Bonjour à tous !

J'espère que vous allez bien.

On avance un peu aujourd'hui, doucement mais sûrement dirons-nous.

Je traite beaucoup de Lyon dans ce chapitre, alors si vous avez des questions, surtout n'hésitez pas ;)

Je vous remercie tous pour vos joyeux commentaires qui me sont toujours aussi agréables.

Je vous souhaite une belle semaine, à vendredi prochain :)

Lou De Peyrac.

Chapitre 48 :

Elsa tournait en rond dans sa petite chambre d'hôtel. Voilà deux jours que son bouquet de fleurs avait été livré et elle n'avait toujours aucune nouvelle de Mak. Cette attention lui avait-elle fait plaisir ? L'avait-elle au contraire trouvée déplacé ? Jamais elle n'aurait pensé devoir quémander l'attention de son élève avec des fleurs… elle n'avait même jamais offert des fleurs à une fille. A vrai dire, elle n'avait jamais eu besoin de ça. Généralement, elle se contentait de sourire, de plisser ses yeux bleus, de lancer quelques compliments bien placés et le tour était joué.

Avec Mak c'était différent. Mak la détestait. Et elle se souvenait très bien que Mak était une vraie tête de mule pourvu d'un caractère de chien. De chien...Elsa sourit en se souvenant de l'ami poilu de Mak. Ça ne l'étonnait pas tant que ça. Elle se souvenait à quel point son ancien élève aimait Joséphine. Mak avait toujours été plus avenante avec les animaux qu'avec les humains d'ailleurs.

L'enseignante réfléchit une seconde en s'asseyant sur son lit. Peut-être que ce chien pourrait être une bonne excuse pour qu'elle lui propose de sortir. Elle craignait de se heurter à un refus définitif si elle lui proposait un rencard… une balade dans un parc n'engageait à rien, si ? N'était-ce pas trop fleur bleue ? Mak accepterait-elle de marcher à côté d'elle ? Peut-être devrait elle opter pour un tour à vélo, elle savait que Mak aimait le vélo. Mais elle n'avait jamais été très douée dans ce domaine…

Elle se tortura l'esprit encore une seconde, puis se lança enfin.

De Tony Stark :

Hey, je me demandais si tu accepterais de partager un footing avec moi cet après-midi ?

Elle envoya le message en choisissant de ne pas réfléchir et attendit, le téléphone emprisonné par ses mains. Quelques minutes passèrent sans qu'elle ne bouge. Son téléphone vibra. Elle sursauta. Rapidement, elle ouvrit le message.

De Blue :

Un footing ? Pourquoi faire ?

Elsa fronça les sourcils, elle ne s'attendait pas à cette réponse. N'importe qui d'autre aurait dit oui ou non. Pas "pourquoi ?". Mais Mak était différente. Mak demandait toujours pourquoi. Un peu prise au dépourvu, elle tenta de réfléchir une seconde tapa sa réponse, malgré tout heureuse que Mak ne lui claque pas la porte au nez.

De Tony Stark :

Eh bien, jusqu'à preuve du contraire, c'est bon pour la santé. Aussi, je me suis dit que ça pourrait défouler ton garde du corps. Et j'avoue avoir envie de te voir, alors autant joindre l'utile à l'agréable, tu ne crois pas ?

Elle envoya rapidement le message alors qu'elle était parvenue un tant soit peu à s'ouvrir sur ce qu'elle ressentait. La réponse, cette fois, ne tarda pas.

De Blue :

Un footing avec ma jambe en vrac ? Avec mon chien ?

Elsa grimaça. Quelle idiote, elle avait oublié ce détail. Pourtant, elle ne se défila pas pour autant.

De Tony Stark :

On ne court pas un marathon. Si tu tombes, je te rattraperai. Et on pourrait mériter des crêpes après l'effort. Je suis sûre que ton chien adorerait.

Elsa le savait, c'était un coup de charme. La dernière carte qu'elle était en droit d'abattre. Bien plus que Colonel, elle savait que Mak aimait les crêpes. Alors si Mak ne venait que pour partager une crêpe avec elle, ça lui suffirait.

Et après ce qui semblait être une éternité, la réponse tant attendue arriva enfin.

De Blue :

Ok pour le footing et les crêpes. Je connais un endroit. Viens nous chercher à 14h. On prend ta voiture.

À tout à l'heure, Monsieur Stark.

Ps : Merci pour les fleurs.

Elsa souffla un bon coup alors qu'un immense sourire étirait ses lèvres. Et dire qu'un chien énorme allait monter dans sa voiture...Elle peinait à y croire et pourtant, c'est bien ce à quoi elle allait consentir...Que ne ferait-elle pas pour elle ?

Les messages de son ancien élève étaient différents. Bien plus froids et concis, mais au moins Mak acceptait de passer un moment avec elle. Elle était heureuse, même si un chien allait foutre le bordel dans sa voiture.

Emma, le regard fixé sur l'écran de son ordinateur, les sourcils froncés, décortiquait ses dossiers des yeux depuis ce matin. Une migraine martelait déjà ses tempes et elle se remerciait d'être assez douée dans son métier pour qu'on lui permette d'avoir un bureau individuel. Ça lui évitait au moins les discussions stériles de ses collègues masculins. Évoluer dans un milieu dit "d'homme" en étant une femme était parfois bien pénible. Mais elle avait sa place ici. Elle avait trimé pour en arriver là. Et elle comptait bien y rester. Personne dans ce monde n'avait eu raison d'elle.

Personne, mis à part une petite tête bleue qui choisit ce moment précis pour entrer sans frapper.

- Hey beauté fatale, sourit Mak avant de déposer un sac en papier devant Emma et de s'assoir sur son bureau, se fichant pas mal du bordel qui y régnait.

- Salut ma jolie, comment t'as fait pour entrer ? Demanda Emma en se disant que personne ne rentrait si facilement dans un commissariat.

- Facile, j'ai dit que j'étais ta nana.

Emma sourit en roulant des yeux.

- Et tes collègues ont dit que tu avais de la chance d'avoir une super nana comme moi qui te ramène à manger, se vanta Mak en souriant avec malice.

- Merci, sourit Emma, amusée, en déballant le riz cantonnais que lui avait gentiment apporté sa colocataire. Tu ne manges pas, toi ?

- Déjà mangé, répondit simplement Mak et Emma sut que c'était un mensonge.

La blonde n'insista pas davantage, sachant que c'était inutile et lança un autre sujet, seulement heureuse de pouvoir partager sa pause de midi avec Mak.

Les deux jeunes femmes parlèrent de choses et d'autres. Mak omit volontairement le fait qu'elle partagerait un footing avec Elsa l'après-midi qui suivrait et se contenta de taquiner Emma sur son métier parce qu'elle adorait ça. Mak, un brin révolutionnaire, lui rappela à quel point les lois françaises étaient mal foutues, surtout quand il s'agissait de défendre les femmes. Et Emma, comme à chaque fois, lui répétait qu'elle était bien d'accord avec elle, mais que son métier était de faire appliquer les lois, non de les créer. Ce à quoi Mak répondait encore et toujours sans méchanceté :

- De toutes façons, tu es bien le seul flic que je tolère dans ma vie.

Emma sourit seulement en se disant que si une chose ne changeait pas chez Mak, c'était bien le mépris qu'elle avait envers ses collègues.

Les tirant de leur conversation, le portable de la blonde sonna. Elle le sortit de la poche de sa veste rouge et plissa les yeux en lisant le message.

De Inconnu :

Vous boirez un verre avec moi ce soir au Storybrook. 20h. J'aime la ponctualité. À tout à l'heure, Miss Swan.

Emma fronça les sourcils alors qu'un discret sourire étirait pourtant ses lèvres. Elle savait de qui venait ce message, évidemment. Qui d'autre que Régina Mills pouvait l'affubler de ce "Miss Swan" si agaçant ?

- C'est quoi cette tête ? C'est qui ? Demanda Mak.

Emma secoua légèrement la tête et répondit :

- Hm, une fille, qui me propose un rendez-vous, répondit-elle un peu mal à l'aise.

Mak fut surprise une seconde, ne sachant pas véritablement comment réagir, puis finalement sourit et demanda :

- Rendez-vous ou rencard ?

- Je ne sais pas exactement. C'est un peu tôt pour le dire, répondit la blonde en baissant la tête.

Mak plissa les yeux devant la gêne évidente de sa colocataire. Emma, devant elle, ne savait pas comment aborder la question d'une potentielle aventure avec quelqu'un d'autre et quelque part, leur relation avait toujours été si ambiguë qu'elle pouvait le comprendre.

Alors décidant que quelque chose devait être réglé, la jeune fille passa une main dans les cheveux blonds, Emma releva la tête et sentit immédiatement les lèvres de Mak sur les siennes. Abattue par la tendresse de ce baiser qui avait une saveur différente, Emma se laissa faire et ferma les yeux. Mak sourit contre ses lèvres, puis se sépara d'elle après lui avoir offert une dernière caresse sur la joue. La jeune fille colla pourtant son front contre celui d'Emma, ferma les yeux, prit le temps d'un silence, et murmura :

- C'est la dernière fois que je t'embrasse.

Mak put voir le corps d'Emma se détendre enfin et elle sut à cet instant qu'elle avait pris la bonne décision.

Emma sourit à son tour, soulagée, et passa une main reconnaissante dans les cheveux bleus.

- Je te promets que si dans 10 ans nous sommes célibataires, je t'épouse, sourit la blonde en jurant pourtant que cette promesse était sérieuse.

- Deal, accepta Mak en jurant que cette idée pouvait la tenter.

Les deux jeunes femmes se séparèrent enfin, heureuses que cette discussion se soit passée ainsi, dans la tendresse et la compréhension. Et comme pour les conforter toutes deux dans leur choix, Mak avoua :

- Je vais faire un footing avec Elsa et Colonel cet après-midi.

- Un footing ou un rencard ? Demanda Emma, quelque peu taquine.

- Je ne sais pas exactement. C'est un peu trop tôt pour le dire, répéta volontairement Mak en plissant les yeux et Emma comprit qu'elles en parleraient un jour, mais pas aujourd'hui.

Mak se posta devant son dressing. Colonel était couché sur son lit et dormait alors que le soleil de ce début d'après-midi lui chauffait le dos. La jeune fille fouilla dans les différents tiroirs à la recherche d'une tenue adaptée à un footing. Un footing ? Sérieusement, qui proposait ce genre de chose pour renouer un tant soit peu avec son ex ? Elle ne se serait pas attendue à ça de la part d'Elsa.

Elle avait tenté de courir à de nombreuses reprises pour calmer ses angoisses sous les conseils qu'Elsa lui avait laissé dans son mode d'emploi. Ça a marché. Pour un temps du moins. Puis la dépression avait gagné en intensité, et courir pour lui échapper s'est vite révélé inutile.

Elle retrouva alors après quelques recherches dans les méandres de ses piles de fringues, un petit short bleu foncé en tissu souple, un débardeur moulant noir et enfila le tout par-dessus un bandeau. Elle opta pour une paire de baskets achetées des années plus tôt spécialement pour courir. Des baskets confortables qui épargneraient sa jambe chancelante.

Elle se posta ensuite, presque tremblante, devant le grand miroir de sa chambre. Malgré le fait qu'elle avait toujours été si petite, elle avait toujours ressenti le besoin de posséder un grand miroir. Comme une preuve tangible qu'elle existait toujours dans ce monde souvent beaucoup trop grand. Un reflet qui la rassurait, qui lui prouvait qu'elle était toujours là, tenace, vivante, que comme une mauvaise herbe, elle n'était pas si facile à éradiquer.

Elle plissa les yeux en se confrontant à elle-même. Elle se vit maigre et pâle. Elle fronça les sourcils. Elsa la trouverait-elle toujours aussi jolie ? Ce corps frêle et misérable lui plaisait-il toujours autant ? L'aimait-elle avec ses cheveux longs ? Avec cet air absent qu'on retrouvait sur chaque visage de dépressif… ce petit quelque chose en plus, ou en moins elle ne savait pas vraiment. Elsa serait-elle prête à porter avec elle le poids de ses chagrins ? Elle avait envie d'y croire… serait-elle capable de reprendre ce risque ? De placer tous ses espoirs en la personne d'Elsa…

Elle se bouffa des yeux une seconde encore alors qu'un million de questions passaient dans ceux là. Elle y vit de la douleur, une certaine lassitude, et le zeste de mélancolie qui ne quittait plus ses iris, un vague à l'âme au fond de la pupille. Son regard glissa sur ses lèvres qui ne souriaient plus que pour amuser la galerie. Depuis des années, elle, et tout ce qui la composait, n'était devenue qu'un doux jeu d'acteur, un tendre euphémisme, un faux jeton, une comédie dramatique, un clown triste, un souvenir dérisoire d'une vieille connaissance qu'elle avait perdue de vue. D'elle, il ne restait plus grand chose. Alors que lui restait-il encore à offrir à Elsa ?

Son état, elle préférait en rire. Rire était tellement plus facile que pleurer. Elle avait très vite compris que pour sa survie, rire lui serait obligatoire. Car le plus gros problème avec la dépression, c'était que, comme le service des urgences, une fois qu'on était dedans, on ne savait quand est ce qu'on pourrait en sortir. Quelle était la date limite de consommation d'une dépression ? À quel moment précis le bordel qui régnait dans sa tête allait enfin s'ordonner ? À quel instant fou de son existence se permettrait-elle à nouveau de vivre imprudemment ?

La sonnerie de son appartement la fit sursauter, la coupant brutalement dans le fil de ses pensées, et finalement, c'était tant mieux.

Elle se jeta un dernier regard. Un regard de bonne chance, de respire, de courage ma fille.

Elle souffla un bon coup, puis parcourut rapidement son appartement avant d'ouvrir la porte d'entrée. Son cœur se réanima encore à la vision d'une Elsa souriante, habillée d'un pantalon moulant qui lui arrivait en dessous des genoux et d'un large t-shirt bleu clair qui retombait sur l'une de ses épaules. Et son distingué professeur avait troqué ses habituels talons pour une paire de baskets.

La jeune fille resta sans voix alors que son insolence perpétuelle l'abandonnait subitement. Elle la trouvait si belle. Ses yeux rieurs, son sourire en coin. Comment était-elle parvenue à vivre sans ça pendant toutes ses années ? Y était-elle seulement parvenue ?

- Lichtenstenner, bonjour, sourit Elsa et le cœur de Mak rata un battement à cette phrase qu'elle avait déjà entendu tellement de fois.

- Hey, fut-elle seulement capable de répondre, happée par les yeux bleus.

- Tu es prête ?

- Hm, oui, dit-elle en revenant doucement à elle.

Elle attrapa ses clés sur le meuble de l'entrée, et claqua des doigts.

Colonel apparut immédiatement près d'elle en remuant la queue, comprenant qu'il partait en balade. Il garda pourtant un œil sur cette grande blonde qu'il ne parvenait pas à cerner. Une caresse de son humaine sur sa tête le rassura, et il s'engouffra dans la cage d'escalier. Silencieusement, Mak ferma la porte derrière elle et glissa les clés dans la poche de son short.

Ensemble elles descendirent les escaliers alors que Colonel les attendait déjà en bas.

- Tu me laisses conduire ? Demanda Mak en regardant droit devant elle.

Lui parler était devenu si difficile, comme si elle réfléchissait à chaque parole, comme si elle se retrouvait face à une étrangère qu'elle connaissait pourtant si bien.

Elsa sourit simplement et lui tendit ses clés de voiture.

Elles sortirent et rejoignirent rapidement le 4x4 rouge garé un peu plus loin. Mak ouvrit la portière arrière et Colonel monta dans le véhicule, reniflant tout sur son passage, peu habitué à cette nouvelle odeur, même s'il se souvenait l'avoir déjà perçu dans la salle de bain. Son humaine gardait précieusement un flacon rempli de cette même odeur.

Mak s'assit derrière le volant et Elsa prit place côté passager. L'enseignante ne put s'empêcher de se tourner vers sa banquette arrière et jeta un œil inquiet sur ce chien qui se retrouvait dans son cher 4x4. Mak capta ses craintes, se retourna à son tour, leva un doigt moralisateur vers un Colonel tout excité par tant de nouveauté.

- Eh, appela-t-elle sévèrement alors que le chien rapportait son attention sur elle. Tu te couches, et tu ne bouges pas, ordonna-t-elle froidement.

Le chien couina en piétinant des pattes, frustré.

- Colonel, attention, prévint Mak tout à fait calmement.

Le chien comprit alors que son humaine ne plaisantait pas et s'allongea sagement.

- C'est bien, mon grand, félicita la jeune fille en lui offrant une caresse sous le regard attendri d'Elsa, rassurée de savoir sa voiture en sécurité.

Mak prit alors le temps de régler le siège et les rétroviseurs à sa taille et démarra enfin, reconnaissant le bruit de moteur familier du 4x4. Il était si étrange de se retrouver de nouveau ici, avec elle, dans cette voiture.

Elle se souvint alors de la première fois que Madame Lange l'avait ramenée chez elle. Des leçons de conduite que Madame Lange lui avait offertes. Et enfin, quand dans cette même voiture, tout avait basculé et que Madame Lange avait laissé place à Elsa. Cette voiture était définitivement leur madeleine de Proust. Ce qui les avait liées au départ, là où tout avait commencé.

- Tu l'as eu comment ? Demanda Elsa, la sortant une énième fois de ses pensées.

- De ? Demanda Mak, incertaine d'avoir loupé un morceau de conversation.

- Ton chien.

- C'est Emma qui l'a trouvé, expliqua la jeune fille, le regard sur la route. Elle faisait sa ronde, et l'a entendu aboyer. Le bruit l'a mené vers un entrepôt abandonné. Et là, surprise, il était en compagnie d'une centaine de bébés dalmatiens.

- Comment c'est possible ? S'étonna Elsa.

- Trafic de fourrure. Les chiots avaient été volés et si mon chien n'avait pas alerté Emma ce soir-là, elle n'aurait sans doute jamais repéré le trafic.

- C'est un héros alors, sourit Elsa, profondément amusée par cette histoire incroyable.

- C'est pour ça qu'il a été promu au rang de Colonel, assura Mak en lui offrant son premier sourire de la journée. Les dalmates ont été transférés dans un refuge et Emma a ramené Colonel à l'appart. J'ai voulu le garder. Elle n'a pas vraiment eu le choix en fait, termina la jeune fille, heureuse d'avoir insisté ce jour-là, se rappelant à quel point son chien lui faisait du bien.

- Une belle histoire, sourit Elsa.

L'enseignante prit plaisir, malgré l'étrangeté de la situation, à être ainsi enfermée avec elle dans cette voiture. Elle ressentait l'envie de reprendre ses réflexes d'autrefois. De poser sa main sur sa cuisse en la sentant se tendre à chaque changement de vitesse. De caresser sa peau de son pouce en laissant son regard se perdre à travers la fenêtre, écoutant quelques musiques de son choix. Mais l'heure n'était ni à la tendresse ni à la musique, puisque Mak se reconcentra sur la route, les plongeant dans un silence embarrassant. Les silences… Elsa savait que ça faisait partie de Mak et pourtant, jamais supporter ses silences n'avait été si douloureux.

- Alors, tu l'as passé quand ce permis ? Demanda-t-elle, incapable de supporter une seconde de plus le fossé qui les séparait.

- Je l'ai perdu il y a trois ans en fait, pour conduite en état d'ivresse, expliqua Mak, tout à fait sérieuse. J'ai renversé un type. Bon rien de grave, le mec s'en est sortie avec un bras dans le plâtre. Depuis je conduis sans.

Elsa haussa un sourcil en se figeant sur place en ne sachant quoi répondre si bien que Mak lui jeta un rapide regard et qu'un rire grave s'échappa de sa gorge.

- Eh, détends-toi, c'est une blague.

Elsa respira de nouveau avant de rouler des yeux, ne croyant pas s'être faite avoir si facilement.

- Etant donnée le nombre d'heures que j'ai passé à t'apprendre à conduire, cette blague était de mauvais goût, grogna l'enseignante.

- Etant donné que ton humour à toi a toujours été plus que déplorable, je prends ça pour un compliment, sourit quelque peu la jeune fille.

Elsa soupira en ignorant totalement le petit sourire satisfait de son interlocutrice.

T'es pas cool quand même… intervint la petite voix.

Eh, lâche-moi…gronda Mak qui ne put s'empêcher malgré tout de jeter un regard vers son ancien professeur. Un ancien professeur de tout évidence mis de mauvaise humeur par sa tentative d'humour.

Mak se souvenait à quel point Elsa Lange avait parfois une haute estime d'elle-même sans parler de son égo surdimensionné. Le fait qu'elle se vexe ne l'étonnait donc pas tant que ça.

- Fais pas la gueule, soupira la jeune fille sans décrocher son regard de la route. Tu sais très bien que je t'ai toujours trouvé fun, rappela-t-elle. Rabat-joie avec un humour de merde, certes, mais fun, précisa-t-elle.

Oh, elle te trouve toujours fun ? C'était inespéré ça, se moqua la petite voix d'Elsa.

- Tu me trouve fun ? S'étonna l'enseignante, pour une fois, d'accord avec la petite voix.

- Bah, tu m'as fait flipper sur le coup mais je te rappelle que tu as voulu casser la gueule d'un mec pour sauver mon honneur, alors oui Monsieur Stark, je te trouve fun, expliqua Mak en haussant les épaules alors qu'un immense sourire qu'Elsa essayait de cacher prenait place sur ses joues.

Elsa parvint à se détendre enfin en comprenant que si Mak la trouvait toujours aussi fun qu'avant, tous ses espoirs n'étaient pas vains. Après tout, c'est comme ça que tout avait commencé, parce qu'elle l'avait trouvé fun… Alors l'enseignante su se contenter de cette réponse et c'est d'humeur plus légère qu'elle se laissa conduire.

Elles arrivèrent quelques minutes plus tard près d'un immense parc. Mak dû user d'ingéniosité pour se garer ainsi en centre-ville mais y parvint tout de même. Et Elsa se dit qu'elle avait bien fait de lui laisser le volant. Elles sortirent de la voiture alors que Colonel restait près d'elles et Elsa posa un regard devant le grand portail en fer forgé qui s'imposait à elle.

- Où est ce qu'on est exactement ? Demanda l'enseignante.

- Au parc de la Tête d'Or, il n'y a pas mieux pour courir. Tu n'as pas visité Lyon depuis que tu es arrivée ?

- Non je…

Je n'ai pensé qu'à toi, eut-elle envie de répondre.

- Je n'ai pas eu le temps, se reprit-elle rapidement.

- Il va falloir remédier à ça, sourit Mak en marchant doucement, les mains dans les poches, plus détendue sous le soleil de ce début d'après-midi. Tu connais la légende de ce parc ?

Elsa hocha la tête négativement, les mains croisées derrière le dos, le pas tranquille, buvant ses paroles.

- On raconte qu'il y a de ça des siècles, des barbares auraient accumulé un butin. Un énorme butin, composé de pièces, de bijoux, un vrai truc de pirate, sourit-elle en observant tendrement Colonel qui marchait devant elle alors que tous trois entraient dans le parc. Et dans ce butin, une statue de la tête du Christ, toute en or. D'après les rumeurs, les barbares auraient caché la Tête D'or dans le parc.

- Mais personne ne l'a cherchée ? Demanda Elsa, happée par l'histoire.

- Bien sûr que si. Toute la ville de Lyon en fait, sourit Mak. Des fouilles ont été organisées à l'époque. Ils ont même engagé une voyante pour mettre la main sur le trésor.

- Ça a donné quelque chose ?

- Jamais. La tête n'a jamais été retrouvée. Encore aujourd'hui le mystère reste entier, expliqua Mak en haussant les épaules.

- Mais alors comment savoir si ce trésor existe vraiment ?

- On raconte que des ouvriers chargés des fouilles seraient parvenus à le déterrer. Avides de richesses, ils se seraient battus pour l'obtenir. La tête du Christ, confrontée à cette déchéance humaine, aurait tant pleuré qu'un lac se serait formé. Le lac du parc. Mais il a été sondé plusieurs fois et jamais personne n'a trouvé quoi que ce soit.

- C'est complètement dingue, en conclut Elsa. Et toi, tu en penses quoi ?

Mal réfléchit une seconde, prenant le temps d'y penser, puis répondit :

- Je pense que vrai ou pas, le monde a besoin de ce genre de mystère pour que les gens puissent encore croire en quelque chose. Et c'est parce que les gens y croient que ce genre de mystère existe, alors j'imagine que tout le monde y trouve son compte, termina-t-elle avec un sourire en coin.

- Une ville bien plus mouvementée qu'Arendelle, remarqua Elsa, pensive en se souvenant de la monotonie d'Arendelle.

- Oh tu sais, des histoires sur Lyon, je pourrais t'en raconter des tas, rit quelque peu la jeune fille, heureuse de voir que, finalement, une discussion avec Elsa ne lui était pas si difficile.

- Raconte-moi, sourit Elsa, simplement comblée de l'écouter.

- D'accord, mais en courant, accepta Mak. C'est pour ça que tu m'as fait venir, et puis si on veut faire le tour du parc, on a intérêt à se dépêcher. Il faut absolument que je refasse ton éducation de Lyonnaise, rit-elle en entamant sa course, laissant son ancien professeur sur la touche.

Elsa roula des yeux en souriant pourtant et s'empressa de la suivre.

- Ça va aller avec ta jambe ? Fut-elle tout de même obligée de demander.

- Eh, ça va, je ne suis pas en sucre, assura Mak sans ralentir son pas, faisant fi de la douleur lancinante à laquelle elle était habituée.

Elsa n'ajouta rien, et prit seulement plaisir à écouter ses histoires.

Alors sous le soleil brûlant de 15h, elles s'accordèrent sur un rythme de croisière, Colonel, heureux de pouvoir se défouler dans ce parc qu'il affectionnait tant. Mak raconta Lyon et ses secrets cachés. Elle s'énerva toute seule en parlant des fachos de St Jean avec leurs crânes rasés, le code couleur des lacets de leur Doc Marteen's, leur croix gammée tatouée dans le dos et leur regret d'une France des années 40.

Puis elle se calma en revenant sur les gauchos de Croix-Rousse agrippés à leur Gros Cailloux. Elle conta avec affection leurs dreads, leurs sarouels hauts en couleur, l'air d'innocent nomade qu'ils avaient gardé de l'enfance, leurs Van's bien trop grandes, leur envie de sauver l'Afrique. Puis, au milieu de tout ça, elle cita ensuite les quais, les lumières du 8 Décembre, la statue de la Place Bellecour, l'Opéra, et Fourvières bien sûr, cette cathédrale qu'on avait mise tout en haut d'une colline, la fierté des Lyonnais qui surplombait la ville et se vêtissait de feu d'artifice le soir du 14 Juillet.

Elsa ne l'interrompait que très peu, riant seulement par moment quand la jeune fille s'enflammait un peu trop dans son discours. L'enseignante fut ravie d'écouter chaque bribe de sa vie que Mak voulait bien lui offrir. Lyon lui apparut alors sous un autre angle et elle fut heureuse de voir que Mak semblait avoir trouvé sa place ici.

Dans l'air flottait une odeur de barbapapa et on entendait par moment la mélodie d'un carrousel. Des enfants couraient ici et là, souvent réprimandés par un parent inquiet. Des couples de personnes âgées se promenaient bras dessus bras dessous en préférant l'ombre des arbres et Elsa se dit qu'elle aurait pu terminer sa vie ainsi, au bras de Mak.

- On fait une pause ? Demanda Mak après une bonne heure. Mes poumons de fumeur n'en peuvent plus, avoua-t-elle, le souffle court en ralentissant le pas, imitée par Elsa.

- Petite forme aujourd'hui ? Se moqua gentiment l'enseignante bien moins essoufflée.

Mak rit en reprenant son souffle, les mains sur les genoux, incapable de la contredire puisqu'il était évident que cette course l'avait éreintée.

La jeune fille intima à son professeur de la suivre et elles marchèrent jusqu'à un grand espace vert. Mak se laissa tomber pour s'allonger dans l'herbe en soupirant d'aise alors qu'Elsa s'asseyait pour s'adosser à un tronc d'arbre et que Colonel courait de long en large tout près d'elles.

Elsa, les bras pendants sur ses genoux repliés, prit le temps de respirer une seconde, les yeux fermés, un sourire tranquille sur les lèvres. Mak l'observa discrètement d'un œil. Elle la trouva si jolie. Dans ce parc, l'air serein, le corps détendu. Colonel lui tournait autour, venant craintivement renifler ses longues jambes de temps en temps sans qu'elle ne s'en rende compte. Mak souriait en voyant son chien interagir ainsi avec Elsa. La jeune fille comprenait que peu à peu, il commençait à s'habituer à sa présence. Colonel n'avait jamais été sauvage. Ce chien aimait les humains. Mak n'avait eu aucun mal à l'apprivoiser, il avait toujours été très affectueux.

Si affectueux qu'il approcha par curiosité son museau du visage d'Elsa et, prit de confiance, lécha sa joue. L'enseignante sursauta en ouvrant les yeux en grand alors que Mak riait à la vision de cette scène. Colonel lui, heureux d'avoir fait forte impression, et avec une audace révoltante, se hissa sur ses pattes arrière et vint poser ses deux pattes avant sur les épaules d'Elsa en lui offrant une myriades de bisous.

- Je ne crois pas que nous soyons si intimes, grogna l'enseignante en tentant maladroitement de repousser le gros chien qui faisait fi de ses dires.

Mak rit franchement cette fois.

- Arrête, mon grand, intervint-elle tout de même entre deux éclats de rire.

Colonel obéit immédiatement et se coucha entre les jambes d'Elsa alors que celle-ci s'essuyait le visage.

- Je crois qu'il t'a adopté, sourit Mak en croisant les bras sous sa tête.

- Un peu trop, si tu veux mon avis, râla l'enseignante en ne sachant pas comment réagir maintenant que le gros chien se plaisait à poser sa tête sur sa cuisse.

- Caresse-le, conseilla Mak. Il n'attend que ça de toi.

Elsa plissa les yeux. Elle n'aimait pas les animaux, Mak devrait le savoir, non ? Pourtant, après réflexion et en voyant le regard abattu que lui lançait le chien, elle se résigna et posa une main timide sur sa tête. Colonel, satisfait, soupira d'aise et ferma les yeux sous la main maladroite mais tendre que lui offrait cette blonde. D'elle, il ne savait pas grand-chose, mais il aimait ses caresses.

Mak sourit et fut soudain jalouse de son chien. Allait-elle s'imposer une énième frustration ? Pas aujourd'hui, elle n'en avait pas le cœur. Alors, elle se retourna sur le ventre et d'une poussée sur ses coudes, elle se déplaça de quelques centimètres et vint s'allonger sur le dos, posant sa tête sur l'autre cuisse d'Elsa.

L'enseignante se figea une seconde, surprise par le geste imprévu. Mak, les yeux fermés, sourit légèrement en la sentant se tendre. Son ancien professeur semblait être en pleine guerre intérieure. La jeune fille ne prononça pas un mot, ne voulant pas l'embarrasser davantage, et attrapa simplement sa main pour la poser doucement sur ses cheveux. Elsa se laissa faire sans résistance et reconnut immédiatement la douceur soyeuse de la chevelure bleue. Elle baissa les yeux et reprit les gestes d'antan. En douceur, elle passa une main dans les cheveux qui lui avait tant manqué.

Et silencieusement, elles prirent le temps d'être ensemble, envoyant valser pour un instant seulement les rancœurs et les rancunes.

Pourtant, l'esprit d'Elsa s'affola.

- Je peux te poser une question ? Demanda-t-elle.

- Hm, hm, fredonna Mak sans ouvrir les yeux, si détendue qu'Elsa s'était demandé si elle ne s'était pas assoupie.

- Cette fille, Emma Swan, qu'est-ce qu'elle est pour toi ? Demanda l'enseignante après avoir puisé dans ses dernières doses de courage.

Mak resta silencieuse une seconde, prenant le temps de réfléchir à la question qu'elle savait importante pour son ancien professeur puis expliqua calmement sans ouvrir les yeux :

- Une amie, une confidente, un garde du corps… un placebo, ajouta-t-elle après hésitation. Mais j'aime à penser qu'elle a été ma sauveuse, conclut-elle enfin.

- De quoi t'a-t-elle sauvée ?

- Eh bien, i ans, si ma route n'avait pas croisé la sienne, je ne sais pas si… elle grimaça. Enfin, tu vois…

Enfin, tu vois… Elsa reconnut ces mots que Mak avait si souvent utilisé quand elle tentait de parler de quelque chose sans y parvenir.

Et généralement, Elsa voyait très bien l'idée que Mak ne voulait pas évoquer. Aujourd'hui encore, l'enseignante voyait parfaitement ce que son ancien élève voulait dire, et pourtant, l'idée était si noire, qu'elle eut besoin d'une confirmation.

- C'est une manière diplomate de me dire que tu as pensé à…

- C'est une manière diplomate de te dire qu'i ans, quand ma mère n'allait pas mieux et que je commençais à lui ressembler en ne te voyant pas revenir, quand tu étais l'énième personne à m'avoir abandonné, peut-être celle de trop, Emma était là, coupa Mak en restant ainsi, aveugle, sur la jambe d'Elsa qu'elle sentit se tendre.

L'enseignante grimaça face à la véracité effroyable de ses mots délivrés avec tant de détachement. Elle ne trouvait aucune trace de reproche dans sa voix. Elle savait que Mak énonçait simplement un fait. Rien de plus, rien de moins. Elsa fut incapable de répondre alors que sa main dans les cheveux bleus se figeait. Mais Mak, comme si elle ne se rendait pas compte de la douleur que la blonde ressentait après ce monologue, donna un léger coup de tête contre sa main pour lui intimer silencieusement de continuer. La main d'Elsa reprit alors ses caresses, et Mak reprit, plus calmement, quelque part, plus tendrement :

- Je sais que tu ne l'apprécies pas. Mais par respect pour moi, et si tu veux un jour avoir une petite et éventuelle chance de me retrouver, tu vas faire un effort, expliqua la jeune fille. Ne me demande pas de choisir, termina-t-elle, une légère supplication au fond de la gorge.

Le message était clair, les bases étaient posées. Elsa n'était pas en droit de toucher Emma Swan. Emma Swan était sous la protection de Mak. De toute évidence, cette jeune femme était importante pour Mak et avait une place de choix dans sa vie. Quelle place exactement ? Elsa ne savait pas. Pourtant, elle sut percevoir l'espoir qui résidait dans ses dires. Mak évoquait une potentielle chance de la retrouver. Encore une fois, l'enseignante comprit ce que Sarah Lichtenstenner avait tenté de lui dire. Mak était rancunière et le chemin serait long, mais un espoir persistait.

Elsa prit alors sur elle et réfléchit une seconde à la question. Pour retrouver Mak, elle se devrait d'être Tony Stark et d'accepter Emma Swan. Bien, elle pourrait faire avec. Elle espérait seulement que la liste des conditions pour une vie avec Mak ne serait pas trop longue.

- Je ne te le demande pas, assura-t-elle en sachant que c'était absolument la seule réponse que Mak pouvait valider.

- Bien, Monsieur Stark, sourit Mak, satisfaite, en se tournant sur le côté, posant une main sur la cuisse d'Elsa alors que l'enseignante pouvait sentir son souffle venir mourir près de son ventre.

Elles restèrent ainsi quelques minutes, choisissant d'oublier tout ce qui les séparait.

Puis Elsa sentit la tête de Mak devenir plus lourde sur sa cuisse alors qu'elle continuait ses caresses.

- Tu vas finir par t'endormir, sourit-elle.

La jeune fille grogna. Il est vrai qu'elle avait manqué de peu de s'endormir. Et en même temps, depuis combien de temps ne s'était-elle pas sentie aussi bien ?

Alors elle passa une main sur son visage, ouvrant enfin les yeux, et se redressa non sans peine. Elle bailla, puis demanda :

- Tu m'avais promis une crêpe si je me rappelle bien ?

Elsa rit face à cet air canaille qu'elle lui connaissait bien. Alors elles se levèrent et se dirigèrent lentement vers un des nombreux food truck du parc. En remarquant le léger boitement de Mak, Elsa comprit que le footing serait terminé pour aujourd'hui. Sa belle petite bleue avait beau dire qu'elle n'était pas en sucre, sa jambe n'en demeurait pas moins fragile.

Elles commandèrent, Elsa insista pour payer, Mak abdiqua et elles longèrent le parc, leurs douceurs en main, Colonel se baladant devant elle, parlant de tout et de rien. Elles eurent quelques débats philosophiques, chose qui semblait avoir manqué à Mak. Et Elsa, bien sûr, sûrement par déformation professionnelle, se plu à raconter Kant, Socrate, Nietzsche évidemment. Et c'est ainsi qu'une douce journée leur fut offerte, teintée de soleil et de sucre sur une crêpe.

- Tu savais que la crêpe Suzette avait été inventée par un restaurateur nommé Carpentier ? Et d'après ce que j'ai lu, la compagne du Prince de Galles, Edouard VII, qui s'appelait Suzette a tant aimé cette crêpe que Carpentier lui a donné son nom, expliqua Mak tout à fait naturellement.

Elsa sourit tendrement.

- Ça m'avait manqué, souffla-t-elle sans même s'en rendre compte.

- De ?

- Tes éclairs de génie, sourit l'enseignante en se disant que c'était une chose parmi tant d'autres qui lui avait tant manqué.

Mak haussa simplement les épaules. Du génie ? Elsa exagérait. Elle ne parlait pas de voyage sur la lune ni d'équation impossible à résoudre, seulement de crêpes.

Et c'est ainsi que l'après-midi se termina. Le soleil commençait doucement à décliner, l'air se faisait plus frais, le parc se vidait, et il fut temps de rentrer.

Elles rejoignirent rapidement la voiture.

- Tu veux bien conduire ? Demanda Mak. Je suis fatiguée.

Elsa accepta d'un hochement de tête en notant mentalement que cette fatigue précoce était probablement due à sa perte de poids sans se douter un seul instant qu'un traitement à base de tranquillisants lourds en était la cause logique. Colonel reprit sa place sur la banquette arrière, et se coucha sans rechigner, sans doute aussi fatigué que sa maîtresse.

Sur le retour, un silence confortable cette fois, s'installa dans la voiture. Mak lutta tout le long du trajet pour ne pas poser sa main sur la cuisse d'Elsa. Mais elle ne devait pas se laisser avoir si facilement. Aujourd'hui, hormis le sujet Emma Swan, elles n'avaient volontairement pas évoqué le passé. Mak n'avait pas demandé à Elsa ce qu'elle avait fait durant ces 5 ans sans elle, et Elsa n'avait pas cherché à le savoir non plus de son côté. Une certaine discrétion, une retenue était nécessaire pour qu'elles puissent s'apprivoiser de nouveau.

- Lichtenstenner ? Appela Elsa sans quitter la route des yeux.

- Hm ? Répondit Mak en lui accordant un regard, ouvrant la fenêtre côté passager.

- Je me demandais… Commença Elsa timidement, si timidement que Mak en fut étonnée. Accepterais-tu qu'on sorte à l'occasion ? Un soir où tu ne travailles pas, demanda-t-elle finalement alors que ses mains devenaient moites autour du volant et qu'elle avait l'impression de retrouver ses 15 ans.

- Comme un rendez-vous ? Demanda Mak en haussant un sourcil, essayant tant bien que mal de ne pas sourire face à cette nouvelle facette d'Elsa qu'elle ne connaissait pas.

Une Elsa incertaine et mal à l'aise qu'elle trouvait malgré elle charmante. Tony Stark semblait parfois vouloir laisser son armure de côté.

- Oui, approuva Elsa. Enfin non ! Je veux dire seulement si tu le veux, se reprit-elle alors que Mak n'avait pas bougé d'un cil. On n'est pas obligé de rendre ça officiel. On peut seulement aller manger des pizzas ? Proposa-t-elle. Ou autre chose d'ailleurs, mais je crois me souvenir que tu aimais la quatre fromages, réfléchit-elle alors qu'un sourire perçait les lèvres de Mak. Mais tu n'es pas obligée de manger une quatre fromages non plus ! Intervint-elle rapidement. On peut tout mettre sur une pizza, après tout, il y a bien des gens qui mettent de l'ananas sur leur pizza et…

- Elsa ! Intervint Mak en masquant mal son sourire. Ça va, j'ai compris l'idée, assura-t-elle alors que l'enseignante cessait enfin de bégayer. Je vais y réfléchir.

- Ça veut dire oui ? Demanda Elsa, pleine d'espoir.

Accepte ! Hurla la petite voix. Tu as envie d'elle et de pizza, alors accepte !

- Hm, non, ça veut dire que je vais y réfléchir, répondit Mak en plissant les yeux. En même temps c'est clair, je pense que tu comprends.

Pff… t'es vraiment nulle… râla la petite voix. Une pizza serait meilleure avec elle, alors je ne vois pas pourquoi tu hésites.

Eh, c'est bon, je n'ai pas dit non, alors ferme la ! Pensa Mak, excédé.

- Oui, bien sûr, assura Elsa.

Evidemment, elle se devait de comprendre, et pourtant cela lui demanda un effort surhumain. Il lui était parfois si difficile d'admettre que Mak avait un total contrôle sur la situation alors qu'elle, obsédée du contrôle qu'elle était, n'en avait aucun.

Mak plissa les yeux, et observa son ancien professeur du coin de l'œil durant tout le reste du trajet. Elsa tentait de ne pas le montrer, mais puisque Mak la connaissait si bien, elle put remarquer sa déception clandestine, et une certaine tristesse. La jeune fille soupira intérieurement. Elle se mettait à sa place. Quelque part, elle pouvait comprendre sa position. Mais, elle trouvait déjà que les choses avançaient beaucoup trop vite alors comment pouvait-elle accepter de passer la vitesse supérieure ? Elle en était tout bonnement incapable. Comment pouvait-elle lui faire comprendre qu'elle l'aimait autant qu'elle la détestait…?

Et elle rumina encore et encore, jusqu'à ce qu'Elsa ne se gare près de son immeuble. Elle revint à elle quand elle sentit la voiture s'arrêter.

- Te voilà chez toi, annonça Elsa en affichant un sourire de façade, priant pour que la jeune fille sorte vite de sa voiture pour qu'elle puisse s'enfermer dans sa chambre et déprimer en paix.

Mak reconnut ce sourire comme une arnaque, mais fut malgré tout touchée par l'effort que l'enseignante faisait pour la préserver.

La jeune fille perdit son regard par le pare-brise et resta un instant stoïque, ne bougeant pas d'un cil alors qu'Elsa se demandait ce qu'elle attendait pour sortir.

Et après un silence écrasant, Mak demanda :

- Tu connais la maladie des os de verre ?

- Hm, oui, répondit Elsa, surprise par la question, incertaine de ce qui suivrait.

Mak hocha la tête et prit une grande respiration en évitant toujours le regard de la blonde.

- Avec toi, c'est ce que je ressens, commença-t-elle faiblement alors que toute l'attention d'Elsa était portée sur elle. J'ai parfois l'impression, à défaut de mes os, que moi, ce soit mon cœur qui pourrait se fracasser s'il se cognait à une colère trop cinglante, une tristesse trop intense, une déception trop importante…

Elsa hocha la tête, signe qu'elle comprenait, en partie du moins, puisqu'elle savait qu'elle ne pourrait jamais se mettre véritablement à la place d'un hypersensible.

- Si je décide de partager un rendez-vous avec toi, je serais alors tentée de partager autre chose, continua Mak toujours aussi fébrilement. Et c'est dangereux pour moi pour l'instant. Parce que si tu décidais de repartir… moi… elle grimaça, ça m'achèverait, pour ainsi dire, tu comprends ? Demanda-t-elle, une faiblesse au fond de la voix alors qu'Elsa ne l'avait jamais vu se confier ainsi.

- Eh, je sais que je t'en demande beaucoup, mais j'aimerais que tu me fasses confiance quand je te dis que je n'ai pas l'intention de partir, assura l'enseignante avec douceur en trouvant le courage de prendre l'une des mains de Mak dans la sienne.

Contre toute attente, la jeune fille ne la repoussa pas cette fois et serra seulement la main offerte alors qu'Elsa remarquait son tremblement persistant qui lui avait échappé jusque-là.

Comment bâtir quelque chose de beau sur un tel champ de ruines… pensa Mak avec amertume. Pas contre Elsa, mais contre la vie en générale. Contre tout ce qui les avait empêché d'être ensemble.

Mak eut un sourire si résigné, si abattu qu'Elsa aurait pu en pleurer. Enfin la jeune fille lui accorda un regard dans lequel l'enseignante put lire tellement de choses. Une profonde tristesse, une extrême lassitude, un épuisement certain, une mélancolie flagrante.

- La confiance ne fait pas partie de mes super-pouvoirs actuellement, souffla Mak et le cœur d'Elsa se fissura.

L'enseignante baissa les yeux, incapable de se confronter à une version si torturée de la femme qu'elle aimait. Elle sentit pourtant une main délicate et chaude se poser sur sa joue. Elle releva les yeux et croisa le regard d'une Mak suppliante à quelques centimètres de son visage.

- Tu sais que je ne t'ai pas pardonné, mais tu sais aussi que je ne t'ai pas oublié, rappela la jeune fille. C'est trop fragile ce qui nous lie, ne gâche pas tout maintenant, supplia-t-elle douloureusement. J'ai besoin de temps pour trouver le courage de te donner la chance de me briser le cœur de nouveau… souffla-t-elle en se laissant happer par les yeux bleus qui la regardaient avec tant de culpabilité, qu'elle aussi, aurait pu fondre en larme.

Elsa eut envie de lui dire à quel point la santé de son cœur lui importait, à quel point elle le préserverait, le protégerait, le réparerait, qu'elle y déposerait un baume apaisant s'il le fallait, des points de suture, du scotch, qu'elle ne lésinerait pas sur les moyens, qu'elle serait capable d'absolument tout pour le réanimer… Mais l'enseignante savait aussi que l'heure n'était ni aux promesses ni aux mots tendres. Mak ne voulait pas être rassurée. Mak voulait être comprise, considérée, prise au sérieux.

- Je t'attendrai, répondit Elsa avec une sincérité désarmante.

Et voilà, Mak avait beau essayer de l'ignorer, encore une fois, Elsa avait parfaitement trouvé les mots qu'elle espérait. Un poids immense se souleva de ses épaules. Elle pouvait sortir l'esprit tranquille de cette voiture, Elsa serait là.

- Je vais être obligée de m'absenter pendant quelques jours, commença-t-elle. Kuzco organise des vacances et je…

- Je serais là à ton retour, coupa Elsa, refusant de la voir douter une seconde de plus.

- Merci, souffla Mak avant de lui céder parce qu'elle n'avait jamais pu lui résister très longtemps et de déposer ses lèvres sur la joue de l'enseignante.

Elsa ferma les yeux sous le baiser, jurant qu'il venait de réparer la fissure de son cœur. Pourtant, l'enseignante jura que si ses lèvres ne quittaient pas rapidement sa joue, elle l'empêcherait bientôt de descendre de sa voiture et l'emmènerait ailleurs, loin d'ici, ne serait-ce que pour prendre le temps de vivre avec elle.

- Rentre, maintenant… murmura Elsa alors qu'il lui était si difficile de prononcer ces mots qui signifiaient la fin de ce moment.

Les lèvres de la jeune fille s'envolèrent comme si un papillon venait de quitter sa joue.

- Bonne soirée, Monsieur Stark… souffla Mak sans assumer le fait qu'elle aurait rêvé qu'elle la retienne.

Rapidement, parce qu'elle savait que ça devait être rapide si elle ne voulait pas changer d'avis, la jeune fille se détacha, sortie de la voiture avant d'ouvrir à son chien et de se diriger rapidement vers la porte d'entrée de son immeuble.

Si elle se retourne, nous y arriverons… pensa Elsa, une main serrée sur le volant en observant le dos de son ancien élève sans se douter qu'elle prenait sans y penser les mêmes réflexes qu'elle.

Si elle ne démarre pas avant que j'atteigne la porte, nous y arriverons… pensa Mak parce que c'était quelque chose qu'elle faisait maintenant sans même s'en rendre compte sans savoir que son tendre professeur amoureux partageait les mêmes pensées.

Et la jeune fille sourit en attrapant la poignée de la porte sans jamais avoir entendu le 4x4 démarrer. Alors elle se retourna et croisa un regard doux d'une Elsa dont un sourire illumina soudainement le visage sans qu'elle ne comprenne pourquoi.

Le cœur d'Elsa se gonfla d'espoir quand elle vit Mak se retourner. Un sourire incontrôlable étira alors ses lèvres, un sourire d'imbécile heureuse. Mak lui offrit un dernier signe de la main et s'engouffra finalement dans le hall de son immeuble. Elsa, de son côté, démarra, le cœur plus léger. Mutuellement, elles savaient qu'il leur serait douloureux de choisir de s'aimer une nouvelle fois, mais elles en étaient à présent certaines, elles y arriveraient.