Gays of thrones

Chapitre 76

Quand la Mort frappe à ta porte

Brandon Stark était consterné. Assis sous le barral du bois sacré de Winterfell, il supervisait les préparatifs du siège. On l'avait posé là, avec moult fourrures et petites laines pour lui tenir chaud, et Theon Greyjoy pour monter la garde. C'était Theon qui s'était porté volontaire : après tout le mal qu'il avait fait, il estimait que c'était son devoir de protéger Bran. Ce n'est pas ce dernier qui allait refuser.

Bran voyageait donc dans les corbeaux qu'il pouvait, pour s'assurer que chacun se tenait prêt à affronter l'Armée des Morts. Eh bien, il fut fort dépité. Daenerys avait placé tous ses hommes à l'extérieur des murailles. Bon, que les Dothrakis et leurs chevaux ne comprennent pas le concept du siège, passe encore, tout le monde savait qu'ils étaient sous-développés, mais les Immaculés… Non mais sérieusement ? C'est quoi, le principe ? Des soldats qui protègent les murs ou des murs qui protègent les hommes ? C'était d'autant plus ridicule que les Morts n'ont pas de machine de guerre, alors autant les attendre sagement… Sûrement un plan de sa garce de sœur, qui comptait les oignons restant dans la réserve !

Et parlons-en, de sa sœur ! Réfugiée dans la crypte… Les femmes et les enfants l'avaient rejointe, mais également Tyrion, le nain capable de tuer un homme avec un bouclier. Bran préférait être escorté par Theon : non seulement il savait se battre, mais en plus il était plus joli à regarder. En son for intérieur, Bran ne s'était jamais totalement remis de ce jour où, grimpant à la Tour foudroyée, il l'avait surpris, dénudé, sous le corps de son frère. Il avait sept ou huit ans, mais il avait compris l'essentiel, et depuis il ne l'avait plus jamais regardé de la même manière. Cet émoi était tel qu'il avait même pris le temps d'y revenir, et cela lui faisait toujours le même effet.

En attendant, cela n'expliquait pas pourquoi tout le monde s'obstinait à ne pas considérer Tyrion comme un combattant comme les autres. La Main de la reine, en plus… Dis-donc, Dany, si tu veux régner, tu assumes : ta main doit tenir une épée. Pfffff ! Mais bon, visiblement Dany était suicidaire, puisqu'elle s'était mise dehors, avec ses Dothrakis, ses Immaculés, ses dragons et son neveu. Oui, Jon Snow avait décidé de monter Rhaegal. Alors soit, des chefs qui se sacrifient pour leurs soldats, c'est beau, mais ça ne sert à rien : à ce compte-là, tu te fais mercenaire, pas chef de troupe ! T'imagines une partie d'échecs où le roi est ton seul pion actif ?

Et enfin, pour finir… il restait Arya. Alors elle, Bran avait essayé de suivre, caché dans une souris, mais c'était devenu vite difficile.


Pour commencer, Arya avait trouvé Sandor Clegane et Béric Dondarrion sur le chemin de ronde, assis à deviser.

« Dites-donc, les darons, c'est comme ça que vous surveillez la plaine ? »

« Bah ! On sait que les Morts sont là ! », avait rétorqué Le Limier en haussant les épaules.

« Nous les avons déjà affrontés au Nord du Mur, répondit calmement Béric, ne viens pas nous donner de leçons ! »

Arya était une Stark, elle n'avait pas appris à s'excuser.

« C'était comment ? », demanda-t-elle en s'asseyant.

« Comment tu voulais que ça soit ? », grogna Clegane, « une vraie boucherie : on a taillé des os ! »

« J'ai demandé à Gendry de m'expliquer, dit Arya, mais ça reste flou. »

« C'est horrible, c'est comme un abattoir mais en pire, parce que là c'est de la carne avariée qui pue avant même d'être dépecée… »

Béric lui tendit une gourde, il but une rasade.

« C'est comme un abattoir, mais dans des vespasiennes publiques, en quelque sorte… »

« Jamais vu d'abattoir… », avoua Arya.

« Ou une performance artistique dans un Musée d'art contemporain… », dit alors Dondarrion.

« Ça, ça me parle plus… », reconnut Arya.

Sa mère avait essayé de lui donner une éducation artistique, mais personne n'avait été capable de lui dire si elle était douée ou pas, si ses dessins, ses travaux de couture étaient un gâchis monumental ou la marque d'un génie incompris. Septa Mordane disait que c'était affligeant, Catelyn Stark trouvait ça postmoderne, mais l'avait néanmoins encouragée à développer des formes plus classiques, en lui disant que l'art figuratif permettait plus facilement de plaire à son mari.

« Pourquoi, Maman ? », avait demandé Arya.

« Les hommes aiment s'y retrouver… »

« Comme ça je pourrai tisser des cibles pour mon mari ? »

« Oh, Arya ! Une dame ne tisse pas ce genre de chose ! »

« Mais on pourrait s'entraîner ensemble… »

« Voyons, ne dis pas de bêtises ! »

« Tu dis bien qu'il faut s'entendre avec son seigneur ! »

« Bon, chérie, si tu retournais perfectionner ton style ? »

Le souvenir de sa mère l'émouvait toujours : Arya avait vite compris qu'elle n'était pas faite pour ce destin-là.

« Au fait, demanda-t-elle à Béric Dondarrion, où est votre ami ? »

« Thoros de Myr ? Hélas ! Il est mort au Nord du Mur… »

« Oh ! Il a été tué par les Marcheurs Blancs ? »

« Même pas ! », râla Clegane, « ce couillon a trouvé le moyen de crever de froid la nuit qui a précédé la bataille ! »

Béric Dondarrion ne lui décocha pas son habituel : « Oh, Clegane ! » en souriant avec condescendance. Son visage s'était assombri.

« Avec tout l'alcool qu'il avalait, il a trouvé le moyen de geler ! Non mais quelle buse ! », ragea Clegane.

« Clegane… », soupira Dondarrion. « C'était l'homme de ma vie ! »

« Laquelle ? La première ou la quatrième ? T'avais qu'à te faire ce puceau de Gendry, il n'attendait que ça ! »

Gendry ? A ces mots, Arya rougit. Elle se leva aussitôt.

« Bon, les gars, c'est bien beau tout ça, mais moi j'ai mieux à faire ce soir ! »

Et elle les laissa en plan.


Arya cherchait Gendry. Elle tomba sur Mini Mormont.

« Arya ! C'est terrible ! Ils sont là ! »

« Oui, oui, je sais… », dit Arya sans la regarder.

« Il faut que je vous dise… »

« Non ! Ne me dites rien ! Je sais ce que vous voulez, Lady Lolita. Et je ne peux rien pour vous : vous êtres trop jeune pour moi ! »

Lyanna Mormont fut stupéfiée par une telle franchise.

« Mais… Arya ! Nous devons avoir tout au plus trois ans d'écart ! »

« Ça n'enlève rien au fait que je suis une femme, et vous pas ! Trouvez un garçon de votre âge ! »

« Mais… »

« Ou une fille, je m'en fiche ! ça ne me regarde pas : vivez votre adolescence ! »

« Je ne peux pas, je dirige un château et des soldats, je n'ai pas eu de temps pour ça… »

Arya ne voulait pas entendre ces arguments, car en vérité, elle n'avait rien pour les contrer. A part lancer un cruel : « Je ne vous aime pas… en tout cas, pas encore, ou pas assez, parce que, au fond, je vous aime bien, mais pas comme vous le souhaitez ! Et vu que c'est la fin, je n'aurais jamais le temps d'apprendre à vous connaître et peut-être vous aimer… », elle ne voyait pas comment faire entendre raison à sa groupie. D'ailleurs, elle finit par le lui dire.

La fière, l'austère Lyanna Mormont éclata en sanglots : « Dans ce cas, Arya, je n'ai plus qu'à mourir, puisque vous ne m'aimez pas ! Je vais mourir pour les Stark, voilà, en serez-vous satisfaite ? »

Et allez, le chantage affectif de la femme éconduite ! Arya soupira, puis lui saisit le bras et la regarda dans les yeux : « Vous vous battrez pour la survie de l'humanité. C'est compris ? Que vous mouriez ou que vous surviviez, je veux que vous vous battiez avec cette pensée. Voilà ce qui me ferait plaisir. »

Tant de virilité chez une jeune fille remit les idées en place de Lady Lyanna. Elle sécha ses larmes et murmura : « Oui… Vous avez raison… Pardonnez-moi. »

« Bien sûr que je vous pardonne ! Soyez forte, Lady Lyanna, le Nord a besoin de vous ! »

Et toute la fanbase aussi, mais bon, on ne veut pas vous mettre trop de pression !


Arya trouva enfin Gendry, près de sa couche, sous un appentis, à vérifier ses armes.

« Gendry ! »

Il se tourna vers elle : « Arya ? »

« Est-ce que c'est vrai que tu es amoureux de Béric Dondarrion ? »

Il resta coi. Les yeux d'Arya, qu'elle avait déjà grands, étaient exorbités.

« Euh… Mais… Comment tu… ? »

« C'est vrai ou pas ? »

« Arya, l'Armée des Morts est là, ça n'est pas le moment de… »

« Cela fait des années que je rêve de toi ! », s'écria Arya. « Des saisons que je ne pense qu'à toi ! Et au moment où la Mort arrive, tu es le seul avec qui j'ai envie de passer ma dernière nuit, et voilà que j'apprends que tu… tu… »

« Arya ! Béric et moi, c'est terminé ! ça n'a même jamais commencé, si tu veux tout savoir… »

« Oh ! »

« Il m'a vendu à la femme rouge… »

« Hein ? »

Gendry n'avait pas du tout envie de parler de ça, mais Arya voulut savoir : où ? quand ? comment ? dans quelle position ?

« Je veux tout savoir, Gendry ! Tout ! »

« Mais enfin, ça ne te regarde pas ! Tu n'es pas ma femme ! »

Et quand bien même…

« Maintenant si, Gendry ! »

« Ah bon ? T'as décidé ça quand ? »

« Je ne sais plus ! Tout ce que je sais, c'est que c'est notre dernière nuit en ce monde et je veux que tu me montres ce que cela fait ! »

« Euh… »

Comment te dire ? Je ne suis pas ce qu'on fait de plus expérimenté…

« Pour une fois dans ma vie, j'ai envie d'être une femme ! », insista Arya.

« Ouais mais ça veut pas dire que moi j'ai envie de toi… »

« Et tu comptes la passer avec qui, ta dernière nuit ? »

Hum… L'argument fit mouche : comme Gendry n'avait plus personne et qu'ils étaient sûrs d'y rester, il consentit à aimer Arya. De toute façon, elle ne lui laissa pas le choix : elle le poussa sur sa couche et se déshabilla devant lui. Il n'était pas niais au point de passer à côté de ça !


Dans l'angle du plafond, entre deux poutres, une araignée les surveillait.

« La barbe ! », songeait Bran, « cette bestiole est aveugle et sourde ! Je fais comment pour suivre ? Attends que je palpe le mur, je devrais sentir des vibrations… Comment je bouge autant de pattes ? »

Ce fut trop compliqué pour Bran, il changea de corps.

Il se retrouva dans celui de Gendry, agité de soubresauts. Au-dessus de lui, le corps nu de sa sœur s'agitait, Bran voyait ses petits seins sauter…

« Oh non ! Tout mais pas ça ! Je ne suis pas Jaime Lannister, non plus ! »

Entre l'étreinte de Robb et Théon dans la tour, la première nuit de son père avec Robert, le viol nuptial de Sansa par Ramsay et la liaison entre Jon et sa tante, Bran se sentait poursuivi par une malédiction : celle de connaître toute la vie intime des membres de sa famille.

« Ça suffit ! »

Il ne put s'empêcher de lâcher un gémissement en même temps que Gendry, et, s'arrachant le plus vite possible aux bras de sa sœur, lui tourna le dos et s'envola le plus loin possible.