Chapitre 50 : Destin

Mon esprit ne me jouait pas un tour ?

Non. Impossible.

Il ne peut pas...

« On est en plein aménagement et comme vous pouvez le voir, nous sommes un peu occupés... »

Il s'avança à cet instant vers moi, rencontrant mes yeux.

Son sourire poli fana et le choc rendis ses yeux plus grands, ronds.

Je ne pouvais bouger non plus. J'avais peur de ne plus jamais le revoir, de ne plus jamais entendre sa voix. Et, me voilà, en face de lui, huit ans plus tard.

Mon cœur martelait dans ma poitrine.

Pouvait-on retomber amoureuse au premier regard pour la deuxième fois ?

« Ed, un problème ? » demanda quelqu'un d'autre, sortant du même espace derrière le bar.

Il me vit et s'arrêta aussi. Une seconde plus tard, il me fit un grand sourire.

« Bella ! Que fais-tu ici ? Ça fait tellement longtemps ! »

Emmett s'approcha de moi et me pris dans ses bras. Il me fallut quelques secondes avant de réagir et de lui rendre l'accolade.

« Comment as-tu trouvé cet endroit ? »

Ses yeux s'illuminèrent sous la compréhension.

« Oh ! C'est toi la journaliste qui vient interviewer Edward ? »

J'hochais la tête.

Il se tourna vers lui, le prenant dans ces bras. Il lui dit quelque chose que je n'entendis pas qui fit le grimacer.

Il avait changé. Il semblait plus vieux que dans mes souvenirs. Il avait des rides qui se formaient sur son front, semblait plus fort et plus robuste. Ses bras et ses épaules avaient pris en carrure mais il était toujours aussi beau. Il était plus imposant mais toujours aussi sexy.

« Bella » dit-il finalement.

« Edward » répondis-je.

Finalement, il me sourit.

Ce sourire, aussi beau que dans mon souvenir.

« Bon, je vous laisse le bureau. Pas de bêtises hein, il est encore tout propre ! » dit Emmett avant de s'éloigner derrière le bar en compagnie de l'autre homme.

Il roula les yeux au ciel.

« Tu viens faire passer l'interview ? » me demanda-t-il, me montrant l'emplacement de son bureau.

« Heum. Oui, je suis là pour ça. »

Il se déplaça et je l'y suivis.

C'était étrange de le revoir ici, à Chicago. Je ne savais pas qu'il était là, que j'avais été ramenée à lui...

Destin...

Il me laissa entrer et ferma la porte derrière moi. Il s'assit derrière son bureau mais je restais debout devant la porte, ne sachant quoi faire.

« Tu peux t'assoir, tu sais. »

« Je... »

Je ne dis rien puis m'assis en face de lui.

« Oui ? »

« Je ne m'attendais pas à... te revoir un jour, » soufflais-je.

Il passa sa main dans ses cheveux. Les habitudes ne changent pas, vraisemblablement.

« Moi non plus » avoua-t-il.

Il me regarda un instant dans les yeux. Je fus surprise par une myriade d'émotions. Ça me faisait peur. Ce matin, je ne voulais qu'une chose – le revoir. Et maintenant qu'il est devant moi... je ne sais plus quoi faire.

« Je ne peux pas » dis-je, en me relevant, voulant sortir de la pièce.

« Bella, non. S'il te plait. »

Je restais figée, debout devant cette porte. Dos tourné à lui.

Je l'entendis se lever et se diriger vers moi.

« S'il te plait, j'ai besoin de te parler. »

Je me retournais, tout doucement, aux bords des larmes.

Huit ans que je ne l'avais pas vu. Mon seul et unique amour, réalisais-je. Rien que le regarder me donnait tout ce que j'avais toujours rechercher – l'électricité, l'alchimie... la passion et l'amour.

Sans réfléchir, je me retournais violemment vers lui et le pris dans mes bras. Je sentais mes larmes au bord des yeux, ma respiration plus lente et plus lourde, et surtout, ces papillons dans le ventre qui me rendaient nerveuse.

Mes mains entouraient son cou, mon corps contre le sien.

« Oh, Edward » pleurais-je.

Il me tient dans les siens, prolongeant l'étreinte.

« Tu m'as tellement manquée » dit-il.

Il enfuit sa tête dans mes cheveux et pressa ses lèvres contre mon crâne.

Je me séparais de lui, quittant ces bras et cette étreinte.

Il écrasa une de mes larmes avec son pouce, laissant reposer quelques secondes sa main contre ma joue. Je baissais mes yeux et il retira sa main.

« Que... Comment en es-tu arrivé là ? » demandais-je. « Pourquoi ici, pourquoi ouvrir ce bar, je... »

« Je vais tout te dire » chuchota-t-il. « Tu es là pour ça, non ? »

J'hochais la tête. Je faillis oublier ma mission ici, ce travail.

Je me dirigeais vers ma chaise et il en fait de même. Nous nous retrouvions face à face désormais.

Il souriait, très, très fort.

« Alors, tu es devenue journaliste ? » demanda-t-il.

Je soupirais, souriant.

« Non, pas exactement. J'écris des articles dans ce journal mais c'est ma première interview. Je dois faire la critique de ton bar et en faire la publicité avant qu'il n'ouvre. C'est une sorte de promotion, si je réussis je ferais d'autres critiques et j'espère un jour faire de la critique littéraire. »

Il sourit encore plus, si cela était possible.

« Dans ce cas, je suis heureux d'être ton premier. »

Mon cœur se serra. Il avait bien été mon premier, mon premier tout.

Rougissant, je baissais les yeux.

« Que... Tu as fait quoi, après... tu sais, Dartmouth ? »

Il me souriait, ses yeux brillaient. Je lui rendis son sourire.

« Je racontes tout depuis le début ? »

« Comme tu le sens. »

« Bon. Après une histoire compliquée avec mon ex-copine, comme tu dois être au courant, j'ai réfléchi au sens de ma vie. Je me suis rendu compte qu'étudier la biologie à Dartmouth n'était peut-être pas fait pour moi. Je ne me voyais pas faire ça le restant de ma vie. Alors, j'ai discuté avec Esmé – heu, ma… mère adoptive - et je lui ai montré un article sur Julliard. Elle m'a encouragé. J'ai passé les auditions et j'ai réussi ! Je suis entré à Julliard, sourit-il. J'étais tellement heureux ! »

Je lui souriais, sentant tout de même les larmes me monter aux yeux.

« Tu avais enfin trouver ta voie. »

« Oui. C'était cinq belles années. J'avais de nouveaux amis... j'étais heureux... la plupart du temps. »

Je savais qu'il me cachait quelque chose mais je ne l'interrompis pas.

Je comprenais ce qu'il voulait dire. J'avais aussi été heureuse mais... mais il manquait quelque chose.

Je voyais ce que ce silence signifiait.

Finalement, il reprit.

« Après mes 5 ans d'études, j'ai fait un autre master pour devenir professeur de piano, de guitare, de solfège et de chant. »

J'hochais la tête, notant ce qu'il me disait sur un petit carnet.

« J'ai travaillé pendant deux ans et demi à New York en tant que musicien. Pendant mon master, j'ai joué un peu partout. D'abord au théâtre, puis à Broadway. »

Broadway ? Je le regardais les yeux ronds. Comment avait-il pu se produire là-bas ? J'aurai aimé le voir...

Il rit.

« Oui, c'est aller très vite pour moi. J'accompagnais des danseurs sur scène. Un spectacle était prévu et ils avaient besoin d'un pianiste. Nous nous sommes préparés pendant un an pour cela. J'ai même composé une chanson que nous avons tous joué sur scène. » m'expliqua-t-il.

Ç'a dû être une expérience incroyable.

« Mais une fois mon deuxième master en poche, je voulais créer quelque chose par moi-même. Je voulais permettre aux autres de développer leur talent et de suivre les traces que j'ai prises. En plus, toutes ces représentations en publiques étaient trop stressantes pour moi... » avoua-t-il avec un sourire en coin. « Je remarquais que, en deux ans, la passion avait diminuée à cause du stress. J'aime la musique mais je préfère composer mes propres morceaux et laisser aller mon imagination. Pour l'instant en tout cas, c'est ce que je recherche. Alors, j'ai appelé Emmett et je lui ai demandé s'il voulait ouvrir un bar avec moi » rit-il. « Tu n'as pas imaginé sa réaction, il travaillait dans une entreprise en tant qu'ingénieur commercial et il détestait son boss aussi fort que son travail ! Je n'ai pas dû le convaincre très longtemps. »

Je souris, imaginant clairement la scène dans ma tête.

« Emmett est aussi le gérant ? »

« Non, c'est moi le patron. Mais je l'engage comme comptable et dans les ressources humaines. Il fait aussi barman. Il s'occupe de toute la logistique du bar et de l'école. Moi je suis le directeur, si tu veux. Je donne personnellement tous les cours. »

« Pourquoi avoir choisi Chicago ? » continuais-je.

« C'est là où je suis né. Je voulais... retourner aux sources. »

J'hochais la tête.

« Et toi, qu'est-ce qui t'amène ici ? » me demanda-t-il après quelques secondes de silences.

Je souris.

« C'est mon interview, je pose les questions » ris-je nerveusement.

Il me fit un sourire en coin.

« S'il te plait, Bella. »

J'abdiquais.

« Je ne sais pas vraiment. Je voulais autre chose. »

J'expliquais brièvement mes motivations. Une grande ville, assez loin de tout, le lac Michigan...

Il me souriait et je rougissais.

Oh non ! Je rougissais comme une écolière ! Cela faisait des années que je n'avais plus eu cette réaction !

Je regardais mon carnet et dit la première questions que je vis.

« Pourquoi avoir choisi le nom « Moonlight Sky » ? »

Il sourit, mal à l'aise. Il passa une main dans ses cheveux avant de me regarder par-dessous ses cils.

« Un jour, j'ai rencontré une fille, » il releva la tête - et les yeux - vers moi. « Nous regardions souvent les étoiles et le ciel, la nuit. Nous aimions tous les deux la manière singulière qu'avait la lune à éclairer le ciel, à l'étinceler de mille feux. Depuis lors, quand je contemple les étoiles, elle m'apparait, étincelante, brillante. Filante, comme une étoile parmi les autres. Elle était la plus belle de toutes. Et, un soir, elle est repartie aussi vite qu'elle est arrivée, dans un souffle. Et, depuis, je regarde toujours cette lune attendant patiemment son retour, attendant patiemment que les nuages bougent et me rendent la lumière. »

Il me regardait avec une telle émotion que j'en eus les larmes aux yeux.

« Il y a d'autres étoiles dans le ciel, » ajoutais-je, hoquetant. « Tes yeux s'ajusteront. »

« Non, ils ne peuvent pas. J'ai essayé. Cela fait huit ans que j'essaie... »

Étant à présent certaine qu'il parlait de moi, je baissais la tête. J'en était sure – c'était une mauvaise idée. Je n'aurais jamais dû entrer dans ce bar.

« Penses-tu qu'elle reviendra ? » demandais-je d'une toute petite voix.

« Je l'espère. »

Une nouvelle larme coula le long de ma joue, pourquoi devais-je souffrir ? Ces mots... j'avais rêvé les entendre. Qu'il me les dise une dernière fois.

Ces mots... comme dans sa lettre.

Je n'y croyais pas. Il ressentait toujours la même chose pour moi ? Après tout ce temps.

« Qu'y a-t-il ? » s'inquiéta-t-il.

« Tu... » reniflais-je. « Tu as nommé ce bar d'après moi ? »

Je réalisais difficilement ce qu'il m'arrivait.

« Oui, » souffla-t-il.

Je ne répondis rien, recevant le choc de cette nouvelle. Le voir ici était déjà un grand choc. Alors apprendre que depuis tout ce temps il avait pensé à moi c'était...

« Je suis désolée, c'est trop... » pleurais-je.

Je me dirigeais à nouveau vers la sortie, rapidement.

Il m'arrêta.

« Bella ! Attends ! S'il te plait, je t'ai laissée partir une fois je ne te laisserai pas recommencer. »

Je m'arrêtais et me retourna, encore une fois, revivant la même scène d'il y a quelques minutes.

« Je ne te laisserai plus jamais, même si tu me supplies, Bella. Depuis trop longtemps je rêve de te revoir. »

Il se leva et s'approcha de moi. Il prit mon visage en coupe entre ses grandes mains.

Il me regardait avec dévotion. Jamais un autre homme avait posé d'aussi beaux yeux sur moi, des yeux si profonds, empreint d'émotion.

« Mon cœur a toujours été à toi. Qu'importe ce que je fasse, avec qui je sors. Tu as volé la clé. »