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Chapitre 61

Une dague appuyée contre son cou, un corps au-dessus d'elle, Astrid n'osait pas faire le moindre geste. Si elle s'y essayait, elle craignait de voir advenir le pire. Mourir ou tuer un ami. Deux options inenvisageables.

Le problème ne s'arrêtait cependant pas là, si tel avait été le cas alors ses amis auraient pu la sortir de ce mauvais pas. Poussant le regard un peu plus loin, elle vit Kirsten et Galen aux prises avec un autre homme. Si son visage faisait écho dans l'esprit d'Astrid, son nom, elle ne s'en souvenait pas.

Seul restait Alrik, qui pour faire bonne mesure, avait posé la lame de son épée sur la gorge de celui qui menaçait Astrid. Le premier à faire un geste entraînerait la mort des autres. Tous étaient pétrifiés, attendant l'événement qui ferait basculer la situation.

— Rustik, dégage de là ! s'énerva Astrid en haussant le ton autant que cela lui était permis au vu de la situation.

Une hésitation apparut sur le visage de Rustik, puis ses traits reprirent leur dureté.

— Comme si j'allais obéir à un espion ! Mais puisque tu connais mon nom, tu as dû avoir vent de ma réputation. Si tu dis à ton copain de lâcher son arme, je te laisserai la vie sauve…

— Imbécile ! Tu n'as pas reconnu ma voix ?!

Astrid vit Rustik essayer de comprendre le sens de ses mots, comme à son habitude il était toujours aussi lent à faire le lien entre les divers éléments.

Quelle tête de mouton ! C'est pas possible d'être aussi bête ! Au moins l'autre là-bas, il semble avoir compris, il a baissé son arme.

— C'est moi, Astrid ! Maintenant, dégage avant que je ne te tue !

— Comme si…

— Je vais enlever mon casque et tu vas comprendre ton malheur ! T'as pas intérêt à me tuer !

Tout en disant cela, Astrid posa sa dague par terre. Doucement, sans faire de geste brusque, elle entreprit de porter ses mains à la lanière maintenant son casque. Rustik manquait parfois tellement de bon sens qu'elle craignait qu'il ne la tue par erreur.

Elle voyait dans les yeux d'Alrik ses doutes, il devait se demander si venir chercher une telle aide était réellement une bonne idée. Un point de vue difficile à contredire quand on voyait où ils en étaient rendus.

Quand la lanière fut détachée, elle retira délicatement son casque, laissant apparaître ses yeux bleus et ses longs cheveux blonds. Immédiatement Rustik tressaillit et retira sa lame de son cou. Alrik retira également son arme, puis il recula d'un pas, se doutant de la suite des événements.

Sans prévenir, Astrid repoussa violemment Rustik, le faisant tomber à la renverse avant de lui asséner quelques coups supplémentaires dont elle avait le secret. Rustik encaissa sans broncher, trouvant même qu'ils manquaient un peu de force par rapport à ce dont il se souvenait.

— Loin de moi l'envie d'interrompre vos charmantes retrouvailles, mais peut-être vaudrait-il mieux continuer ailleurs si nous ne voulons pas nous retrouver avec des fers aux poignets.

Astrid se tourna vers celui qui venait de lui parler. Il devait avoir dans les vingt-cinq ans, le nez tordu, certainement à cause d'un ancien combat. Ses cheveux étaient auburn, ses habits et son équipement étaient de bonne qualité. Il avait une certaine prestance, Astrid n'aurait pas été étonnée qu'il soit chef ou fils de chef.

Kirsten et Galen avaient remis leurs armes au fourreau sans pour autant le quitter des yeux. Il y avait dans leur regard une détermination à faire pâlir un mort. Au moindre geste, ils le neutraliseraient sans état d'âme.

— Comment t'appelles-tu ?

— Durandal, mais est-ce bien le moment pour des présentations ? répliqua-t-il en leur faisant signe d'écouter.

En se concentrant un peu, Astrid comprit où il voulait en venir. Il n'était guère difficile d'entendre le bruit provoqué par les patrouilles qui se rapprochaient. S'ils restaient trop longtemps au même endroit, ils finiraient inéluctablement par se faire prendre.

— On parlera plus tard, trancha Astrid. On a un ami pas loin, on va se rendre chez lui. Et un conseil, n'essaie pas de nous faire faux bond. Maintenant que tu nous as vus, tu restes avec nous.

— Chez Varek ? demanda Durandal en se mettant en marche sans relever la menace.

— Hmm, tu le connais ?

— Je le conduisais là-bas avant de vous tomber dessus, répondit Rustik à sa place.

Astrid reporta son intention sur lui. Avec ce qu'il s'était passé avant, Astrid ne l'avait pas remarqué, mais Rustik semblait avoir changé. En s'y attardant un peu, elle remarqua qu'il avait encore gagné un peu en muscle, il avançait également avec plus de discrétion et de finesse. Il était plus sûr dans ses gestes, plus mesuré. L'obscurité rendait difficile de voir distinctement ses traits pourtant Astrid avait l'intuition qu'elle y verrait aussi un changement.

Est-il possible qu'il soit devenu plus sérieux ?

Le son des patrouilles approchant, le groupe ne s'étendit pas plus en palabres. Ils se mirent en marche, se dirigeant à marche forcée vers le domicile de Varek. Rustik prit rapidement la tête, guidant tout le monde de manière étonnamment discrète et rapide, convaincant un peu plus Astrid de son changement. Elle-même était bien différente de celle qu'elle avait été. Des mois d'absence pouvaient tout changer.

Le trajet se déroula sans encombre. Arrivés en vue de la maison de Varek, ils se cachèrent dans une ruelle non loin.

— J'y vais, déclara Astrid.

Rustik la retint par le bras au moment où elle allait s'élancer.

— Tu devrais me laisser y aller. Ce sera plus sûr si une patrouille arrive.

— Ça va aller. Si j'y vais, Varek devrait ouvrir plus rapidement en sachant que c'est moi.

Sans laisser le temps à quiconque de répliquer, Astrid s'élança. Arrivée devant la porte, elle frappa rapidement, puis attendit. Les secondes s'écoulèrent sans le moindre signe de réaction. Elle frappa de nouveau, l'inquiétude commençant à la gagner.

Et s'il n'était pas là ?

— Varek, c'est moi, Astrid. Ouvre, murmura-t-elle aussi fort que possible.

Au loin, elle pouvait voir, venant d'une intersection la lumière vacillante d'une torche se rapprocher. Une patrouille allait bientôt arriver.

Elle frappa de nouveau. Cette fois elle entendit du bruit derrière la porte sans pour autant que celle-ci ne s'ouvre.

Qu'est-ce qu'il fait ? Dépêche-toi !

La lumière de la patrouille se faisait de plus en plus visible. Elle ne devait plus être loin d'arriver au croisement. Les flammes de la torche éclairaient de plus en plus les murs des bâtiments formant l'angle.

Astrid hésita, devait-elle tenter encore une fois de frapper à la porte au risque de se faire repérer ou devait-elle rebrousser chemin ?

Au moment où elle se posait cette question, elle entendit le loquet bouger. Sans plus hésiter, elle ouvrit la porte à la volée, renversant Varek au passage. Elle fit un signe au reste de son groupe, lequel se précipita pour entrer dans la maison sous le regard de son propriétaire toujours couché par terre.

Astrid referma la porte immédiatement après, au moment même où la patrouille arrivait dans la rue.

— Pff… c'était moins une, soupira-t-elle en s'appuyant contre la porte.

Alrik s'avança vers Varek et lui tendit une main pour l'aider à se relever. Varek le regarda, puis son regard se posa sur le reste du groupe, voletant de visage en visage, essayant de comprendre ce qu'il se passait.

— Désolé pour cette arrivée mouvementée, fit Alrik avec un sourire désolé.

Varek prit sa main et Alrik le tira, l'aidant à se remettre debout.

— Vous m'avez surpris, fit Varek une fois son étonnement passé. Venez, ne restons pas devant la porte.

Varek les conduisit dans son salon, où il proposa à tout le monde des fauteuils, mais tous restèrent debout. Varek ne s'en formalisa pas.

— Qu'est-ce que vous faites tous ici ? Surtout toi Astrid, tu sais que Stoïck a… commença Varek avant de lorgner vers Durandal.

Il hésitait manifestement à dire tout haut ce à quoi il avait pensé en présence d'un chef de la Coalition. Rien que la présence d'Astrid était exceptionnelle en soit, couplée cela à la présence de Durandal et de Rustik, il devenait difficile de savoir quoi en penser.

Astrid ne savait rien de Durandal, mais elle comprit néanmoins que Varek hésitait à parler devant lui. Elle entreprit d'apaiser ses craintes en lui expliquant la situation.

— Il m'a condamné à mort si je remettais les pieds ici, je sais, mais la situation l'exige. Je suis venu pour te voir, on doit discuter de certaines choses. Après ça, on repartira. Et pour ce qui est de ces deux-là, on est tombé sur eux en venant, ils voulaient aussi te voir. Il n'y a donc rien à craindre, personne ne sait que je suis ici.

Varek hocha la tête, puis il tourna la tête vers Durandal.

— Pourquoi un chef de la Coalition souhaite me voir à cette heure-ci ?

Astrid se tendit, surprise par la révélation, l'ambiance devint glaciale. En une fraction de seconde, les membres de la Garde Noire portèrent leur main à leur arme.

— Tout doux ! Pas la peine de s'énerver, je ne suis pas là pour vous causer des problèmes. Peut-être serait-il temps qu'on se présente officiellement… Comme je vous l'ai dit, je m'appelle Durandal, je suis devenu chef à la mort de mon père lors de la bataille sur l'île des dragons. Si je suis venu ici ce soir, c'est pour discuter des événements récents et voir ce qu'on peut faire. Votre présence est une bonne chose, j'aimerais vous aider.

Je m'en souviens maintenant…. mais pourquoi voudrait-il nous aider ?

— Nous aider ? demanda Astrid.

— Vous êtes là pour Harold, je me trompe ?

Astrid fit une grimace des plus évocatrices, Varek en profita pour s'engouffrer dans la conversation.

— On a reçu les informations concernant ton bannissement, puis pour la capture d'Harold par dragons messagers. Depuis les choses ont…. comment dire… un peu dégénérées…

— Dégénérées ? Tu veux parler des patrouilles ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Varek jeta un regard inquiet dans un coin de la pièce, là où un rideau faisait séparation avec une autre pièce.

— Avant de parler ça, pouvez-vous me dire pourquoi vous avez pris des risques pour venir ici ? Pourquoi vouloir me parler ?

Astrid jeta un coup d'œil à Alrik, lequel hocha la tête. Même si un chef de la Coalition était présent, il était désormais trop tard pour faire machine arrière. Dans le pire des cas, ils s'en débarrasseraient. Ce serait une décision difficile, mais pour sauver Harold, Astrid avait décidé qu'elle ne laisserait rien ni personne se mettre sur son chemin. Il serait toujours tant d'en subir les conséquences une fois la guerre terminée.

— On compte aller sauver Harold, j'espérais pouvoir obtenir ton aide, répondit Astrid en faisant attention à ne pas mentionner sa dragonne, elle était sûre que Varek comprendrait. Et peut-être aussi l'aide d'autres personnes…

— On voudrait aussi que tu nous confirmes qu'Almar n'a jamais rien fait de suspect et si on peut lui faire confiance, ajouta Alrik. Si c'est le cas, on voudrait que nous aide à prendre contact avec lui. Il s'est passé beaucoup de choses, savoir à qui faire confiance est devenu difficile.

— En effet, il s'est passé beaucoup de choses… Dans ce cas, j'imagine qu'on devrait en parler tous ensemble.

— Tous ensemble ?

Au même moment, le rideau qu'avait regardé Varek un peu plus tôt fut écarté pour laisser place à un viking aux yeux bleus et cheveux blonds, presque blancs, tressés et ramenés en arrière. Un sourire triste plaqué sur le visage.

— Almar ?! s'exclamèrent de surprise les membres de la Garde Noire.

— Cela faisait un moment. Alrik, Astrid, Kirsten, Galen, les salua-t-il d'un signe de tête. Je ne m'attendais pas à vous voir ici.

Sans laisser le temps à quiconque d'intervenir, Varek prit la parole.

— Et si on s'installait à la table ? Je vais aller chercher des boissons, puis chacun s'expliquera.

Il incita tout le monde à s'installer, puis il partit chercher de quoi boire. Il revint peu de temps après avec un plateau remplis de chopes ainsi que deux pichets, l'un de lait et l'autre d'hydromel. Il laissa à tout le monde le temps de se servir.

— Comme je l'ai dit, je pense que le mieux est que chacun s'explique. Qui veut commencer ? demanda-t-il.

— Laissez-moi vous montrer mes talents innés de conteur, alors…

On repassera pour le sérieux… Si on le laisse faire, on apprendra rien…

— C'est bon Rustik, pas la peine de te donner cette peine, on le sait déjà tu es génial… dit ironiquement Astrid.

— Tu le reconnais enfin ! Je savais bien que tu…

— Oui oui, on sait, maintenant laisse parler les adultes tu veux.

— Que…

Sans laisser le temps à Rustik de s'insurger, Astrid se tourna vers Durandal.

— Commence, tu es celui à qui je fais le moins confiance ici.

— J'imagine que c'est légitime. Pour faire simple, en apprenant la capture d'Harold, j'ai décidé que si je le pouvais, j'aiderais.

— Pourquoi ?

— J'ai une dette envers lui. Au début je lui en voulais, je lui reprochais la mort de mon père, mais j'ai compris que j'avais tort. Sans oublier le duel.

— Le duel ?

— Avant son départ, je l'ai provoqué. Un de mes hommes a affronté l'un de vous autres avec une armure noire. Il a perdu sans réussir à répliquer. Après ça, Harold a proposé de faire envoyer plusieurs de ses maîtres d'armes et il a tenu parole. Grâce à leur formation, moi et mes hommes avons survécu à un combat particulièrement difficile. Sans ça, je serais mort aujourd'hui.

— Tu penses lui devoir la vie ?

— En quelque sorte, on va dire que c'est une vie pour une vie. On me dit brutal et sans finesse. Les grandes stratégies, j'y connais rien, mais j'ai de l'honneur. De toute façon c'est dans l'intérêt de tout le monde de le ramener. Avant toute cette merde, je n'avais pas compris à quel point sa présence était importante.

Astrid vit les regards s'assombrir, même Rustik se fit étonnamment calme. Auparavant, il y aurait sûrement vu une occasion de dénigrer Harold en disant que personne n'avait besoin de lui, mais pas cette fois. Elle redoutait de demander ce qu'il s'était passé et elle n'eut pas besoin de le faire.

— Je pense que le mieux, c'est que je prenne la suite, intervint Almar. Je vous passe les détails des événements survenus après le départ d'Harold de Beurk. Il y a eu des hauts et des bas, des différends et des accords, rien de bien méchant. On a su gérer. Quand on a reçu l'information de la prise d'Ospig, tout le monde s'est réjoui et congratulé. Puis on a eu l'information de ton bannissement, raconta Almar en regardant Astrid.

— La réaction d'Harold n'a pas dû plaire aux chefs, devina Astrid en baissant les yeux.

La simple idée d'avoir posé des problèmes à Harold la faisait culpabiliser. Elle s'en voulait pour tout ce qui s'était produit. Déjà sur l'îlot, l'invitation d'Harold à le rejoindre, à devenir une Nordienne n'avait pas été particulièrement bien vue, elle n'osait imaginer la réaction des chefs restés sur Beurk. En l'absence d'Harold et sans connaître véritablement la situation, ils avaient dû s'en donner à cœur joie pour s'en prendre à lui.

— En effet, cela a entraîné de vives discussions. Une occasion parfaite pour tout ceux qui avaient quelque chose à redire, mais finalement ce n'était rien par rapport à ce qui s'est produit ensuite. Les esprits étaient déjà bien échauffés par tout ça, alors quand on a reçu plus tard l'information de votre défaite et de la capture d'Harold, tout a dégénéré.

Astrid sentit un frisson lui remonter dans le dos.

— Les patrouilles, c'est à cause de ça ?

Les traits d'Almar se durcirent, de la rage couvant dans ses yeux.

— Les patrouilles, ce n'est rien, une mesure après coup. Quand on a eu l'information, les traîtres ont profité de la tension qui régnait pour agir. Ils avaient tout prévu… Qu'ils aillent tous à Hel ! s'exclama-t-il en frappant du poing sur la table.

Il y avait donc aussi des traîtres sur Beurk. Pourquoi les Dieux sont-ils si cruels ?

— Que s'est-il passé ? demanda Alrik.

— Snorr, Einar et Grim ont trahi, cracha Almar.

— J'avais cru comprendre qu'Einar et Grim étaient repartis pour défendre le Nord, je me trompe ? demanda Astrid.

— Non, mais ils avaient laissé des hommes sous le commandement de Snorr. Quand tout le monde a appris pour la capture d'Harold, Snorr en a profité. Il a attendu le meilleur moment puis il a frappé. Ils ont mis le feu à des entrepôts et des navires, ils ont tenté d'assassiner des chefs.

— En fait, ils ont réussi, fit d'une petite voix Varek. Je l'ai appris tout à l'heure, Asbjörn est décédé de ses blessures.

— Par tous les Dieux ! s'énerva Almar. Avec ça, les choses ne vont pas s'arranger avec les chefs de la Coalition, maintenant que l'un des leurs est mort par la traîtrise d'un Nordien. Heureusement qu'on a fait un prisonnier sinon ça serait pire.

— Snorr ? demanda Astrid.

— Non, il avait tout prévu, il a réussi à s'enfuir. C'est un chef de la Coalition qu'on a capturé. Apparemment il s'est laissé convaincre par Snorr, ce chien galeux !

— Vous avez envoyé du monde à sa poursuite ?

— On n'a pas pu, le temps de mettre les choses au clair il était déjà loin. Les chefs refusaient de voir partir un seul navire ou même un dragonnier, de peur qu'un traître n'en profite pour s'enfuir. Résultat, on s'est rendu compte que les traîtres étaient soient enfui, soient capturés et on a loupé l'occasion de poursuivre Snorr et ses hommes. À l'heure qu'il est, il ne doit plus être loin de rejoindre Einar et Grim dans le Nord. On a fait envoyer des dragonniers pour prévenir nos clans, mais les Dieux seuls savent s'ils arriveront à temps.

— Que va-t-il se passer maintenant ? demanda Astrid avec appréhension.

— Au mieux, un nouveau front va s'ouvrir dans le Nord, et au pire nos îles sont déjà sous le contrôle des traîtres. J'ai fait prévenir Hagbard, j'espère qu'il ne va pas prendre la mauvaise décision.

— Quel serait le pire scénario ?

— S'il décide de partir dans le Nord avec ses hommes sans revenir ici avant, l'alliance risque de disparaître, intervint Durandal. Les chefs de la Coalition n'accepteront pas une telle décision après ce qu'il vient de se passer.

— C'est pour ça que tu as dit que la présence d'Harold était importante, réalisa Astrid. En le ramenant, tu penses qu'il pourra garantir le maintien de l'alliance ou au pire, la reformer une fois les chefs du Nord mis au pas.

En entendant Astrid parler de mettre au pas les chefs du Nord, Almar ne put s'empêcher de grimacer. Il se retint néanmoins de tout commentaire, il avait conscience du travail à mener pour rétablir l'ordre dans leur camp. Une chose en particulier devait être accomplie :

— Je ne sais pas encore ce que vous avez prévu pour aller le sauver, mais je resterai ici. Avec les derniers événements, je dois m'assurer de maintenir tout le monde dans les rangs et d'organiser le retour d'Harold. Il aura besoin de soutien. S'il le faut, je devrais pouvoir vous fournir des navires.

— Et moi des hommes, fit Durandal. Je resterai également ici pour aider Almar. Tant qu'on ne connaît pas les plans de Stoïck et Hagbard, il vaut mieux rester prudent.

— Merci, mais je ne pense pas que ce sera nécessaire. On va devoir agir vite, seuls des dragonniers en seront capables. En plus, quand on reviendra, Harold aura besoin de soutien, d'hommes et de navires pour récupérer facilement sa position.

Mais cela sera-t-il suffisant ? Peut-on encore gagner la guerre ?

— Ne t'en fais pas, il y a toujours une solution, dit Almar.

Il avait compris les doutes d'Astrid.

— Lors du Premier Conflit dans le Nord, avant l'arrivée d'Harold, on avait perdu, continua-t-il. Nous étions à la merci de Drago, pourtant, regarde où nous sommes aujourd'hui. Nous combattons. Rien n'est jamais perdu. Il y a toujours une solution. Ce n'est pas parce que de notre point de vue, on ne voit pas les problèmes présents dans le camp de Drago qu'il n'y en a pas. Tout est une question de perception. Il suffit parfois d'un rien pour tout changer. Pour l'instant, concentre-toi seulement sur le sauvetage d'Harold, on va s'occuper du reste.

— Merci… répondit Astrid avec émotion.

Elle ne savait pas si les propos d'Almar étaient le reflet de sa sagesse, dans tous les cas il avait toujours le don pour la rassurer. Ce n'était pas la première fois, et elle lui en était reconnaissante.

— Maintenant l'un de vous peut-il me raconter comment on a pu en arriver là ? J'ai besoin de comprendre. Comment Harold a-t-il été capturé ?

En y repensant, Astrid eut du mal à ne pas détourner le regard. Elle ne savait pas si elle serait capable de raconter la manière dont elle avait perdu Harold sans défaillir. Elle sentit se poser sur sa cuisse la main d'Alrik qui se trouvait juste à côté d'elle. D'une légère pression, il lui rappela qu'il était là et qu'il la soutenait. Il lui fit comprendre qu'il allait s'en charger.

Durant les minutes qui suivirent il raconta tout, du bannissement d'Astrid à leur arrivée sur l'îlot jusqu'à la fin de la bataille, en passant par leur tentative pour infiltrer la base ennemie et capturer Dagur.

— Je vois… Il y a donc un traître dans la Garde Noire, c'est la seule explication, n'est-ce pas ? réagit Almar.

— C'est quasiment certain, répondit Alrik. C'est pour ça qu'on est si peu nombreux.

— Je comprends, vous avez eu raison. D'ailleurs, à voir ton armure j'imagine que tu en fais désormais partie Astrid.

— Je l'ai intégrée après la bataille. Avec mon bannissement…

— Pas la peine d'expliquer. Même si les temps ne s'y prêtent guère, je te félicite de l'avoir intégrée. Harold a de la chance de t'avoir à ses côtés. Je ferais tout pour vous soutenir, dit-il avec un sourire entendu.

Il ponctua sa phrase d'un hochement imperceptible de la tête. De toute la soirée, c'est ce qui surprit le plus Astrid. Durandal, Rustik et Varek n'avaient certainement pas compris la signification, Astrid en revanche comprenait la symbolique de ce geste liée aux paroles prononcées. À force de passer du temps auprès des Nordiens, elle avait saisi la manière dont ils fonctionnaient. Il était évident qu'il ne parlait pas du groupe, mais bel et bien d'elle et d'Harold, une subtilité à ne pas prendre à la légère. Il avait saisi le lien l'unissant à Harold. Tout comme Galen et Kirsten, Almar commençait à voir en elle bien plus que ce qu'elle était actuellement.

— Très bien, il est grand temps de se mettre au travail ! Il n'y a pas de temps à perdre ! s'exclama Almar, mettant fin à l'étrange atmosphère. Vous allez me donner la liste des fournitures dont vous avez besoin, puis vous allez tous aller vous reposer.

— Mais…

— Il n'y a pas de ''mais''. Pour sauver Harold, vous devez vous reposer, et nous on a besoin de temps pour récupérer le matériel. Alors ?

— Eh bien, cela va dépendre de combien on va être, répondit Astrid en jetant un œil à Varek.

— Tu peux compter sur moi et les jumeaux, ils ne refuseront pas, je te le garantis.

— Merci Varek. Dans ce cas, on aura besoin…

— Vous oubliez pas quelqu'un ?

Astrid se retourna pour voir Rustik les bras croisés, tapant du pied sur le sol. Elle ne savait pas trop quoi dire, car à la vérité, elle l'avait véritablement oublié. Heureusement Alrik intervint.

— Tu as un dragon au moins ?

— Un dragon ? Bien sûr ! Pour qui me prends-tu ?! Tu ferais mieux d'arrêter avec tes grands airs si tu veux pas que Rustik Jorgenson te remette à ta place !

Loin d'être étonnée, Astrid eut la confirmation de ce dont elle se doutait. À partir du moment où les jumeaux avaient réussi à se lier avec un dragon, elle avait été certaine qu'il ne s'agirait que d'une question de temps avant de voir Rustik suivre le mouvement.

Mais quand même… c'est vraiment une tête de mouton celui-là. Il n'a toujours pas compris que les membres de la Garde Noire sont à un autre niveau ? Je me demande si l'emmener est vraiment une bonne idée, je sens qu'il va me donner mal au crâne. De toute façon, il n'y a pas vraiment le choix…

Astrid ne s'intéressa pas plus à la conversation, son regard se perdit dans le vide, ses poings se serrèrent instinctivement quand elle songea à Harold.

Les choses avancent, encore un peu de patience Harold. Tu dois tenir bon, je vais venir te chercher. Je te le promets.