je l'arrête.

— Non, Leah. Reste, s'il te plait.

Elle hausse un sourcil, désormais moqueuse parce que je me suis abaissée à lui demander de ne pas s'en aller, juste après lui avoir implicitement dit de faire toute le contraire.

— Tu es très contradictoire aujourd'hui, remarque-t-elle.

— Ta volonté de me fuir à tout prix me rend perplexe. J'essaie juste de te faire réagir, tu sais ? Je m'y prends sûrement très mal.

— Alors c'est ça que tu essaies de faire ?

Je hausse les épaules.

— Tu sais, tu n'as aucunes obligations vis-à-vis de Seth, me fait-elle remarquer.

— Ce n'est pas pour Seth que je le fais.

— Ah oui ? Pour qui alors ?

— Pour toi. Je veux t'aider.

— Je ne veux pas être aidée. Je ne peux même pas être aidée d'ailleurs. Et ne te mens pas à toi-même, Aina. Tu ne fais pas ça pour moi, tu fais ça pour toi.

— Pour moi ?

— Tu veux faire une bonne action, aider la pauvre louve solitaire.

— Il ne s'agit pas de ça. Tu te trompes.

— Eh bien quoi alors ?

— Je me dis que si je ne peux pas résoudre mes problèmes, alors peut-être que je peux aider à résoudre les tiens. Tu as sûrement raison, c'est certainement un peu pour moi aussi que je le fais. Mais il ne s'agit pas d'avoir pitié de toi, ou bien ça voudrait dire que j'ai pitié de moi-même et ce n'est pas le cas. Je me retrouve en toi, quand bien même tu refuses d'être associée à moi. Nos situations sont différentes, oui. Radicalement. Mais nous nous ressemblons plus que tu ne veux bien le croire. Alors si je peux t'aider, ce sera un peu comme m'aider moi même.

Comme malgré elle, Leah lâche un rire un peu dédaigneux.

— Je suis désolée pour toi mais mes problèmes sont sûrement aussi insolubles que les tiens. Peut-être est-ce là notre point commun : nos situations inextricables.

— Je suis sûre que non. Je suis sûre qu'il existe des solutions, pour toi comme pour moi. La mienne consiste apparemment à attendre l'apparition d'une vieille femme étrange qui a manifestement des réponses à mon sujet. Quelle est la tienne ?

— Je n'en vois aucune, réplique Leah. Peut-être qu'attendre la vieille folle n'est pas si compliqué que ça finalement. J'aimerais bien pouvoir juste attendre une vieille folle, moi aussi.

Malgré moi, j'éclate de rire à la mention de « vieille folle ». La situation semble si incongrue dans la bouche de la quileute. Même Leah concède un petit sourire du bord des commissures.

— Je ne sais pas tout de ta situation, Leah, finis-je par reprendre avec plus de sérieux. Je sais aussi que tu ne veux pas t'en confier auprès de moi, et très bien, il n'y a pas de problèmes. D'accord, ne soyons pas amies. Ce n'est pas grave. Mais tu dois faire quelque chose : avancer, prendre ta vie en main et la modeler de la façon dont tu veux qu'elle soit. Sois heureuse, Leah. De la façon dont tu le veux, seule ou accompagnée, mais sois heureuse. Ne reste pas ainsi bloquée dans une situation qui te semble inextricable. Elle ne l'est pas. Je suis sûre que tu peux t'en extirper.

— C'est plus facile à dire qu'à faire.

— Je le sais parfaitement bien. Mais, Leah, ce n'est qu'une idée, une hypothèse à partir de pas grand-chose, mais ne serais-tu pas plus heureuse si tu t'éloignais un peu de la réserve ?

L'idée m'est venue de nulle part et je regrette presque instantanément de l'avoir proposée. La fuite est-elle la seule solution pour Leah ? Fuir ses terres d'origine, comme je l'ai fait fort longtemps auparavant ?

— Je ne peux pas, rétorque-t-elle amèrement. Ce n'est pas une question de volonté, je ne peux vraiment pas le faire. J'ai encore trop de difficultés de caractère. Je ne sais toujours pas contrôler ma colère. Je suis bloquée ici tant que je n'ai pas travaillé là-dessus. Et j'ai beau y travailler, rien ne change.

— C'est la réalité ou c'est une excuse ? C'est une vraie question que je te pose, parce que je ne suis pas en mesure de comprendre l'intensité des émotions qui vous traversent, vous les loups, ces humeurs et ces colères incontrôlables.

— Je n'en sais rien, concède-t-elle sans se braquer. Je crois que c'est la réalité.

— Mais c'est en partie cet endroit et les souvenirs qui y sont rattachés qui provoquent toute cette colère en toi, non ? Si tu t'éloignais un instant, n'y aurait-il pas des chances pour que tout aille mieux ?

Elle hausse les épaules, l'air indifférente, mais je vois que mes paroles la font réfléchir. Peut-être n'ai-je après tout pas tout à fait tort. Peut-être que la solution à tous ses problèmes est effectivement de prendre un peu de distance avec les fantômes du passé ? Peut-être n'est-ce pas vraiment une fuite, dans le fond. La situation est après tout bien différente de celle que j'ai vécue au moment de quitter mes terres féroïennes.

— Et où je pourrais bien partir, toi qui a réponse à tout ? me demande-t-elle ensuite.

— Où tu veux !

— La vie n'est pas si simple. On ne va pas simplement où on veut. Il faut de l'argent pour ça.

Son argument irréfutable vient balayer ma proposition idyllique. Leah a parfaitement raison. Avec mon mode de vie si particulier, j'ai tendance à oublier la réalité. Si je n'avais pas toutes ces économies de côté que j'ai accumulées au fil des années, je ne serais pas en mesure de voyager au fil de mes envies. Leah est bien plus jeune que moi et n'a pas encore cette chance.

— Je ne dis pas que tout est simple, finis-je par reprendre. Tu as raison, rien ne l'est. Peut-être que c'est de très mauvais conseils que je te donne. Je n'ai pas la science infuse. Mais dans la vie, prendre quelques risques peut parfois payer. Partir sans savoir ce qui nous attend au bout : tu sais que beaucoup de personnes font ce choix ? Parfois, ça paye. Parfois, ça ne paye pas.

— Je suis trop instable pour partir loin de La Push.

Intérieurement, je soupire. Peut-être que Leah a raison et que je lui propose des solutions inadaptées. Mais dans ce cas, quelle autre possibilité existe-t-il ?

— Je te l'avais bien dis, remarque Leah à mon silence, il n'y a pas de solutions à mes problèmes. C'est comme ça.

La quileute parait plus résignée que je ne l'ai jamais vue, elle qui se cache habituellement devant un sarcasme à toute épreuve.

Même si je n'ai pas su lui apporter de bonnes solutions, j'ai l'impression que nous avons avancé, elle et moi. De façon presque infime, j'ai l'impression que la louve s'est ouverte à moi. Et ça me fait tellement plaisir !

— Dis, pourquoi tu voulais être seule ? demande soudain Leah.

Sa question me laisse pantoise. Dans sa façon de la poser, j'ai presque l'impression qu'elle se soucie sincèrement de moi. Aurait-elle vraiment brisé la carapace ? Combien de temps cela durera-t-il ?

— J'essaie d'échapper aux cauchemars qui me hantent la nuit.

Elle ne m'en demande pas plus sur ces fameux cauchemars. Je suis certaine qu'elle sait déjà tout. Pour peu qu'Embry y ait songé sous sa forme de loup, les autres ont pu sans mal prendre connaissance de mes désagréments nocturnes. Ce qui me fait penser qu'ils ont pu voir plus de choses encore, mais je m'efforce de ne pas trop y songer.

— Et tu crois vraiment que la solitude est la solution ?

— Toi, tu crois qu'elle l'est ?

— On ne parlait pas de moi, là, rétorque-t-elle.

— Je ne crois pas qu'elle soit la solution, non, mais l'air de l'océan peut aider, lui. J'aime bien cet endroit. Il m'apaise.

— Moi aussi, la plupart du temps, avoue-t-elle.

Je l'observe étrangement suite à son aveu et je constate qu'elle se renfrogne sous mon examen approfondi, comme si elle regrettait de s'être laissé aller à la confidence.

— Peut-être qu'au lieu d'essayer d'échapper aux cauchemars, tu devrais les affronter, finit par déclarer Leah en haussant les épaules.

— Les affronter ? relevé-je. Si seulement je pouvais. On parle là de souvenirs que j'ai oublié, que je suis incapable de me remémorer clairement. Et pourtant, d'une certaine façon, ils sont encore là à me torturer. J'ai l'impression que les réponses de la vieille folle, comme tu l'as appelée, sont vraiment les seules qui pourraient vraiment m'apaiser. Tout a commencé après que je l'ai rencontrée, après tout.

— Eh bien j'espère que tu la reverras bientôt, alors.

— Je l'espère également.

— Bon, je te laisse à ta solitude alors.

— D'accord. Merci pour la discussion Leah. Ce n'était pas si mal de rompre la solitude pendant un moment.

— Ouais, pas si mal, répète-t-elle avant de tourner les talons et de s'éloigner.

Après son départ, un sourire flotte sur mes lèvres. Bien qu'elle ne l'admettra pas à voix haute, Leah s'est ouverte à moi aujourd'hui, plus que jamais auparavant. Si je ne sais toujours pas si elle et moi pourront devenir amies un jour, je suis heureuse d'avoir pu gagner un peu de sa confiance.

De plus, la louve m'a donné matière à réflexion. Et si j'affrontais vraiment les fantômes de mon passé qui hantent mes nuits ? Serait-ce plus bénéfique que contre-productif ? Mais comment les exorciser ? Je les fais déjà revivre en lisant mes carnets…

Et alors, la solution me vient. Ces fantômes du passé, ces douleurs enfouies, je les garde pour moi depuis toujours. Et si partager leur poids soulageait la déchirure qui existe au plus profond de moi ? Partager mon passé avec quiconque n'a jamais été une option auparavant mais… avec Embry ? Ne serait-ce pas envisageable ?

Tandis que je reprends ma marche sur le sentier qui borde l'océan, je considère cette possibilité, de plus en plus persuadée qu'elle est là ma solution pour apaiser les fantômes qui me torturent.

Mais en imposer le poids à Embry est-il juste ? Même en lui offrant le choix, je sais d'ores et déjà qu'il dira oui. Jamais Embry ne refusera de faire quelque chose qui pourrait m'aider. Mais lui révéler mon passé, mes secrets, mes douleurs, mes déchirures : cela ne va-t-il pas changer la perception qu'il a de moi ?

Ce que je redoute en réalité, c'est qu'il me voit différemment, qu'il me voit comme une victime à cause des épreuves atroces que j'ai du affronter. Or ces épreuves font partie de moi, elles font qui je suis aujourd'hui, et je ne veux pas qu'Embry me voit différemment.

Pourtant, n'est-ce pas inévitable ? En lui révélant mon passé, je lui révélerais tout un pan de ma vie dont il ne sait encore rien. Il me verra forcément un peu différemment. Mais cessera-t-il pour autant de m'aimer de la même façon ?

A cette dernière question, j'ai déjà la réponse.