Bonjour à tous ! J'espère que vous allez bien.
Je partage avec vous le dernier chapitre en date, j'ose espérer qu'il vous plaira.
Je vous remercie de me lire avec toujours autant de fidélité. Je vous embrasse et vous dis à vendredi prochain !
Lou De Peyrac
Chapitre 45 :
Emma inspira et toqua à la porte de la chambre 206. En bas, le standardiste lui avait fait un clin d'œil quand il l'avait vu passer sans poser de question. Celui-ci devait être à présent persuadé qu'elle était mariée à Elsa. Elle n'était pas certaine que cette petite manigance ferait rire Mak si elle le savait.
Après seulement quelques secondes, la porte s'ouvrit sur une Elsa qui semblait déçue et même irritée de la voir ici.
- Encore vous… soupira l'enseignante.
- Ouais, encore moi, approuva Emma en se tenant droite, jurant que cette fois, personne ne la fouterait dehors.
- Je le répète, je n'ai rien à vous dire, rappela Elsa qui allait déjà refermer la porte.
- Tant mieux, parce que je sais déjà tout, intervint Emma en bloquant la porte de son pied avant d'entrer sous le regard effaré de l'enseignante qui ne fut capable que de se décaler sur le côté. Et avant que vous ne paniquiez encore une fois, je n'ai pas l'intention de vous coffrer, précisa-t-elle tout de même.
Elsa plissa les yeux et croisa les bras après avoir refermé la porte derrière l'agent.
- Alors qu'est-ce que vous voulez ? Demanda-t-elle, profondément agacée, ses yeux bleus se confondant avec deux snipers.
- Eh bien, je m'en veux de la trahir, mais j'aimerai que vous parliez à Mak, expliqua Emma plus calmement, refusant de se battre face à cette femme.
- Et comment ? Se moqua Elsa. Elle refuse de m'adresser la parole, rappela-t-elle amèrement.
Emma l'observa une seconde et vit déjà un brin de résignation dans ses yeux, une douleur sincère aussi, trahissant l'affection qu'elle portait à sa coloc.
- Bon, c'est quoi votre plan ? Demanda-t-elle soudain d'un ton plus familier.
- Comment ça ? S'étonna Elsa en fronçant les sourcils, ne comprenant pas où elle voulait en venir.
- Bah, aux dernières nouvelles, elle vous déteste, précisa Emma en haussant un sourcil.
- J'avais compris, merci… s'énerva Elsa en roulant des yeux.
Non seulement cette maudite blonde entrait dans sa chambre par effraction, et se permettait en plus de lui balancer à la gueule des vérités douloureuses qu'elle connaissait déjà…
- C'est pourquoi je vous demande quel est votre plan pour qu'elle retombe amoureuse de vous, expliqua Emma comme si Elsa était une imbécile, ce qui énerva davantage l'enseignante qui peinait à présent à se contenir.
- … Je n'y ai pas encore réfléchi, avoua-t-elle pourtant après un silence gênant de quelques secondes.
Emma ne répondit pas tout de suite et se contenta de dévisager encore un peu Elsa Lange et sa bêtise. Enfin, l'agent eut un rire moqueur et soupira :
- Ah ouais d'accord, la nana se croit tellement irrésistible qu'elle n'a rien prévu…
- Eh ! Je ne vous permets pas ! Gronda Elsa alors que ses yeux lançaient déjà des éclairs.
Mais, bien loin d'être impressionnée, Emma ne tenu pas compte de ses propos et continua :
- Vous avez au moins pensé à des fleurs ?
Ce fut autour d'Elsa de rire amèrement avant de répondre :
- Me faire pardonner avec des fleurs ? Vraiment ? Je doute qu'elle soit du genre à aimer les fleurs, déclara-t-elle, sûre d'elle, quelque peu dédaigneuse.
- Et qu'est-ce que vous en savez ? Provoqua Emma en plissant les yeux, gagnant peu à peu un air mauvais.
- Je la connais, répondit simplement Elsa.
- Vous la connaissiez, nuance, appuya l'agent en prenant place nonchalamment sur le lit de la chambre, prenant volontairement de haut son interlocutrice.
Elsa serra les dents alors que sa colère menaçait d'éclater un peu plus à chaque seconde, des flashs de cette foutue blonde embrassant Mak lui revenant en mémoire.
Alors, désirant se souvenir qu'à une époque, Mak ne la détestait pas, qu'à cette même époque, Mak l'aimait, et sans doute portée par un ego surdimensionné, l'enseignante serra les poings et déclara d'une voix froide et cassante :
- J'ai été son professeur, la première à qui elle s'est confiée quand personne n'était là pour elle. J'ai été son premier baiser, son premier rencard, sa première fois, son premier chagrin d'amour, alors ne me dites pas que je ne la connais pas ! Termina-t-elle alors que, sans s'en rendre compte, sa voix était montée d'un ton.
Emma resta silencieuse une seconde en voyant à quel point Elsa semblait touchée par ce qu'elle disait, et plus encore, par ce qu'elle avait perdu. Pourtant, ce n'est pas de la compassion qui perça son cœur, plutôt une sorte de jalousie mal placée.
- Ça y est, vous avez fini ? Demanda-t-elle avec sarcasme en plantant son regard dans celui de l'enseignante.
Elsa fut surprise et choquée par cette réponse. Personne ne lui avait jamais répondu ainsi…Et sans lui laisser le temps de respirer, Emma reprit :
- Non parce que si vous voulez jouer à ça, on peut continuer. Moi aussi j'ai des cartes à abattre, hein. Parce que pendant ces quatre ans durant lesquels, je le rappelle, vous n'étiez pas là, j'ai été sa coloc, attaqua Emma sans préambule. Moi, j'ai vécu avec elle, vous savez ce que ça veut dire ?
- Taisez-vous… soupira Elsa alors que, totalement épuisée par ces derniers jours, elle se sentait déjà perdre pied, surtout quand elle entendait que cette maudite blonde vivait avec Mak.
Bien sûr, elle le savait déjà, mais elle n'avait pas en plus envie de l'entendre.
- Non, je ne me tais pas ! Refusa vigoureusement Emma. Ça veut dire que c'est moi qui l'ai géré, elle, et toutes ses névroses. J'ai rempli sa première déclaration d'impôt, j'ai surveillé ses comptes, je l'ai emmené chez le médecin quand elle ne pouvait pas se lever, j'ai apaisé son stresse permanent, j'ai repeint sa chambre quand la couleur des murs ne lui plaisait plus, j'ai assuré son déménagement, et j'ai été sa première fois après vous ! S'écria-t-elle plus violemment sur ces derniers mots en pointant un doigt moralisateur sur une Elsa qui baissait la tête en grimaçant.
Un silence macabre passa dans la chambre sans qu'Elsa ne puisse répliquer quoi que ce soit. Que pouvait-elle dire à cela ? Que pouvait-elle faire alors que cette blonde, cette blonde que Mak aimait embrasser, dressait son procès point par point… ?
Emma inspira longuement, tentant de se calmer, puis reprit d'une voix plus douce :
- Elle s'en voulait tellement de coucher avec moi… Je ne suis pas stupide, je le voyais bien, rit-elle amèrement alors qu'une lueur d'espoir perçait déjà les yeux d'Elsa. Elle avait l'impression de vous trahir. Et pourtant, j'ai réussi à garder sa tête hors de l'eau alors qu'elle ne rêvait que de se noyer… avoua tristement Emma avant de secouer vivement la tête, reprenant contenance. Je l'ai aidé à se pardonner, à accepter sa jambe, à recommencer à s'aimer puisque vous, vous ne l'aimiez plus. Elle se détestait, vous le saviez ça aussi, vous qui la connaissez si bien ? Demanda Emma, encore venimeuse.
Pour toute réponse, capable de rien sous l'amas de reproches, Elsa hocha la tête négativement, loin de penser que Mak ait pu s'accrocher au fardeau de la culpabilité alors qu'elle le lui avait strictement défendu.
Emma se leva du lit, fit face à l'enseignante une dernière fois, et continua :
- Alors maintenant, vous allez admettre que vous ne la connaissez plus tant que ça et même si ça vous emmerde, vous allez comprendre que pour la retrouver, vous allez avoir besoin de moi, ordonna-t-elle froidement en ouvrant la porte de la chambre. Et un bouquet de fleurs me parait être un bon début. Ces fleurs préférées sont les tournesols, fit-elle savoir en passant le seuil de la porte alors qu'Elsa ne bougeait pas, lui tournant le dos. De rien, ça me fait plaisir, sourit-elle avec sarcasme. Bonne journée, gronda-t-elle avant de claquer la porte derrière elle, faisant sursauter une Elsa seule et abattue.
L'enseignante, à présent solitaire dans le silence de sa chambre, passa une main sur son visage. Elle se laissa ensuite tomber sur le lit en soupirant sans se cacher. Longtemps, elle fixa le plafond, repensant à ce qu'Emma venait de lui dire. Puis à la suite d'un grognement, elle tendit un bras vers son sac, gisant au pied du lit.
Elle le fouilla d'une main distraite et reconnut sous ses doigts la matière rugueuse et abîmée. Elle attrapa le petit carnet noir et en lut quelques pages. Le seul moyen minable et pathétique qu'elle avait trouvé pour se rapprocher de Mak actuellement.
Elsa retrouva rapidement la page de la lettre qu'elle lui avait laissée. Une page cornée, bien plus abîmée que les autres.
Combien de fois as-tu lu ma lettre… ? Se demanda-t-elle.
Le carnet avait été bien complété au fil des années, nombre de pages étaient noircies. Soit de nouveaux modes d'emploi, comme celui pour réussir un entretien d'embauche par exemple -stipulant qu'il était préférable de ne pas insulter son employeur – et d'autres choses moins cohérentes. Des pensées livrées au hasard sur le papier.
Où es-tu ? Avait écrit Mak à de nombreuses reprises, dans de nombreuses marges sur différentes pages, et Elsa savait que ces mots lui étaient adressés.
J'envisage de me lancer dans une carrière de détective pour te retrouver… lut-elle également et elle sourit en imaginant une petite Mak déguiser en Sherlock Holmes. Mak serait jolie en Sherlock Holmes.
Mak ouvrit la porte du garage et, comme prévu, y trouva le vélo que Jim lui avait offert. Celui-ci se révélait toujours si élégant bien que quelques notes de rouille commençaient à l'attaquer par endroit.
- Tu ne prends pas ta voiture ? Demanda sa mère, encore en robe de chambre alors que la journée était déjà bien entamée, profitant de ce joli dimanche.
Hier, elles avaient passé le reste de la journée à regarder des films, retrouvant une complicité qu'elles n'avaient pourtant, malgré plus d'un obstacle, jamais perdu. Étirant le temps, profitant au maximum, elles avaient redécouvert Charlie Chaplin, Luc Besson, Quentin Tarantino, et Jean-Pierre Jeunet bien sûr, appréciant tous les longs-métrages qui avaient rythmé l'enfance de Mak. Puis toutes deux s'étaient endormies sur le canapé, exactement comme quand Mak était malade, exactement comme quand Sarah avait encore le cerveau à l'envers. Même serrées l'une contre l'autre, elles avaient passé une nuit des plus reposantes, et c'est le sourire aux lèvres que Mak s'était réveillée.
- Non, je préfère profiter d'une balade à vélo, sourit la jeune fille en déposant un baiser sur la joue de sa mère avant d'enfourcher son vélo.
- Je rentrerai tard ce soir, annonça Sarah.
- Ah oui ? Tu bosses ? Demanda Mak en repliant la béquille d'un coup de pied.
- Alors non, je ne bosse pas, mais je sors, sourit sa mère, alors que Mak relevait subitement la tête.
- Tu sors ? S'étonna la jeune fille. Tu sors où ?
Pour toute réponse, Sarah sourit en hochant négativement la tête, signe qu'elle ne dirait rien.
- Tu me fais des secrets maintenant ? Demanda Mak en haussant un sourcil amusé.
Sarah haussa les épaules en restant toujours silencieuse, ne perdant pourtant pas son sourire radieux. Un sourire que Mak sut reconnaître. Un sourire d'amoureuse.
La jeune fille plissa les yeux puis consentit :
- D'accord, je n'insiste pas. A ce soir ?
- A ce soir, sois prudente, répondit Sarah, appréciant que sa fille ne pose pas plus de question.
- Toujours, sourit Mak avant de s'élancer, choisissant une vitesse de croisière.
La jeune fille prit plaisir à sentir ses cuisses se tendre à chaque impulsion sur les pédales alors que le soleil lui chauffait le dos. Arendelle lui apparaissait différemment aujourd'hui. Et elle trouvait une certaine ironie dans le fait qu'elle soit ici et Elsa à Lyon. Il était agréable de pouvoir enfin se dire que son ancien professeur était à un endroit fixe. Que, si elle le désirait, elle savait où la trouver. Enfin, Elsa n'était plus un fantôme qui hantait Arendelle. Seulement quelqu'un qui l'attendait. Ça aussi, c'était ironique, ou peut-être juste le karma.
Elle arriva rapidement à l'endroit désiré et fut heureuse de ne plus avoir à garer son vélo devant la bibliothèque. Alors pour la première fois, parce que certaines choses avaient changé en cinq ans, elle le laissa en bas de l'ancien immeuble d'Elsa. Elle eut tout de même un pincement au cœur. Depuis combien de temps n'était-elle pas revenu ici ? Quelque chose qui se rapprochait d'une éternité, du moins, c'est ce qui lui semblait.
Elle fut heureuse de constater que le code de l'entrée n'avait pas changé, et fut d'ailleurs étonnée de s'en souvenir étant donné que sa mémoire se détériorait de jour en jour à cause de ce maudit traitement.
Elle pénétra l'entrée, et monta rapidement jusqu'au deuxième étage. Elle se retrouva presque trop vite devant la porte en bois brun mais plissa les yeux en remarquant que le nom d'Elsa n'y figurait plus et avait été remplacé par celui de Kristoff Trollier.
Tiens, ils se sont finalement décidés à vivre ensemble, sourit Mak intérieurement avant d'inspirer profondément et de toquer à cette porte qu'elle connaissait si bien.
Elle attendit seulement quelques secondes avant que celle-ci ne s'ouvre sur un regard joyeux et enfantin qu'elle aurait pu reconnaître même après toutes ces années.
Anna se figea en se confrontant à la vision si soudaine d'une adolescente aux cheveux bleus. Une punkette aux allures de hipster qu'elle n'avait pas vu depuis bien longtemps. Et finalement, en regardant mieux, elle remarqua que l'adolescente n'était plus et avait fait place à une jolie jeune femme aux traits plus fins mais à l'air toujours aussi sauvage. L'air de même pas peur ne l'avait jamais quitté… La réaction de la rousse ne se fit pas attendre.
- Ah ! cria-t-elle en se jetant au cou de Mak. Je suis si heureuse de te voir ! S'exclama-t-elle alors que Mak riait en lui rendant l'étreinte.
La jeune fille avait oublié à quel point la bonne humeur d'Anna était contagieuse.
Un antidépresseur ambulant, pensa-t-elle en se disant qu'Anna était bien plus efficace que Xanax et Seroplexe réunis.
- Moi aussi, sourit Mak, quelque peu pudique de revenir ici.
- Ça fait si longtemps ! Je devrais t'engueuler mais tu m'as beaucoup trop manqué pour ça ! Déclara Anna en observant Mak sous toutes les coutures.
-Tu m'as manqué aussi, sourit Mak. Tu as une minute ou je te dérange ?
- Non, non, viens, assura la rousse. Kristoff est là, mais tu le connais, il ne va pas te manger, sourit-elle en tirant la jeune fille par le bras avec l'enthousiasme qui la caractérisait si bien.
Mak entra et fut envahie par l'odeur qu'Elsa avait laissée dans cet appartement. L'odeur de décembre, celle qu'elle partageait avec sa sœur. Mak avait remarqué que l'odeur était ce qu'on oubliait en premier d'un absent. Car même si on essayait minablement de la retenir, l'odeur s'enfuyait quoi qu'on fasse à une vitesse fulgurante. Ce fut la première chose qui lui avait échappé malgré ses tentatives désastreuses pour la préserver. L'odeur d'Elsa, premier souvenir qui l'avait quitté.
- Oh ! Salut Mak, sourit Kristoff, assis dans le canapé, surpris de la voir ici.
Mak revint à elle en essayant minablement de repousser les flashs de souvenir que lui envoyait cet appartement qui n'avait que peu changé et sourit enfin.
- Salut, je suis désolée de débarquer sans prévenir. Vous êtes sûr que je ne vous dérange pas ?
- Mais non, assura Kristoff. Viens t'asseoir, proposa-t-il en tapotant le canapé près de lui.
Mak obéit docilement en tentant de calmer les émotions qui la traversait.
- Tu veux boire quelque chose ? Proposa Anna.
- De l'eau, c'est très bien.
- Même pas une bière ? Proposa Kristoff.
Mak hésita. Avec son traitement, l'alcool lui était formellement interdit. Et même si elle transgressait souvent cette règle, elle essayait d'y faire attention. Mais d'un autre côté, être ici lui demandait bien plus d'effort qu'elle ne l'aurait pensé, et puis une bière n'avait jamais tué personne…
- Va pour une bière alors, sourit-elle alors que Kristoff se levait pour la servir et qu'Anna s'installait près d'elle, les yeux brillants.
Le jeune homme revint quelques secondes plus tard avec une bouteille décapsulée qu'il déposa sur la table basse avant de reprendre sa place.
- La barbe te va bien, lui fit remarquer Mak en voyant qu'une épaisse barbe blonde avait élu domicile sur tout le bas de son visage.
- Ne dis pas ça, Anna déteste ! Rit Kristoff.
Et s'ensuivit un long monologue de la rouquine qui expliquait en détail les raisons pour lesquelles cette barbe aurait dû être rasée depuis longtemps.
Et quand Anna jugea qu'elle avait assez milité pour la défense des imberbes sous les rires des deux autres, elle soupira et demanda :
- Bon, alors raconte-moi ? Qu'est-ce que tu deviens ? Je veux tout savoir !
- Ça va. Je bosse sur Lyon en tant que barmaid dans un bar sympa. Ma patronne est cool.
- Tu sais qu'elle déprime totalement depuis qu'elle ne peut plus avoir de glace à l'œil ? Sourit Kristoff en pointant sa compagne du doigt.
- Je comprends, ça laisse un vide dans une vie, sourit Mak alors qu'Anna frappait l'épaule du grand blond.
- Et ta mère et ton frère ? Demanda Anna.
- Tout le monde va bien, assura Mak après s'être offert une gorgée de bière. Jim bosse comme un malade et ma mère va beaucoup mieux. Je la soupçonne même d'avoir un nouveau mec, sourit-elle.
- Oh, ça serait bien pour elle ! S'exclama Anna.
- Et vous ? Demanda Mak. Parlez-moi de vous, réclama-t-elle tendrement en se disant qu'il leur faudrait toute la journée pour mettre presque cinq sur table.
A vrai dire, elle était restée proche d'Anna, la première année du moins. Puis elle s'était douloureusement rendu compte que si elle voulait survivre à l'absence d'Elsa, elle ne pouvait se permettre de faire des blagues à son cœur en fréquentant sa sœur qui lui ressemblait parfois tellement. Alors après son départ pour Lyon, Mak s'était tout simplement rendue indisponible, et Anna avait compris son besoin de couper les ponts, même si elles n'avaient jamais eu besoin d'en parler.
- On va se marier ! Annonça rapidement Kristoff.
- Non ? S'étonna Mak alors qu'un immense sourire étirait ses lèvres.
- Je voulais lui annoncer ! Gronda Anna en frappant de nouveau le grand blond qui n'en finissait pas de rire.
Et Mak se dit que Kristoff devait avoir l'habitude que les petits poings d'Anna se retrouvent dans son épaule.
- Je suis contente pour vous, assura la jeune fille. Je suis invitée j'espère ?
- Evidemment ! S'exclama Anna comme si c'était évident. D'ailleurs, si tu veux venir à mon mariage, une question pratique s'impose : T'en es où ? Avec ma sœur ? Je te compte comme son +1 ou pas ?
Mak perdit peu à peu son sourire en soupirant. Être le +1 d'Elsa…ça lui paraissait maintenant tellement loin. Il est vrai qu'elle s'attendait à cette question et elle se souvenait qu'Anna ne gardait jamais sa langue dans sa poche, mais bizarrement, elle n'y était pas préparée.
- Toujours aussi délicate, mon amour… soupira Kristoff, détendant un peu la jeune fille.
- J'imagine que c'est pour ça que tu es là, pas vrai ? Demanda Anna à l'attention de Mak.
- Un peu, oui, grimaça la jeune fille.
Un petit silence passa alors qu'Anna se souvenait que cette gamine n'avait jamais été très bavarde. Alors la rousse observa Mak, plissa les yeux, puis déclara :
- Bien, laisse-moi deviner, on va voir si je suis aussi douée qu'à l'époque, sourit-elle. Tu n'es pas venue avec elle, ce qui n'est pas forcément bon signe, mais, elle m'a appelé hier soir pour des banalités bien sûr, alors vous ne vous êtes pas étripées non plus, réfléchit la rouquine alors que Mak hochait la tête, lui signifiant qu'elle avait bon jusque-là. J'en conclus donc que vous ne savez absolument pas où vous en êtes, c'est ça ?
- C'est un bon résumé, oui… avoua Mak en remerciant Anna d'être si perspicace.
- Tu es toujours aussi douée qu'à l'époque, sourit Kristoff.
- Avec ces deux-là, j'étais bien obligée ! S'exclama Anna et Mak se dit qu'elle enviait sa faculté à parler de chose importante avec tant de légèreté.
- Et qu'est-ce que tu comptes faire maintenant ? Demanda Kristoff, à présent heureux de pouvoir avoir une place dans cette histoire qu'il jugeait complètement dingue.
- Si tu savais combien de fois on m'a posé cette question… soupira Mak en se laissant couler contre le dossier du canapé. Et je n'en sais toujours rien.
- En même temps je te comprends, je ne saurais pas non plus à ta place, réfléchit Kristoff. Si Anna était partie, moi aussi j'aurais perdu le Nord…
- Surtout avec une tête de mule comme ma sœur… soupira Anna. Elle est gentille avec toi au moins ?
- Oh oui, elle est…
Tellement belle…Eut-elle envie de répondre comme par réflexe.
- Elle est parfaite, avoua-t-elle enfin, ne pouvant que se livrer à l'évidence. Mais… elle hésita encore, incertaine de la réaction qu'elle allait provoquer chez Anna.
- Mais ? S'impatienta Anna.
- J'ai rencontré quelqu'un… avoua la jeune fille en grimaçant. Et je crois qu'elle me fait du bien.
Anna resta silencieuse une seconde et le cœur de Mak se mit à battre. Allait-elle la détester ? Lui dire qu'elle aurait dû rester fidèle à Elsa ? Qu'elle aurait dû l'attendre ?
- Ça ferait les pieds à ma sœur, tiens ! S'exclama Anna, un brin de colère dans la voix.
- Tu ne m'en veux pas ? Demanda Mak, surprise.
- Bien sûr que non ! S'écria Anna presque outrée que la jeune fille puisse penser ainsi. Tu sais à quel point j'aime ma sœur mais ce n'est pas pour autant que je la défends tout le temps, au contraire, je la connais, et je sais qu'elle peut-être une vraie peste. Et sur ce coup-là, elle a merdé, assura-t-elle d'une voix réprobatrice.
- Tu n'as pas à t'en vouloir, c'est long cinq ans, rappela Kristoff en passant un bras autour des épaules de sa future femme.
- Merci… souffla Mak. Je ne pensais pas que vous le prendriez comme ça.
- Eh, c'est pas parce qu'on va se marier qu'on devient des vieux cons, lâcha Anna faisant rire Mak, la déridant un peu.
- On n'est pas là pour te juger, assura Kristoff en haussant les épaules.
- Bien sûr, approuva Anna. Je peux te dire que ma sœur t'aime, au cas où tu en douterais encore. Mais quoi que tu choisisses, je te soutiendrai. Et si ça veut dire faire ta vie avec quelqu'un d'autre, alors c'est bien aussi, Elsa ne mériterait que ça.
- Comment elle va ? Osa demander la jeune fille.
- Pff, elle rumine et elle se traite de monstre toutes les cinq minutes environ… grimaça Anna en faisant de grands gestes dédaigneux de la main. Ma sœur quoi…
Mak haussa un sourcil sans répondre en remarquant que quand il s'agissait de parler d'Elsa avec Anna, cela se terminait souvent par, ma sœur quoi… Elle nota mentalement qu'Anna lui assurait qu'Elsa l'aimait, c'était une chose à prendre en compte. Aussi, elle qui se pensait dure avec Elsa, se rendait compte que sa sœur l'était plus encore. Au moins, maintenant, elle était fixée sur ce que la rouquine pensait.
- Bon, parle-moi de cette fameuse personne qui fait concurrence à ma sœur ? Sourit Anna d'un ton plus joyeux.
Mak, heureuse que le sujet dévie, rit finalement et avoua, parce que c'était toujours la première chose qui lui venait en parlant d'Emma :
- Elle est flic…
- Oh ? Tu couches avec l'ennemi maintenant ? Se moqua gentiment Anna sans se douter que Kuzco avait déjà fait cette blague avant elle.
- Je me suis dit qu'avoir un indic dans la police pouvait servir, plaisanta Mak faisant rire le couple avec elle. J'ai fait d'elle un flic corrompu.
Et ainsi, la conversation dévia sur Emma. Sur leur première rencontre, leur quotidien. Mak parla même de Colonel.
- D'ailleurs, où est Joséphine ? Demanda alors Mak en se rendant compte qu'elle n'avait pas vu le gros chat.
D'un claquement de langue, Anna appela le chat et un bruit sourd se fit entendre avant qu'on ne voie une grosse boule grise sortir de la chambre de la rouquine pour se traîner d'un pas sans grâce dans le salon. Mak rit et se leva pour la prendre dans ses bras.
- Mais tu es devenue énorme ! S'exclama-t-elle à l'attention du chat qui miaula pour toute réponse en donnant un coup de tête affectueux à la jeune fille.
- Elle ne fait que dormir et manger, je n'en peux plus, soupira Anna.
- On va bientôt pouvoir la bouffer à Noël, rit Kristoff, s'attirant un énième coup de poing dans l'épaule de la part de sa fiancée et un rire cristallin de Mak.
Et c'est d'humeur plutôt légère que se termina cette entrevue. Mak fut ravie d'apprendre à mieux connaître Kristoff qu'elle n'avait finalement croisé qu'une seule fois en compagnie des autres amis d'Elsa. Et ce jour-là, elle se souvint avoir été tellement stressée par ce qu'ils penseraient d'elle, qu'elle n'avait pas vraiment pris conscience de ce qu'ils étaient. Elle se souvint malgré tout de Philippe. Elle avait adoré Philippe, la force tranquille du groupe. Kristoff s'en rapprochait un peu d'ailleurs, mais il était quelqu'un d'un peu plus comique que Philippe. Elle se souvenait également d'Aurore.
Aurore qui l'avait mise en garde, qui s'inquiétait du fait qu'elle aurait pu faire souffrir Elsa. Elle qui avait envoyé toute sa famille menacer son cpe pour sauver les fesses d'Elsa et qui s'était ensuite retrouvée sur la touche… Elle avait touché le pire, assez pour que tout le monde puisse en rire…
Au bout d'une bonne heure à parler de choses et d'autres, Mak se dit qu'il était tant pour elle de rentrer. Elle devait prendre le temps de se reposer en sachant qu'elle prendrait un service au Storybrook dès cette nuit.
- Reviens quand tu veux, ma grande, sourit Kristoff en lui offrant une tape amicale sur l'épaule.
- Et pas dans quatre ans de préférence, appuya Anna, Joséphine dans les bras en lui ouvrant la porte d'une main habile.
- Promis, sourit Mak en déposant un doux baiser sur la joue de la rouquine, et une dernière caresse sur la tête de Joséphine.
- Courage, glissa Anna à son oreille. Je suis là si tu as besoin.
- Je sais, répondit doucement Mak avant de leur offrir un dernier signe de la main et de s'enfuir.
Et à la seconde où la porte fut fermée, Anna se dirigea d'un pas rapide vers le salon et attrapa son téléphone.
- Qu'est-ce que tu fais ? Demanda Kristoff sans comprendre ce soudain entrain.
- J'appelle Elsa, répondit Anna, en composant rapidement le numéro de sa sœur.
- Tu joues les agents double ? Rit Kristoff en prenant place sur le canapé près de sa femme.
- Tu l'as regardé ? Demanda Anna en montrant la porte que venait d'emprunter Mak. Elle a maigri. Elle est pâle. Elle m'a mentit, elle ne va pas bien, conclut la rousse en entendant les bips se succéder dans son oreille.
- C'est vrai qu'elle n'avait pas l'air dans son assiette, admit Kristoff.
Bon, foncièrement, il ne connaissait pas Mak tant que ça, et elle lui avait paru discrète la première fois qu'il l'avait rencontrée, mais sa perte de poids, même pour quelqu'un qui la connaissait peu, était évidente.
- Et tu penses qu'Elsa peut y changer quelque chose ? Demanda-t-il.
- Elle va devoir rattraper ses conneries, et si je dois descendre jusqu'à Lyon pour lui botter les fesses, je le ferai, déclara Anna, de toute évidence remontée.
- Je te laisse gérer ça avec ta sœur, sourit Kristoff en se levant, ayant appris depuis longtemps que certaines choses devaient rester entre les sœurs Lange.
Anna hocha la tête alors que Kristoff lui offrait un rapide baiser pour enfin se retirer dans leur chambre.
- Allô ? Entendit Anna après quelques secondes.
- Mak vient de quitter l'appart, déclara-t-elle sans préambule.
- Quoi ! S'exclama Elsa. Elle est à Arendelle ?
- Elle a passé le week-end chez sa mère d'après ce que j'ai compris.
- Alors je me tue à revenir sur Arendelle, pour ensuite rejoindre Lyon, et elle, elle retourne à mon point de départ ! Commença à râler l'enseignante.
- Oh merde Elsa ! On n'en a rien à foutre ! Gronda Anna, perdant rapidement patience, réduisant une Elsa surprise au silence. Pourquoi tu ne m'as pas dit qu'elle allait si mal ? Demanda la rousse, véritablement excédée. Tu as vu à quel point elle a maigri ? Tu l'as vu ça, Elsa ?
- Oui, Anna, j'ai vu… soupira Elsa, en passant une main dépourvue de vie sur son visage, se calmant instantanément.
- Et cette nana dans sa vie ? Tu comptais me le cacher ça aussi ?
- Anna s'il te plait, je ne voulais rien te cacher. J'avais seulement besoin d'un peu de temps pour digérer ça…
- Digérer ? Digérer quoi ?
- Le fait qu'elle m'ait remplacé… Répondit douloureusement Elsa en serrant les dents.
Un silence suivit cette déclaration jusqu'à ce qu'Anna soupire bruyamment.
- Elsa, toujours aussi nulle en relation humaine, hein ?
La question était rhétorique, Elsa ne répondit pas, Anna reprit :
- Si vraiment elle t'avait remplacé, tu penses qu'elle serait venue me voir aujourd'hui ?
Elsa ne répondit toujours pas. Elle espérait seulement que, comme souvent, sa sœur avait raison.
Mak avait dormi une bonne partie de la journée en l'absence de sa mère, appréciant la tranquillité d'Arendelle qui parfois lui manquait tant. Plus de bruit de klaxon, ni de ronflement de voiture, un luxe qu'elle ne pouvait pas s'offrir à Lyon. Si bien qu'elle avait fini par ne se réveiller qu'à 18h, le décalage de ses horaires l'obligeant à dormir plusieurs fois dans la journée.
D'humeur tranquille, elle se leva, se fit couler un café, et saisit son paquet de cigarette et un livre dans la bibliothèque de sa mère avant de s'installer, sereine, sur la terrasse du petit jardin. Elle sourit en profitant du soleil, sirotant son café par moment, fumant à d'autres, en lisant ce bouquin, si drôle qu'elle en dévora les cent premières pages sans s'en rendre compte. L'histoire lui plaisait et elle se reconnaissait d'ailleurs un peu dans le personnage principal. Le discours de Fabrice Caro, racontait l'histoire d'un type complètement névrosé qui stressait à l'idée de devoir préparer un discours pour le mariage de sa sœur tout en attendant désespérément un message de son ex copine.
Et finalement, quand sa mère rentra, il était 18h30, et elle n'avait pas vu le temps passé.
- Chérie ? Appela Sarah.
- Sur la terrasse, précisa Mak en écrasant un mégot dans le cendrier.
- Qu'est-ce que tu fais ? Demanda Sarah en arrivant sur la terrasse, plissant les yeux face au soleil.
- Je prends du temps pour moi, sourit Mak.
- Ah, c'est bien ça ! S'exclama sa mère.
Mak l'observa un peu mieux et remarqua qu'elle ne reconnaissait pas la robe qu'elle portait et que celle-ci avait pris le temps de se maquiller.
- Mais dis-moi, t'es toute belle, fit remarquer la jeune fille alors que sa mère s'asseyait en face d'elle. D'où tu sors comme ça ?
Sarah ne répondit pas et roula des yeux en souriant seulement.
- Oh allez, dis-moi ! Rit Mak.
- Joker ? Essaya sa mère.
- Non pas Joker ! Refusa Mak ne perdant jamais son sourire. Je t'ai avoué que je m'envoyais ma prof de philo, alors tu peux bien me dire pour qui tu t'es faite si jolie, non ?
- Tu ne serais pas fâchée ?
- Fâchée de quoi ?
- Que je vois quelqu'un.
- Mais Maman, bien sûr que non ! Assura Mak, effarée de devoir préciser. Ça fait sept ans maintenant, et Papa ne voudrait pas que tu restes seule.
Sarah sourit, rassurée par cette réponse, puis avoua finalement :
- Il s'appelle Robert Philip, il a mon âge, et il est charmant.
- Tu as une photo ? Je veux voir une photo ! S'exclama Mak en réfutant l'envie de sautiller sur place.
Sarah soupira, malgré tout amusée, et ouvrit la galerie de son téléphone. Mak lui arracha le portable des mains et plissa les yeux en se concentrant sur la photo, réglant la luminosité au maximum.
Chose faite, elle découvrit le portrait d'un homme de, apparemment, 43 ans, au sourire plus que séduisant. Elle fut immédiatement conquise par ses épais cheveux noirs, son regard de chien battu, ses rides au coin de ses yeux bleus. Il lui fit un peu penser à Éric, le mec d'Ariel. Comme lui, il ressemblait à s'y méprendre à un véritable prince charmant. Le genre de mec tout à fait séduisant qu'on aurait choisit pour une comédie romantique américaine.
- Il est super canon ! S'écria Mak. Il ressemble à ce type, cet acteur, tu sais qui joue dans cette série avec plein de toubibs, et il leur arrive plein de trucs complètement dingues, expliqua maladroitement la jeune fille en peinant à trouver ses mots.
- Grey's Anatomy ? Proposa sa mère.
- Oui c'est ça ! Sourit Mak. Et bah, ce type-là, c'est le portrait craché de Docteur Mamour, affirma-t-elle sérieusement en pointant le cliché du doigt.
- Si tu le dis, ma puce, rit sa mère.
Et la discussion, toujours aussi légère, se poursuivit, jusqu'à ce que 19h sonne. Mak se leva et rassembla rapidement ses affaires. Il fallait vraiment qu'elle prenne la route si elle voulait pouvoir se reposer avant son shift.
Quelques minutes plus tard, son sac fut de nouveau jeté sur la banquette arrière de la vieille R5, et elle serra sa mère dans ses bras alors qu'elle se tenait toutes deux devant la petite maison.
- Comment tu fais pour rouler dans cette horreur ? Demanda Sarah en jetant un œil à la vieille voiture.
- Et encore, tu n'as pas vu celle d'Emma, rit la jeune fille.
- Sois prudente, d'accord ?
- Toujours.
- Et reviens me voir bientôt. Un weekend c'est trop court, réclama Sarah en ébouriffant les cheveux de sa fille.
- Promis, Maman, sourit Mak en se mettant au volant de sa voiture, ouvrant toutes les fenêtres, profitant avec bonheur de cette soirée en se disant qu'il ferait sans doute encore plus chaud à Lyon. Et, M'man ? Appela-t-elle.
- Hm ?
- Dis à Docteur Mamour que s'il te fait du mal, je viendrai lui casser les dents, rit la jeune fille avant de faire un dernier signe de la main à sa mère et de démarrer en trombe alors que Sarah roulait des yeux en souriant.
Mak roulait à bonne allure alors que le soleil commençait lentement à décliner. Tenant le volant d'un genou, elle alluma une cigarette et la fumée qu'elle recracha se répandit dans le petit habitacle. Comme toujours, elle fit hurler son autoradio et se plut à chanter par moment, ainsi, seule dans sa voiture, se faisant rire toute seule.
La lumière ocre de cette fin d'après-midi tapait encore sur son capot alors que l'air se faisait plus frais.
Golden, golden, golden. As i open my eyes... Chantait Harry Styles par les enceintes sans se douter que sa chanson collait plutôt bien au moment présent imprimé dans une golden hour.
Les doigts de Mak tapaient le rythme sur le volant alors que son esprit divaguait légèrement. Ce weekend lui avait fait du bien même s'il s'était révélé presque surréaliste. Et même si elle l'avait appréhendé, parler à Anna lui avait fait un bien fou. Comment avait-elle pu douter d'elle ? Encore une fois la rouquine était de son côté et finalement ça ne l'étonnait pas tant que ça. Anna avait toujours été de son côté.
Et comme un coup du sort effroyable, la voix d'Harry Styles fut remplacée par celle du présentateur radio.
- Merci de rester avec nous, un classique à présent, on se retrouve avec Ma Préférence de Julien Clerc.
Et le cerveau de Mak, lui, cru entendre :
- Merci de rester avec nous, à présent, un morceau sur lequel tu as passé un délicieux moment avec Elsa.
- Sérieusement ? Grimaça Mak en jetant un œil dédaigneux à son autoradio, comme si le présentateur pouvait l'entendre.
Comment pouvait-on passer du dernier tube à la mode à cette chanson ? Évidemment, des souvenirs d'Annecy lui revinrent en mémoire. Ce saxophoniste qui n'avait joué que pour elles...Des flashbacks insupportables passèrent alors devant ses yeux. Des visions d'une Elsa frémissante au-dessus d'elle. Des mains d'Elsa sur sa peau, sous ses vêtements. Elle ferma les yeux à peine une seconde et secoua vivement la tête alors qu'une autre vision, celle d'une tête blonde entre ses cuisses, l'accablait.
Elle soupira bruyamment alors son estomac s'envolait et que Julien Clerc chantait toujours cette chanson qui aurait pu être la leur.
- Une heure de route et ça me passera... dit-elle pour elle-même, essayant de se convaincre.
Mais même après une heure de route, arrivée aux portes de Lyon, les visions étaient toujours là, plus intenses, plus transcendantes. Mak se laissa couler sur son siège quand elle s'arrêta à un feu rouge. Elle connaissait ce croisement. La rue de droite la mènerait chez elle, tandis que celle de gauche déboucherait jusqu'à l'hôtel Transylvanie... un dilemme s'imposa à elle.
En attendant que le feu passe au vert, elle regarda à droite, puis à gauche, puis encore à droite et recommença cette opération au moins trois fois en se rongeant les ongles. Un homme s'arrêta au passage piéton juste devant elle. A ce moment précis, le feu des piétons passa au rouge et l'homme râla.
- S'il traverse quand même, je vais à gauche...murmura la jeune fille pour elle-même en fixant l'homme, qui, sans le savoir, serait décisionnaire de son choix.
Mak jeta un œil au feu des véhicules, toujours rouge.
- Allez, Connard, traverse... murmura-t-elle encore en serrant les dents alors que l'homme tapait du pied, de toute évidence pressé.
Après quelques secondes d'impatience, le feu passa au vert et Mak ragea en tournant le volant à droite, mais à ce moment précis, l'homme choisit de traverser et la jeune fille dû piler au dernier moment pour ne pas l'écraser. L'homme, sachant qu'il était en tort, se confondit en excuse faisant de grands gestes de la main mais fut tout à fait étonné de voir la conductrice le gratifier d'un immense sourire, même d'un merci monsieur ! avant de démarrer en trombe vers la gauche. C'était bien la première fois qu'on le remerciait d'avoir traversé au feu rouge...
Mak se gara devant l'hôtel Transylvanie non loin du 4x4 rouge qu'elle reconnut immédiatement, et souffla un bon coup avant de couper le contact, et de descendre rapidement de sa voiture. Il ne fallait pas qu'elle réfléchisse, pas maintenant, au risque de comprendre que c'était une mauvaise idée. Elle traversa rapidement le parking et ne prit même pas la peine de se présenter au comptoir.
- Excusez-moi Madame, puis-je vous aider ? L'interpella poliment un homme habillé tout en noir avec un accent slave incompréhensible.
- Tout va bien, je viens voir Elsa Lange. Chambre 206 je sais, je suis sa femme, annonça-t-elle précipitamment, presque agacée, avant de s'engouffrer dans l'ascenseur.
L'homme fronça les sourcils, parut réfléchir, puis déclara alors qu'elle était déjà partie :
- Bien, je croyais que la polygamie n'était pas reconnue dans ce pays.
Si quelqu'un monte au premier étage, je m'en vais, se dit-elle, ainsi statique dans l'ascenseur.
Mais pour son bonheur ou son malheur, elle n'en était pas certaine, personne ne monta, alors elle descendit au deuxième étage.
Mak, complètement décidée, ou complètement folle, faisait de grands pas dans le couloir en cherchant la chambre 206.
Ne réfléchis pas pour une fois, ne réfléchis pas...se sermonnait-elle encore et encore.
Continuant ses longues enjambées et remarquant que le couloir était désert, elle souffla un bon coup, et ôta son t-shirt d'un geste ample alors que seul un bandeau noir couvrait à présent sa poitrine. Elle se fichait pas mal qu'on la voit ainsi, après tout, elle ne réfléchissait plus.
Arrivée devant la porte, elle frappa trois fois d'un poing ferme et s'appuya d'une main de chaque côté de l'encadrement de la porte en baissant quelque peu la tête.
Si elle n'ouvre pas en moins de cinq secondes, je m'en vais, se dit-elle une dernière fois, se laissant une dernière porte de sortie.
1...2...3...4...la porte s'ouvrit.
