Waaaah, désolée, je poste un peu tard ce soir ! Merci tout le monde d'avoir pris le temps de lire et commenter les chapitres précédents !

Pour l'anecdote, ce chapitre contient la toute première scène que j'ai écrite pour ACAT !


Chapitre 40

Son index droit effleura le bouton d'extinction de son écran d'ordinateur alors qu'il se perdait un instant dans ses pensées, caressant les aspérités créées par le symbole. Finalement, il l'enclencha en secouant la tête, ses yeux se dirigeant vers l'open-space déserté par l'unité de Yahiko, partie en entraînement.

Il espérait de toutes ses forces que Kakashi serait en mesure de prolonger la piste qu'ils avaient. C'était maigre, mais il était nécessaire que ça débouche sur quelque chose. Quand ils auraient les vidéos, ils pourraient lancer discrètement le logiciel de reconnaissance faciale pour savoir s'il n'y avait pas un des spectateurs déjà connu de leurs services, de préférence pour violence, pria-t-il doucement.

Il resta un long moment plongé dans ses pensées, les yeux fixés sur la photo qui avait remplacé l'image de son bonheur marital dans le cadre sur son bureau. C'était une photo qu'il avait prise avec son téléphone un jour où Itachi et Mikan s'étaient endormis dans les bras l'un de l'autre, sur le canapé. Sa fille était si jolie, dessus, et son colocataire absolument attendrissant. Quand il avait fallu porter son choix sur une nouvelle image, il n'avait pas eu à longuement faire le tour de ses photos pour sélectionner celle-ci.

Quand il soupira finalement, ce fut pour reculer son fauteuil, saisissant des dossiers qu'il devait déposer au commissaire au passage. Il se dirigea vers son portemanteau pour récupérer sa veste et l'enfiler, tâtant les poches pour vérifier qu'il avait bien ses clés de voiture, avant de se souvenir qu'il était venu en tramway, comme tous les jours depuis le mois d'août.

Se traitant d'abruti à voix basse, il ferma la porte de son bureau, le verrouillant derrière lui. Traversant le commissariat, il s'arrêta devant la porte du bureau de son supérieur, où il frappa trois coups rapides, et il l'ouvrit quand il reçut le signal.

— Ah, Uzumaki, salua Hanzô, vous partez déjà ?

Il hocha la tête sèchement, esquissant un demi-sourire avenant.

— Oui, chef. J'ai pointé tôt, les ressources humaines vont encore m'engueuler si je fais trop d'heures.

Le commissaire approuva doucement, récupérant les dossiers que lui tendait Nagato.

Lui aussi disputait ses hommes qui passaient trop de temps au bureau. Ils avaient suffisamment d'effectifs pour ne pas être obligés d'abuser des heures supplémentaires.

Il avait le souvenir de plusieurs fois où ni Uzumaki ni Nakamura n'étaient rentrés chez eux pendant quelques jours, restant sur place, dormant par alternance dans les vestiaires pour plancher sur le gros dossier, une dizaine d'années auparavant. Il soupira finalement et leva les yeux sur son homme.

— C'est quoi, l'embrouille avec Nakamura ? demanda-t-il. Je ne suis pas stupide, j'ai remarqué que vous n'étiez plus en bons termes.

Nagato hésita puis soupira.

— Rien qui ne concerne le travail et ça n'a aucune incidence sur nos collaborations, précisa-t-il. Une divergence d'opinions fatale à notre amitié.

Hanzô laissa un rire lui échapper.

— Il a dit mot pour mot la même chose, s'amusa-t-il. Bien je ne m'en mêle pas, alors. Continuez comme ça, Uzumaki, vous faites du bon boulot. Encore un peu et les rumeurs de montée en grade seront un peu plus que de simples rumeurs.

— Bien, chef.

Il sortit en saluant son supérieur et se dépêcha de redescendre pour quitter le commissariat.

Consultant sa montre, il pressa le pas. Normalement, il devrait pouvoir atteindre Akatsuki Productions largement avant qu'Itachi ne sortît.


Posté comme à son habitude à un coin où il pouvait guetter les deux entrées d'Akatsuki Productions, mais plutôt retranché vers celle de l'arrière, de laquelle Itachi sortait rarement, Nagato surveillait avec attention les allers-retours, dissimulé dans un endroit sombre.

L'avance laquelle il était arrivé lui avait permis de voir trois hommes passablement ivres s'approcher de la porte principale. Ils avaient attiré son regard à force de parler de leurs voix sonores. Ils étaient baraqués et ivres, mais là s'arrêtait la menace qu'ils représentaient. Il les observa essayer d'entrer par la porte avant, puis les vit contourner le bâtiment.

Fronçant les sourcils, il sortit de son ombre pour les suivre, restant au maximum à couvert, prenant garde que le son de ses pas ne s'entendît pas. Il emprunta la ruelle à leur suite et se dissimula, les écoutant parler.

— Si on peut pas rentrer par devant, on passera par derrière, s'exclama le plus grand des trois. Une boîte de porno devrait laisser entrer les bénévoles comme nous, hahahaha.

L'inspecteur eut une moue écœurée alors qu'il roulait des yeux. De toute façon, il n'y avait que peu de risque qu'Itachi ou quiconque empruntât cette sortie. Depuis le temps qu'il prenait son colocataire en filature, il ne l'avait vu passer par là qu'une seule fois, alors qu'il était en retard pour un rendez-vous au laboratoire d'analyses médicales.

— Hé, mais tu serais pas le mec en couv' de Porn Mag, toi ?

Nagato se figea, se tournant légèrement vers les trois hommes pour les considérer, évaluer leur carrure et la stratégie qu'il pouvait mettre en place si ça se gâtait. Tout d'abord, il fallait attirer l'attention vers lui, les faire pivoter tous les trois dans sa direction, et frapper le plus costaud d'un coup net et efficace qui permettrait de l'étaler au sol pour qu'il ne se relève plus. Ensuite, celui de droite, puis celui de gauche. Gestes et attaques rapides, précis et sans finesse – ne pas tuer, il n'attaquerait pas pour tuer.

Silencieusement il s'avança un peu plus près, toujours dissimulé dans l'ombre.

— Que puis-je pour vous, messieurs ?

Évidemment, pesta intérieurement Nagato, évidemment que c'était Itachi. Il n'entendit qu'à peine les menaces, les laissa faire un pas pour avoir la bonne allonge puis il les interpela, veillant à maintenir une distance correcte entre eux :

— Bonsoir, lança-t-il, pardonnez-moi de vous déranger… Puis-je vous interrompre une seconde ?

Les trois hommes se tournèrent vers lui, d'un bloc, celui du milieu s'avançant d'un pas. Derrière eux, Nagato perçut vaguement Itachi qui fronçait les sourcils en reconnaissant sa voix, tâtant ses poches à la recherche de ses lunettes pour les rechausser et s'assurer que c'était bien lui.

— Qu'est-ce que tu veux ?

Sans perdre une seconde, sans laisser à ses trois opposants le temps de réaliser ce qui était en train de se passer, Nagato serra le poing et l'envoya directement et rapidement sur la mâchoire de celui qui lui faisait face.

Sonné, l'homme s'effondra à terre et le policier se tourna en direction de celui de droite, qui arborait une petite moustache ridicule sur son visage déformé par l'incompréhension et la rage.

Une forte odeur d'alcool émanait des deux agresseurs encore debout. Roulant des yeux avec dépit, Nagato pivota vers la droite, élançant son pied qui vint saisir les parties génitales de son opposant. Il retint de justesse deux gestes : le premier visant les pupilles, le second conduisant à briser le nez, enfoncer les os dans le cerveau, un mouvement destiné à tuer. À la place, il se contenta de casser l'os, provoquant une douleur aveuglante à Moustache qui porta ses mains à son visage en étouffant des insultes.

Le policier continua ses gestes, tira sur la ceinture, tacla les jambes. Le mouvement de bascule l'incita à mettre le genou au sol pour s'assurer que le civil ivre ne s'explosât pas le crâne sur le béton.

La position n'était pas pratique, remarqua Itachi en retenant son souffle. Il était presque revenu de la surprise qu'il avait eue quand Nagato s'était interposé entre ses agresseurs et lui, presque remis de l'adresse avec laquelle il avait étalé au sol deux des hommes sans paraître s'inquiéter un seul instant. Pourtant, le dernier, avec ses inénarrables bretelles, semblait bien décidé à profiter de l'occasion.

Le policier lui jeta un regard alors qu'il balançait son pied, réceptionna la jambe et se releva sans la lâcher, il poussa, un claquement écœurant résonna dans l'allée. Nagato balaya l'autre appui du type qui tomba au sol, haletant de douleur, une hanche démise.

Quand Bretelles s'effondra, Nagato tourna ses yeux vers Itachi, le scrutant pour s'assurer qu'il allait bien alors qu'il s'écartait de la porte où il était adossé. Il avait l'air d'avoir le teint blême, mais il n'était pas blessé.

Un discret soupir de soulagement lui échappa. C'était déjà ça, même si, considérant ses paupières écarquillées et son air halluciné, une discussion s'imposait.

Il pensa un quart de seconde à ce qu'il allait bien pouvoir dire, mais il ne put pas s'avancer plus dans sa réflexion : Armoire à Glace semblait émerger de son inconscience, toujours soûl, mais paraissant plus alerte et plus agacé.

L'homme tituba légèrement quand il se releva et son pied buta sur un de ses amis, étalé au sol, pratiquant l'art subtil de la sieste tactique. Un éclat de colère passa sur son visage et il tira un couteau de sa veste.

D'instinct, Nagato recula, modifia ses appuis et focalisa son attention sur son opposant, lâchant finalement Itachi. Son expression se durcit considérablement.

Armoire à Glace saisit l'arme en pic à glace, incitant à encore plus de prudence. Nagato analysa sa posture, ses pieds, le poids dans les jambes, la position des bras. Il souffla doucement. L'homme s'élança en avant, couteau brandi. Le policier n'eut que quelques gestes à faire pour esquiver le coup, saisir le poignet et prolonger le mouvement qui, avec la vitesse et la force qu'y avait mis Armoire à Glace, termina sa course dans la cuisse de l'assaillant qui hurla de douleur, tombant à terre, son arme plantée dans la jambe.

Avec un sourire satisfait – c'était chaud à placer en situation réelle, ce mouvement –, Nagato s'approcha et lui asséna un coup de talon qui acheva de l'assommer, avant de faire signe à Itachi :

— Viens ici, dépêche-toi ! siffla-t-il.

L'acteur s'empressa d'obéir, traversant la petite place à présent recouverte de personnes inconscientes et Nagato le saisit par la main pour forcer l'allure et quitter la ruelle le plus vite possible. Il ne le lâcha pas, alors même qu'il tâtait ses poches à la recherche de son téléphone.

— Tu y es allé fort, s'inquiéta Itachi en tournant la tête vers la ruelle qu'ils venaient de quitter.

— Tu plaisantes ou quoi ? Si j'y étais allé fort, ils seraient morts, siffla Nagato avant de replacer son téléphone sur son oreille. C'est moi, tu peux envoyer une patrouille médicalisée à Akatsuki Productions, l'entrée secondaire, au fond de la ruelle ? Trois blessés, deux légers – inconscients –, un grave, hémorragie externe importante, il s'est blessé avec son propre couteau, le maladroit. Quelques fractures et contusions diverses. Merci, je te revaudrai ça.

Il raccrocha et Itachi déroba sa main à l'emprise de la poigne de Nagato, lui jetant un regard de travers. Ils marchèrent rapidement et en silence jusqu'à leur appartement.


La sensation glacée d'un courant d'air sur sa nuque réveilla un frisson qui glissa le long de son échine alors qu'il se laissait aller dans le canapé. Sa main droite était encore légèrement douloureuse des coups qu'il avait portés.

Les paupières closes, il se permit quelques secondes pour réfléchir. Si ces trois-là avaient été rudement calmés par son intervention, il avait la conviction qu'aucun d'eux n'était à l'origine des menaces reçues par son colocataire : ils avaient agi par impulsion, probablement aussi ivres que stupides, ce n'était en rien comme les messages violents de ces lettres.

Même si un certain empressement se faisait sentir dans les dernières missives, l'homme visait particulièrement Itachi – non, l'homme visait Tsuki, il connaissait sa filmographie en détail si on en croyait Kakashi – et les trois de ce soir ne le connaissaient pas particulièrement, hormis une couverture de magazine. Cette histoire était loin d'être achevée.

Malheureusement, tout ce qu'il pouvait faire à ce propos était attendre des nouvelles de Kakashi.

Nagato sursauta quand une main se posa sur la sienne et il ouvrit les paupières, se détendant lorsqu'il put distinguer les traits de son colocataire, noyés dans la pénombre. Il laissa les yeux baignés de lueurs lunaires le dévisager, abandonnant sa main au contrôle d'Itachi, qui l'examina, attrapant une trousse à pharmacie, contemplant les écorchures, un air penaud sur le visage.

— Tu te bats drôlement bien pour un comptable, chuchota l'acteur.

Nagato esquissa un sourire en fermant de nouveau les yeux, laissant un frémissement le parcourir.

— D'accord, je vais répondre à tes questions, céda-t-il sans lutter.

Il laissa passer un silence et tendit un regard fatigué à Itachi.

— En échange, tu répondras aux miennes.

Itachi considéra l'option un instant puis hocha la tête en observant les rougeurs sur la main de son ami.

— Ça me convient. Ta façon de te battre, ton arme. Yahiko te craint… Je sais reconnaître la peur quand je la vois sur un visage et il est terrifié depuis ton divorce, la façon qu'il a eue de reculer, c'était très significatif. Tu n'es pas vraiment de la brigade financière, n'est-ce pas ?

Nagato soupira, s'agita un peu sur le canapé. Itachi s'assit près de lui pour examiner la blessure avec plus d'attention.

— Si, répondit Nagato. Mais ce n'est pas l'unité qui réunit les comptables de la police. C'est une unité d'inspecteurs spécialisés dans les crimes et délits financiers et économiques. Je passe bien mes journées à analyser des mouvements de fonds et à les éplucher jusqu'au plus petit centime.

Il prit une pause.

— Mais… je n'ai pas fait toute ma carrière dans ce service, je n'y suis que depuis sept ans.

Itachi fronça les sourcils et Nagato tourna la tête vers lui.

— J'ai fait douze années de service dans les forces spéciales, avant.

Un jappement incrédule échappa à l'acteur et il pivota légèrement vers son colocataire.

— Et c'est moi que tu blâmais de faire des cachoteries ?

— Ça me paraît mérité, sourit Nagato. J'étais dans la brigade de lutte contre le grand-banditisme, précisa-t-il en anticipant la question.

— C'est pour ça que tu cherchais un appartement hyper sécurisé ? Tu as des ennemis dans la mafia ?

Nagato esquissa un sourire douloureux qui mit en relief les légères rides au coin de ses yeux et son attention se perdit sur la table basse.

— Autrefois, j'aurais adoré te dire que la pègre me craint, mais… Je n'étais au mieux qu'une distraction pour eux. Un jour, j'ai fini par comprendre que pour ces gens, moi ou un autre, ça ne faisait aucune différence et en fin de compte, peut-être valait-il mieux que ce soit un autre.

— Que s'est-il passé ?

Nagato haussa les épaules.

— Un jour, tu m'as demandé comment on faisait pour s'en sortir après un échec, tu te souviens ?

Itachi hocha la tête, le cœur battant, pendu à ses lèvres.

— Eh bien, voilà, j'ai perdu quelqu'un qui m'était cher. J'ai commis une erreur et ça lui a coûté la vie. Peu de temps après, Konan est tombée enceinte et j'ai réalisé, à ce moment, que des flics bouffis de zèle, il y en avait plein, mais que cette enfant n'aurait jamais qu'un seul père et que c'était moi. J'ai demandé ma mutation dans un service plus tranquille pour pouvoir élever ma fille.

Il soupira, affronta le regard scrutateur d'Itachi.

— Je ne cherchais pas spécialement un appartement sécurisé, je me suis laissé entraîner par l'agent immobilier. J'avais eu une mauvaise journée, entre la séparation avec Konan et la difficulté à trouver un logement décent… Je suis passé dans le quartier parce que c'était plus court pour rentrer chez Zetsu et une annonce a attiré mon attention sur la devanture de Kagemane Immobilier, puis Naruto Uzumaki a décidé qu'il ne me laisserait pas repartir sans un sourire.

Un silence s'installa entre eux, plein d'angoisse pour Nagato, profondément pensif pour Itachi qui finit par pincer les lèvres et dévisager son colocataire. Finalement, le policier secoua la tête.

— Je suis une machine à tuer. Ces hommes ne se rendront probablement jamais compte à quel point ils sont passés proches de la mort.

Le demi-rictus de Nagato inscrivit une surprise certaine sur les prunelles d'Itachi, mais moins que la suite de sa phrase. Il tendit le bras pour saisir les doigts d'Itachi et les serrer, plongeant son regard violet dans celui d'Itachi, un peu brouillé par les reflets de la lune sur les verres de ses lunettes.

— Je ne laisserai personne te blesser ou menacer de te blesser sans réagir. Mais pour ça, il faut que tu me parles et que tu me dises les choses. Qu'est-ce que tu me caches de plus ?

Itachi soupira et arracha ses rétines au visage de son colocataire pour les porter sur la terrasse, ses doigts se contractant sur la main qui tenait la sienne. Le vent qui se levait agitait les ombres de la terrasse, faisant danser les taches argentées qui parsemaient le sol du salon.

Le jeune acteur posa ses pieds sur le rebord de la table basse, bougeant légèrement, laissant sa tête se couler contre l'épaule de Nagato. Il joua avec la main gauche de son colocataire un long moment, percevant les cals, la force dans cette poigne. Il en effleura les contours, se demandant si elle serait aussi à l'aise à enserrer son sexe que la crosse de son arme, si elle donnait du plaisir avec autant de détermination qu'elle dispensait la mort, imaginant l'adresse de l'homme au tir, l'assise inébranlable des jambes puissantes qu'il devinait cachées sous ce pantalon, les nerfs d'acier sous les aspects de papa fatigué. La respiration calme et profonde, la tête qui tourne pour l'observer.

Soudainement, Itachi eut envie de tout lui dire, de lui faire confiance, il écarta légèrement les jambes pour se mettre à l'aise puis il soupira.

— Tu connais les Sharingan Industries ?

— Oui, murmura Nagato en déglutissant.

Les doigts qui caressaient toujours sa paume le forçaient à exercer un contrôle sur sa respiration, pour éviter qu'elle s'emballe, qu'elle s'enraye. Il raffolait de cette sensation de chatouillis qui s'attarde sur la ligne de vie, s'accentue sur la ligne de cœur.

— Elles sont souvent dans le collimateur de ma brigade. C'est un trésor national et en haut lieu, on s'assure que le trésor national reste le plus immaculé possible. Le PDG n'est pas réputé pour être l'homme le plus chaleureux du monde, je ne l'ai personnellement jamais rencontré, c'est mon commissaire qui se charge de contacter son armée de comptables en cas d'irrégularités et même lui n'est jamais très à l'aise à l'idée de devoir communiquer avec Fugaku Uchiha, même de façon indirecte.

Itachi resta silencieux un court instant, retournant la main de Nagato, parcourant du bout des ongles les tendons, caressant longuement le dos de la main jusqu'au poignet.

— Fugaku Uchiha est mon père.

La seule réaction que cette annonce provoqua fut une légère crispation du majeur. Le souffle de Nagato ne varia pas plus que son rythme cardiaque et il ne bougea pas d'un millimètre pendant de longues secondes. Finalement, il tourna sa main pour saisir les doigts et les presser doucement. Itachi leva les yeux par-dessus ses lunettes pour croiser le regard de son colocataire qui attendait une explication plus approfondie. Un sourire ourla les lèvres de l'acteur quand il reprit :

— Finalement, tu n'avais pas tort à mon propos. Je suis bien un fils à papa plein aux as. J'étais celui qui devait prendre sa suite, chuchota-t-il en laissant ses yeux se perdre sur les ombres qui valsaient dans le salon. J'imagine qu'il a changé ses plans, maintenant.

— Que s'est-il passé ? demanda Nagato sur le même ton.

— Le schéma classique, je présume, exhala Itachi. Des capacités intellectuelles hors-normes repérées dès mon plus jeune âge, une pression folle sur les épaules pour que je sois à la hauteur d'un destin dont je ne voulais pas, une rivalité absurde avec mon frère de six ans mon cadet, entretenue par un père froid et peu aimant il gère sa famille comme il gère son entreprise.

Il prit une respiration, Nagato tourna la tête pour croiser son regard, récupérant sa main pour effleurer les cheveux, geste de réconfort qui permit à Itachi de continuer son récit. Il avait horreur de se livrer ainsi, sur ce sujet-là particulièrement, il ne s'en était ouvert à presque personne jusqu'à présent.

— À dix-sept ans, j'en ai eu marre, j'ai fait mon sac et je suis parti. Je n'en pouvais plus de cette ambiance pesante et délétère, de voir mon frère lutter pour obtenir quelque chose que j'avais et que je ne voulais pas particulièrement, de laisser mon père lui faire croire qu'il avait une chance d'avoir ce qu'il désirait plus que tout. Je me suis installé ici, parfait anonyme plongé dans une foule d'autres anonymes qui ne souhaitaient pas spécialement apprendre à me connaître. Est-ce trop à encaisser d'un coup ?

— Non, susurra Nagato en baissant les yeux sur la main qui avait récupéré la sienne, le pouce qui caressait sa paume. Continue.

Itachi porta son regard sur le plafond.

— Je n'ai jamais considéré l'idée de rentrer chez mes parents, avoua-t-il avec une grimace. Pas même l'année qui s'est écoulée avant que je ne devienne acteur. Je me sentais enfin moi-même. J'avais tout pour être heureux, des amis, de l'argent et le hard. Le porno et moi, c'était une véritable rencontre, je ne saurai pas l'expliquer, mais… l'ambiance sur les plateaux, les gens, le sexe – bien évidemment – j'ai de suite eu l'impression d'appartenir à ce monde, d'y être dans mon élément. Puis, il y a cinq ans, mon père a retrouvé ma trace par les services d'une détective privée.

— Karin Hôzuki, comprit Nagato à voix basse. Spécialiste des affaires de coucheries et des enfants fugueurs, c'est comme ça que tu as pu avoir son numéro…

— Oui, c'est elle qui a enquêté sur moi, sur les ordres de mon père… Je louais un appartement, avec un bail à mon vrai nom, c'est comme ça qu'elle a pu remonter jusqu'à moi.

Plongé dans ses souvenirs, Itachi cessa les caresses sur la paume de Nagato et ce dernier retira sa main, pour passer son bras autour des épaules de son ami, l'attirer plus près, lui montrer qu'il le soutenait. Itachi se laissa faire puis il eut un ricanement amer.

— Mon père n'a même pas pris la peine de se déplacer en personne jusqu'à mon appartement.

Il papillonna des cils pour empêcher des larmes de frustration se perdre dedans. Il y avait quelque chose de proprement humiliant au souvenir de la convocation écrite de son père.

— J'ai reçu un courrier recommandé émanant de sa secrétaire. Un ultimatum. Soit je rentrais de mon plein gré et il acceptait de fermer les yeux sur ma disparition, soit il venait me chercher en personne.

Le sourire douloureux sur le visage d'Itachi fit déglutir Nagato qui s'agita sur le canapé, les paupières closes.

— Je n'avais pas envie de rentrer, que ce soit de gré ou de force. J'en ai parlé à Jiraiya qui en a parlé à Deidara.

Il marqua un silence durant lequel il dévisagea son colocataire.

— C'est lui qui a eu l'idée d'utiliser comme je le fais la loi de protection de la vie privée des personnages publics. Elle me permet de me cacher de mon père. J'ai dit à Deidara que ma seule solution, c'était de disparaître de la surface de la planète. Il y a très peu de probabilités que mon père aille me chercher dans le X. Deidara m'a donc aidé à disparaître. Nouvelle banque, nouvelle adresse, plus de trace de mon nom. Il m'a conseillé d'aller dans une agence immobilière qu'il connaît bien. Là-bas, je suis tombé sur un jeune stagiaire, Naruto Uzumaki, qui m'a demandé à quoi ressemblait la demeure de mes rêves.

Le discours familier arracha un rire à Nagato et Itachi lui porta un regard amusé.

— J'ai répondu que je voulais un endroit où disparaître. Le succès inattendu de certains de mes films m'avait rapporté un beau paquet d'argent et cette agence m'offrait la possibilité d'acheter sous mon nom d'emprunt, ils ont l'habitude de traiter avec des célébrités. Je suis resté terré dans cet appartement plusieurs semaines sans oser sortir, de peur que mon père soit en train de sillonner la ville à ma recherche. Puis finalement, j'ai repris le cours de ma vie et la suite, tu la connais…

Il soupira profondément alors que Nagato hochait la tête. Finalement, Itachi fronça les sourcils.

— Pourquoi tu étais là ?

Son colocataire lui porta un regard perplexe alors qu'il se redressait, se dégageant de l'étreinte du bras qui l'enserrait toujours, scrutant Nagato avec méfiance. Ce dernier soutint l'œillade pleine de soupçons sans la moindre honte. Les prunelles violettes brillèrent un bref instant d'un rien de colère au souvenir des menaces de mort qui étaient passées sous silence. Il se rappela à temps que rien n'était réglé et qu'Itachi n'accepterait pas qu'il intervienne dans sa vie ainsi, aussi se para-t-il d'un sourire convaincant, se promettant de tout de même vérifier si les lettres ne pouvaient pas venir de la renommée famille Uchiha.

— J'avais envie de sortir, je voulais te proposer une soirée tous les deux. Un ciné, un resto…

Se détendant immédiatement, Itachi lui offrit un rictus désolé puis son regard s'illumina.

— Je n'ai pas vraiment envie de sortir, maintenant. Mais avec le nouveau service de vidéo à la demande de l'immeuble, on peut regarder n'importe quel film sur la télévision. Ce n'est pas tout à fait comme une salle de cinéma, mais rien ne nous empêche de faire ça ici. C'est toi qui cuisines, c'est moi qui choisis le film.

Nagato ne retint pas un rire qui monta le long de sa gorge et il se leva finalement, approuvant d'un hochement de tête, gardant dans un coin de son esprit les menaces de mort. De toute façon, il était présent et personne ne tenterait quoi que ce fût dans l'immédiat, il pouvait donc sans culpabiliser se laisser aller à une soirée tranquille.


À bientôt !