DISCLAIMER : Attention, ce chapitre contient des scènes violentes, impliquant sang, claustrophobie et blessures graves. L'histoire reste une fiction accessible à tous et rien n'est vraiment détaillé mais si vous êtes un lecteur sensible, certains passages peuvent choquer.
Quand Félix rouvrit les yeux, il était allongé au sol, sur le dos. Ses oreilles sifflaient et autour de lui, ce n'était que nuage de poussière, destruction et gravas éparpillés partout. Regardant les alentours sans oser se relever pour le moment, le garçon prit une profonde inspiration, tremblant de tous ses membres. Il essaya de bouger ses mains, de soulever ses bras puis ses jambes, doucement. Tout semblait répondre correctement. Au loin, il entendait le grondement sourd de bâtiments qui s'effondraient et les cris des passants et des victimes.
Il ne comprenait rien à ce qu'il venait de lui arriver, il ne savait pas quoi faire. Une chose était sûre : il était vivant et manifestement indemne. Avec un petit gémissement, le garçon posa sa main sur sa poitrine en se redressant. Il écarta le pan de sa veste pour regarder Plagg qui, à son grand soulagement, ne semblait pas blessé non plus.
-« Plagg... murmura-t-il d'une voix rauque, est-ce que tout va bien ? »
-« Ça a l'air d'aller mieux que toi en tout cas ! Tu as une tête absolument affreuse. » déclara le kwami avec un sourire narquois.
Félix toucha son visage du bout des doigts. Il était couvert de poussière, de la tête au pied et une petite douleur au niveau du front lui fit comprendre qu'il était sûrement légèrement blessé au niveau de l'arcade sourcilière gauche. Les membres toujours tremblants, le garçon se releva, titubant sur ses jambes avant de pouvoir tenir debout. Les lieux étaient encore plongés dans le nuage de poussière, réduisant drastiquement son champ de vision à moins d'un mètre devant lui. Le brouillard soulevé par l'explosion était opaque et difficilement respirable. En toussant, Félix se décida d'avancer vers le fond de la salle, là où était Bridgette juste avant l'explosion.
Le garçon était très stressé : sa camarade n'était nulle part et il priait de tout son cœur pour qu'elle s'en soit aussi bien tirée que lui. Mais à peine avait-il fait quelques pas le garçon lâcha un cri de stupeur. Le boulet tiré par le Canonnier avait creusé un énorme trou dans la façade, le traversant de part en part sur au moins cinq mètres de large.
Perché comme il l'était au troisième étage, le garçon pouvait apercevoir le couloir du rez-de-chaussée en contrebas. Mais ce qui l'affola le plus, c'est que le fond de la salle avait complètement disparu. En une fraction de seconde, Félix comprit que la partie du bâtiment où il se tenait s'était effondrée sur elle-même, s'affalant en un amas de gravats tandis que l'autre partie de l'édifice, du moins ce qu'il en restait, était restée debout, éventrée à sa base par l'énorme sillon qu'avait creusé le boulet de canon.
Soudain, alors que jusqu'à présent, Félix progressait dans une sorte de rêverie cauchemardesque, comme s'il avait été en dehors de son propre corps, cette vision de destruction et de désolation immense le fit immédiatement retomber sur terre. Il écarquilla les yeux alors que les cheveux de sa nuque se dressaient. Le garçon venait de comprendre que cette fois-ci, en Félix ou Chat Noir, il ne pourrait pas sauver tout le monde et qu'aujourd'hui, des personnes allaient mourir. Beaucoup de personnes.
Le visage souriant de Bridgette apparut soudain comme un flash devant ses yeux et, pris de panique, et sans savoir si elle pourrait l'entendre, Félix se mit à hurler son nom, les yeux se posant frénétiquement tout autour de lui. Il regarda en contrebas, craignant que l'adolescente ne soit tombée de la dizaine de mètres qui séparait l'étage de la terre ferme. Mettant ses mains en portevoix, il continuait de l'appeler, en proie à l'affolement le plus total. Il se refusait à penser que si lui s'en était sorti, Bridgette n'avait pas pu en faire autant.
La colère et l'incompréhension lui vrillaient les tympans et faisaient monter des larmes de fureur à ses yeux, continuant de chercher autour de lui. Sa raison lui hurlait de quitter les lieux, de se mettre à l'abris, mais il restait sourd à ses suppliques, refusant de partir sans avoir retrouver son amie.
-« BRIDGETTE ! BRIDGETTE, RÉPONDS-MOI ! JE T'EN PRIE ! » hurla le garçon en tentant d'empêcher sa voix de trembler et de craquer sous l'émotion.
Une pression sur sa joue fit rouvrir les yeux de Bridgette avec un petit gémissement de douleur. Papillonnant plusieurs fois des paupières, la jeune fille pinça immédiatement ses lèvres en sentant un goût ferreux lui emplir la bouche. Aphone, elle balada ses yeux sur le décor qui l'entourait sans vraiment le voir. Une violente nausée et un mal de tête soudain l'obligèrent à refermer les yeux quelques instants. Il lui semblait être ballotée dans tous les sens, allongée sur le pont d'un bateau navigant sur une mer déchaînée. Elle ne sentait plus son corps, elle ignorait si elle était blessée et seuls quelques vagues échos sourds au loin arrivaient à lui parvenir. Une nouvelle pression sur sa joue droite la fit réagir un peu plus et, tournant difficilement la tête, elle reconnut Tikki, qui virevoltait au-dessus d'elle, un air affolé sur le visage.
-« Tikki… murmura-t-elle avec un faible sourire. Est-ce que… Tu vas bien… ? »
-« Oh Bridgette ! Je suis tellement contente que tu aies repris connaissance ! J'ai bien cru que… murmura la kwami avant d'étouffer ses paroles. J-Je vais bien ! Et toi ?! »
-« Je… Je sais pas. Je crois que ça va… » souffla Bridgette en parvenant à serrer son poing droit puis gauche.
Mais au moment de lever les jambes pour vérifier qu'elle n'avait rien de cassé, Bridgette senti une douleur au niveau de ses côtes. C'était aigu, soudain et très pénible. Elle ne put s'empêcher de lâcher un cri avant de poser une main tremblante sur cette partie de son corps qui la faisait tant souffrir. Mais alors qu'elle s'attendait à toucher l'humidité poisseuse de son sang, la jeune fille ne rencontra que ses vêtements. Tikki examina rapidement sa porteuse et lui indiqua qu'elle n'avait aucune blessure apparente si ce n'est un énorme bleu qui recouvrait la presque totalité de son côté droit, de sa poitrine à la ceinture de son pantalon.
La douleur était bien présente et empêchait l'adolescente d'inspirer profondément. Avec effort, elle parvint à se redresser en comprimant ses côtes pour tenter de minimiser la douleur.
Ses oreilles sifflaient toujours mais enfin, Bridgette recouvra une audition presque correcte en se mettant à regarder tout autour d'elle. Et ce qu'elle vit la laissa stupéfaite. La salle où elle avait travaillé avec Félix avait été sectionnée en deux et l'autre partie du bâtiment avait complètement disparue de son champ de vision. Le toit au-dessus d'elle ne tenait plus que par la volonté du Saint-Esprit et elle remarqua avec effarement qu'une dalle de béton avait manqué de peu de l'écrasée en tombant près d'elle alors qu'elle était encore inconsciente. Les yeux écarquillés, la jeune fille mit sa main devant sa bouche, complètement choquée par la scène irréelle qui se déroulait sous ses yeux.
Elle sentit la peur et le stress l'envahir. Comment allait-elle pouvoir lutter contre une chose qui avait aussi vite transformé son lycée en tas de poussière ? Comment allait-elle pouvoir sauver tout le monde ? Et en regardant un autre pan de mur s'écrouler, emportant dans sa chute une partie de la plateforme où elle était assise et faisant crépiter les fils électriques arrachés entre eux, elle comprit à son tour qu'elle ne pourrait pas sauver tout le monde. Pressant sa tête entre ses mains, elle se balança d'avant en arrière, oubliant la douleur lancinante qui lui ravageait la cage thoracique alors que ses larmes creusaient des sillons humides dans la poussière qui s'étaient posée sur son visage.
Et soudain, alors qu'elle se pinçait le bras pour tenter de se réveiller de ce cauchemar dans lequel elle était plongée, la jeune fille prit conscience de sa solitude. Alors qu'elle était dans la salle de travail avec Félix, il n'y avait maintenant plus personne. Il avait disparu avec l'autre partie du bâtiment.
Éclatant dans une nouvelle crise de larmes, Bridgette regarda tout autour d'elle, tentant de retrouver son ami en se trainant misérablement sur le sol. Et alors qu'elle se relevait péniblement, les jambes faibles, Bridgette repéra un son auquel elle n'avait pas encore prêté attention. Un son familier, qu'elle connaissait bien. Une voix. Une voix qui appelait son nom.
Avec prudence, elle s'approcha du grand trou laissé par l'affaissement du bâtiment. Elle remarqua à son tour l'énorme crevasse qui la séparait du reste de l'établissement, qui laissait apparaître l'intérieur des étages inférieurs. Mais ce qu'elle remarqua surtout, juste en bas, à quelques mètres d'elle, ce fut la fine silhouette de Félix, qui semblait aussi paniqué qu'elle, ses mains autour de sa bouche, la cherchant de toute part.
Un faible rictus de soulagement se dessina sur ses lèvres. Il était vivant, et visiblement en bonne santé. Elle essuya ses joues du revers de sa manche avant de se pencher un peu en avant afin que son camarade puisse la voir.
-« Félix… ! Je suis là… ! » lança-t-elle d'une voix rauque et tremblante.
Le garçon fit aussitôt volte-face et leva les yeux pour croiser le regard de son amie. Ses jambes manquèrent de flancher tant le soulagement fut grand. Elle était là. Elle était là, et ne semblait pas trop mal en point.
-« Bridgette ! Oh mon dieu, est-ce que ça va ?! J'ai eu tellement peur ! »
-« J-Je crois que ça va… ! Je peux marcher alors je pense que ça aurait pu être pire, répondit Bridgette avec un faible sourire. Mais toi ? Est-ce que tu vas bien ? »
-« Oui oui, ne t'inquiètes pas, je n'ai rien ! »
Les deux adolescents étaient obligés de crier pour se parler et soudain, une nouvelle vibration dans le sol se fit ressentir, interrompant leur discussion. Un morceau de la plateforme où se trouvait Bridgette s'écroula, forçant la jeune fille à reculer davantage afin de ne pas se faire emporter.
Félix écarquilla les yeux de terreur. Rien n'était stable ici, et encore moins l'endroit où se tenait son amie. Elle devait quitter la plateforme, et vite. Il se mit à étudier plus intensément la crevasse, tentant de trouver un passage sur les pans de murs qui tenaient encore plus au moins debout.
-« Bridgette ! C'est dangereux par ici, et tu es encore plus en danger là où tu es. Est-ce que tu vois une échappatoire de ta position ? Il faut trouver un moyen de te faire passer de ce côté-ci ! »
La jeune fille acquiesça et commença à regarder frénétiquement autour d'elle. Manque de chance, le fond de l'ex salle de classe n'avait aucune porte sur un quelconque couloir qui aurait pu faciliter sa fuite. De plus, la plateforme tenait seule, seulement soutenue par les étages inférieurs, comme si Bridgette avait été piégée sur une île. Une île particulièrement instable. L'adolescente soupira. Sa seule façon de s'enfuir d'ici était de se transformer et d'utiliser son yoyo pour se sortir des décombres.
Mais elle ne pouvait évidemment pas le faire devant son camarade. Elle prit une profonde inspiration avant de se pencher une nouvelle fois vers lui.
-« Félix, écoutes, je vais trouver une solution d'accord… ? Je pense que le mieux c'est que tu ailles te mettre à l'abris. Tu es en danger toi aussi et c- »
-« Non ! protesta Félix en secouant la tête. Partir et t'abandonner ici ? C'est absolument hors de question. On va trouver une solution, ensemble. »
Bridgette écarquilla les yeux de surprise. Jamais encore elle n'avait entendu son ami utiliser un ton si autoritaire. Sa voix tremblait légèrement, sûrement à cause de l'émotion et du chaos ambiant mais il semblait décidé, et elle savait qu'elle n'arriverait pas à le convaincre de partir sans elle, ne serait-ce qu'un instant. Dans d'autres circonstances, elle aurait pu trouver cela touchant, et elle lui était véritablement reconnaissante pour cela. Mais à cet instant, l'entêtement de Félix à rester ici les mettait tous les deux en danger.
De son côté, Félix regarda une nouvelle fois le bâtiment qui continuait de s'effriter à chaque vibration du sol. Il savait pertinemment qu'il n'y avait aucune porte ni aucune issue sûre du côté de Bridgette mais il avait vainement espéré qu'une sortie se serrait dégagée durant l'explosion, ce qui n'était manifestement pas le cas.
Faisant les cents pas, le garçon passa sa main dans ses cheveux, ignorant la marche à suivre. Un akumatisé fou furieux et très dangereux se baladait dans les rues de la ville et il était bloqué ici, sans pouvoir se transformer pour pouvoir porter secours à son amie et à toutes les autres victimes. Il se tourna vers Bridgette en prenant une profonde inspiration. S'il voulait faire sortir Bridgette d'ici pour la mettre en sécurité le plus vite possible, il n'y avait plus qu'une seule issue.
-« Bridgette, écoutes, il va falloir que tu sautes par-dessus ce trou, c'est la seule solution. »
L'adolescente écarquilla les yeux de stupéfaction avant de hocher négativement la tête en reculant légèrement.
-« J-Je pourrai pas Félix, c'est trop loin… ! »
-« Ne t'inquiètes pas, je vais te rattraper. » insista Félix en s'approchant du bord de la crevasse.
Il regarda sa camarade droit dans les yeux comme pour lui affirmer qu'il était totalement sérieux vis-à-vis de sa proposition, écartant ses bras pour lui signifier qu'il était prêt. Malgré son apparente confiance, le jeune homme ignorait si son amie était en état d'effectuer un tel saut et il savait bien que si elle venait à rater sa cible, il devrait se transformer devant elle pour la secourir. Mais entre la sauver immédiatement et prendre le risque de s'absenter pour revenir la chercher plus tard, le choix était rapidement fait. De plus, même si cela le frustrerait vraiment que Bridgette apprenne son identité secrète, il la savait digne de confiance et que, si jamais cela devait vraiment arriver, elle ne répéterait rien à personne.
-« Prends ton élan et saute le plus loin possible. Quoi qu'il arrive, je te rattraperai, tu as ma parole Bridgette. »
-« M-Mais… ! Si je me rate, on va tomber et mourir tous les deux ! J-Je peux pas, j'y arriverai pas… » gémit Bridgette en cachant son visage dans ses mains.
Soudain, une autre secousse fit vibrer le sol et le mur derrière l'adolescente se fissura de haut en bas, fragilisant encore plus la structure et faisant s'écouler un peu plus les restes du toit, forçant la jeune fille à se protéger la tête pour éviter de nouvelles blessures. Quand le bâtiment cessa de trembler, Bridgette se mit à haleter fortement, inquiète de ce qui risquait de se passer.
Elle tourna les yeux vers Félix, qui semblait tout aussi préoccupé. Mais il n'avait pas perdu sa détermination et tendit de nouveau les bras en avant avec un léger hochement de tête.
-« Ne crains rien, je suis là. Aies confiance, je sais que tu peux le faire. »
Bridgette écarquilla alors les yeux pour regarder son ami. Malgré le froid ambiant, elle put se sentir se réchauffer lentement, comme si elle s'était glissée dans un cocon, protégée d'une couverture bien chaude et réconfortante. La peur et la douleur tiraillaient toujours ses membres et la jeune fille ne parvenait pas à faire disparaître cette boule de stress qui grossissait de seconde en seconde dans sa gorge.
Mais yeux dans les yeux avec Félix, elle se sentit soudain plus forte. Alors que quelques secondes auparavant, il lui semblait impossible de franchir ce trou, le regard qu'il posait sur elle lui redonnait un peu plus confiance. Ses bras tendus en avant n'attendaient qu'elle et, sans pouvoir l'expliquer, Bridgette compris soudain que ce saut n'avait plus rien d'impossible. La bouche légèrement entrouverte, incapable de dire quoi que ce soit, elle se contenta d'hocher légèrement la tête et regarda une derrière fois la crevasse avant de reculer vers le mur derrière elle.
Réprimant les larmes de stress qui perlaient à ses yeux et tentant de contrôler le tremblement de ses lèvres, l'adolescente prit une profonde inspiration, les mains jointes ensemble. Elle adressa un petit regard à Tikki qui l'observait depuis sa sacoche, inquiète. Elle se contenta de lui sourire avant de prendre l'inspiration la plus profonde possible. Ses côtes la faisaient toujours souffrir mais elle devait mettre de côté cette douleur pour le moment.
Littéralement au pied du mur, les cheveux balayés par le vent froid de la fin de ce mois de janvier, la jeune fille prit quelques secondes pour se concentrer. La distance était grande, mais avec suffisamment d'élan, elle pouvait y arriver. Les yeux clos, elle projeta sa trajectoire, positionnant son pied le plus au bord de la plateforme possible. Un grondement sourd au loin finit de la décider. Paris était en danger, elle devait agir, et maintenant. Elle rouvrit les yeux, croisa une dernière fois le regard de Félix puis se mit à courir.
La distance pour prendre son élan n'était pas très grande, une petite dizaine de pas tout au plus, mais elle allait devoir s'en contenter. Appuyant tous les pas de sa course pour augmenter au maximum son inertie, la jeune fille vit son obstacle se rapprocher à grande vitesse. Il n'était plus question de faire demi-tour à présent.
Encore deux pas.
La jeune fille serra les poings, enfonçant ses ongles dans sa peau.
Encore un.
Elle prit une profonde inspiration. Elle prit son élan le plus près possible du trou, bras en avant.
« Saute ! » pensa-t-elle.
Avec un cri pour se donner du courage, Bridgette décolla de la plateforme, le corps en avant, bras et mains tendus vers son camarade qui s'avança encore un peu plus du bord, les yeux écarquillés.
Le temps sembla se suspendre. Sous elle, la jeune fille eut le temps de voir le champ de ruines qu'était maintenant devenu le lycée, la façade éventrée, les chaises et les tables renversées, les murs explosés. Sa trajectoire fut presque parfaite et enfin, après la seconde la plus longue de toute sa vie, Bridgette fut suffisamment proche de son camarade pour passer ses bras autour de son cou. Les bras de Félix se refermèrent aussitôt autour d'elle et le garçon fut contraint de faire un demi-tour sur lui-même, emporté par l'élan de son amie.
Elle avait réussi.
Comprenant qu'elle était bel et bien parvenue à accomplir ce saut de plusieurs mètres, la jeune fille resserra son étreinte en sanglotant. Elle ne touchait même pas le sol, Félix la portant dans ses bras sans bouger, refusant de lâcher prise. Il s'écarta tout de même de la crevasse et après quelques nouvelles longues secondes, il reposa sa camarade au sol sans pour autant s'écarter d'elle.
Ils se regardèrent, yeux dans les yeux, la respiration lourde mais quelque peu soulagés. Les joues baignées de larmes, Bridgette scanna le visage du jeune homme, remarquant sa blessure sanguinolente au-dessus de son sourcil gauche.
-« T-Tu es blessé… » bredouilla Bridgette en desserrant l'étreinte.
-« Non, ce n'est rien je t'assure. Est-ce que ça va ? »
-« J-Je suis terrifiée, mais ça va aller, je crois. »
Elle s'écarta de quelques pas, essuyant son visage en essayant de calmer sa respiration. Alors que Félix s'éloignait pour chercher un chemin pour sortir, la jeune fille s'enserra de ses bras avec une grimace de douleur. Sa traversée l'avait peut-être mise plus en sécurité mais la douleur lancinante qui battait dans sa cage thoracique s'en était retrouvée accrue à cause de la violence de la réception. Elle s'efforça de se redresser alors que son camarade revenait vers elle.
-« Je pense que la plateforme est encore utilisable. Avec un peu de chance, on pourra descendre par les escaliers. »
-« D'accord, je te suis. » affirma Bridgette avec un léger rictus qu'elle voulait assuré.
Félix se contenta de hocher la tête avant de s'avancer vers la sortie, suivi de Bridgette qui progressait en se tenant fermement les côtes. Le jeune homme le remarqua, mais sa camarade lui fit un signe de main pour lui indiquer que tout allait bien. Ils franchirent ce qu'il restait de la porte de la classe et progressèrent sur la plateforme du troisième étage. Le garde-corps qui protégeait du vide s'était écroulé par endroit et le sol était en partie fissuré.
Longeant le mur, Félix ramassa un balai qui dépassait d'un local de rangement dont il fit sauter la tête d'un mouvement de pied. Il se tourna vers Bridgette qui progressait lentement derrière lui, la main posée sur le mur. Elle releva les yeux vers lui mais répéta son mouvement de main avec un petit sourire.
Il la scanna un instant puis se remit à avancer en tapant devant lui avec le manche à balai, s'assurant de la solidité du passage. Au loin, on entendait les cris et les pleurs des citoyens, renforçant le stress des deux héros. Ils savaient que le temps pressait, qu'ils devaient se dépêcher de se transformer pour secourir toutes les victimes de l'akuma qui déambulait librement dans les rues de Paris.
Sondant le sol en tapant fermement avec le manche à balai, les deux adolescents purent rejoindre l'escalier le plus proche qui tenait encore debout. Ils descendirent les marches prudemment mais le soulagement fut de courte durée : le reste de l'escalier avait disparu, emporté par le boulet qui avait ravagé la façade. Félix laissa échapper un soupir avant de se tourner vers Bridgette qui finissait à peine de descendre les dernières marches.
-« Es-tu vraiment sûre que tout va bien ? Je pe- » questionna Félix
-« Je vais bien, coupa Bridgette avec un hochement de tête. J'ai quelques vertiges c'est tout. Dépêchons-nous de sortir d'ici. »
-« Oui, acquiesça son ami. Voyons si la plateforme du deuxième étage est praticable, il va falloir faire le tour puisqu'on ne peut plus avancer par ici. »
Les deux jeunes gens s'approchèrent de la plateforme qui ne semblaient pas être en meilleure état que celle de l'étage précédent. Cette fois, tout un morceau s'était écroulé, freinant la progression dans cette direction. Félix soupira en passant sa main dans ses cheveux. Que faire à présent ? Sauter ce trou en prenant le risque que le morceau de l'autre côté ne s'écroule à son tour ? Ou simplement longer le mur ? Ou faire demi-tour peut-être ? Tenter de trouver un autre passage, par le couloir de service ?
-« J'ignore si c'est une bonne idée de continuer de ce côté-là… murmura le garçon en descendant sa main le long de son visage. Qu'est-ce que tu en penses Brid- »
Le garçon s'interrompit. Au lieu de trouver son amie juste derrière lui, il la vit plus loin sur la plateforme, les mains crispées sur le garde-fou. Alors que le garçon pensait lui signifier qu'il n'était pas prudent de s'approcher aussi proche du vide alors que la structure menaçait de s'effondrer, il put remarquer en s'approchant d'elle que le visage de Bridgette était baigné de larmes. Les yeux rivés sur l'autre partie du bâtiment, elle tremblait de tous ses membres, haletant de manière chaotique.
Félix releva à son tour les yeux pour tenter de comprendre et après quelques secondes de réflexion, il blêmit à son tour : le second bâtiment avait été encore plus touché que le premier, dans lequel ils étaient coincés, s'étant pratiquement écroulé sur lui-même dans sa totalité, comme un château de cartes, faisant disparaître toutes les salles de classe.
Mais également la salle de musique. Là où s'étaient rendus Jehan et Andréa avant l'attaque.
Félix sentit une nausée lui tordre les tripes et avant qu'il n'ait pu dire quoi que ce soit, Bridgette s'effondra à son tour, à genoux puis sur le côté gauche, pleurant de tout son être en s'enlaçant de ses bras. Elle aussi, quelques secondes avant lui, avait pris conscience de la réalité de la situation. La jeune fille se recroquevilla sur elle-même, emportée dans une crise de larmes qui la fit bientôt tousser de plus en plus fort, peinant à reprendre sa respiration.
Félix vint la rejoindre, s'accroupissant à ses côtés en lui frottant doucement le dos. Les lèvres tremblantes, il ne savait que faire, mais quand il vit Bridgette au bord de l'étouffement, laissant échapper quelques gémissements de douleur, il la fit se redresser et se serra plus étroitement contre elle sans cesser son mouvement de main dans son dos.
-« Bridgette, écoute-moi. Tu es en état de choc, il faut absolument que tu arrives à te calmer. Respire… »
Sans cesser de pleurer, la jeune fille se tourna vers son ami, agrippant le tissu de sa chemise dans son poing sans pouvoir le regarder.
-« Ils sont morts… murmura Bridgette entre deux sanglots. Ils sont tous morts, je ne les reverrai plus jamais… »
Elle entama un mouvement de balancier, d'avant en arrière, murmurant des phrases à peine audibles. Plus tendu que jamais, Félix dû reprendre ses esprits avant de pouvoir parler de nouveau. Malgré le fait qu'il ne voulait pas inquiéter outre mesure son amie, il avait bien conscience qu'il n'y avait qu'une chance infime pour que leurs deux camarades, ainsi que tous les autres occupants du bâtiment au moment de l'attaque, s'en soient sortis. Et il savait aussi que s'ils étaient partis, même le Lucky Charm ne pourraient rien y faire. Félix prit une profonde inspiration avant de se tourner vers son amie.
-« Bridgette, souffla-t-il en posant sa main droite sur sa joue pour tourner son regard vers lui et l'autre sur la sienne qui tenait toujours sa chemise. J'ignore ce qui leur est arrivé mais, s'il y a une petite chance de pouvoir les aider, il faut d'abord que nous sortions d'ici, d'accord ? Si nous sommes à notre tour pris dans un éboulement, nous ne pourrons plus rien faire pour eux. Il faut nous mettre à l'abris. »
Les yeux embués de larmes, la jeune fille plongea son regard dans le sien. Elle tremblait de tous ses membres, son corps entier la faisait souffrir et elle ne voyait plus comment se sortir de cette situation cauchemardesque. Et pourtant, l'étreinte de Félix sur ses épaules, la chaleur de son corps qui se mêlait à la sienne et surtout ces yeux qui semblaient être comme deux phares dans le brouillard l'apaisèrent quelque peu.
Cherchant toujours plus cette proximité qu'elle affectionnait tant lorsqu'elle était soucieuse ou triste, elle se lova davantage contre lui, tentant de calmer sa respiration et de chasser ses idées noires. Jehan et Andréa étaient forts, ils s'en étaient sortis.
Il fallait qu'ils s'en soient sortis.
Un instant passa encore : la jeune fille avait des vertiges et l'envie de s'endormir contre le torse de son ami pour se réveiller six mois plus tard était de plus en plus mordante tant ses membres la faisaient souffrir. Mais ce n'était pas une option. Tous les parisiens comptaient sur Ladybug et Chat Noir pour les sauver, et elle ne pouvait pas les laisser tomber de la sorte.
-« D'accord… bredouilla-t-elle en rouvrant péniblement les yeux. D'accord, tu as raison, il faut se mettre à l'abris… » dit-elle d'une voix faible.
Elle put sentir Félix raffermir quelque peu son étreinte avant de la regarder une nouvelle fois dans les yeux, un air déterminé dans le regard.
-« Alors ne perdons plus de temps, allons-y. » déclara-t-il en hochant la tête.
Le garçon se redressa, tendant ses mains pour aider sa camarade à se relever. Mais alors qu'elle se remettait à son tour sur ses jambes, des pas précipités dans les couloirs ainsi qu'un nouveau bruit d'effondrement se firent entendre. Les deux jeunes gens attendirent quelques instants avant de voir apparaître sur la plateforme, sortant de l'autre bout du bâtiment, les visages de Sullivan, Myriam et Kilian. Lorsqu'ils les aperçurent, les trois adolescents se précipitèrent vers eux, de grands sourires sur leurs visages.
-« Bridgette ! Félix ! cria Myriam avec des signes de main. On est tellement soulagés de vous voir ! »
-« Vous allez bien ?! » s'enquit Sullivan qui marchait en tête.
Heureuse de revoir les visages de ses amis, Bridgette tendit les mains vers eux, pressée de les prendre dans ses bras. Mais à peine avait-elle fait un pas que la faiblesse de ses muscles la rattrapa. Elle commença à chuter en avant et ne dut son salut qu'à Sullivan qui la réceptionna juste à temps.
-« Hey… ! Est-ce que ça va ? s'inquiéta le garçon en l'aidant à se redresser. Tu es toute pâle ! »
-« N-Non c'est rien… Des vertiges c'est tout… ! Vous n'êtes pas blessés ? »
-« Non, on a eu de la chance, on était à l'extérieur quand tout s'est effondré. » expliqua Myriam avec un petit sourire.
-« Qu'est-ce que vous faites ici alors ? » demanda Félix en s'approchant du petit groupe.
-« Les pompiers sont débordés, impossible pour eux d'aider tout le monde, expliqua Kilian en hochant négativement la tête. Alors on a décidé de rassembler les valides pour faire des allers retours dans les bâtiments pour tenter de sauver les personnes encore coincées. »
-« En ce qui concerne notre classe, on a presque retrouvé tout le monde, expliqua Myriam. Alizée et David ont été les premiers à sortir. Maxence a été légèrement blessé, on s'occupe de lui dehors. On a retrouvé Roxane, Johana et Lila. Mais vous n'étiez nulle part, et il manque encore Jehan et Andréa… »
Bridgette baissa les yeux avant de tourner la tête vers l'autre partie du bâtiment qui s'était effondrée. Les trois arrivants blêmirent à leur tour en comprenant que la salle de musique, où devaient être leurs deux camarades, avait disparue, réduite en un amas de pierres.
Tous gardèrent le silence quelques instants et Sullivan reprit enfin la parole après de longues secondes.
-« Il manque aussi Camille et Sarah. Elles sont injoignables, impossible de savoir si elles étaient dans le bâtiment ou à l'extérieur. »
Félix et Bridgette soupirèrent de concert, le garçon se pinçant l'arête du nez. Même s'il ne supportait pas la peste blonde dont la cruauté n'avait de cesse d'attiser un désir de vengeance permanent, personne ne méritait d'être abandonné à son sort dans une telle situation et il espérait intérieurement qu'il ne leur était rien arrivé, à elle comme à Sarah.
Un nouveau grondement fit sortir le petit groupe de sa torpeur, Myriam se tournant vers ses camarades.
-« On ne peut pas rester ici. C'est trop instable. »
-« Par où êtes-vous passé ? » questionna Félix.
-« Par l'escalier intérieur. Mais il s'est effondré derrière nous. Il va falloir rejoindre le second escalier extérieur, en espérant qu'il ait tenu le coup. » soupira Kilian
-« Il est relativement loin de la zone d'éboulement, je pense que ça devrait le faire. » rassura Sullivan.
-« Mais ce n'est pas à côté, alors il faut se dépêcher ! » insista Myriam.
Tous hochèrent la tête. Kilian prit la tête, récupérant le manche à balais de Félix pour sonder le sol. Voyant que Bridgette peinait à faire un pas devant l'autre, Sullivan la prit dans ses bras afin d'accélérer le mouvement, Myriam juste derrière eux et Félix fermant la marche.
Se confondant en excuse auprès de son ami qui se fatiguait à la porter en la rassurant gentiment, Bridgette eut le temps, par-dessus l'épaule de Sullivan, de regarder une dernière fois dans la direction de l'éboulement où avaient disparus Jehan et Andréa. Le cœur serré et les larmes aux yeux, la jeune fille suppliait n'importe qui qui pourrait l'entendre d'épargner ses deux amis, priant pour qu'ils soient toujours en vie.
Allongée sur le dos, Andréa cligna plusieurs fois des yeux, peinant à garder ses paupières ouvertes. Sans le savoir, la jeune fille avait déjà perdu deux fois connaissance depuis l'éboulement du bâtiment et ne semblait pas encore avoir compris toute la gravité de la situation.
Les yeux clos, elle tenta de bouger ses membres les uns après les autres. Un goût âpre lui emplissait la bouche et elle pouvait sentir ses cheveux humidifiés par ce qu'elle pensait être du sang, sur la partie supérieure de sa tête, collés à son front. Elle inspirait et expirait bruyamment. Soudain, un grondement lointain la fit sursauter et revenir à elle plus violemment que les autres fois. Il faisait sombre, l'obscurité était presque totale. Avait-elle dormi jusqu'à la nuit ? Elle ignorait combien de temps s'était écoulé depuis l'effondrement du bâtiment. Encore dans le flou, la jeune fille tenta de se redresser mais fut aussitôt arrêter dans son mouvement par un énorme objet au-dessus d'elle.
Retrouvant sa position initiale, la jeune fille, à tâtons, lissa la grande forme au-dessus d'elle, essayant de la soulever pour la déplacer. Et ce fut alors que l'évidence la frappa : elle était coincée sous les décombres du bâtiment qui s'était effondré et l'obscurité soudaine était due au fait qu'elle était totalement ensevelie.
Andréa se mit alors à respirer de plus en plus chaotiquement, en proie à une profonde crise de panique. Cachant son visage de ses mains, elle se mit à pleurer en suppliant qu'on la réveille de son cauchemar. Depuis ses mésaventures avec sa mère, les espaces clos étaient devenus la hantise de l'adolescente. Elle détestait être enfermée quelque part, sans l'impossibilité de s'échapper. Même se retrouver simplement recouverte d'une couverture de la tête au pied était une épreuve pour elle.
Tremblante de tous ses membres, elle suppliait qu'on vienne la chercher, trop tétanisée pour ne serait-ce que crier. Elle pensait à son père, qu'elle craignait de ne plus jamais revoir et à quel point sa disparition lui briserait le cœur. Mais alors que ses pensées vagabondaient, son corps toujours secoué par de lourds sanglots, un bruit sur sa gauche la fit sursauter. Elle tourna vivement la tête : quelqu'un venait de murmurer son prénom. La jeune fille plissa les yeux, faisant couler ses dernières larmes, tentant de distinguer qui l'appelait dans la pénombre avant de laisser échapper un petit glapissement de surprise.
-« Jehan… ! » s'exclama-t-elle, un léger sourire sur les lèvres.
Le garçon était étendu à quelques mètres d'elle, sur le dos, la main tendue dans sa direction. Il sembla rassuré, laissant échapper un soupir de soulagement, avant de reprendre la parole d'une voix faible.
-« J'ai eu tellement peur. Je t'appelais, mais tu ne répondais pas… J'ai bien cru que… Bon sang… Être si proche de toi sans rien pouvoir faire… »
-« J-Je suis là maintenant, acquiesça-t-elle. Je vais essayer de venir vers toi, laisse-moi une seconde. »
Inspirant à fond pour se donner du courage, la jeune fille ramena ses bras contre elle, les croisant sur sa poitrine pour essayer de se retourner sur le ventre. Un petit gémissement de douleur lui échappa quand elle s'appuya sur son bras gauche mais cela ne l'arrêta pas.
L'adolescente avait à peine l'espace de tourner ses épaules, ses habits frottant contre la pierre juste au-dessus d'elle. Mais après quelques minutes d'effort, calculant tous ses mouvements pour éviter de bousculer l'équilibre précaire sur lequel toute la structure reposait, Andréa parvint à se retourner sur le ventre.
Avec un soupir de soulagement, elle parvint également à ramper doucement vers son camarade, dégageant doucement les pierres qui lui bloquaient le chemin. Ses yeux enfin habitués à l'obscurité, elle parvenait à distinguer le visage souriant de Jehan tourné vers elle, la regardant progresser avec quelques mots d'encouragement.
Quand elle arriva juste à côté de son ami, elle remarqua que l'espace était légèrement plus grand, et elle put se redresser sur ses avant-bras pour le regarder dans les yeux, passant délicatement ses doigts dans ses cheveux.
-« Hey… » fit Jehan avec un sourire un peu plus large.
-« Hey, répondit Andréa, laissant couler de nouvelles larmes sur ses joues. Est-ce que ça va… ? »
-« J'ai connu des jours meilleurs mais bon… On est en vie, alors je dirais que ça va... »
Andréa acquiesça fébrilement. Elle était toujours effrayée mais savoir qu'elle n'était pas seule l'aidait quelque peu à garder la tête sur les épaules. Se redressant un peu plus, l'adolescente se mit à regarder tout autour d'elle.
-« Il faut qu'on sorte d'ici, si c'est possible. On est en danger. S'il y a un nouvel éboulement, on y survivra pas cette fois. »
Elle scanna un peu les alentours. Les adolescents étaient comme piégés dans une bulle, les pierres formant comme une voute au-dessus de leur tête. Si cette dernière leur permettait d'avoir un peu plus d'espace pour bouger, Andréa n'ignorait pas que cette structure était très instable et qu'ils devaient absolument s'en échapper.
Enfin, inclinant sa tête un peu sur le côté, Andréa remarqua un mince filet de lumière s'infiltrant entre deux morceaux de mur calés l'un contre l'autre.
-« Regarde là-bas, il y a de la lumière. On va peut-être pouvoir sortir. »
-« Peut-être oui… » souffla Jehan sans cesser de regarder la jeune fille.
-« On a pas trop le choix de toute façon. Si on reste là, on est morts, il faut tenter. »
-« … Tu as raison. Vas-y toi. Moi… Moi je ne vais pas pouvoir te suivre. »
-« Quoi… ? Pourquoi ? »
Dans la panique, Andréa se rendit compte qu'elle n'avait même pas pris le temps d'examiner son ami, de rechercher d'éventuelles blessures. Elle remarqua qu'il respirait plus fort qu'à l'accoutumée et chaque phrase semblait lui coûter beaucoup d'énergie. Elle commença à détailler le visage du jeune homme, passa son regard sur son buste puis ses bras mais quand elle commença à tourner les yeux vers le bas de son corps, Jehan l'arrêta.
-« Andréa… Écoute… Il ne faut pas… Va-t'en, tu dois te mettre en sécurité. »
-« J-Jehan… Qu'est-ce qui se passe ? »
Andréa baissa de nouveau les yeux mais Jehan l'empêcha de regarder davantage son corps en relevant le menton de sa camarade du bout de ses doigts.
-« Non… Je ne veux pas que tu voies ça… Andréa, il y a des choses dans la vie, une fois qu'on les a vues, on ne peut plus les oublier… Épargne-toi ça et va-t'en, je t'en prie. »
-« N-Non ! Jehan, si tu es blessé, il faut que je regarde ce que je peux faire… ! »
Sans prêter attention aux suppliques de Jehan, la jeune fille baissa les yeux vers les jambes de son camarade, se redressant légèrement, avant de laisser échapper un glapissement d'horreur. Un gigantesque morceau de mur était tombé sur les jambes de Jehan, les écrasant sous les genoux, broyant ses os dans une douleur que la jeune fille imaginait insupportable. La pierre était par endroit éclaboussée de rouge et elle pouvait très nettement voir le jean gris de son ami se gorger peu à peu de sang.
Prise d'un haut-le-cœur, Andréa fit violemment volte-face, cachant sa bouche de sa main en se remettant à pleurer. Jehan garda le silence quelques instants avant de lever la main vers elle, lui faisant silencieusement comprendre de s'étendre à ses côtés, ce qu'elle fit sans résister. Posant son front sur son épaule, elle serra le pull de son camarade dans son poing tout en continuant de sangloter, tandis que Jehan lui frottait doucement le dos.
-« Andréa… Je te promets qu'on va s'en sortir, tous les deux. Moi je ne peux pas bouger, mais toi, tu dois partir, c'est trop dangereux… »
-« … C'est hors de question, contra Andréa en se redressant après un petit silence. Je ne t'abandonne pas, jamais de la vie… Je préfère rester ici, même si c'est dangereux, plutôt que de te laisser seul. »
-« C'est stupide… Ne meurs pas en vain, je t'en supplie… ! »
-« Tu viens de dire qu'on allait s'en sortir tous les deux. Alors c'est ce qu'on va faire, ensemble… ! »
-« Qu'est-ce que tu peux être bornée… » protesta Jehan avec un petit soupir.
-« Je sais… Mais tu me le rends bien… Et de toute façon tu ne m'as pas abandonné quand j'ai failli mourir pendant l'attaque du Mime, alors que tu étais aussi en danger. Aujourd'hui, je te rends la pareille. »
-« Ce n'est pa- »
Mais le garçon ne put terminer sa phrase, interrompu par l'index d'Andréa qui venait de se poser sur ses lèvres.
-« Chut… Rien de ce que tu pourras dire ne me feras changer d'avis, alors économise tes forces. »
Les deux jeunes gens échangèrent un regard avant que Jehan ne se mette doucement à sourire. Même dans une situation pareille, alors qu'il la savait apeurée, elle se montrait incroyablement courageuse et même rassurante. Et lui, malgré ses blessures, sa fatigue et l'envie de se laisser aller pour abroger toutes les souffrances qui lui rongeaient l'intégralité du corps, il avait envie de se battre elle, tombant toujours plus amoureux malgré la précarité de leur situation.
Ils gardèrent le silence quelques instants avant qu'Andréa ne se mette à regarder tout autour d'elle, tâtant ses poches avec difficulté avant de soupirer.
-« Il faut tout de même qu'on prévienne quelqu'un. Tu as ton portable ? Le mien était dans mon sac… »
-« Dans la poche de mon pull... » répondit Jehan avant de tousser doucement.
Andréa le regarda d'un air désolé avant de passer délicatement sa main dans la poche ventrale du pull de son ami. En effectuant son geste, elle ne put s'empêcher de jeter un regard rapide vers les jambes de son camarade avant de pincer ses lèvres. Elle récupéra le téléphone et avec soulagement, se rendit compte qu'il était toujours en état de fonctionnement. Elle le montra fièrement à son camarade qui lui adressa un sourire avant que ses traits ne se torde dans un rictus de douleur.
Avec la lumière que lui procurait l'écran de l'appareil, éclairant la pénombre autour d'eux, elle put se rendre compte à quel point Jehan semblait mal en point. Ses traits étaient tirés, son visage était strié d'une multitude de coupures sanguinolentes et son teint était blafard. Elle put remarquer qu'elle aussi était blessée par endroits, ses vêtements étaient déchirés, mais ce n'était pas ce qui lui importait le plus.
-« Est-ce que ça va… ? osa-t-elle demander en revenant vers lui.
-« Je sais pas… La seule partie de mon corps que j'arrive à sentir c'est mes bras et c'est très douloureux. »
-« T-Tes jambes… Tu… ? »
-« Non… Et tant mieux, sinon… »
-« Oui c'est vrai... » murmura Andréa d'une voix faible.
De nouvelles larmes coulèrent sur les joues de la jeune fille alors qu'elle recommençait à sangloter. Elle voulait être forte, elle voulait maîtriser cette peur qu'elle sentait battre dans son ventre mais rien à faire. Elle était terrorisée, et même si savoir que Jehan était avec elle, sa condition ne l'aidait pas vraiment à se calmer. Alors qu'elle passait son avant-bras sur ses yeux, elle sentit la main de Jehan venir caresser sa joue gauche. Elle était froide mais ce simple contact suffit à faire cesser ses pleurs.
-« Ça va aller, on va s'en sortir, répéta Jehan avec un léger hochement de tête. Il faut garder notre sang froid, d'accord ? »
-« … O-Oui, tu as raison, excuse-moi… répondit Andréa en posant sa main sur celle du garçon. C'est juste que… J'espère que tout le monde s'en est sorti… Et que Ladybug et Chat Noir vont pouvoir faire quelque chose… »
-« Faisons-leur confiance, le tout c'est d'attendre. »
Andréa hocha doucement la tête alors que Jehan reposait sa main à côté de lui, toujours avec cette même mimique qui laissait entendre que le jeune homme souffrait beaucoup. Elle regarda le téléphone qu'elle avait dans sa main, tremblante, avant de se tourner vers son camarade.
-« Q-Qu'est-ce que je dois faire… ? Appeler les pompiers ? »
-« Non… C'est inutile. Tu as vu comment le bâtiment s'est effondré en une fraction de secondes ? Ça doit être le chaos dehors, ils doivent être débordés. Et de toute façon, il faudrait une grue pour nous dégager. Personne ne viendra nous chercher. »
Andréa soupira en baissant les yeux. Elle savait que son ami avait raison. Les pompiers ne perdraient pas leur temps à essayer de venir les secourir alors que Jehan ne pouvait de toute façon pas sortir d'ici. D'autres blessés plus accessibles avaient sûrement déjà besoin d'eux, et ils ne pouvaient pas leur faire faux bond pour une cause perdue comme la leur.
-« M-Mais qui alors… ? Il faut bien prévenir quelqu'un… »
-« Essaye d'appeler Bridgette… Ou Félix, ou même ton père si tu veux. Juste pour leur dire que nous sommes en vie. »
-« Bridgette et Félix étaient dans l'autre bâtiment… Tu crois que… ? »
-« Ne t'inquiètes pas pour eux. S'ils sont ensemble, je suis persuadé qu'ils s'en sont sortis. Ils sont comme nous, ils ne se laissent pas faire facilement. » murmura Jehan avec un léger clin d'œil.
Andréa acquiesça avec un petit sourire avant de commencer à pianoter sur l'écran.
-« D-D'accord, tu as raison… Espérons que tu aies raison… »
J'espère que je n'ai perdu personne... Je n'irais pas jusqu'à dire que Jehan et Andréa vont "bien" mais euh... Bah ils sont vivants... ? Pour l'instant hehe...
Merci de m'avoir lu jusqu'ici, j'espère que ce chapitre vous a plu ! J'ai voulu faire une mise en abîme plus longue que d'habitude, poser plus d'enjeux etc... J'espère aussi que la description des décors était suffisamment claire, que vous ne vous êtes pas embrouillé ! Dites-moi tout ça en commentaire !
On se retrouve la semaine pour la suite !
P.S.: Une illustration faites par mes soins pour ce chapitre est disponible sur mon compte Wattpad (Un Autre Monde - Rimay89) ou son mon compte instagram (15_maumau_04)
