Chapitre 47 : Essayer d'oublier
Nous avions eu une relation amoureuse pendant deux ans et demi, avant que la vérité n'éclate. Je serai finalement diplômée de mes 5 années à Dartmouth avec, ce que j'espérais, les honneurs. J'étais si heureuse – la vie d'adulte allait enfin commencée !
Je repensais à ces dernières années.
En aout 2001 j'entrais à l'université, peu sûre de moi, un oisillon fragile apprenant seulement à voler de ses propres ailes. En novembre, j'osais enfin franchir un cap me paraissant insurmontable à l'époque – j'étais sortir avec Edward.
M'ayant tout de suite avoué ses projets (donc partir à Julliard), nous avons tenté une relation à distance pendant pratiquement un an. C'est ainsi qu'en février 2003, je subis ma première rupture.
La vie était longue mais le temps nous semble si court. Sans faire gaffe, en janvier 2004, je me suis retrouvée en couple avec Mike Newton. Un de mes meilleurs amis.
Cependant, la vie nous a séparés.
En juin 2006, je disais au revoir à tout se trouvant dans le New Hampshire.
Mike et moi avions été heureux. Nous avions beaucoup en commun. Nous étions même partis en Italie, une fois, avec nos quelques économies gagnées grâces à des heures supplémentaires à la bibliothèque. Nous avions vécu beaucoup de choses. Il était un très bon amant aussi.
Mais je savais qu'il me manquait quelque chose.
L'étincelle.
Aujourd'hui, j'ai vingt-deux ans. J'ai été diplômée avec une moyenne exceptionnelle dans un cursus de littérature comparative à l'Université de Dartmouth. Mike voulait repartir et travailler comme professeur d'histoire dans un lycée.
Il voulait retrouver sa famille à Los Angeles tandis que moi, je voulais toujours partir pour Chicago. Los Angeles était beaucoup trop proche de Phoenix et je n'avais plus envie de repenser à ce lieu.
Nous nous sommes donc quittés. Comme de vieux amis, avec une accolade. Je le remerciais pour toutes ces années. Il m'avait vu grandir, il m'avait appris à vivre et à aimer sans souffrir.
Je ne souffrais plus de mes années lycée.
J'étais devenu une femme et, curieusement, j'étais plus forte que je ne l'aurais jamais imaginé.
Je voulais continuer à en apprendre plus sur la littérature française et italienne. C'est sur quoi ma thèse avait porté : les ressemblances et différences entre les œuvres de Giacomo Casanova et Pierre Choderlos de Laclos, auteurs libertins du 18ème Siècle. Les liaisons dangereuses fut l'un des meilleurs livres français que j'ai lues.
Et tout ça pour en apprendre plus sur la luxure européenne...
Je n'avais plus vu Alice depuis qu'elle avait fini son master, trois ans plus tôt. Il en était de même pour tous les autres : Jasper, Emmett... Jacob.
Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus. Nos chemins s'étaient séparés naturellement, sans embrouilles.
J'avais toujours la lettre d'Edward dans mon sac. Je le sortais de moins en moins, au fil du temps. Mais il restait près de moi. Je me demandais ce qu'il pouvait bien être occupé à faire. S'il pensait toujours à moi, si je lui manquais. S'il était allé de l'avant et était sorti avec quelqu'un d'autre, lui aussi ?
Certaines choses changent mais pas toutes. Comme mon sac à dos, j'ai toujours le même depuis toutes ces années. Et depuis quatre ans se trouvent sa lettre. Dans six ans, peut-être que nous nous recroiserons.
Pensait-il toujours au douze juin ? Moi j'y pensais. Quoi qu'il arrive, ce jour-là je pense à lui. Je ne peux m'en empêcher.
J'ai toujours en tête son regard la dernière fois que je l'ai vue. Il avait l'air brisé. Tellement brisé... et en colère.
Quand on aime vraiment quelqu'un, qu'on l'aime plus que soi-même, plus que sa propre vie... le rendre heureux est notre seule préoccupation. Et même si cela signifie partir pour ne plus jamais revenir.
J'avais donc brisé son cœur pour essayer de le rendre heureux.
Je ne lui en serai jamais reconnaissante.
Angela et Senna avaient finis en même temps que moi et nous avions fêté ça comme il se doit – vu que nous avions enfin plus de 21 ans, nous pouvions boire à volonté et en toute légalité.
Avant de rechercher du travail, j'étais allée chez mon père deux semaines en juillet et puis chez ma mère deux semaine également. Pour simplement les voir.
Finalement, ma relation avec ma mère s'était attendrie. Elle était heureuse, et je l'étais également désormais. Phil est vraiment sympa comme gars. Il joue au baseball dans une petite ligue. Il était l'entraineur de fitness de ma mère et ils avaient une liaison. Lorsqu'elle apprit qu'il partait vivre là-bas pour suivre son rêve, elle n'a pas hésité.
Je peux comprendre. Je ne peux pardonner. N'empêche, il est gentil, quoiqu'un peu jeune.
De toute façon, j'ai appris à prendre du recul. Ce qu'il se passe entre eux deux ne sont pas mon problème et ne l'a jamais été. Elle ne l'aimait plus, je suis d'accord sur un point – elle ne doit pas rester avec quelqu'un qu'elle n'aime pas.
Seulement après mon 23ème anniversaire, fêté comme chaque année maintenant avec Angela et Senna, j'ai commencé à chercher un appartement à Chicago.
Ce n'était pas gagné... Je dus trouver rapidement un travail avant d'emménager parce que les appartements sont beaucoup plus chers que ce que je pensais. J'avais de maigres économies, une dette à payer aussi... Ah, la vie post-estudiantine, on n'en parle jamais.
J'ai dû travailler dans un café pendant six mois, dans un appartement pas très grand ni très lumineux mais dans un bon quartier. Finalement, je trouvais mon job de rêve dans une maison d'édition Simon & Schuster. Ils m'engagèrent comme simple relectrice mais c'était déjà ça. Comme je ne travaillais pas à temps plein, je jonglais entre ce petit job et mes services au café pendant encore six longs mois.
Comme faire la serveuse dans un café ne payait pas beaucoup, je me dirigeais vers mon plan B – la presse. Je voulais devenir critique mais avant cela je devais faire mes preuves.
Heureusement, en septembre je fus engagée comme la rédactrice d'une petite rubrique dans un journal culturel local.
Je racontais des petites histoires sur la littérature au fil du temps, mes articles devaient contenir une cinquantaine de lignes. C'était mieux que rien – et mieux payé que serveuse.
Après un an, en septembre 2007, je pu enfin déménager. J'étais restée deux ans dans ce taudis qui me servait d'appartement et j'avais enfin les moyens de m'en offrir un plus grand.
J'étais encore loin du lac et de mon rêve d'y habiter en face mais je m'y rapprochais. Un jour, peut-être, j'aurais assez de moyens pour m'acheter une grande maison.
Penser à une grande maison me fit soudainement de la peine. Je ne voulais pas d'une grande maison vide... Je voulais un mari. Un homme.
Beau, grand, charmeur...
Et des enfants. Deux ou trois. Une maison pleine d'enfants qui court partout et qui me disent qu'ils m'aiment...
Une maison où transpire la joie, l'amour.
C'est alors que seule, dans mon nouvel appartement près dans le Oak Park, je repris mon vieux sac et relis sa lettre.
Pourquoi était-il toujours dans ma mémoire ?
Pourquoi son souvenir, ses yeux tristes, ses sanglots, me hantent encore ?
Depuis Mike, je n'avais eu aucune relation. J'avais eu quelques rendez-vous et, j'étais une femme après tout, j'avais eu quelques amants.
Deux seulement. Mais ça compte.
Je n'ai pas vraiment eu le temps depuis mon emménagement à Chicago.
Je n'avais trouvé personne qui me corresponde...
Personne qui me corresponde aussi bien que lui.
C'était ça, la maladie de l'amour. J'étais tombée une fois amoureuse de lui, j'étais jeune et encore trop naïve, trop... fragile. Son amour était arrivé et avait tout bousculé en moi – absolument tout !
Je me couchais dans mon lit, pleurant silencieusement un homme que j'avais aimé il y a six ou sept ans de cela, en cette froide nuit de novembre. Ce mois me faisait toujours penser à lui... il ne sortait jamais de mon esprit, quoi que je fasse.
Je n'avais jamais voulu le revoir. Je n'avais jamais voulu savoir ce qu'il devenait... S'il pensait encore à moi... J'aurai pu lui envoyer un message mais rien n'a été dit depuis bien trop longtemps. Depuis son dernier SMS, un « merci. » sec et froid, en fait.
Rien que les premiers mots me donnent envie de pleurer.
« Bella... Isabella...
Tu as un si joli prénom. Malheureusement, je ne suis plus en mesure de pouvoir le prononcer. »
Je n'ai jamais été Bella pour lui. Ni Isabella, d'ailleurs. J'ai toujours été Bells, mon amour, mon ange... Jamais je n'ai réellement été Bella.
Et Isabella... Il n'avait jamais dit ce nom. Ça me déchira le cœur.
Il ne se sentais plus assez proche de moi... Il pensait que je ne lui permettrais pas de m'appeler de ce surnom si intime et personnel.
Il n'est plus en mesure de le prononcer. Est-ce parce qu'il ne peut plus me parler ou... parce qu'il lui fait mal ?
Peut-être un peu des deux.
Je relis encore, et je me revois dans sa chambre. Prendre l'enveloppe comme une voleuse.
« Je t'avais promis de t'écrire quelque chose de plus beau que n'importe quel autre texte que tu liras »
C'est vrai, tu l'as fait. Un jour, il y a longtemps tu m'avais fait cette promesse. Et tu as réussi, je n'ai jamais lu un texte aussi beau.
Il avait raison. Il était mon souvenir éternel. Tout en lui était gravé dans ma peau, dans mon sang.
Dans mon cœur.
Comme j'avais été stupide de croire que je pourrais l'oublier. Ça fait six ans et c'est comme si la Bella de dix-huit ans, peu sûre d'elle et timide au possible se retrouvais dans ses bras la première nuit. Dansant pour la première fois avec un garçon. Lui demandant timidement de rester près d'elle cette nuit, histoire de lui parler un peu.
Tombant amoureuse de lui, petit à petit, par sa bonté, sa beauté, sa gentillesse...
Se faisant touchée, caressée avec autant d'amour pour la première fois. La première personne à qui j'ai raconté mon adolescence. Ma dépression.
Tout. Il a tout accepté.
J'ai tout détruit, pour son bien. Notre bien.
J'ai refait surface grâce à mes amis. Mais, je le savais, lui et moi ce n'était pas le moment...
Comme j'aurais aimé le rencontrer plus tôt. Qu'il me vienne au secours avant que je devienne le clown, non - la tomate, du lycée.
Comme j'aurais aimé le rencontrer plus tard. Qu'il vienne maintenant, à présent que je vais mieux et que je suis heureuse. Enfin, pas vraiment heureuse... Plus heureuse.
J'ai tout. Deux travails, même si l'un est davantage mon rêve que l'autre, j'ai toujours aspiré aux deux. De l'argent, assez pour moi en tout cas. Des amis : de nouveaux amis à Chicago et mes anciens amis de Dartmouth.
Il me manque plus que la famille. L'homme, les enfants.
Et pas n'importe quel homme, un homme qui me fera vraiment oublier Edward. Pour qui je ressentirais la même électricité, la même passion.
Un homme assez fort pour me porter moi et mon passé douloureux.
« J'espère t'avoir fait croire en l'éternité, à la longévité du moment, ne serait-ce qu'une seconde. »
Ça fait cinq ans que j'y crois, Edward.
« Donc, ne penses pas à la fin. Elle n'existe pas. »
Je repense à nous et je ne vois que la fin. La fin de notre histoire.
Je n'ose même pas t'appeler, tu te rends compte ? Je ne sais pas si tu as changé de numéro... Surement. C'était il y a si longtemps...
« Chaque action laisse une trace éternelle.
Ne l'oublie pas, pas comme j'ai pu le faire.
En ce moment, j'écris ces lignes en pensant à toi.
Elles resteront à jamais.
Et jamais je ne pourrais oublier le jour où je t'ai aimée.
Je terminerais avec les trois mots les plus importants que l'on réserve pour les personnes les plus importantes : je t'aime.
A jamais tiens, Edward. »
Et en relisant ces quelques lignes, je me mis à pleurer. Je n'avais plus pensé à lui depuis si longtemps, tout refait surface.
Pourquoi ?
A jamais miens. Edward, si tu savais à quel point j'aimerais que tu sois miens pour toujours...
Je souhaite également qu'en 2013 tu seras de nouveau à mes côtés. Malheureusement, je ne sais par quel hasard cela pourrait arriver. Par quel miracle, plutôt.
Edward. Nous arrivons bientôt en 2008. Je me demande comment se sont passées tes sept dernières années. J'espère que tu es heureux. Que tu as trouvé ta voie.
Et par-dessus tout, j'aimerais un jour avoir la chance de te revoir.
