Bonjour à toutes et à tous et bienvenu sur
la seconde partie du chapitre vingt-sept du Souffle Du Dragon !
Je tiens à remercier ceux qui m'ont ajouté en favoris ou en likes, chers lecteurs, mais plus encore pour leurs messages. Les reviews sont les seules récompenses que nous, auteurs de Fanfictions, ayons, alors je vous remercie réellement de prendre de votre temps pour ne serait-ce que me laisser un j'aime ou bien me dire ce qui vous dérange dans cette histoire. Vous êtes des amours !
Je vais le répéter encore une fois mais depuis quelques mois maintenant, les chapitres sont sectionnés en deux afin de laisser à ma bêta et moi-même la possibilité de prendre de l'avance, que ce soit sur la correction ou bien l'écriture. Certes, vous trouverez peut-être qu'avoir des chapitres de 10 000 mots (quoique, maintenant, nous nous approchions plus des 15 000 mots par chapitres…) c'est court, mais il est important que Pelote et moi gardions le plaisir de lire et écrire cette histoire, plutôt que d'en faire une contrainte.
Au passage, pour ceux qui souhaitent le savoir, Le Souffle Du Dragon fera en tout et pour tout 52 chapitres + 2 ou 3 Bonus + un épilogue (ou 2…) ! Alors préparez vos vendredis/samedis pour encore une année, parce qu'on n'est pas couché…
À l'attention de Dramionymus, Keep Hope et Lena-Malefoy, je vous ai envoyé un MP en réponse à vos commentaires ou à vos messages tout court 😉 !
Comme d'habitude, je vous souhaite à tous de passer un très bon moment sur ce chapitre, nous nous retrouvons en bas pour la seconde partie de mon Blablas d'auteur !
*** Bonne lecture ! ***
Précédemment dans le Souffle Du Dragon :
Charlie
— Elle m'a menacé de me couper les couilles avec un couteau en plastique si je continuais de regarder dans le vide alors qu'elle m'expliquait un point simple de l'arithmancie à ses yeux ! s'égosille Dennis.
Je n'ai aucune putain de foutue idée de comment une telle idée peut lui être venue en tête, mais je suis presque sûr que l'émasculation grâce à ce procédé doit être affreusement douloureux, et que le proposer à un homme qui vient à peine de découvrir à quoi peuvent bien servir des organes génitaux est une autre forme de torture !
— Elle a transformé mes habits en une couche pour bébé, avec la tétine qui va avec, sous prétexte qu'ainsi « j'aurais une vraie raison de bavé sur Daphnée » ! grimace Neville en mimant ses propos par des guillemets aériens.
— Dis-toi que l'expérience a été aussi dérangeante pour toi que pour les personnes qui ont pu te voir si peu vêtu, Londubat, soupire Théo.
— Tu veux que je lui dise que tu l'as traité de folle à lier frigide, de garce froide et sans cœur, hier soir ? susurre froidement l'ancien Gryffondor.
— Fais gaffe, le préviens Blaise. Elle a un crochet du droit qui fait vraiment mal…
Affalés tous les trois sur le canapé de la salle commune des professeurs, le métis avec une poche à glace sur le nez, Neville avec un air horrifié et Nott plus grimaçant que jamais, ils ont vraiment l'air au bout du rouleau. Mais ce n'est rien comparé à la furie qui passe le portrait, ses cheveux noirs volant dans son sillage.
— Je me fous parfaitement de ce que tu feras, je me tape totalement des moyens que tu mettras en œuvre pour le faire, je n'en ai rien à faire que tu trouves le procédé révoltant, humiliant ou je ne sais quoi encore, susurre vicieusement Pansy, mais tu vas me faire le plaisir de prendre tes couilles dans tes mains et aller calmer la garce qui te sert de femme, sinon je peux te jurer que, professeur ou non, je te ferais la peau, Weasley !
Je suppose que je dois simplement me sentir chanceux que Drago ne soit pas là ce soir, sinon la diva des huitième m'aurait sûrement fait la peau…
Il faut dire que ce coup de poing magistral en plein hall d'entrée qu'elle lui a donné a vraiment été un spectacle en soi ! Je ne sais pas comment elle est parvenue à un tel prodige, mais il a littéralement volé au travers de la pièce…
— Ah, Charlie ! Tu es là ! J'ai besoin de te parler en privé tout de suite !
Et bien sûr, quand l'on a l'impression qu'une situation ne pourrait pas être pire, comptez sur Katya Sermirov pour vous faire comprendre à quel point la divination est un art qui se perd…
— Ce n'est pas le moment, là, Kat, soupiré-je en me prenant le visage entre les mains.
— Ce que tu n'as pas l'impression de comprendre, mon cher, c'est que je ne te laisse pas le choix ! gronde-t-elle. Tu vas lever ton cul de ce fauteuil, et tu vas me suivre immédiatement dans ta chambre, sinon je peux te jurer par Morgan que je te ferais regretter le sortilège de découpe que ta timbrée de femme m'a envoyé pendant le cours cet après-midi !
Putain mais cette journée n'en finira-t-elle donc jamais ? Combien de personnes vont-elles encore venir se plaindre auprès de moi pour une chose qui n'est pas de mon ressort ? Combien de personnes vont encore croire que je puisse faire quoi que ce soit pour assainir les relations que ma sorcière a avec l'entièreté du château, il semblerait ?
J'ai bien conscience d'avoir réagi comme un con égoïste, il y a trois semaines, j'ai compris à quel point j'ai bien pu me fourvoyer lorsque Harry a envoyé Severus pour m'expliquer clairement la situation… Mais à quoi pouvaient-ils s'attendre, tous autant qu'ils étaient ?
— Bouge-toi, Cha ! s'impatiente Katya. Je ne vais pas passer ma vie à attendre que tu daignes sortir de tes pensées foireuses !
— Tu permets, Sermirov ? grimace Pansy. Nous étions là d'abord !
— Oh ! Tu m'en vois navrée, Parkinson ! ricane-t-elle en levant les yeux au ciel. Je l'ai vu nu, j'ai donc la priorité.
— J'ai moi-même eu le malheur de te voir nue plusieurs fois, et crois-moi, ce n'est pas une tâche que j'aimerais reproduire de sitôt !
— Stop ! soupiré-je, retenant une grimace de lassitude. Suis-moi, Katya, allons parler.
— Le cul mène à tout, Parkinson, tu devrais y penser, sourit-elle vicieusement.
J'attrape vivement Katya par le poignet pour la tirer en direction des dortoirs, évitant ainsi à la furie brune de se sentir obligée de sortir sa baguette pour lui jeter tous les sortilèges de son répertoire qui, je le sais, est tout aussi vicieux qu'elle, étonnement !
Reprendre le chemin de ma chambre avec elle me laisse vraiment une impression étrange. Comme si je trompais ma femme… Bon sang, cette expérience nous aura vraiment tous retourné le cerveau…
Enfin, au moins, il est sorti quelque chose de positif de tout cela, puisque de nombreux couples en sont ressortis plus forts, et que, pour certains comme Susan et Théo, c'est une forte relation d'amitié qui a émergé.
— Tu veux bien arrêter de ruminer tes idées noires plus de trente secondes, s'il te plaît ? grimace Kat. Tu me files le cafard…
Je n'ai même pas pris compte que nous étions dans ma chambre, ni même qu'elle était toujours à l'entrée de celle-ci alors que je me suis assis contre la tête de lit, les genoux repliés contre mon torse. Définitivement, ce genre de situation est vraiment inédite entre nous !
En temps normal, soit nous serions en train de nous engueuler à propos d'Hermione, soit nous serions déjà nus et sauvagement en train de coucher ensemble… Vraiment, les choses ont bien changé depuis que cette expérience a eu lieu…
En un sens, c'est vrai, je préfère vraiment notre relation telle qu'elle est désormais. Certes, nous ne nous voyons plus autant qu'avant, puisqu'elle a décidé de garder la cabane de Hagrid comme lieu de vie, ce que Minerva a accepté de bon cœur, mais je dois dire que j'apprécie d'aller y faire un tour, après le travail, pour pouvoir discuter quelques minutes avec elle.
Il est vrai que, les premiers temps, ça a été bizarre de me retrouver en sa présence sans qu'on ne se jette sauvagement l'un sur l'autre comme avant. Mais je dois dire que grâce à ça, j'ai découvert une autre facette de Kat que je ne connaissais pas : elle est plus empathique que je ne le serais jamais.
Je sais, c'est fou, surtout lorsque l'on voit de quelle manière elle a traité ses élèves, et même moi, certaines fois, les premiers mois qu'elle a passé à Poudlard. Mais parallèlement à ça, je dois dire qu'elle a vraiment été de bon conseil en ce qui concerne tout le reste…
— Bon, qu'as-tu fait, cette fois-ci ? soupire-t-elle en venant s'asseoir au bout du lit.
Ça aussi, ça me fait bizarre… Ai-je perdu tout mon sex-appeal pour que maintenant, elle ne tente même plus de me sauter dessus ?
— Qui te dit que c'est moi qui ai fait quelque chose de mal ? froncé-je les sourcils.
— Je vais t'expliquer une chose primordiale en ce qui concerne les relations entre femmes, Charlie, lève-t-elle les yeux au ciel. Je couche avec toi, elle me lance un sort. Je lui en lance un en représailles, elle couche avec toi. Point. Pourtant, cette fois-ci, je sais pertinemment que je n'ai pas couché avec toi, et je me suis quand même pris un sort dans la gueule en plein cours, alors excuse-moi de t'emmerder avec ça, mais qu'est-ce que tu lui as fait pour qu'elle pète un plomb à ce point, la petite Granger ? Tu lui as volé son goûter ?
— Elle a perdu le bébé…
Voilà très exactement LA chose que je ne voulais jamais lui dire, ni même dire à qui que ce soit. Pas parce que je n'ai pas confiance en elle, après tout, nous avons passé deux ans à soigner des dragons ensemble, et s'il n'y a pas une certaine forme de relation de confiance entre deux dresseurs, la mort est la seule issue. Non, c'est pour autre chose.
Lui dire, c'est mettre des mots sur une chose que je n'accepte pas. Certes, j'avais plutôt bien intégré le fait d'être le « père » de Diana durant un mois, et je crois même que j'ai plutôt bien géré cette peur. Mais là…
Là, c'était tout autre. Là, ce n'était pas uniquement pour une expérience. Cette fois-ci, c'était vraiment moi qui l'avais mise enceinte. C'était vraiment notre enfant qu'elle a dû pleurer pendant des heures quand elle a appris qu'il était mort. Et ça me fout une trouille bleue.
J'ai peur parce que pendant que Severus m'annonçait la nouvelle, je pouvais sentir la douleur, la détresse, l'angoisse et l'agonie que ressentait Hermione, à travers notre lien. Je sentais que, même si elle ne se savait pas enceinte à ce moment-là, elle s'est attachée à cet enfant. Et encore une fois, elle a perdu un être qui aurait pu former sa famille.
Et j'ai eu mal pour elle, comme rarement je n'ai eu mal dans ma vie. Cette fois-ci, ce n'était ni un parent, ni même un ami proche qu'elle perdait. Cette fois-ci, c'était un petit être innocent, qui n'avait rien demandé à personne. Un être qu'elle a aimé à l'instant même où elle a su qu'il grandissait en elle. Ou plutôt qu'il ne grandirait plus jamais en elle…
C'était stupide et je m'en veux, mais j'ai fait la première chose qui me soit passée par la tête, lorsque Severus est reparti pour Poudlard : j'ai fui.
J'ai pris la poudre de cheminette, j'ai crié le nom de la réserve, et en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, j'étais déjà sur le dos de Veyser et je fendais les airs. Tout pour oublier que, comme un con, je me suis laissé avoir par Circé, et que j'ai oublié qu'aucun sort contraceptif ne fonctionnait durant une transformation en Dame Dragon.
Pendant une semaine, je n'ai fait que ça. Fuir, fuir le plus loin possible pour ne pas entendre cette phrase encore et encore dans ma tête, celle où Severus m'annonce que ce n'est pas elle qui est morte, mais notre bébé.
Et puis il a fallu revenir à la vie réelle, retrouver les problèmes tout aussi intacts que lorsque les ailes de Veyser m'ont emporté au loin, affronter les conséquences de mon départ brutal.
Le coup de poing de Fred ne m'a pas surpris. Celui de George oui. Le sort cuisant de Harry m'a presque fait du bien. La gifle de Fleur m'a mis les larmes aux yeux. Le reniflement dégoûté de Bill m'a mis à genoux.
Mais rien n'a été comparable à ce que j'ai ressenti, lorsque j'ai vu que la porte de notre appartement me restait, dorénavant, close. Elle ne voulait plus de moi pour avancer. Cette fois-ci, sans même que je ne la voie, elle m'a mis à terre.
J'ai eu beau tenter de la trouver dans les couloirs, essayer de croiser son regard durant les repas, la coincer quelque part pour pouvoir parler, en vain. Elle m'est définitivement fermée depuis des semaines.
— Par un bébé tu veux dire…, souffle Kat, me ramenant au présent.
— Je ne m'y connais pas trop en fœtus humain, mais je suppose qu'il devait faire environ la taille d'une larme de dragon, ricané-je amèrement.
Il ne m'a fallu que quelques minutes pour réussir à comprendre ce que Circé nous avait prédit. Lui reprendre quelque chose dont elle était sûre qu'il ne lui manquerait pas. Un bébé. C'est ça qu'elle lui a pris. C'est ça qu'elle nous a pris.
Amèrement, je sens les larmes traîtresses vouloir affluer dans mes yeux, menaçant à chaque instant de vouloir se déverser, mais je ne peux pas. Je n'ai pas le droit de pleurer pour cet enfant qui ne verra jamais le jour.
— Charlie, je…
— Ne le dis pas, l'arrêté-je, secouant douloureusement la tête. Juste, s'il te plaît, ne le dis pas…
Non, me dire qu'elle est désolée ne m'aidera pas. Me dire qu'elle s'en veut pour la manière dont elle a traité Hermione ces derniers jours n'aidera personne, encore une fois, et ça, c'est bien malheureux…
Parce que ma femme me manque, sentir ses pieds froids contre mes mollets quand elle venait me rejoindre la nuit me manque, sentir le poids rassurant de sa tête contre mon torse le matin me manque… Merde ! Même ses plats immangeables me manquent !
— Comment vas-tu ? chuchote Kat en me prenant la main, une moue peinée sur le visage.
Perfidement, je fais naviguer une partie de ma magie entre nos deux mains, pour qu'elle puisse ressentir l'état émotionnel dans lequel je suis en ce moment. Son souffle se bloque avant de devenir erratique, ses yeux s'écarquillent de choc et se mettent à pleurer douloureusement.
Je crois que c'est en ça, que cette situation a tout d'inédit. Parce que c'est la première fois, en plus de deux ans que je la connais, où je peux la voir comme une femme capable de pleurer, d'être sujette à des émotions douloureuses.
Lentement, je fais revenir ma magie jusque dans mon corps, la barricadant en moi pour éviter qu'elle ne s'échappe à nouveau, comme ce jour-là, dans la salle de quarantaine.
— Je me sens à peu près comme ça à chaque instant depuis Noël, soufflé-je dépité.
— Je crois que je comprends mieux pourquoi elle a l'air si… Quel est le mot qu'emploient les Moldus déjà ? Kamikaze, c'est ça ?
Je n'en ai foutrement aucune putain d'idée, mais si ça signifie vouloir se mettre dans tous les problèmes, déclencher des bagarres à tour de bras – plus en une seule semaine que Ron en un mois, ce qui relève du record à mes yeux – faire pleurer quelques première année, mettre plus de T aux devoirs de ses élèves que Severus face à une classe de Gryffondor ou donner des coups de poing à tout va, alors je suppose que kamikaze est en effet le bon terme…
— Cha, si toi tu te sens comme ça, imagine comment, elle, elle se sent ! s'agace-t-elle.
Suis-je passée, sans que je ne m'en rende compte, dans une dimension parallèle ? Depuis quand Katya – la salope sans cœur – Sermirov se met-elle à éprouver de la peine ou même de l'empathie pour ma femme ?
— Ne te méprends pas ! me détrompe-t-elle immédiatement, son nez plissé de dédain. Je n'ai aucune once de pitié en moi pour elle, mais en tant que femme, je sais parfaitement que je serais à deux doigts de craquer et commettre un meurtre si une telle chose se produisait.
Merlin merci, je n'aurais pas su gérer une Kat sentimentale, je crois ! Ce genre de chose se doit de rester aussi rare que l'apparition d'un Ronflak Cornu !
Mais dans le fond, elle a raison. Si moi je me sens à ce point mal, avec l'envie de chialer comme un gosse à chaque fois que j'aperçois sa touffe de cheveux bruns, l'impression d'être le pire bâtard de l'univers pour être parti sans la soutenir et incapable de me regarder en face depuis des jours, ça doit être bien pire pour elle…
— Qu'est-ce que je dois faire, Kat ? soupiré-je. Dis-moi ce qu'elle veut que je fasse ! Je n'en ai aucune idée…
— Essaye de parler avec elle déjà, ça peut peut-être aider !
— Elle a bloqué mon accès à l'appartement…
— Offre-lui des fleurs avec une carte, hausse-t-elle une épaule.
— Je veux m'excuser, pas devenir niais à souhait ! grogné-je.
— Ce que tu n'as pas l'air de comprendre, mon grand, c'est qu'il va te falloir sortir de ta zone de confort si tu veux l'aider à remonter la pente ! Et si j'étais toi, je me presserais de le faire, parce que Rogue et McGonagall menacent de lui retirer son poste de professeur et la renvoyer de Poudlard si elle continue à agir comme elle le fait en ce moment !
Putain ! Je savais que j'aurais mieux fait de rester dans ma réserve en Roumanie quand la directrice m'a proposé le poste vacant de Hagrid ! Mais non ! Il a fallu que je sois plus con que jamais en acceptant !
Pourtant, je sais que je suis de mauvaise foi en disant ça. Ou peut-être simplement déçu, blessé et triste. Parce que, en toute honnêteté, je ne me suis jamais autant amusé que depuis que je suis revenu ici.
Certes, être professeur n'a jamais été l'une des carrières vers lesquelles je me dirigeais, mais je me suis vu apprendre à aimer ce que je faisais, à apprécier de travailler avec d'autres animaux que les dragons.
Mais c'est surtout le fait de pouvoir être proche de ma famille, pouvoir les voir évoluer et devenir de vrais adultes, qui me plaît. C'est vrai ça ! Si j'étais resté dans ma réserve, combien de chances y aurait-il eues pour que je sache les histoires démentielles que doit subir Bill quand Fleur est en période d'ovulation ?
Combien de chances aurais-je eu de savoir que Fred est finalement parvenu à toucher son rêve du bout du doigt, et qu'il s'y accroche désespérément maintenant ?
Combien de chances de voir, pour la première fois de ma vie, George ramer comme un fou pour qu'une fille accepte un rencard avec lui ?
Combien de chances pour avoir la possibilité d'être présent, le jour où mon petit frère deviendra papa ? En toute honnêteté, je sais que sans ce poste, je n'en aurais pas eu une seule. Parce que j'ai beau les aimer, j'aime tout autant mon indépendance, si ce n'est plus quelques fois. Et puis il y a elle…
Bon sang… Jamais je n'aurais pu imaginer que je me prenne tant à ce jeu entre nous, à ce simulacre de relation que nous entretenons – avons entretenu – depuis ce midi où elle a joué avec son pied sur mes boules, au square…
Il est vrai qu'entre nous, rien n'a jamais été rose, et très sincèrement, je crois que cette année, nous avons atteint un nouveau summum en ce qui concerne les armes pour blesser l'autre. Mais paradoxalement, elle m'a aidé à comprendre pourquoi la séparation avec ma réserve ne m'était pas si dure.
Pourtant, nous en avons vécu des choses, depuis ce midi-là jusqu'à ce jour où j'ai bien cru qu'elle était morte, au Terrier.
Que ce soient les transformations en Dame Dragon, les coups bas, les insultes, les sorts, les parties de jambes en l'air à toute heure du jour ou de la nuit, et même le rituel à Gringotts, elle a tout affronté la tête haute, sans jamais se plaindre, sans jamais baisser les bras ou même attenter à sa vie.
Non, c'est faux… Une fois, elle a tenté de le faire, même si elle ne s'en est pas rendu compte. Une fois j'ai dû aller la récupérer jusque dans son esprit parce qu'elle venait d'apprendre la mort de ses parents. Ça a été l'une des deux fois où je l'ai vu rendre les armes. Là, et durant ce rêve où elle épousait Ron.
— J'ai trouvé ! crié-je en me levant d'un bond, ne prenant pas garde à Kat, perdue dans ses pensées elle aussi.
— Trouver quoi ? fronce-t-elle les sourcils.
— Le moyen de la ramener à la maison !
Si elle ne comprend pas un traître mot de ce que je raconte, pour ma part, en tout cas, je suis déjà en train de courir dans le couloir des dortoirs, ne m'arrêtant que lorsque je trouve la touffe ébouriffée des cheveux de Harry, assis entre Padma et Pansy.
— Potter ! l'apostrophé-je. Quel est le mot de passe des appartements de ma femme ?
Et maintenant :
S'il y a bien une seule et unique personne, dans tout ce maudit château, qui doit connaître son mot de passe, je parie tout l'or des Prewett qu'il s'agit de lui ! Il a beau avoir l'air épuisé, je ne doute pas un seul instant que ce soit parce qu'il veille sur elle de jour comme de nuit depuis Noël.
— J'ai bien cru que tu ne le demanderais jamais ! sourit-il en coin. Tonks. C'est ça le mot de passe.
— Sorcière foutrement intelligente, grommelé-je en prenant la sortie.
Finalement, j'avais bien raison… Ce n'était pas le monde entier qu'elle voulait éloigner d'elle, mais uniquement moi. Sinon, pourquoi aurait-elle utilisé le nom de Tonks comme mot de passe alors qu'elle sait pertinemment que le simple fait de penser à elle me blesse à chaque fois ?
Je dois avoir essayé tous les mots de passe de l'univers, les premiers jours où je suis revenu ici, pour tenter de lui parler. Même en essayant avec les noms de Diana, Circé, Ron ou même celui de ses parents ou Harry, rien n'y a fait. J'aurais simplement dû me douter qu'elle était plus intelligente et revancharde qu'un gobelin mal luné…
Revenir dans cet appartement, retrouver la couleur bleue qui m'a agressé les premiers jours de notre cohabitation, me semble désormais d'une familiarité et d'un apaisement sans borne. Comme si je rentrais chez moi. Pourtant, la couleur des murs est bien la seule chose qui n'ait pas changé ici…
Une montagne affreuse de livres ouverts sur le sol, le canapé, les fauteuils, la table basse et même certains en suspension dans les airs sur le chemin menant du salon à l'ancienne chambre de Diana me donnent un chemin tout tracé pour retrouver ma femme. Mais son état est à l'image de notre salon. Dévastée.
Où, depuis le début de l'année, elle faisait une tonne d'efforts pour tenter de dompter sa crinière folle ou même se faire bien plus sexy que je ne l'avais jamais vue en portant jupes, robes ou autre chose qui faisaient grimper mes érections comme un dragon dans le vent, à présent il n'y a plus rien de tout cela.
Ne reste plus que la fille sur le chemin de la guerre. Ou plutôt celle qui l'a vécue et qui n'en reviendra pas.
Les queues-de-cheval soignées grâce aux sorts de Fleur ne sont plus qu'un lointain souvenir, des cernes atroces mangent ses yeux alors qu'elle est plongée dans un énorme volume en cuir relié, elle a troqué les blazers pour un sweat-shirt informe et trop large pour elle, les jeans grossiers ont remplacé les jupes, et ses pieds ne sont plus chaussés de bottes à talons mais bien de baskets comme celles qu'elle portait le soir de la bataille finale. Mais encore une fois, ce n'est pas ce qui est le pire.
Non, le pire, c'est tout le reste. C'est son corps avachi, ce sont ses mains qui tremblent spasmodiques contre les rebords du gros livre, son teint rivalisant avec celui de Severus, ses traits tirés et cette aura sombre et dépressive qui s'exprime tout autour de son être.
— Je t'ai déjà dit que tu n'avais pas besoin de venir tous les soirs, Harry, commence-t-elle, les yeux plongés dans son livre, tout en soupirant de défaite.
Je vois l'instant même où elle comprend qu'elle s'est trompée et que sa magie va exploser sous peu lorsqu'elle détache enfin son regard de son bouquin pour le relever sur moi.
Où il n'y avait que de la fatigue, de la concentration, et une tristesse sans fond, je peux maintenant expérimenter sa colère sans nom, sa fureur grandissante, et les premiers éclats de sa magie.
— Que fais-tu là ? gronde-t-elle, les yeux brûlant de haine.
C'est à cet instant que je me rends compte qu'en plus d'être la première conversation que nous ayons eue depuis Noël, c'est aussi la première fois que je peux entendre cette violence dans sa voix depuis que les combats entre nous ont cessé.
Ce que l'on dit est vrai. On ne se rend compte de ce que l'on aime qu'une fois que l'on a perdu cette chose ou cette personne. Je n'avais tout simplement pas conscience que la paix et la sérénité qu'elle m'offrait pouvaient un jour m'être retirées.
Nous avons si souvent dansé sur un fil au-dessus du gouffre, elle et moi, ne nous inquiétant pas des répercussions, que maintenant que je peux voir tout le mal que je lui ai fait, je me sens tomber à mon tour.
— Je suis venu pour te parler, soufflé-je.
— Dégage, je n'ai rien à te dire, moi ! gronde-t-elle.
Son corps vibre de colère alors qu'elle repousse durement sa chaise contre le sol pour se lever. Alors que quelques secondes plus tôt, elle avait l'air abattue, elle a retrouvé toute sa hargne et sa colère, toute sa vigueur et sa fureur. C'est simplement dommage qu'elle l'ait retrouvé contre moi…
— Et pourtant, tu vas m'écouter ! fais-je de la même manière.
C'est à cet instant que je comprends un point qui aurait dû me percuter bien plus tôt. Disons quand Fleur m'a envoyé sa gifle par exemple ou quand Penny m'a envoyé sa beuglante incendiaire il y a quelques jours.
Ce n'est pas uniquement la colère de la sorcière que j'ai attisée, c'est la haine de la femme que j'ai déclenchée, et si en tant que femme, je la sais forte et puissante, je sais aussi qu'en situation de faiblesse ou de mal-être, elle peut se montrer redoutable avec une baguette…
— Oh, tu crois ? ricane-t-elle sombrement. Petrificus Tota…
— Expelliarmus ! riposté-je immédiatement. Tu vois, chérie, il n'y a pas que toi qui sais te servir d'une baguette.
Remette en cause ses capacités à la baguette est très certainement l'idée la plus stupide que je n'ai jamais eue, ou tout du moins placé au même niveau que cette fuite spectaculaire d'il y a quelques semaines, mais retrouver un terrain sur lequel je me sache performant m'aide à tenir bon.
Néanmoins, provoquer une sorcière encore sujette aux troubles psychologiques dus à une année de cavale et de poursuite par des Mangemorts, en plus d'être risqué, ça en devient suicidaire lorsque l'air autour de nous devient lourd et oppressant. J'aurais dû me souvenir à quel point sa magie était instable quand ses émotions ne sont plus contrôlées…
J'en ai profité, plus que ça même, j'en ai abusé encore et encore, lorsque nous étions à la Chaumière, cet été, de ses pertes de contrôle. Mais là, c'en est tout autre. Là, elle s'en sert pour tenter de me mettre à terre et non pour m'envoyer des décharges pendant un « câlin » un peu trop poussé…
Putain… Avec le recul, j'ai bien conscience que nous avons vraiment joué avec le feu, à ce moment-là… Combien de fois me suis-je retrouvé à devoir me foutre intérieurement des coups de poing quand je la prenais dans mes bras et que j'approchais mes lèvres un peu trop des siennes après le sexe ? Ouais… Bien trop…
Le problème, c'est que l'Hermione de ces moments-là est la même que celle que j'ai en face de moi. Tout aussi détruite, tout aussi perdue et blessée. Tout aussi apeurée par le monde qu'elle ne l'était cet été.
Je n'avais pas conscience du chemin qu'elle avait fait depuis ce soir fatidique où elle est venue me rejoindre à la Licorne Ensanglantée, de ce simulacre de paix intérieure qu'elle avait l'air d'avoir retrouvé, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien d'autre que le vide incroyable qui obstrue son regard.
— Rends-moi ma baguette, Weasley ! gronde-t-elle froidement.
— Pas avant que tu ne m'aies écouté, bébé…, soupiré je.
Putain ! C'est à croire que je ne retiens jamais les leçons de mes conneries ! Bébé… C'est très exactement la raison même de son état et je viens de mettre les pieds dans le plat en l'appelant ainsi ! Putain, Fleur aura ma peau quand elle le lui racontera…
Quoique, puisque depuis Noël, ma belle-sœur, de même que le reste de la famille, n'a eu de ses nouvelles que par Harry, je suppose que cette fois-ci, je pourrais avoir un peu de chance et ne pas avoir droit à un coup de poing ou un sort bien placé de la Vélane de Bill…
L'air devient irrespirable, sa magie croit tout autour d'elle, l'entourant d'une sorte de halo noir angoissant, des éclats sortent par à-coups d'elle, mais jusqu'à ce qu'elle ne fasse un pas dans ma direction, elle la contient encore.
Alors l'orage explose et je sais que si des yeux pouvaient lancer des sorts, l'Avada aurait été le premier auquel j'aurais été soumis. Putain… Elle est vraiment puissante quand elle s'y met…
— Dégage d'ici ! crie-t-elle en frappant mon torse. Sort de cet appartement ! Ne reviens plus jamais ici ! Je ne veux plus jamais te revoir ! Tu m'entends ?
Elle déverse toute sa haine sur moi et dans l'ancienne chambre de Diana transformée en bureau par ses soins depuis qu'elle a réinvesti l'appartement. Les éclats de magie frappent durement les pierres du mur toujours aussi rose poudré qu'avant, l'impact des sorts laissant des traces noires contre la peinture.
Putain, à ce train-là, elle va finir par démolir toute la chambre, et si elle n'évacue pas toute sa rage, je ne doute pas que, même parquée dans la bague des Black, Circé se fasse une joie de venir faire un petit coucou et détruire tout sur son passage. Enfants, adultes, créatures magiques, personne ne survivra à sa colère…
— D'accord, hoché-je la tête en grimaçant. Plan B.
— Va te faire foutre avec ton plan B ! hurle-t-elle plus fort encore. Je ne veux plus rien avoir à faire avec toi ! Barre-toi !
Severus, Bill et même Harry m'avaient prévenu à mon retour – enfin, une fois que leur propre colère se soit évacuée – que les choses se passeraient comme ça, qu'elle tenterait peut-être même de m'éviscérer si je lui laissais la possibilité d'approcher, ou même d'avoir sa baguette en main.
Les mots de Fleur s'impriment rapidement dans ma tête, me donnant la localisation toute tracée pour ma prochaine destination. Advienne que pourra, et puisse mes parties génitales rester intactes dans le combat…
En un pas je la rejoins, la prenant par les épaules. Si elle est déstabilisée de me retrouver si proche d'elle après tout ce temps, cet inconfort ne dure que quelques infimes secondes avant que toute sa haine ne revienne en force.
— Je suis désolé…, chuchoté-je en la prenant dans mes bras. Spring Break.
Je raffermis ma poigne un peu plus lorsque la sensation de crochet derrière le nombril m'indique que le portoloin est actif, ne souhaitant pas la perdre durant le voyage.
J'ai le temps de voir sa trahison, une fois que nous atteignons la salle d'arrivage du square, mais je me reprends rapidement avant que la sensation d'être le dernier des connards, encore une fois, ne me prenne.
Pensant très fortement à mes quatre déplacements successifs pour atteindre ma destination, je ne doute pas qu'elle doit, elle aussi, ressentir cette nausée qui nous prend à la gorge lorsque les transplanages longue distance et répétitifs se font.
Et enfin, tout s'arrête. Le décor se stabilise assez longtemps pour que je puisse lâcher un soupir de bonheur à l'idée de pouvoir reprendre mon souffle quelques secondes avant que le combat ne reprenne encore une fois.
— Lâche-moi ! fait-elle, se débâtant entre mes bras. Je t'ai dit de me lâcher !
Merde, j'avais oublié à quel point quand elle est en colère elle peut frapper fort… Même dans l'espace restreint que je lui offre, elle parvient à m'assener des coups assez forts pour savoir que des bleus apparaîtront dès demain…
Mais soit, si elle a besoin de déverser sa haine de cette manière-là, je suppose que je l'ai bien mérité…
— Pas avant que l'on ait parlé, soupiré-je en fermant les yeux.
— Tu veux parler ? susurre-t-elle froidement. Très bien ! Parlons, dans ce cas ! Tu n'es qu'un immonde petit connard !
— Tu ne m'apprends rien, là, chérie, ricané-je doucement.
Je m'en suis bien assez voulu à l'instant même où j'ai fait chou blanc devant le tableau de nos appartements… Je l'ai abandonné alors que je lui avais promis d'être toujours là, durant la transe à Gringotts. Mais j'ai fui.
— Où étais-tu, bordel ? commence-t-elle à crier, ses poings s'abattant sur mon torse. Où étais-tu pendant que je pleurais parce que le monde s'écroulait autour de moi ?
La vérité serait très certainement de lui dire que j'étais à la hauteur des nuages, préférant que Veyser les fende plutôt qu'il ne passe au-dessus, au moins j'avais une excuse pour l'eau qui coulait abondement sur mon visage…
— Pourquoi tu es parti ?
Parce que je ne supportais pas d'être la cause de son chagrin ? Parce que je n'arrivais pas à savoir comment gérer la peur, la souffrance et le déchirement que je ressentais en moi et provenir d'elle ? Ouais, peut-être un peu de tout ça à la fois…
— Pourquoi tu m'as laissé toute seule ?
Parce qu'elle avait déjà sa propre souffrance à gérer, et que le fait que je ne parvienne pas à mettre des mots sur ce que je ressens, sur ce que j'ai l'impression d'avoir ressenti ne l'aurait pas aidé ?
Parce que, à plusieurs pieds du sol, je me sentais peut-être un peu moins coupable de l'avoir fait pleurer ? Moins fautif de ne pas savoir gérer ma souffrance et la sienne combinée ? Moins condamnable d'être responsable de ses larmes et de la perte de la vie qu'elle portait en elle ?
Mon souffle se bloque dans ma gorge, mes yeux commencent sévèrement à me piquer, et je sais parfaitement que tout cela n'est en aucun cas dû à sa magie qui crépite autour d'elle. Pourtant, elle enfle toujours autant, pulvérisant le gravier en de nombreux endroits…
— Pourquoi tu n'étais pas là quand je me suis réveillée ?
Elle a tort. D'une certaine manière, j'étais là, présent en quelque sorte. J'ai senti ses trois réveils successifs. Le premier, celui où je me suis senti aspirer par les ténèbres. Le second, totalement abruti par les calmants que Pomfresh lui avait donnés. Et le dernier.
Le pire. Celui où, inconsciemment, j'ai su que quelqu'un lui avait appris la mort du bébé. Je les ai tous sentis, et je me suis senti encore plus mal à chaque fois de m'éloigner.
Alors je faisais battre les ailes plus fort à Veyser, lui ordonnant d'aller plus vite, plus loin, de me délivrer du mal que je ressentais.
— Pourquoi est-ce Harry qui m'a appris pour le bébé et pas toi ?
Les larmes ont depuis longtemps remplacé la colère ou même la haine dans son regard. Il n'y a plus que la détresse et la douleur poignante et profonde qui ensevelit tout sur son passage.
Jamais, pas même ce jour-là, dans la chambre du square, je ne l'ai vu à ce point se laisser totalement envahir par les ténèbres. Jamais elle ne m'a fait à ce point penser à une petite fille perdue en pleine tempête.
Je l'ai connue forte et puissante. Je l'ai connue blessée, déçue, triste et mal en point, mais jamais elle n'a eu l'air sur le point de se rompre qu'en cet instant. La perte successive de Diana et du bébé, à moins de vingt-quatre heures d'intervalle, a été ce qui a fait pencher la balance en faveur des ténèbres… Et je suis en partie, si ce n'est entièrement responsable de sa déchéance…
— Je n'ai aucune excuse, chérie, soufflé-je.
Mes excuses[P1] n'ont pas l'air de la toucher, mais je me trompe lourdement. En moins d'une seconde, elle s'est dégagée de mes bras, la colère et l'apitoiement se partagent le terrain avec les larmes dans ses yeux et sa magie fluctue à nouveau.
— J'ai perdu le bébé et tu n'étais pas là !
Sa [P2] culpabilité augmente une nouvelle fois, mais elle ne me laisse pas approcher pour tenter de la réconforter. Elle ne fait que m'imposer sa colère par un violent coup sur mon torse me faisant grimacer douloureusement.
Bon sang de sorcière ! Qui pourrait croire qu'avec ses soixante kilos tout mouillés elle puisse faire si mal ?
Pourtant, j'aurais dû m'en douter quand on voit le traitement qu'elle a opposé à Drago quelques jours après la rentrée ! Bordel, ce vol plané était vraiment magistral… Pas étonnant que Minerva songe très fortement à la mettre à pied…
— J'avais peur et j'avais mal et tu n'étais pas là !
Un nouveau coup percute mon torse, les grimaces se suivent à la même vitesse que les larmes dévalent ses joues. À l'instant présent, elle ne se bat plus qu'avec le peu de forces qu'il lui reste, et si j'en juge les tremblements compulsifs de son corps, il ne lui en reste plus beaucoup.
— J'étais anéantie et tu m'as laissé toute seule !
Gérer ma propre douleur émotionnelle, je n'ai jamais su le faire, alors la lui imposer, c'était au-dessus de mes forces. Je suis bien plus doué pour calmer mes dragons que pour vivre parmi les hommes…
— Tu avais promis que tu me ramènerais toujours à la maison, mais tu as menti !
Quand son poing s'abat une dernière fois sur mon torse, même si elle y a mis bien moins de force que pour les précédents, il me fait bien plus mal. Parce qu'il cristallise tout. Le mal que je lui ai fait, la peur que j'ai ressentie, la douleur d'avoir perdu un bébé que je ne connaîtrais jamais.
La fin de quelque chose. Peut-être même la fin de ce « nous » étrange que nous formons depuis des années.
— Quand j'ai eu besoin de toi, tu n'étais pas là !
Depuis près de quatre ans, elle est la pierre angulaire de la construction bancale que je suis, et ce n'est que lorsqu'elle s'effondre tête la première contre mon torse que je comprends à quel point j'ai pu merder en prenant la fuite…
— Je sais, bébé, chuchoté-je en resserrant mes bras autour d'elle. Je suis réellement désolé.
— Pourquoi ça fait si mal, Charlie ? gémit-elle en s'accrochant désespérément à ma chemise. Pourquoi ai-je l'impression que même respirer me fait mal ?
C'est un fait, même parler semble lui être difficile en ce moment. Entre les sanglots coincés dans sa gorge et les inspirations erratiques qu'elle émet douloureusement en se raccrochant un peu plus encore, tout en elle n'exprime que de la souffrance à l'instant présent.
Mais lui dire que je n'ai aucune réponse à lui donner ne va pas l'aider… À vrai dire, même celle que je pourrais lui donner, je doute passablement qu'elle puisse vraiment la faire avancer sur le chemin… Mais peut-être est-ce ça, l'aider.
Lui dire les mêmes mots que Severus m'a pondus ce jour-là, celui où je suis revenu à Poudlard dégoulinant de pluie, les traits tirés par une semaine à me forcer de toutes les fibres de mon âme à ne pas penser à ce qu'il s'était passé, l'impression que tout le poids du monde venait de s'échouer sur mes épaules et la colère d'avoir fui.
Ironiquement, je me suis encore une fois senti comme le pire des lâches, comme près de dix ans plus tôt, lorsque j'ai repris contact avec Bill. Tout aussi con, tout aussi dépassé parce que j'avais fait, tout aussi perdu et mal…
— Parce que, même s'il ne verra jamais le jour, ce bébé était vivant et tu l'as aimé, soupiré-je en resserrant mon emprise autour de son corps tremblant.
Finalement, je crois bien que ces mots l'ont autant aidé que moi : absolument pas… Ils ne font que rendre palpable, vivant une chose qu'elle s'est évertuée à nier pendant des jours, des semaines même…
J'en ai voulu à Severus d'avoir été aussi cru dans ses mots ce soir-là, mais je m'en veux encore plus de les lui dire maintenant. Je sais pertinemment que je viens de lui faire encore plus de mal en les lui disant qu'en lui imposant mon silence.
Parce que cette fois, nous entrons vraiment dans le vif du sujet et qu'aucun de nous n'est prêt à y faire face. Ses conséquences seront douloureuses et peut-être même définitives.
Mais elle en a besoin, alors je suppose qu'après tout ce que je lui ai fait subir, je peux bien supporter ça…
— Je ne dors plus, souffle-t-elle. Depuis trois semaines, je n'ai pas fermé l'œil une seule nuit complète. Je me sens mal, seule, triste, faible et coupable. Tout le temps, je me sens coupable…
— Arrête, bébé, ce n'était pas ta faute et tu le sais parfaitement, chuchoté-je contre ses cheveux hirsutes.
Je me suis tellement habitué au côté bien plus « sage » de sa chevelure, que de retrouver sa crinière de lion me fait un bien fou sans que je n'en comprenne la raison. Comme rentrer à la maison après un très long voyage.
— Je sais que ce n'est pas ma faute, secoue-t-elle la tête, son front toujours appuyé contre ma chemise, mais je me sens coupable d'avoir préféré rester en vie que de garder le bébé…
Peut-être est-ce dans sa manière de le dire, ou même dans son intonation de voix, mais je perçois comme une sorte de fêlure qui n'aurait pas dû être là si elle ne l'avait appris qu'à son réveil. Presque comme une dragonne qui voit son œuf se faire piétiner.
— Tu savais déjà qu'il était là, je me trompe ? chuchoté-je.
Je crois qu'elle n'a même pas besoin de le verbaliser pour que je comprenne que j'ai raison. Sa posture se tend sensiblement, son souffle se coupe quelques secondes et la crispation de ses mains sur ma chemise se referme un peu plus. Comme pour m'empêcher de m'en aller.
— Je l'ai supposé le matin de Noël en discutant avec Fleur, souffle-t-elle, refusant de redresser la tête pour cet aveu. C'est stupide, je sais, mais c'est comme si, immédiatement, j'étais sûre qu'il existait, qu'il était bien présent…
Comment fait-elle pour ne pas avoir encore rasé l'entièreté de l'Angleterre alors que moi j'ai bien dû détruire quelques hectares de forêt le premier soir où Veyser en a eu marre de voler et s'est posé dans une clairière ?
Comment fait-elle pour vouloir encore se lever le matin, pour continuer d'aller en cours, pour continuer de donner ses cours, pour continuer ses recherches ? Bordel, à sa place je me serais juste barré très loin ! Aussi loin que les ailes de Veyser acceptaient de m'emmener ![P3]
Elle est forte, bien plus forte que moi-même je ne le serais jamais… Bien plus stable que je ne pourrais jamais espérer l'être… Je ne sais pas d'où elle peut bien tirer sa force, mais je sais qu'elle ne baissera pas les bras. Je pourrais parier mon coffre et même ma vie là-dessus !
— Ça ne t'aidera pas, mais sache que tu n'es pas faible, dis-je en prenant son visage en coupe pour qu'elle le redresse dans ma direction, plantant mon regard dans le sien. Tu ne l'as jamais été.
Cette vérité, assénée avec bien plus de vigueur que je n'aurais cru pouvoir le faire malgré la douleur qui rend ma voix rauque, ne fait que briser un peu plus sa résistance face à tous mes efforts pour qu'elle ne se laisse pas engloutir.
— Mais j'ai perdu le bébé, souffle-t-elle.
Ses genoux se dérobent sous son poids et celui de sa culpabilité. La tenant fermement contre moi, je me laisse tomber au sol, la faisant s'asseoir sur mes genoux pour la serrer plus fort encore.
Je sens ma magie s'extraire doucement de mon corps, venant à la rencontre de la sienne pour venir l'étreindre tout aussi fortement que moi, nous coulant dans un cocon de tristesse et de douleur, mais coupée du monde, elle devient supportable. Portée à deux.
— On l'a perdu tous les deux…
Son sanglot déchirant résonne en moi comme un sort particulièrement cuisant. Plus que la possibilité d'être père, plus que la mort de ce bébé, c'est de savoir qu'elle ne se relèvera peut-être pas de ce nouveau coup du destin qui me tue.
— Je suis tellement désolée, Charlie, pleure-t-elle encore, relevant les yeux pour croiser mon regard. Je sais que tu n'en voulais pas, et je sais aussi que tu ne voulais aucune attache, mais je suis vraiment désolée !
Bon sang… Il y a tellement de détresse dans ses yeux, tellement de peine et de douleur dans sa manière de se raccrocher à moi, de souffrance dans les traits de son visage…
C'est vrai, je ne voulais pas d'enfant, pas s'il ne partageait pas son ADN avec celui de Tonks, mais pour elle j'aurais accepté.
Parce que ça aurait été lui faire un cadeau à la hauteur de ce qu'elle m'offre depuis le début de l'année. Un point de repère dans la nuit, une bouée de sauvetage dans la tempête, un corps auquel me raccrocher quand les ténèbres m'engloutissent.
— Moi aussi, chérie, plus que tout au monde, je suis vraiment désolé.
Elle se replie sur elle-même, tentant presque de se fondre en moi pour que plus rien ne puisse la toucher comme la perte du bébé. Comme si elle avait besoin que quelqu'un prenne les armes en main pour pouvoir se battre à sa place le temps qu'elle reprenne son souffle.
Les minutes s'égrènent en un silence douloureux où elle exprime sa peine bruyamment, puis lentement, ses pleurs se calment alors que la Lune continue de monter de plus en plus haut dans le ciel, jusqu'à ce qu'enfin, elle parvienne à se concentrer sur le monde extérieur à notre bulle.
Je dois avouer que, pour un cimetière, ces Moldus ont vraiment fait du bon travail pour tenter de le rendre un peu plus gai que ce que ne devrait être le lieu d'éternel repos des âmes.
Malgré les impacts de sa magie qui s'est déchaînée, les fleurs qui jonchent les pierres tombales ont toujours leurs couleurs éclatantes, les bougies sont toujours fièrement allumées et même les étoiles sont présentes, ce qui donne un côté plus solennel encore à l'endroit.
— Pourquoi m'as-tu amenée ici ? demande-t-elle, séchant vaguement ses larmes.
Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse de ma meilleure idée, pas sûr non plus qu'elle prenne bien cette initiative et cette intrusion dans sa vie privée, mais après un mariage et ce qu'il s'est passé, que ce soit à Vegas ou la Chaumière, je pense qu'une de plus ne choquera plus…
— Parce qu'il est temps de dire au revoir, souris-je tristement en lui montrant les deux pierres tombales à mes côtés.
Fronçant légèrement les sourcils, elle détourne la tête, son regard se fixant sur les deux tombes toutes de marbre blanc veiné de rose, des fleurs et des bougies pullulant sur celles-ci. Puis enfin vient le moment où elle voit les deux noms, et tout son être se fige une nouvelle fois.
— Maman…, souffle-t-elle douloureusement. Papa…
Elle s'abîme dans leur contemplation un très long moment, allant se mettre à genoux devant elles, une main sur chacun, les larmes dévalant ses joues avant qu'elle ne détourne son regard vers moi une nouvelle fois, ses yeux brillant d'interrogation.
— J'ai demandé à Fleur de trouver l'adresse du cimetière, soupiré-je. Que personne ne me dise jamais que les charmes de Vélanes ne fonctionnent pas sur les Moldus…
Bon sang, il m'en a fallu de la persuasion après mon anniversaire, pour que ma Française de belle-sœur accepte de prendre sur ses jours de congé pour aller trouver les autorités moldues et avoir leur localisation…
Je me suis demandé assez souvent pourquoi Tonks n'avait mis que deux billets aller d'avions dans l'enveloppe, mais maintenant, je comprends mieux. Elle savait qu'Hermione craquerait et elle savait qu'aucun de nous deux ne serait en état de pouvoir faire de transplanage d'escorte pour rentrer.
À moins, bien sûr, que je n'utilise la bague portoloin encore une fois… Définitivement, cette petite sorcière est vraiment brillante… Je ne sais pas combien de fois le procédé fonctionnera encore, mais si j'en juge ses capacités, elle serait bien capable de l'avoir rendu éternel…
— Je…, souffle-t-elle. Je ne…
— Tu veux que je te laisse seule ? proposé-je devant son malaise.
S'il est bien une chose que je sache, c'est que si je devais me retrouver face à la tombe de personnes que j'aime, je n'aimerais pas voir qui que ce soit auprès de moi, des gens qui pourraient ne pas comprendre ma souffrance.
Mais je comprends la sienne même si je ne l'ai jamais endurée. Certes, plus les années s'égrènent, plus la distance s'instaure entre ma mère et moi, mais je ne me vois pas non plus un jour devoir la visiter dans un cimetière… Et ne parlons pas de mon père…
La dernière fois que je me suis retrouvé dans un tel lieu, c'était cet été, lorsque papa, Bill, Fleur, Percy et moi, sommes venus rendre un dernier hommage à la grand-tante Muriel en compagnie de maman, Ron et Ginny…
— Non, secoue-t-elle la tête me sortant de mes sombres souvenirs. Juste, laisse-moi le temps de trouver ce que je dois dire…
Dire adieu n'est jamais simple, mais devoir le faire avec des personnes que l'on aime… Bon sang, ce n'était vraiment pas une très bonne idée de l'emmener ici après tout ce qu'il s'est passé…
Mais encore une fois, elle me surprend. Prenant sur elle de ravaler quelque peu ses larmes, elle se redresse, se mettant sur ses jambes en me faisant un vague signe de la main pour que je lui rende sa baguette.
Fronçant les sourcils sous la demande implicite, je la lui rends tout de même, ne me rendant compte que maintenant que je l'ai tenue dans ma main pendant tout ce temps sans ressentir une seule fois ce malaise qui prend tout sorcier lorsqu'il a une baguette étrangère entre les doigts.
D'un geste souple mais d'une assurance folle, elle fait un léger rond qui produit un jet de couleur blanche qu'elle répète sur l'autre tombe. Là, sur les pierres, elle fait apparaître deux bouquets de lys dorés, entourés de fleurs toutes plus multicolores les unes que les autres.
— Bonsoir maman, chuchote-t-elle en s'avançant d'un pas. Bonsoir papa. C'est moi, Hermione, votre fille.
Si je m'attendais à un long discours comme elle a eu l'habitude de m'en débiter depuis que je la connais – merde ! Même durant un combat face à Rockwood, elle m'a fait un réquisitoire sur pourquoi j'étais un mauvais fils ! – elle n'émet plus un seul son après ça.
— Que se passe-t-il ? froncé-je les sourcils en la rejoignant, mettant une main dans son dos.
— Je ne sais pas ce que je dois dire, soupire-t-elle en baissant la tête. Je n'ai jamais fait ce genre de choses, et je ne sais pas le mode opératoire dans ces cas-là…
Le plus triste dans tout ça, c'est que même après tous ces enterrements, toutes ces veillées que nous avons faits pour les morts, aucun de nous ne sait vraiment comment s'y prendre pour savoir dire au revoir.[P4]
Tout paraît toujours tellement définitif, tellement triste et douloureux lorsqu'on s'exprime face à une tombe.
Mais le faire alors que les personnes qui y reposent pour l'éternité ne se souviennent plus de nous, plus du lien qui les raccrochent à nous, les bons, les mauvais moments, les choses importantes, les grosses colères, les crises, les pleurs…
Tout prend une autre ampleur, une autre dimension. Parce que tout devient définitif. Il n'y a plus de retour en arrière. Simplement une pierre tombale devant nos yeux, et l'impression que notre cœur tombe en miette.
Je ne pense pas qu'il y ait de réel mode opératoire pour dire adieu, mais j'espère sincèrement trouver un jour les mots pour savoir l'expliquer. Parce qu'en ce moment, je me sens stupide de ne pas pouvoir l'aider.
— Dis leur simplement comment tu vas, ce que tu as fait depuis la dernière fois que vous vous êtes vus, ce qui te rend heureuse ou triste…, haussé-je les épaules me sentant stupide de la platitude de mes mots. Ce genre de choses quoi.
— Tout ? hausse-t-elle un sourcil sarcastique.
Incontestablement, cette femme est bien plus forte que je ne le pensais. Elle pourrait chuter dans les abîmes à chaque instant, crier, pleurer ou même hurler, elle se raccroche désespérément à un terrain sur lequel elle puisse se battre. Définitivement, cette femme est vraiment incroyable…
— Si tu pouvais éviter d'évoquer Vegas devant eux, je ne te cache pas que ça m'arrangerait…, grimacé-je.
— Ne t'en fais pas, ils ont connu Woodstock…, ricane-t-elle doucement.
— Ça ne m'éclaire pas, ça, secoué-je la tête.
— Crois-moi, si tu étais Moldu, tu comprendrais, malheureusement…
Qu'est-ce que c'est encore que toute cette histoire ? Bon sang ! Ne pourrait-elle pas, je ne sais pas moi, être plus explicative ! Elle sait pourtant que j'aime comprendre et apprendre des choses peut-être autant qu'elle ! Elle devrait adorer pouvoir me faire la leçon !
— Et plus concrètement ? soupiré-je.
— Tu connais l'expression : faites l'amour, pas la guerre ? hausse-t-elle un sourcil.
— Je couche avec beaucoup de femmes, mais pour le reste, non, souris-je en coin.
Elle devrait bien le savoir étant donné que la seule femme que j'ai touchée depuis le début de l'expérience de Severus, c'est elle ! Et qu'elle ne se méprenne pas, deux mois, c'est très long !
Mais je dois bien avouer que pouvoir coucher avec elle aussi souvent était vraiment une application physique de cette expérimentation de la vie d'adulte à laquelle je ne m'attendais pas, et à laquelle j'ai vraiment pris beaucoup, beaucoup de plaisir à donner de ma personne !
— Mes parents sont, étaient, des gens assez aisés dans le monde moldu et plutôt intelligents, vois-tu ? commence-t-elle à m'expliquer d'une voix lointaine. Certains même diraient qu'ils se vantaient de leur travail et de leurs études. Mais ils n'ont pas toujours été comme ça. Dans leur adolescence et leurs premiers temps en tant que jeunes adultes, mes parents étaient des hippies.
— Hippies ? froncé-je les sourcils, intrigué.
J'ai bien souvenir d'avoir entendu papa dire ce genre de mots là, au début de ma vie, mais je dois bien avouer que je n'ai aucune putain de foutue idée de ce que peut bien être un Hippie… Peut-être est-ce un métier à risque ?
— Adepte d'une morale fondée sur la non-violence et l'hostilité à la société industrielle, et d'un mode de vie prônant la liberté dans tous les domaines, ainsi que la vie en communauté, sourit-elle en coin.
Bien ! Donc ce n'était pas du tout ce à quoi je pensais, et si j'en juge sa moquerie presque attendrie dans son regard, je dois vraiment avoir l'air d'un abruti… Mais soit ! Au moins, pour le moment, elle ne pleure plus, c'est déjà ça…
— Tu aurais dû voir ma tête, le jour où j'ai trouvé les chemises bariolées de mon père dans le garage ou les pantalons patte d'eph de ma mère ! rit-elle doucement. Moi qui les avais toujours connus bien propre sur eux, j'ai découvert une nouvelle facette d'eux, ce jour-là. Et cette facette m'a plu.
Ce souvenir doit être vraiment important pour elle pour qu'elle en vienne à avoir ce sourire lointain collé sur le visage et les yeux perdus dans le vague. Certes, elle dégage encore beaucoup de nostalgie, mais je dois avouer que je ne m'attendais pas à ce qu'elle parvienne à en parler si facilement.
— Pourquoi ? demandé-je en penchant la tête.
— Parce que je trouvais triste qu'ils aient une vie sans fantaisie, alors que moi je me perdais régulièrement dans mes bouquins pour échapper à ma propre vie, hausse-t-elle vaguement les épaules. Finalement, ils étaient bien plus cool que je ne le pensais !
Finalement, je comprends mieux pourquoi elle s'entend aussi bien avec Bill… Lui aussi a ce côté fantaisiste qu'elle a pu voir dans ses parents. Peut-être est-ce pour ça qu'elle paraît si à l'aise avec lui : parce qu'elle sait comment lui parler.
— Et ce Woodstock alors ? froncé-je les sourcils.
— C'est un festival de musique auquel ils ont assisté, à ce moment-là, sourit-elle, les yeux encore dans le vague. Ils ne se connaissaient pas à l'époque, mais ils se sont rencontrés là-bas. Sans le savoir, ils étaient dans la même université depuis deux ans, et ils ont eu un coup de foudre quand Jimi Hendrix a interprété Star Spangled Banner.
— C'est sympa comme rencontre, souris-je doucement à mon tour.
Même s'ils avaient l'air d'avoir une morale bien plus calme et détendue dans leur adolescence, je doute sincèrement qu'ils auraient apprécié comment leur fille et moi nous sommes rencontrées, ou même le type de personne que je suis !
Personne n'est parfait, certes, mais dans mon genre, j'espère bien pour le reste de l'humanité que je sois une édition limitée ! Par Merlin, je suis en train de tourner Malefoy…
— C'est l'hymne américain, dit-elle doucement, les yeux fermés sous l'afflux de souvenirs. Je te l'accorde, ils étaient sûrement défoncés comme jamais, mais il n'en reste pas moins que l'image est vraiment belle.
Finalement, ceci explique très certainement cela ! On ne peut pas tomber amoureux à cause d'une chanson ! Si ? Non ! Ça se saurait sinon, depuis le temps ! Aucun type sain d'esprit se mettrait à croire qu'il aime une fille simplement à cause d'une sorte de moment de grâce durant trois minutes !
— Ils ont déménagé quand ma mère est tombée enceinte de moi, et depuis ce jour, ils ont décidé de laisser les vêtements bariolés au garage pour m'offrir la plus belle vie qu'ils pouvaient.
Elle reste plongée dans ses souvenirs de sa vie passée avec ses parents durant une très longue période, me laissant apprécier le calme à mi-chemin entre l'angoisse du lieu, et le repos qu'il confère.
Mais lorsque ses yeux reviennent se fixer dans les miens, elle est bien plus apaisée qu'auparavant. D'une certaine manière, c'est comme si se souvenir des bons moments l'aidait à passer au-dessus de toute la peine et la douleur.
Certes, la souffrance ne s'efface pas, elle reste bien tapie au fond de son regard, mais elle est moins hostile, moins agressive. Elle la laisse respirer.
— Merci Charlie, souffle-t-elle en entourant un bras autour de ma taille. Merci de m'avoir amené ici, et merci d'être resté à mes côtés pour me permettre de me rappeler les bons moments.
— Avec plaisir, chérie, souris-je doucement en la rapprochant de moi.
Avec elle, j'ai l'impression de passer par tous les stades, devenir le pire des Poufsouffle quand il est question de me fondre en elle, et quelques minutes plus tard, le plus vaillant des Gryffondor.
Elle est épatante. Autant de courage réuni en ce petit bout de femme d'à peine un mètre soixante ne devrait pas être permis, et pourtant, je la tiens contre moi en espérant aspirer un peu de sa force.
— Ils peuvent être fiers de la femme que tu es devenue, tu sais ? soufflé-je en serrant ses doigts dans les miens.
— J'en doute fortement…, grimace-t-elle.
Je ne comprends pas comment elle peut ne pas voir ce genre de choses alors que n'importe quel aveugle, n'importe quel idiot pourrait le voir. La preuve ! Il m'a, certes, fallut quelques années tout de même, mais j'ai fini par le voir ! Alors pourquoi pas elle ?
Mais, et si elle n'y croyait pas parce que personne n'avait pris le temps de lui dire ce genre de choses là ? Je peux parfaitement comprendre que des garçons comme Ron ne le lui disent pas, étant donné qu'en colère, elle peut vraiment être effrayante et violente…
Mais tout de même ! Harry a affronté Voldemort ! Cette fille ne devrait être que du menu fretin pour lui !
— Tu ne devrais pas, secoué-je la tête en soupirant. Si tu voyais les choses telles que moi je les vois, tu verrais une femme forte, belle, courageuse et d'une intelligence hors du commun. Tu verrais une femme qui ne se laisse jamais abattre mais qui a quand même besoin de soutien.
Je me sens si mal à l'aise de devoir dire ce genre de choses à un autre être humain… Bon sang ! Les dragons, eux, au moins, ne me demandent pas de leur raconter par le menu ce que j'aime chez eux !
— Tu verrais la femme qui me permet d'avoir l'air plus ou moins humain et non un Inferius. Je te dois beaucoup, je le sais, mais je doute que tu aies conscience de la moitié de ce que tu as fait pour moi, depuis que je te connais.
C'est vrai, je lui dois plus que je n'aurais jamais pu le penser… Je n'aurais pas cru pouvoir me relever après mon retour de Roumanie, quand j'ai vu Tonks au square, mais elle était là, et elle m'a combattue et remis les idées en place.
J'aurais pu perdre mes frères durant la bataille finale, mais grâce à elle, ce ne fut pas le cas, et elle m'a même permis de me rapprocher d'eux, même si j'ignore encore par quel procédé elle y est parvenue…
J'en viendrais même à développer l'idée qu'elle est comme une sorte de centre de gravité où tout être humain à moins de cent mètres se sent obligatoirement attiré par sa présence…
Je pensais que je n'aurais jamais pu me remettre de la mort de Tonks, mais grâce à son défi ce jour-là, pendant ce déjeuner avant qu'elle ne parte pour la Bulgarie, j'ai pu le faire. Avoir un but, peu importe lequel, m'a toujours permis de penser à autre chose, faire totalement barrage à tout le reste, et encore une fois, elle y est parvenue.
Je pensais paniquer et m'enfuir quand j'ai découvert que nous nous étions mariés, mais elle n'a rien changé à nos habitudes, continuant les railleries et les coups bas comme on demande le sel à table.
À chaque fois, peu importe le problème, elle est toujours là, comme une présence tantôt bienveillante, tantôt malveillante, assise de manière sexy et aguichante sur mon épaule et frottant la pointe de son pied sur ma joue pour ne tourner mon attention que sur elle, et elle seule uniquement. Mais je m'égare encore…
— Certes, notre relation est atypique, et franchement, je ne la souhaite à personne, ricané-je doucement, mais tu ne peux pas cacher qu'ensemble, nous sommes imbattables.
Bon sang, c'est tellement vrai… Rien que les trois dernières semaines qui viennent de s'écouler ont démontré que séparément, nous ne savons pas du tout gérer les choses « normales » de la vie…
Et pourtant, ensemble, nous arrivons à nous retenir à quelqu'un. Peut-être que Daphnée avait raison, le soir de Noël. Peut-être faut-il que nous acceptions la main tendue que l'autre nous offre, nous accrocher à cette personne et faire tout ce qui soit humainement possible de faire pour qu'elle accepte de rester à nos côtés et de se battre pour nous et avec nous…
Je ne sais pas quelle partie de ce discours affreusement mièvre et niais en est la cause, mais ses yeux se remettent à couler, me prenant par surprise. Merde ! Qu'ai-je encore fait de mal pour la faire pleurer ? Je voulais simplement l'aider !
— Tu vois, c'est ça que j'aurais voulu que tu dises, le soir où on s'est mariés ! rit-elle doucement à travers ses larmes.
Oh ! J'en déduis donc que j'ai fait la bonne chose… Ne reste plus, maintenant, qu'à la faire rester dans cet état d'esprit, parce que je doute de parvenir à gérer encore une autre crise de larmes… Bon sang… Les hommes ne sont vraiment pas faits pour ce genre de choses…
— Tu sais que je suis faible, femme ! mimé-je de gémir. Quand tu mets tes cuisses autour de mon cou, je ne réponds plus de rien.
Putain, c'est tellement vrai… Pas seulement lorsqu'elle les met autour de mon cou d'ailleurs, mais cette nuit-là, c'est vraiment à ce moment-là que j'ai compris que j'étais cuit et que peu importaient tous les mantras que je pouvais bien tenir depuis des années, j'allais faire la meilleure connerie de toute ma vie…
— Pas devant mes parents, enfin ! ricane-t-elle en me frappant légèrement le torse.
— Chérie, sois réaliste, levé-je les yeux au ciel en masquant mon sourire, je suis le croisement parfait entre le mystérieux d'un Sombral et le côté affreusement attendrissant d'un Boursouflet duveteux que les frangins vendent dans leur boutique ! Si ta mère m'avait connu, elle aurait jeté sa petite culotte à ma figure à peine aurais-je passé la porte d'entrée !
— Et mon père aurait sûrement sorti le fusil pour te canarder, rit-elle cyniquement. Tu vois, tu aurais passé le meilleur dernier dimanche de ta vie !
Vu comme ça, je ne suis pas mécontent de ne jamais avoir rencontré ses parents ! Je passe déjà bien trop de temps avec le caleçon baissé depuis que je suis revenu en Angleterre, et depuis la fin de la guerre, j'évite de me retrouver dans des situations à risque autant que faire se peut !
Ce qui me paraît bien compliqué lorsque l'on se retrouve marié à la dernière Dame Dragon en date, et que celle-ci se trouve, par ailleurs, être notre femme et un véritable aimant à problèmes…
Bon sang… J'aurais mieux fait de me casser une jambe le soir où j'ai décidé de défier la magie… Mais bordel ce qu'elle était divine dans sa petite robe rouge cette nuit-là… J'en ai connu des femmes, des lionnes, et même quelques vipères, mais des comme elle, ça, jamais…
— Tu crois qu'on aurait été de bons parents ? [P5] chuchote-t-elle en me ramenant au présent.
Je n'avais pas conscience de m'être laissé emporter par mes divagations au point de passer mes bras autour de sa taille, mes mains posées nonchalamment sur son ventre. Un ventre qui ne grossira plus. Un ventre qui ne donnera jamais aucun coup de pied. Ou peut-être plus tard ?
— Honnêtement ? soufflé-je contre ses cheveux.
— J'aimerais beaucoup, oui, fait-elle de la même manière.
Je ne sais pas si elle a conscience d'avoir resserré sa poigne autour de mes doigts, ni même de la tension qui émane de nos deux corps réunis de cette manière-ci pour la première fois depuis des semaines, mais moi j'en ai conscience.
La dernière fois, c'était le matin de Noël, avant qu'elle ne soit trop fatiguée pour accepter d'entamer un énième round dans le lit. La dernière fois, elle avait la voix tout aussi brisée qu'en cet instant, mais pas pour les mêmes raisons. La dernière fois, elle était enceinte. Mais ce n'est plus le cas.
Alors que lui dire ? Que dois-je dire qui puisse l'aider et être en même temps la vérité ? – parce que j'ai bien conscience qu'il s'agit de la seule chose qu'elle veuille en cet instant – Je ne sais pas…
— En toute honnêteté, je pense que nous n'étions pas prêts, soupiré-je en laissant ma tête retomber contre son cou. Avoir un enfant, ce n'est pas simplement changer des couches ou lui donner à manger, c'est aussi être liés à vie, toi et moi, plus encore qu'en restant mariés. Je ne sais pas si j'aurais été capable de le faire, et je doute que, toi-même, tu l'aurais fait…
— Si, je l'aurais fait sans hésiter ! contre-t-elle en se tournant vers moi.
— Non, chérie, je te parle de rester ensemble même si on venait à se détester, même si on venait à vouloir tuer l'autre, secoué-je la tête. Ça, je n'en aurais pas été capable.
— Vouloir me tuer et me détester, ou vivre avec moi ?
Bon sang mais pourquoi ne sais-je jamais rester loin de toute dispute ou de tout type de conflit avec elle ? Je le savais, pourtant, que parler de ce genre de chose n'allait aboutir qu'à une seule alternative : mettre le feu aux poudres !
— Sois honnête avec toi-même quelques secondes, et vois la vérité en face, bébé, soupiré-je en me reculant d'un pas. Que ce soit toi ou moi, nous avons une montagne de problèmes, qu'ils soient personnels ou relationnels, à devoir gérer avant même de pouvoir envisager l'idée d'avoir un jour une famille, qu'elle soit ensemble ou séparée !
Bon sang ! Elle s'accroche à cette idée stupide d'un amour éternel avec Ron alors qu'elle ne voit même pas qu'à force de s'éloigner l'un de l'autre, ils n'ont plus rien en commun ! Pas qu'ils aient déjà eu quoi que ce soit en commun auparavant, si ce n'est Harry, bien sûr…
— Tu veux dire quoi, par là ? siffle-t-elle vicieusement.
Aïe… Ce n'est vraiment pas bon pour moi si ses yeux commencent à luire étrangement de cette manière-ci… Et je suis sûr et certain que c'est de la colère et non la réverbération des bougies dans ses prunelles…
— Je fuis toutes relations amoureuses parce que la première femme à qui j'ai déclaré mon amour m'a très clairement fait comprendre que je n'étais que son meilleur ami, voire le grand frère qu'elle n'a jamais eu, grogné-je amèrement.
— Charlie, ce n'est pas…, souffle-t-elle, gênée.
— Mais tu es pareil que moi, Hermione ! soupiré-je encore. Tu crois encore que Ron va tomber amoureux de toi après tant d'années, alors qu'il aurait très bien pu venir te voir cet été pour te déclarer son amour !
Je sens sa colère grandir en elle à mesure que sa magie se met à gronder encore une fois. Mais je refuse de baisser les bras. Pas cette fois ! Il faut qu'elle voie la vérité en face une bonne fois pour toutes, et si elle finit par me détester, et bien, je suppose que je suis habitué à cet état de fait !
— Merde ! Vous avez passé deux semaines ensemble avec Harry en Bulgarie, et tu étais toujours célibataire à ton retour ! C'est moi qui suis venu te rechercher dans ton esprit ! Moi qui t'ai fait l'amour parce que tu avais besoin qu'on te fasse sentir belle et aimée ! Moi qui t'ai tenue dans mes bras quand Diana est partie ! Moi qui suis là avec toi, pour t'aider à dire au revoir, et non lui…
J'ai la sensation d'avoir été le souffle de vent qui abat totalement son château de cartes branlant lorsqu'elle se met à respirer douloureusement, ses yeux laissant se déverser un torrent de larmes et son corps convulsant tant elle a mal. J'ai brisé cette femme. Encore une fois.
— Est-ce que tu comprends ce que ça veut dire, ou non ? chuchoté-je en m'accroupissant auprès d'elle, la tenant dans mes bras.
— Il ne m'aime pas, c'est ça ? gémit-elle.
— Pas comme un homme est censé aimer une femme, et je pense qu'il finira par te faire plus de mal que de bien si tu continues de t'accrocher à lui de cette manière-là, murmuré-je, désolé.
Ses pleurs reprennent, mais cette fois-ci, ils sont plus déchirants encore parce qu'ils sont silencieux. Elle n'émet aucun sanglot, aucune plainte, aucun cri. Juste des larmes. Celles d'une femme détruite. Les Weasley sont vraiment forts à ce jeu-là, il semblerait…
Ce moment dure peut-être des heures, mais pas un seul instant je ne desserre ma poigne d'autour de son corps, faisant mon possible pour éviter qu'elle ne se blesse ou autre lorsqu'elle se met à se balancer d'avant en arrière, assise sur les gravillons de l'allée.
— On ferait mieux de rentrer, soupire-t-elle après de très longues minutes de silence où ses pleurs se sont calmés. Il doit bientôt être l'heure du déjeuner en Angleterre.
— Ce qui signifie que nous sommes samedi, alors je pense que nous pouvons encore rester un peu, si tu le souhaites, haussé-je les épaules.
Elle est épuisée, que ce soit par l'épreuve qu'elle vient de subir, ou pour les trois semaines qui viennent de s'écouler, ou peut-être encore à cause de ces deux dernières années. Finalement, peut-être a-t-elle raison, peut-être devrions-nous rentrer, un bon lit serait mieux que de s'écrouler sur le sol…
— Je voudrais juste faire une dernière chose avant de partir, souffle-t-elle doucement en se détachant légèrement de moi.
Haussant un sourcil dans sa direction, je la vois sortir sa baguette de la manche de son pull, puis creuser une cache dans la pierre tombale de sa mère, me laissant toujours dans le flou quant à la suite des opérations. Et finalement, j'aurais préféré le rester, je crois…
Quand elle sort son sac en perle de la poche ventrale de son sweat et qu'elle plonge la main dedans, je ne m'attendais pas à ce que ce soit ça qu'elle en sorte. Mais finalement, je suppose qu'il s'agit d'une bonne chose…
Doudou Dragon en main, une photographie dans l'autre, elle comble la distance jusqu'à la cache dans laquelle elle couche la peluche, mettant l'image entre ses pattes et une rose qu'elle fait apparaître d'un coup de baguette.
— Je me suis dit qu'il aurait aimé savoir qui étaient ses parents, peu importe l'endroit où il se trouve, murmure-t-elle douloureusement, ses sanglots obstruant sa voix. Un bébé devrait toujours avoir des parents, peu importe où il se trouve…
C'est quand elle me rejoint, posant doucement sa main sur ma joue, un sourire douloureux sur les lèvres, que je comprends à quel point toute cette expérience, que ce soit le fait de vivre ensemble ou celui d'élever Diana durant un mois, m'a changé.
Sinon, comment expliquer mes propres larmes ? Comment expliquer le désespoir que je mets en la serrant étroitement contre mon corps ? Comment expliquer l'impression que mon corps entier se déchire à l'idée de l'avoir perdu ?
Pendant quelques semaines, j'ai été un père pour une petite fille adorable qui faisait de nous le centre de son univers, et j'en ai compris chacun de ses regards émerveillés qu'elle posait sur sa maman.
Durant un mois, j'ai appris que s'attacher à quelqu'un pouvait aider à soigner des plaies qu'on avait même, quelques fois, pas conscience de porter.
Pendant quatre semaines, nous avons été une famille, et finalement, c'est ce fait-là que je pleure. Parce que pendant un mois, j'ai été plus heureux que je ne l'avais été depuis des années.
Certes, il y a eu des cris et des disputes, des sorts envoyés et de la vaisselle brisée. Mais il y a eu aussi ces moments de paix, dans le canapé ou dans le lit, où je pouvais m'émerveiller de voir que j'étais capable d'être heureux. Tout simplement heureux.
Les larmes coulent et coulent pendant un temps infini, et puis, finalement, je sens mon corps s'engourdir et celui d'Hermione s'affaisser contre le mien. La détachant légèrement de moi, je vois que son visage est maintenant un peu plus détendu, et qu'elle a enfin trouvé un peu de sérénité. Assez en tout cas, pour s'être endormie.
Passant un bras sous ses genoux, je la porte dans mes bras avant de faire un geste de ma baguette pour faire se refermer la cachette, masquant ainsi au reste du monde que, pendant quelques minutes, quelques secondes, je fus, moi aussi, un père.
— Spring Break, soufflé-je, la voix éraillée, en touchant ma bague portoloin.
Le voyage de retour est tout aussi désagréable que celui de l'aller, mais nous finissons tout de même par arriver dans la salle des arrivées du square où l'horloge trônant fièrement à l'entrée me fait clairement comprendre que, même avec toute la bonne volonté du monde, Minerva n'acceptera jamais de déverrouiller sa cheminée… Tant pis…
Le pas chancelant sous le poids supplémentaire – quoique bien plus léger que lorsque je lui faisais à manger – je rejoins le salon, l'allongeant dans le canapé avant de la recouvrir d'un plaid en fourrure que les jumeaux ont laissé ici, cet été.
— Tu as une chance incroyable, tu le sais ça ?
Le verre de vodka Pur Glace que j'étais en train de me servir suit le même chemin que celui de la bouteille dudit alcool, et le cri que j'émets n'a absolument rien de glorieux ! Bordel ! Mais que fout-il ici à une heure pareille ?
— Merde, Rogue ! grogné-je en balayant les débris de verre d'un coup de baguette. Annonce-toi, la prochaine fois ! Ou bien met une clochette !
— Je suis un fantôme sombre abruti, pas une maudite vache de prairie ! siffle-t-il.
Certes, ça se tient, mais il aurait tout de même pu allumer les lumières, ou même toussoter vaguement pour faire savoir sa présence dans la pièce, nom d'un Boursouflet à poils longs ! Et je dois vraiment être épuisé pour qu'une telle injure sorte de ma bouche…
— Que fais-tu là ? soupiré-je en me servant un verre de Pur Feu maintenant que ma bouteille n'est plus.
— Je venais voir comment tu allais et si j'allais enfin pouvoir arrêter de recevoir une procession d'élèves apeurés par ta dulcinée dans mon bureau pour les avoir terrorisés, grimace-t-il.
Même s'il le cache plutôt bien, je dois le reconnaître, le regard suspect qu'il coule vers elle est plus inquiet que moralisateur. Finalement, le grand Severus Rogue a un cœur ! Comme quoi, il ne faut jamais douter de rien !
— Je pense qu'elle ira mieux, soupiré-je encore une fois en m'asseyant sur le fauteuil adjacent au canapé. Elle avait juste besoin d'évacuer le trop-plein, je suppose…
— Et toi ? hausse-t-il un sourcil en imitant ma position. Tu comptes le faire un jour ?
— De quoi ?
— Ton deuil, crétin de Gryffondor décérébré ! grogne-t-il.
Mais encore une fois, je peux sentir toute l'inquiétude qu'il ressent lorsque son regard navigue entre elle et moi, s'arrêtant quelques secondes sur ma main qui joue négligemment avec sa chevelure hirsute.
— Comme je le lui ai déjà dit, dis-je en laissant ma tête partir vers l'arrière, un jour, mais pas maintenant. Je préfère me concentrer sur ce qui peut être sauvé.
— Et toi ? Qui te sauvera ?
— Tu ne comptes pas venir me délivrer du mal sur ton cheval blanc ? ricané-je cyniquement. Voilà qui détruit tous mes plans pour un avenir radieux !
Avec beaucoup de fatigue, je redresse la tête, mon verre venant rejoindre mes lèvres assez facilement pour que je puisse en remercier Merlin. Bon sang… Cette soirée a vraiment été trop longue pour moi…
— Je suis très sérieux, Charlie, soupire-t-il en se massant l'arête du nez. Que tu veuilles l'aider, c'est charitable je suppose, mais si c'est pour te revoir dans l'état que tu étais, le jour où tu es revenu à Poudlard, crois-moi, je préfère encore te faire interner de force ! Merde ! As-tu conscience que Minerva et moi nous sommes battus contre Poppy pour qu'elle ne vienne pas te proposer cette solution-là ?
— Je ne vais pas si mal que ça, Sev ! levé-je les yeux au ciel.
— Tu te fous de moi ? siffle-t-il méchamment. Tu traînes le souvenir de Miss Tonks attaché à ton corps, tu perds le contrôle de ta magie comme un gamin de première année, tes barrières d'occlumancie doivent être plus trouées qu'un gruyère et tu as couché avec Sermirov alors que tu es marié ! Bordel, Charlie ! Réveille-toi ! Quand est-ce que tu comprendras que tu viens de toucher le fond du gouffre ?
En quelques secondes, je viens de me retrouver en première année dans sa classe, après avoir foiré lamentablement ma toute première potion et récolter le tout premier T de ma vie… Le premier d'une longue suite dans sa matière, soit dit en passant…
— Toi et Miss Granger, vous êtes pareils ! gronde-t-il. Aucun de vous deux ne veut admettre qu'il a un sérieux problème et que même avec tout le sexe que vous aurez, ça ne résoudra rien. Vous avez besoin d'être aidés par quelqu'un.
Le juge Marvel nous l'avait imposé, mais grâce à l'aide inopinée de Minerva et Severus, nous avons pu y échapper, ce qui n'était pas pour me déplaire. Mais avec le recul, je crois qu'en effet, nous en aurions eu bien besoin, même si ce n'était pas d'une thérapie de couple dont il est question, dans notre cas…
— Et qui proposes-tu ? haussé-je un sourcil sarcastique. Toi ? Ne me fais pas rire, tu ne supporterais pas de nous entendre nous plaindre durant des heures !
— J'ai donné cours à des Gryffondor et des Poufsouffle durant près de vingt ans, et Drago est mon fils, renifle-t-il. Crois-moi, des jérémiades, j'en ai entendu plus que tu ne pourrais le croire !
Pourtant, dans le ton de sa voix, on peut très clairement percevoir la fierté qu'il exprime de pouvoir dire que Drago est son fils. Bon sang… Si on m'avait dit ça un jour… Severus Rogue, papa… Putain ! J'aurais fait interner la personne en soins intensifs à Ste Mangouste !
— Vous deux, et les huitième année en général, vous devriez vraiment suivre une thérapie auprès de quelqu'un, vous savez ? soupire-t-il. Au point où vous en êtes, ce n'est plus seulement nécessaire, c'en devient vital… Si Minerva n'avait pas croisé Potter dans les couloirs tout à l'heure lorsque les détecteurs de magie se sont enclenchés, de même que celle d'un portoloin, vous auriez été bons pour un sermon de plusieurs heures de sa part…
— Alors que proposes-tu ?
Je suis tellement fatigué… J'aimerais tellement pouvoir transformer le canapé en un lit et pouvoir m'allonger pour profiter de quelques heures de paix et d'une certaine forme de sérénité. Mais ce ne sera pas possible tant qu'il n'aura pas obtenu gain de cause, et ça, je le sais très bien…
Mais son inquiétude et sa tristesse me mettent mal à l'aise. Rarement j'ai pu le voir exprimer tant de regrets, tant de peines à voir l'état dans lequel notre génération est en train de s'enfoncer…
— Quand ta femme a fait placer Gregory Goyle en service fermé, j'ai pris contact avec sa thérapeute, pour pouvoir m'assurer qu'elle faisait du bon travail, commence-t-il calmement. À l'heure d'aujourd'hui, il va un peu mieux, accepte de s'ouvrir un peu plus au reste du monde, mais il ne se sent pas encore prêt à affronter tout le reste, et d'après elle, ça va mettre encore un moment avant qu'il n'accepte la mort de monsieur Crabbe.
— Tu crois que ça pourrait l'aider ? soufflé-je, incapable de refréner l'élan d'espoir qui grandit en moi.
— Si ça n'avait tenu qu'à moi, je vous aurais tous envoyé chez elle une fois que j'ai été sûr qu'elle respectait le secret médical autant que toi tu le fais avec tes dragons, rechigne-t-il. Mais tu connais la loi…
— Un sorcier ne peut être placé sous thérapie que s'il en demande l'accès ou si un membre de sa maison le fait pour lui, soupiré-je en me massant le visage.
— Exact…
Je sais que je pourrais l'y placer moi-même, que je pourrais demander son internement ou même simplement la forcer à suivre cette thérapie puisque je suis son mari, mais je refuse de lui enlever son libre arbitre.
Pourtant, je pense que Severus à raison. Elle en a besoin. Rien que les dernières semaines me prouvent qu'elle a besoin d'aide extérieur, d'un type d'aide que je ne peux pas lui offrir, même avec toute la bonne volonté du monde…
Mais je sais aussi que la forcer à une telle extrémité, sans même lui faire part, au préalable, de cette décision, annihilerait ce semblant de retour à la normale qu'elle nous a permis ce soir… Alors que faire ?
— Arrête de réfléchir autant, soupire-t-elle en entrouvrant légèrement les yeux. Je vais y aller, mais à une seule condition.
— Tu es réveillé depuis longtemps ? froncé-je les sourcils.
— À peu près au moment où tu as crié comme une fillette devant une araignée, grommelle-t-elle. Bon sang ! Même Penny ne crie pas aussi fort, et moi aussi je l'ai entendu appeler George, cette fois-là ! Je suis sûre que tu as même réveillé le Groenland avec ta voix de pucelle !
Note à moi-même : ne surtout jamais réveiller la lionne endormie après une journée aussi pourrie que celle que nous venons de passer…
— Quelle est votre condition, Miss Granger ? l'interrompt-il.
— Je veux que tu viennes avec moi, déclare-t-elle en vrillant son regard au mien. Tu n'es pas obligé de venir à chaque séance, ni même de parler si tu ne veux pas le faire, mais je pense que ça nous serait salutaire à tous les deux.
— Bébé…, soufflé-je.
— Vois ça comme une réunion de travail après une semaine à la réserve ! tente-t-elle de sourire.
Merde… Je peux voir qu'elle est proprement effrayée à l'idée d'aller voir cette inconnue et lui étaler ses problèmes. Elle est terrifiée de devoir l'affronter seule. Mais suis-je assez fort pour en faire de même, moi aussi ?
— D'accord, soufflé-je en fermant douloureusement les yeux. D'accord, je t'accompagnerais à la première séance, et ensuite, nous aviserons, d'accord ?
Son sourire se fait un peu moins tordu et la tension de son corps se décrispe, elle aussi,, mais la terreur est toujours là, bien tapie au fond de ses yeux.
— Merci, Charlie, fait-elle de la même manière, joignant ses doigts aux miens. Merci de ne pas m'abandonner.
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Je vous dis donc à vendredi ou samedi prochain pour la première partie du chapitre 28 intitulé : « Ce qui est sacré en ce monde » !
Je vous embrasse et vous souhaite une très bonne semaine à tous, soyez prudents et gardez vos amis et vos familles en sécurité,
Bisou,
Mya.
