Chapitre 40 - Conversation
Edward avait pris son avion vers 15 heures ce 31 décembre. Je l'avais encouragé à partir et sortir avec ses amis parce que je ne supportais pas être à l'origine de son exclusion. Je voulais qu'il se sente bien, qu'il ait des amis. Qu'il construise sa vie là-bas. Je ne voulais pas être celle qui le retienne, celle qui détruise son rêve…
C'est ce que je ne cesse de me répéter. Ce qui trotte dans ma tête en boucle.
J'entais rentrée chez les Cullen et la maison me semblait vide. Beaucoup trop vide… il me fallait une distraction.
« Bella ? » m'interpella Alice.
J'étais debout dans le salon, fixant le piano d'Edward. Je ne sais dire depuis combien de temps je suis restée là avant qu'elle ne m'interpelle.
« Ca va ? » continua-t-elle comme je ne réagissais pas.
Je me retournais lentement vers elle, essayant d'afficher un sourire heureux.
« Oh, Bella. »
Elle me prit dans ses bras et m'entraina vers le canapé en cuir devant la cheminée.
« Ca doit être tellement dur pour toi… »
« Non, ça va. »
Elle me relâcha et plongea ses grands yeux gris dans les miens. Elle n'était pas si crédule.
« Bella, je le vois. Edward aussi le voit mais il essaie de se le cacher… Tu t'éloignes de nous… »
« Non… »
Une boule obstruant ma gorge m'empêcha de finir ma phrase. Je me sentais étouffée, essoufflée par un ancien chagrin.
Elle ne répondit rien, me laissant le temps de récupérer. Me laissant le temps de trouver les mots justes afin de lui expliquer. Je ne savais même pas me l'expliquer, je ne pouvais trouver de solution, de raison à mon comportement…
Elle déplaça sa main sur mon dos, de bas en haut, essayant en vain de m'encourager à lui dire ce qui n'allait pas.
« Tu t'éloignes de nous… » reprit-elle.
« Je suis désolée. »
J'enfouissais mon visage sur mes mains avant de replier mes genoux contre mon corps. Des larmes muettes coulaient enfin le long de mes joues. Je les retenais depuis tellement longtemps…
« C'est que… Edward est parti. Il est heureux là-bas, je ne veux pas… Toi, tu vas terminer tes études, tu vas me quitter… Même chose pour Jasper… Je… » sanglotais-je.
Je ne sais comment elle comprit ce que j'avais dit mais elle me prit dans ses bras.
« Oh, Bella. »
Elle me consola encore un moment avant de reprendre la parole.
« Tu prends de la distance parce que tu as peur qu'on s'éloigne de toi ? » devina-t-elle. « Tu préfères t'éloigner avant de subir une rupture trop brutale… »
Je reniflais.
« Surement. Je ne sais pas, Alice, je ne comprends pas… Je vous aime, tous, tellement. Je ne veux pas que vous partiez mais c'est inévitable. Je veux dire… »
Des larmes et un chagrin trop longtemps retenu au fond de moi refit surface. Jamais je n'aurai pu me l'avouer, jamais je n'avais su mettre des mots dessus mais Alice l'avait fait.
« Je comprends. Mais nous sommes encore là, tu dois en profiter. Et je compte bien garder contact avec toi… Rien n'est perdu. »
« Je sais Alice. Parfois je me demande juste si… »
« Si quoi ? »
« Je ne peux pas dire ça… »
Elle attendit, patiente.
« Tu sais, » dis-je en relevant ma tête. « Je n'ai connu que Edward. Et il est génial, vraiment c'est la meilleure personne que je n'aie jamais rencontrée… Juste, je me demande… Ce que ça serait, avec quelqu'un d'autre… »
Lui avouer cela était difficile parce que je n'arrivais pas à me le dire clairement. C'était simplement… un énorme point d'interrogation qui me turlupinait.
« Tu aimes Edward ? »
La première réponse, évidente, qui me vint fut « oui ». Oui, c'était la réponse évidente. Mais si j'étais honnête…
« Ce n'est plus la même chose, j'imagine. »
Le dire me déchira le cœur à un point. Un courant électrique passa et je le sentis comme une claque.
« Toute ma vie, j'ai attendu ce moment. J'ai attendu que quelqu'un me remarque, fasse attention à moi, m'aime autant que je l'aime. Je l'ai véritablement aimé mais maintenant qu'il est parti c'est comme si… quelque chose manquait. Il a pris une partie avec lui, une partie qui ne reviendra pas. Alice, je te promets que j'ai aimé ton frère. Mais… »
« Je te crois. Et je te comprends. »
« Vraiment ? »
« Beaucoup sont les couples qui ne résistent pas à la distance, » soupira-t-elle. « Et puis, ton aisance sociale commence seulement à s'accroire. Je me souviens de la première fois que je t'aie vue, on aurait dit un agneau apeuré devant les quatre phares d'une voiture ! »
Je ris devant sa métaphore, qu'elle absurdité.
Elle rit avec moi.
« Non, je t'assure, tu aurais dû voir ta tête ! »
« Merci, Alice. »
Elle me contempla les yeux empreint d'une compassion indéfinissable.
« Edward s'en remettra. »
Mon sourire s'affaissa et un nouvel élan de chagrin me passa dessus.
« Il est plus fort que ce que tu crois. Toi aussi, d'ailleurs. En plus, je pense qu'il a compris depuis longtemps… »
« Compris quoi ? »
« Que ça ne fonctionne plus. C'est pour ça qu'il s'accroche si fort à toi. Je suis étonnée qu'il soit parti si rapidement, d'ailleurs. »
« Il a peut-être abandonné… »
« Je ne pense pas. »
« Je l'ai entendu ce matin au téléphone avec son ami. Il l'appelait depuis deux jours, lui demandant de venir et à chaque fois je l'encourageais. Je ne veux pas qu'il rate quelque chose à cause de moi. »
Alice me prit dans ses bras pendant un long moment, me consolant. Je venais presque de lui avouer vouloir mettre un terme à ma relation avec lui, même si tout allait bien lorsque nous étions ensemble la distance était plus difficile à gérer que ce que je pensais.
Nous n'avons plus passé une semaine ensemble depuis juin. Six longs mois…
Nous faisions tous les deux une nouvelle vie, lui à New York et moi ici. Je savais qu'il voudrait rester à New York plus longtemps que le temps de ses études, je n'étais pas si stupide, et je savais que je ne pourrais pas vivre là-bas. J'aimais passer des vacances dans cette ville, y habiter serait de la folie. J'aimais les villes plus petites, moins abondantes.
Enfin bref, New York est juste trop pour moi.
« Tu vas lui dire ? »
Je la relâchais et le regardais, pantoise.
« Lui dire quoi ? »
« Tu sais, que tu le quittes. »
Que je le pense en silence était une chose, qu'Alice mette les mots dessus et appuie bien là où je redoutais le plus en était une autre.
De nouvelles larmes brouillèrent ma vision.
« Je ne sais pas… »
« Bella. Je serai toujours là pour toi, si tu as besoin d'aide. Prends le temps qu'il te faudra, je serai là pour t'aider. »
« Merci. »
Elle m'embrassa la joue.
« C'est normal. »
En attendant, elle resterait là pour moi. Mais je comprenais très bien ce qu'elle n'avait pas dit. Elle n'avait pas dit qu'elle restera à jamais mon amie, qu'elle ne partira pas de Dartmouth l'année prochaine pour vivre sa vie. Elle ne m'avait pas dit qu'Edward reviendra vers moi après ses études. Elle ne m'avait pas dit que c'était insensé se penser comme je le faisais.
Elle m'avait dit, par contre, que la seule solution c'était à moi de la prendre. La seule solution, c'est d'écouter mon cœur et de faire ce qui est le mieux.
Même si la décision me faisait souffrir, je souffrais déjà bien assez de son absence. J'avais véritablement besoin d'aller de l'avant…
