À l'occasion, Frigga se demandait à quoi bon être voyante si les évènements que vous parveniez à entrapercevoir dans les brumes de l'avenir n'en réussissaient pas moins à vous prendre au dépourvu.
D'accord, elle s'était préparée au décès de son époux, d'accord, elle avait pris des mesures afin d'endiguer la furie de sa belle-fille. Et pourtant, leur arrivée ne l'en laissait pas moins désemparée.
Pour ce qui était de la mort d'Odin, ce qu'elle ressentait devrait attendre – l'heure était trop grave pour qu'elle agisse en veuve éplorée plutôt que comme la Reine d'Asgard. Pour ce qui était de la furie meurtrière d'Hela… bon, c'était autre chose.
Frigga avait su que la première-née de son mari était puissante, comme il seyait à une princesse de la lignée de Buri et combattante littéralement entraînée depuis qu'elle avait effectué ses premiers pas. Mais ce qu'elle voyait à présent, c'était davantage un cataclysme qu'une femme.
En d'autres termes, la seule solution valide pour survivre était de fuir, aussi vite que possible. Ça piquerait certainement la fierté des plus militants, mais à titre personnel, Frigga préférerait voir ses fils et son petit-fils humiliés et vivants que glorieux et morts.
Mais pour assurer que Hela ne les pourchasserait pas, pour l'empêcher de rallumer le flambeau génocidaire de la conquête, il faudrait recourir à des mesures extrêmes. Heureusement, la couronne de Surtr qu'avait ramené Thor offrait une solution toute trouvée, bien que le prix en fusse incalculable.
Bien sûr que Frigga pleurerait les conséquences d'amener Ragnarök : qui ne se lamenterait pas sur la perte de son pays ? Surtout le pays que vous aviez gouverné, guidé et chéri comme votre propre enfant pendant près d'un millénaire.
Mais Asgard n'était pas le pays, c'était le peuple. Et tant que Frigga aurait son mot à dire, ce peuple vivrait, quel qu'en soit le prix.
