RETROUVAILLES
Mustang sourit et s'approcha pour offrir son bras à la plus âgées des deux femmes et l'amener à l'intérieur.
- ça ne gêne pas si je laisse la voiture là ? demanda la plus jeune à Casburgot qui secoua la tête machinalement. "Euphrosine Malefoy, au fait. Vous ne pouvez pas imaginer comme ça fait plaisir de vous rencontrer enfin, Colonel. Ça fait des semaines que nous attendons ce moment. J'en avais plus qu'assez de faire-semblant au MACUSA."
Elle devait avoir dans les vingt-quatre, vingt-cinq ans. Elle était grande, plutôt osseuse et pas particulièrement jolie, à part peut-être pour ses yeux gris insondables entourés d'un halo charbonneux, mais quelque chose dans son air féroce et son petit accent britannique impertinent plut à Jax qui lui tendit la main.
- Bienvenue au camp, dit-il, satisfait de confirmer avec cette ferme poigne qu'il ne s'était pas trompé dans son jugement. "D'après Roy, on va avoir besoin de vous."
Elle hocha son menton un peu pointu.
- De moi, j'espère bien que non, dit-elle sourdement. "Mais de lui, sans doute, hélas."
Et sur ces paroles énigmatiques, elle souleva le pan de porte de la tente et entra à l'intérieur.
Mama Odie, l'air extatique, était en train de servir un bol de gombo à l'autre femme et Juju couvait également la visiteuse de ses gros yeux humides tout en empêchant la vieille aveugle de trébucher dans les tapis qui recouvraient le plancher.
Un escalier en bois montait à l'étage et on entendait des pas marcher au-dessus des solives. La grande salle qui servait de QG principale était meublée à l'ancienne, avec une longue table aux pieds sculptés, des fauteuils cloutés très droits, inconfortables, et un foyer en pierres qui était une vraie galère à monter, mais elle permettait à la grand-mère de Casburgot de cuisiner dans un chaudron pendu au-dessus du feu comme chez elle, et les buffets imposants ne risquaient pas de tomber quand le tigre poursuivait une balle.
Le lustre avait été raccroché plusieurs fois en revanche et les glaces à l'ennemi avaient fini par être toutes retirées. Dans un coin sombre, des tableaux noirs recouverts de notes en écriture serrée et de cartes avec des fils de laine et des épingles dissimulaient une porte blindée fermée à double-tour.
Mustang réchauffait ses mains gantées devant la cheminée, très droit dans son uniforme bleu roi.
- Votre message était très laconique, dit-il en faisant flamber d'un claquement de doigts un bout de papier quadrillé sur lequel se consumèrent les mots On arrive. "Je suppose que Potter n'a pas pu garder son calme en apprenant la rafle de Seattle..."
Euphrosine ôta son manteau et le déposa sur le haut dossier d'une chaise. Elle resta debout, raide comme si elle faisait un rapport, bien que des cuissardes et une mini robe en velours ne soient en rien la tenue d'un soldat discipliné d'après Jax.
- Non, dit-elle sombrement. "Nous sommes partis avant, à la minute où nous avons su que Miss Avocette avait eu ce… tragique accident et que Barron allait être nommé responsable du Département des Traqueurs."
- Oh, dit Mustang, et malgré toute la maîtrise qu'il avait sur ses expressions, il ne put empêcher un tressaillement. "Je comprends."
- Moi non, dit vivement Jax.
- Malefoy est actuellement le seul Passeur d'Âmes de la section Zététique, expliqua son alter ego. "Son dossier est verrouillé au MACUSA, justement pour éviter qu'il ne tombe entre de mauvaises mains. S'ils ont fait en sorte de pouvoir y avoir accès… c'est qu'ils sont prêts à aller encore plus loin dans leur projet maudit – ils veulent un passage direct à travers le Voile."
Casburgot frissonna de tout son corps. Même s'il n'arrivait toujours pas à comprendre exactement ce qu'Harold Saxon et ce damné Barron planifiaient, la seule idée que quelqu'un désire manipuler l'âme de quelqu'un d'autre l'épouvantait. Il n'y avait vraiment aucune limite à l'avidité cruelle des humains. Les expériences horribles perpétrées sur les corps des prisonniers dans les camps n'étaient-elles pas "suffisantes" pour satisfaire les pulsions répugnantes de ces dégénérés et leur assurer qu'ils avaient le pouvoir sur leurs semblables ? Que leur fallait-il de plus ?
- Nous arrivions au bout de ce que nous pouvions faire seuls, de toute façon, dit Mustang. "Trop de civils sont impliqués et des mouvements de résistance s'organisent de partout sur la planète. Si nous ne voulons pas qu'Harold Saxon utilise la bonne vieille méthode de diviser pour conquérir, nous avons besoin d'unir tout le monde. Et pour cela, nous avons besoin de lui."
- Le roi ! piailla Mama Odie avec excitation, brandissant sa cuillère dans son enthousiasme et projetant de la sauce et des morceaux de légumes de partout au grand dam du boa.
Euphrosine et sa compagne assise près de la cheminée se hâtèrent de nettoyer en quelques coups de baguette magique, pendant que Jax soupirait.
Mustang hésita. Il se mordilla les lèvres, s'écarta prudemment de la grand-mère de Casburgot.
- Je ne crois pas complètement à cette histoire, dit-il lentement. Il haussa la voix pour couvrir les protestations de la vieille aveugle. "Mais j'ai confiance en revanche dans le symbole que Potter représentera. N'êtes-vous pas d'accord avec moi, Madame Hermione Granger ?"
La sorcière assise dans le fauteuil, toujours enveloppée de sa pèlerine en laine, leva son visage ridé et pressa les lèvres avec détermination.
- Leur ressemblance fera certainement beaucoup pour fortifier les esprits, acquiesça-t-elle. Puis elle remonta ses lunettes sur son nez et continua avec une sorte de ferveur. "Mais Arthur n'a pas besoin du visage de son grand-père pour rassembler les gens autour de lui. Il n'a pas besoin de l'autre non plus pour insuffler de l'espoir à un pays, si vous voulez mon avis."
Euphrosine eut un petit rire sec sans joie.
- Mais nous avons besoin que Sa Majesté rappelle à Arthur qu'il ne pourra pas sauver tout le monde. Il se ronge de reproches chaque fois qu'une de ses décisions pour sauver quelqu'un condamne quelqu'un d'autre. La rafle de Seattle, par exemple… il croit que si nous n'étions pas partis si vite, nous aurions peut-être pu l'empêcher…
-C'est ridicule. Vous éloigner au plus vite des griffes de Barron et Saxon était le plus important, dit Mustang avant que Jax ne puisse intervenir.
- Il n'y a pas que ça, soupira la jeune femme. "Il est persuadé que si nous avions rejoint la Résistance en septembre, nous aurions pu éviter…"
- N'importe quoi, coupa le colonel durement. "Tous les renseignements que vous nous avez fournis ont été très utiles."
- Je sais ! s'écria Euphrosine avec une pointe de colère. "Il le sait aussi. Mais vous ne vous rendez pas compte de ce que ça lui a fait quand on a découvert que les Hommes de Lettres avaient fait arrêter la moitié des gens de Toad Suck pour leur extraire des souvenirs de Muirgen. Cette vieille dame qui l'avait logé est morte des suites de son interrogatoire et… et il cherche toujours Gwen Holmes.
Sa voix s'enroua.
- La dernière piste que nous avions était à Casper, dans le Wyoming, et vous savez le massacre qui a eu lieu là-bas…
Mustang ferma les yeux un instant.
- Je sais, murmura-t-il. "Nous avons tous déjà trop perdu, mais il doit se blinder, plus que n'importe qui. Je le lui ai toujours dit, ses émotions sont sa plus grande faiblesse."
Les yeux bruns d'Hermione Granger s'étaient remplis de larmes et Mama Odie, qui se tenait derrière sa chaise, lui tapota l'épaule comme si elle l'avait deviné.
Jax ne savait plus trop quoi penser. Il avait envie de rencontrer ce Potter et, en même temps, il se demandait quelle sorte de folie les poussait à placer leurs espoirs sur ce type qui, visiblement, ne correspondait pas du tout au leader qu'il aurait souhaité.
Des voix résonnèrent hors de la tente, le distrayant de ses pensées.
- … et je jure sur la tête du Géant Vert, que si j'entends encore un centaure dire "on voit bien Mars, ce soir", je romps mes vœux et je me fais rôtir un bon gros cuisseau de cheval, s'exclama une grosse voix bourrue alors qu'une masse énorme s'engouffrait à l'intérieur de la tente avec une bouffée de flocons. "Il neige ! On ne peut pas voir une seule étoile dans le ciel !"
Un rire échappa à l'une des deux figures encapuchonnées qui l'accompagnaient et Casburgot, qui venait de s'asseoir à la grande table, se releva, les sourcils froncés.
L'homme qui avait fait irruption mesurait environ deux mètres de haut et avait des mains aussi larges que des battoirs à linge. Quand il ôta son chapeau en signe de respect, deux oreilles crénelées se dressèrent dans sa chevelure brune et frisée. Il avait un agréable visage carré, encadré de favoris bien taillés, avec des yeux doux sous d'épais sourcils et des dents bien alignées, mais en y regardant de plus près, on pouvait cependant repérer dans cette large mâchoire les canines limées pour ne pas dépasser dangereusement.
- Toutes mes excuses, colonels, dit-il poliment. "Mais ces deux messieurs étaient au portail. Ils viennent d'arriver et cherchaient une coccinelle. Comme ce n'est pas la saison pour ces insectes, mais qu'il y avait un véhicule moldu communément surnommé ainsi devant votre tente, je me suis dit que…"
- Vous avez bien fait, Fezzik, dit Mustang, et il fit un geste comme pour donner congé à l'ogre, mais celui-ci ne paraissait pas pressé de s'en aller et regardait avec curiosité autour de lui.
Les deux hommes qui étaient entrés avec lui repoussèrent les capuches de leurs pèlerines saupoudrées de blanc et tapèrent leurs baskets sur le sol pour se débarrasser de la neige accrochée à leurs semelles. Ils étaient très jeunes eux aussi. L'un était grand et mince, avec un nez aquilin et des yeux bleu vif qui vous donnaient étrangement l'impression que vous l'aviez déjà rencontré. Il ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans. Un large sourire faisait ressortir ses pommettes anguleuses et ses oreilles décollées. Sa tignasse de jais était nouée en catogan et, sous son manteau, il portait une longue robe de sorcier à l'ancienne. Il se présenta en disant qu'il s'appelait Zach Tűzmadár.
L'autre était un peu plus petit et…
Oh. Jax Casburgot comprenait maintenant pourquoi Mustang était persuadé qu'un visage pouvait incarner la Résistance.
La ressemblance était époustouflante, en effet.
Le jeune homme qui se tenait devant lui était le vivant portrait du légendaire Harry Potter, tel qu'on le voyait représenté dans son uniforme d'Auror sur les cartes magiques que les enfants du camp épinglaient au-dessus de leurs lits – à quelques détails près. Il avait les yeux verts, les cheveux noirs en bataille, le fin collier de barbe et les épaules trapues du héros. Certes, il ne portait pas de lunettes – on pouvait certainement remédier à cela avec une paire sans verres correcteurs – et n'avait pas de marque en forme d'éclair sur le front, mais il avait deux autres cicatrices toutes aussi intéressantes qui lui traversaient l'arcade sourcilière et le nez, ainsi que de longs cils que les femmes devaient adorer.
Un visage ne faisait pas tout, bien sûr. Mais si ce mec avait la moitié de la présence de son sosie, il allait être rudement utile pour le moral des troupes, même s'il ne savait pas se battre… ne serait-ce qu'en se baladant au bord du champ d'entraînement ou en laissant les gens prendre des photos de lui avec leurs bébés dans les bras.
- Il y a davantage chez Arthur que ce qui crève les yeux, dit Mustang avec un soupir amusé, comme s'il avait suivi tout le train de pensées de Jax. "C'était un de mes meilleurs élèves à l'Académie de Police Particulière et Harry Potter en personne l'a entrainé au combat."
- Le Harry Potter ? balbutia Casburgot.
- C'était mon grand-père, expliqua le jeune homme dont les oreilles rouges trahissaient l'embarras. "Il a passé les dix dernières années de sa vie à me préparer à cette guerre. Mais même si je ferai tout ce que je pourrais pour aider la Résistance, ce n'est pas moi qui vous sera le plus utile…"
Jax se tourna tout naturellement vers l'autre garçon, mais celui-ci se mit à rire.
- Nope, dit-il.
Et il claqua des doigts.
Il se passa alors quelque chose que Casburgot ne devait jamais oublier, mais dont il ne se souviendrait pas non plus. Le gombo dans la cheminée explosa et il en jaillit un énorme oiseau de feu qui poussa un cri perçant en s'envolant. La nuit les enveloppa soudain et ils se retrouvèrent à la surface d'un lac – littéralement à la surface, comme s'ils marchaient sur l'eau. Dans le silence solennel, Jax leva sa main devant lui et s'aperçut qu'il portait un gantelet d'acier, une cuirasse, des jambières en fer… et un heaume. Il releva la visière, promena son regard autour de lui et vit les gens qui étaient dans la pièce avec lui un instant plus tôt.
Ou plutôt non.
C'était eux, mais différents. Hermione Granger était toujours assise, mais son fauteuil était d'argent et elle était vêtue de blanc, avec un cristal sur le front. Une chouette chevêche aux yeux ronds et dorés était posée sur son poing. Euphrosine était à côté d'elle, resplendissante d'une beauté farouche dans une robe parsemée d'étoiles et de coquillages. Les autres étaient en armure aussi : Fezzik avait l'air d'un viking et il manquait une main à Mustang qui était couturé de cicatrices. Zach lui tournait le dos et tenait un long sceptre au bout duquel brûlait une flamme bleutée. Mais Arthur était le plus formidable. Sa longue cape rouge flottait jusqu'au sol et il y avait dans son regard quelque chose de terriblement impérieux.
Jax Casburgot eut soudain l'impression qu'il était en train d'étouffer, comme si une immense tristesse le submergeait, et il porta instinctivement la main à sa poitrine…
… pour réaliser qu'il était toujours dans la tente, un peu étourdi, une main crispée sur le dossier de sa chaise.
Avait-il eu un léger malaise ? Couvait-il un début de grippe ? Ce n'aurait pas été complètement inattendu, entre les évènements de ces derniers jours et la chaleur infernale du feu qu'entretenait tout le temps sa grand-mère sous le gombo. Mais cela restait indigne de ce que l'on attendait d'un leader…
Mama Odie roucoulait toujours, accoudée sur l'accoudoir d'Hermione Granger comme une groupie en extase, mais Fezzik fronçait ses sourcils broussailleux, secouant la tête tel quelqu'un qui a de l'eau dans une oreille.
Que s'était-il passé ? Zach avait fait quelque chose, Jax en était presque sûr (certains signes, la respiration un peu accélérée du jeune homme et son regard un peu trop brillant par exemple, le trahissaient), mais quoi ? Casburgot aurait voulu creuser la question, mais elle lui échappa quand il se tourna vers Potter pour lui demander des comptes.
Une vague de loyauté inexplicable se leva en lui et il dut lutter pour s'empêcher de saluer.
C'était ridicule. Il ne connaissait pas ce gamin et il était hors de question qu'il plie le genou devant un mec (on était en Amérique, bon sang ! Ils ne s'étaient pas décarcassés à instaurer la démocratie pour revenir en arrière), mais tout à coup, sans qu'il ne puisse comprendre pourquoi ni comment, il savait qu'il pouvait faire confiance à Arthur.
Okay. Bizarre. Bon, il étudierait la question plus tard – mieux encore, il testerait leur soi-disant sauveur et cela serait certainement suffisant pour dissiper les effets de ce qui n'était certainement qu'une illusion créée par le découragement et la fatigue.
- Hum, toussota-t-il. "Je suppose qu'il y a une histoire là-dessous qui commence par "il était une fois" et continue au mépris de la signalétique jeunesse."
- C'est à peu près ça, dit Euphrosine avant que qui que ce soit ne puisse intervenir.
- On va donc garder ça pour le prochain briefing, soupira Jax. "En attendant, vous êtes les bienvenus pour partager le souper avec nous."
Hermione montra son bol de gombo.
- Ce ragoût aux épices est délicieux et très nourrissant. Vous prenez grand soin de vos troupes ! Certains anciens élèves de Poudlard de ma connaissance pourraient vous raconter des anecdotes épouvantables sur le temps où les Résistants étaient logés à la cuisine d'Abelforth Dumbledore…
-Oh, ça ! Ce n'était que l'amuse-gueule servi à toute heure dans cette tente ! gloussa Fezzik. "Attendez de voir le plantureux repas qu'ont préparé ces joyeux drilles d'elfes. Rien à voir avec les fadaises "naturelles" que mangent ces damnés centaures…"
La vieille sorcière inclina le menton, intriguée.
- J'y pense depuis tout à l'heure… Vous m'êtes… vaguement familier…
Le demi-ogre s'inclina.
- Je vous ai tout de suite reconnu, moi, Madame Granger.
Casburgot lança un coup d'œil à Mustang mais celui-ci fit signe qu'il ne comprenait pas non plus. Arthur, en revanche, rejoignit sa sœur en deux enjambées et lui chuchota avec excitation: "oh ! J'en étais sûr !"
Euphrosine jeta un coup d'œil perplexe à Zach, mais lui aussi haussa les épaules pour montrer qu'il n'avait pas plus idée qu'elle de l'identité du demi-ogre.
Mama Odie, qui gloussait à nouveau de rire, débarrassa Hermione du bol et celle-ci se leva tandis que le boa entraînait la vieille aveugle vers la petite cuisine de l'autre côté des escaliers.
- Vous connaissiez mon père avant qu'il n'émigre aux États-Unis et vous étiez une bonne amie de mon oncle, si j'en crois ses lettres que nous avons gardées, dit l'homme aux canines limées. "C'est pitié que ce dernier dragon qu'il avait recueilli ait causé cet accident… On m'a toujours dit que je lui ressemblais beaucoup", ajouta-t-il avec un sourire un peu embarrassé. "Sans la barbe, bien sûr, ce qui complique évidemment un peu les choses – on le voyait rarement sans sa barbe…"
- Oh. Mon. Dieu, hoqueta Hermione en pressant les mains sur sa bouche. "Vous êtes… le fils de Graup ?"
- Frederick Hagrid, pour vous servir. Mais mes amis m'appellent Fezzik – mon père, voyez-vous, n'a jamais trop réussi à prononcer mon nom. Ma mère s'en est toujours désolée. Elle était ogresse, vous savez, mais elle avait des lettres.
Euphrosine aida machinalement la vieille sorcière à se rasseoir, tandis que Mustang entraînait Jax Casburgot hors de la tente pour laisser ses protégés à leurs inattendues "retrouvailles".
- Votre oncle Rubeus était un type formidable, dit Arthur en s'approchant. "Chaque fois qu'il venait en Amérique pour voir votre père, il faisait un crochet par chez nous, Route de la Pantoufle Rose."
Il marqua une pause, la gorge serrée en se rappelant le demi-géant qui sanglotait sans retenue en contemplant la photo de mariage de ses parents, et Zach, qui sentait sa peine, se rapprocha et lui posa la main sur l'épaule.
- C'est votre grand-père qui était quelqu'un de bien, corrigea Fezzik doucement. "Mon oncle n'aurait jamais pu mettre les pieds aux États-Unis s'il n'avait pas accompagné Harry Potter en tant que garde du corps. Vous a-t-on déjà dit que vous lui ressemblez énormément ?"
- Oui, dit le jeune homme en tressaillant, tiré de ses souvenirs. "On me le dit souvent."
Il sourit.
- Et alors ? Comment en êtes-vous venu à rejoindre la résistance, M. Hagrid ?
- Par le caleçon de Merlin, appelez-moi Fezzik, je vous en prie ! protesta le demi-ogre tandis qu'Euphrosine étouffait son hilarité dans un éternuement factice et qu'Hermione pinçait les lèvres pour ne pas rire elle-aussi, évitant soigneusement de regarder Zach qui levait les yeux au ciel.
Arthur, qui avait gardé son sérieux, s'assombrit encore en écoutant son interlocuteur faire le récit de la montée de la xénophobie à l'égard des sorciers et des hybrides dans l'école de Flippen, Géorgie, où il avait enseigné plusieurs années sans être considéré autrement que comme un "homme un peu fort", avant que l'on apprenne qu'il n'était pas tout à fait humain.
- … et on m'a demandé poliment de partir. Évidemment, ça n'a rien de très original. La même chose est arrivée un peu partout, conclut-il tristement. "Depuis l'annonce du président, des dizaines de sang-mêlés ont cru qu'ils pouvaient enfin afficher ce qu'ils étaient au grand jour… et se sont aperçus que le monde n'était pas encore prêt pour un tel bouleversement. Je suis chanceux de n'avoir pas vu ma voiture brûler ou mes amis subir des agressions."
- Mais ce n'est pas normal, gronda Arthur. "Je peux encore comprendre que la peur fasse réagir avec violence les victimes de garous ou de sorciers imbus de leurs pouvoirs, mais la réalité, c'est que ceux qui sont les plus acharnés contre la communauté magique sont des gens qui n'avaient aucune notion de son existence avant le six juin."
Il massa ses tempes.
- Les tambours ne sont pas seuls responsables…
- Les tambours ? répéta Fezzik d'un ton interrogateur.
- On vous expliquera au briefing, dit vivement Euphrosine. "Je suis affamée. Par où est-ce, le souper ?"
- En bas de la colline, je vais vous emmener, dit le demi-ogre joyeusement. "Tout le monde va être content de voir arriver des renforts. Nous avons été plutôt secoués après la rafle de Seattle, il faut dire… ce pauvre M. Laurens… il était si gentil et, après tout ce qu'ils avaient souffert dans ce camp avant de s'échapper, lui et Stan Morave (il eut un geste entendu vers le plafond), on aurait pu penser qu'il aurait perdu tout espoir, mais non, au contraire ! Il était le premier à vous donner espoir qu'un jour…"
Il s'interrompit, fronça ses sourcils broussailleux.
- Euh… tout va bien ?
Le frère et la sœur s'étaient figés, l'air bouleversé. Euphrosine était si pâle qu'on aurait dit que tout le sang s'était retiré de son visage. Zach avait fait un pas instinctivement pour la soutenir, mais il se ravisa et laissa Hermione qui s'était levée, tremblante, s'approcher d'elle pour l'entourer d'un bras.
- Qu'… qu'avez-vous d-dit ?
- La rafle de Seattle ? La plupart des médias sorciers et no-maj sont vendus à Saxon, mais même comme ça, ils n'ont pas complétement pu dissimuler l'affaire. Vous avez bien entendu de cet incendie et des dizaines de gens qui ont disparu ce jour-là ?
Arthur secoua la tête faiblement. Sa main tâtonna à la recherche de celle de sa sœur qui s'y agrippa.
- Non… enfin si, mais ce n'est pas ça…
Il imita le geste du demi-ogre en montrant le plafond.
- Est-ce que… est-ce que…
Il ne parvenait pas à terminer sa phrase et Zach, qui ne pouvait plus supporter de voir sa détresse, le fit à sa place.
- Est-ce que vous venez juste d'impliquer que Constantin Morave est en vie ? Ici ?
Fezzik écarquilla les yeux.
- Oui, il s'occupe du tigre et de ce malheureux Lupin, comme d'habitude. Vous le connaissez ?
- Remus Harry Lupin ? balbutia Hermione.
- Oh, son nom complet, je ne sais pas, dit Fezzik dont le visage se troubla. "Vous… euh… c'était un… un chasseur de mystères. Vous le connaissiez aussi ?"
Hermione étouffa un couinement et ses larmes débordèrent sur ses joues.
- Oh, mon Dieu, Teddy… Teddy et Victoire vont être tellement soulagés…
Arthur et Euphrosine se tenaient littéralement l'un à l'autre maintenant et leur pâleur avait fait place à une rougeur de fièvre. Zach les surveillait avec angoisse.
- Vous n'imaginez pas ce que cela signifie pour nous… nous les avons cherchés pendant presque un an, souffla le jeune homme.
- Est-ce qu'on peut les appeler, les voir ? supplia sa sœur.
Fezzik hésita, l'air soudain atterré. Il n'avait pas entendu revenir Mustang et Jax, mais le colonel sorcier prit la parole avant que le demi-ogre ne parvienne à retrouver ses mots, tandis que le colonel moldu lui posait la main sur le bras et le pressait doucement.
- Ils sont à l'étage, dit Mustang. "Je ne vous ai pas écrit à leur sujet parce que…"
- Ils étaient recherchés ! Il fallait garder le secret de leur évasion, bien sûr, compléta vivement Arthur d'une voix à l'enthousiasme forcé, dans laquelle il y avait une supplique désespérée.
Les yeux gris de sa sœur étaient immenses dans son fin visage triangulaire, dilatés par un mélange de farouche espoir et de terrible compréhension, et Fezzik détourna le regard, accablé.
- Roy va vous montrer, dit Jax Casburgot très doucement.
Zach hésita, puis il resta lui aussi avec Fezzik qui voulut lui tapoter le dos pour le réconforter et faillit le faire tomber.
Les autres montèrent les escaliers lentement. En haut, la neige tombait derrière une fenêtre et les ombres des flocons dansaient sur le plancher blanchâtre. Par une porte entrouverte sur une chambre d'enfant s'échappait une voix un peu rauque qui chantonnait "Hey, Jude".
Il y avait deux lits dans cette chambre, séparés seulement par une table de nuit, et un homme assis sur l'un des deux, dont on ne distinguait pas le profil dans la pénombre. Le tigre à moitié endormi en face de lui pelotonnait sa tête sur l'oreiller et, sous ses paupières qui s'alourdissaient, filtraient un œil bleu et un œil doré.
L'homme caressait la tête de l'enfant à côté de lui et, quand il eut terminé la berceuse, il se pencha pour l'embrasser sur le front, avant de se lever pour faire de même pour le tigre. Alors seulement, à la lueur paisible de la veilleuse en forme de champignon, ils réalisèrent que, sous la couette semée de petits personnages naïfs, c'était un adulte qui était blotti.
Un jeune homme d'une trentaine d'années, avec un visage de mannequin à l'expression rêveuse et une masse de bouclettes blondes méchées de bleu. La manche déboutonnée de son pyjama laissait apercevoir une suite de chiffres tatoués à l'encre noire sur son avant-bras qui serrait contre lui une peluche d'ourson.
Hermione faillit s'élancer, mais Mustang la retint. L'homme qui était dans la chambre vint vers eux, sortit et referma la porte derrière lui, balayant le plancher d'un coup de sa queue grise touffue avec un peu d'agacement.
- N'allez pas me les réveiller, j'ai mis un temps infini à les calmer, commença-t-il en se retournant. "La neige les avait…"
Il se tut brusquement en découvrant Arthur et Euphrosine et ses oreilles grises pointues se plièrent un instant, sans que l'on puisse déterminer s'il était fâché ou penaud.
- Tu… es… en… vie, balbutia la jeune femme.
Les yeux brun-doré de l'homme l'évitèrent. Il gratta la barbe naissante qui envahissait ses joues émaciées. Un tic nerveux agita son sourcil gauche. Il sortit un paquet de cigarettes de la poche arrière de son jean, en fit sauter une et la coinça entre ses dents, puis palpa les poches de sa surchemise à carreaux, à la recherche d'un paquet de cigarettes qu'il ne trouva pas. Il avait les côtés du crâne rasé et une espèce de frange hirsute sur le front, qui cachait une cicatrice hideuse sur sa tempe, comme si on avait retiré de là une plaque en fer boulonnée.
- Pourquoi tu ne nous as rien dit ? souffla Arthur.
Constantin Morave était en train d'allumer sa cigarette sur la flamme jaillie au bout des doigts de Mustang. Il se redressa, prit une longue bouffée, puis haussa les épaules.
- Qu'est-ce que ça aurait changé ? dit-il.
- Tout, siffla Euphrosine, les yeux pleins de larmes.
Elle fit un pas en avant, tendit la main, mais il secoua la tête, s'écarta.
- Est-ce… est-ce bien Remus, là-dedans ? hoqueta Hermione. "Je vous en prie, ses parents sont désespérés…"
L'homme-loup la regarda de haut en bas, puis il se tourna vers Mustang.
- C'est toi qui les as amenés ici ?
- J'aurais préféré avoir le temps de les y préparer, mais ça ne s'est pas passé comme ça, dit le colonel. "Ça ne change pas grand-chose. Ils allaient l'apprendre un jour ou l'autre. Et tu le savais, Stan."
L'ancien flic de Portland eut un petit reniflement amer.
- Je n'avais jamais prévu de rester s'ils venaient.
Mustang grogna.
- N'importe quoi. Tu n'aurais pas laissé Milo et Remus. Maintenant, décide. Soit tu leur parles, soit je le fais. Mais dans tous les cas, laisse-moi aller souper. J'ai la dalle et il n'y a aucune chance pour que Jax nous laisse aller nous coucher avant minuit ce soir.
Constantin Morave eut un mouvement irrité. Il semblait sur le point de riposter quelque chose d'acide, mais il s'interrompit à la seconde où le loquet cliqueta en tournant derrière lui.
- J'ai soif et je n'ai pas sommeil, dit une voix ensommeillée.
Hermione poussa un petit cri et fondit en larmes.
- Rem', s'écria Arthur en s'élançant avant qu'on ne puisse le retenir.
Le jeune homme qui se tenait pieds nus sur le seuil de la chambre en se frottant les yeux sursauta et Constantin et Mustang eurent le même mouvement pour s'interposer. Mais le visage de l'ancien prisonnier s'éclaira et un sourire de gamin ravi monta jusqu'à ses yeux perdus dans lesquels il n'y avait bien souvent que du vide ou des ombres fugitives.
- Al ! gloussa-t-il, et il se jeta dans les bras ouverts du Traqueur qui étouffa un sanglot en le serrant contre lui.
Sur le palier, Constantin et Mustang s'étaient figés. Euphrosine se mordit la lèvre jusqu'au sang et Hermione joignit les mains devant elle, les joues ruisselantes.
- Hé Loupiot, murmura Arthur, le cœur brisé. "Tu m'as manqué…. Tu m'as terriblement manqué..."
- Qui est Al ? chuchota la voix de Jax derrière Mustang.
Il était monté pour voir s'il pouvait aider et la compassion qu'il ressentait se mêlait d'irrésistible curiosité.
- Albus Severus Potter, hoqueta Hermione. "Il avait l'habitude de s'occuper de Remus quand il était petit, chaque fois que Victoire et Teddy s'absentaient pour un voyage d'affaires…"
- Le père d'Arthur et le fils d'Harry Potter, expliqua Roy à son alter ego. "Il est mort il y a longtemps et peu de gens se souviennent de son existence. Mais je suppose que ce n'est pas pour rien qu'il est le maillon entre le héros de la guerre d'autrefois et celui qui qui nous sauvera peut-être tous cette fois… si Remus a tout oublié – sauf lui."
A SUIVRE...
