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Chapitre n°18 :
Mutinerie
Les soldats se tenaient au garde-à-vous tandis que le lieutenant et Dess les passaient en revue. Comme à l'accoutumée, Ulabore avançait dans les rangs en opinant du chef et en marmonnant à moitié. L'inspection était davantage pour la forme, Ulabore ayant ainsi l'impression de jouer un rôle dans la réussite des missions.
Une fois ce passage en revue achevé, le lieutenant s'avança devant la colonne et se tourna vers les soldats. Dess se tenait seul, dos à son unité, face à son officier supérieur.
- Vous connaissez tous notre objectif de mission, commença Ulabore, sa voix exceptionnellement aiguë et sonore.
Dess devina que le lieutenant tentait de paraître autoritaire, mais sa voix prit un ton perçant.
- Je laisserai le sergent vous expliquer les détails de la mission, poursuivit-il. Notre tâche n'est pas aisée, mais l'époque où la Marche Obscure accomplissait des missions faciles est révolue depuis longtemps. Je n'ai pas grand-chose d'autre à ajouter, et je sais que vous êtes tous aussi impatients que moi de mettre un terme à cette attente inutile. C'est pourquoi je suis heureux de vous informer que nous avons reçu l'ordre d'agir. Nous devons frapper l'avant-poste de la République dans une heure !
Des cris de surprise horrifiés et des murmures d'incrédulité s'élevèrent dans les rangs. Ulabore recula comme s'il venait de recevoir une gifle. Il s'était visiblement attendu à des hourras et à des cris d'exultation, et se trouvait déconcerté face à la colère soudaine et au manque de discipline de ses troupes.
- Taisez-vous, soldats ! aboya Dess.
Il s'avança vers le lieutenant et s'adressa à lui à voix basse.
- Mon lieutenant, vous êtes sûr de vous ? Nous devons passer à l'action dans une heure ? Vous êtes sûr que ce n'est pas plutôt une heure après la tombée de la nuit ?
- Vous mettez mes ordres en doute, sergent ? lui demanda Ulabore d'un ton brusque et retentissant.
- Non, mon lieutenant. C'est juste qu'il fera encore jour si nous passons à l'action dans une heure, et ils nous verront arriver.
- Le temps pour eux de nous repérer, nous serons suffisamment proches pour brouiller leurs transmetteurs, rétorqua le lieutenant. Et ils ne pourront plus avertir le camp de base.
- Je ne m'inquiétais pas pour ça, mon lieutenant, mais plutôt pour leurs vaisseaux de combat légers. Ils possèdent trois vaisseaux à répulsions équipés de canons-lasers. Si nous tentons de capturer l'avant-poste en pleine journée, ces choses vont nous abattre depuis les airs.
- C'est une mission suicide ! cria un soldat dans les rangs.
Ulabore baissa subitement les paupières et son visage s'empourpra.
- L'armée principale se mettra en marche au crépuscule, sergent, répondit Ulabore, les dents serrées. Ils veulent traverser la vallée pendant la nuit et frapper le camp de base de la République à l'aube.
- Nous n'avons alors aucune raison d'agir aussi vite, rétorqua Dess en veillant à ne pas s'emporter. Si l'armée se met en marche à la tombée de la nuit, il lui faudra au moins trois heures pour atteindre la vallée depuis sa position actuelle. Ce qui nous laisse suffisamment de temps pour capturer l'avant-poste avant qu'elle y parvienne, et cela même si nous agissons après le crépuscule.
- Il est évident que vous ne comprenez pas ce qui se passe, sergent.
Ulabore s'adressait à lui comme à un enfant têtu.
- L'armée n'agira pas tant que nous ne lui dirons pas que notre mission a été accomplie avec succès. C'est pourquoi nous devrons agir maintenant.
Un choix plutôt sensé en définitive. Les généraux ne voulaient pas risquer de perdre l'armée tant qu'ils n'étaient pas assurés de la capture de l'avant-poste, mais une mission en plein jour signifiait que les pertes de la Marche Obscure seraient cinq fois plus nombreuses.
- Vous devez contacter le QG et leur expliquer la situation, déclara Dess. Nous ne pouvons rien faire contre ces vaisseaux. Nous devons atteindre que ces derniers soient au sol pour la nuit. Vous devez leur faire comprendre ce que nous affrontons.
Le lieutenant réagit comme s'il ne l'avait pas entendu.
- Les généraux me donnent leurs ordres et je vous les transmets, lui lança-t-il sèchement. Pas le contraire ! L'armée se met en marche à la tombée de la nuit et elle ne changera pas ses plans pour vous faire plaisir, sergent !
- Ils n'ont pas à modifier leurs plans, insista Dess. Si nous partons nous aussi à la tombée de la nuit, nous aurons tout le temps nécessaire pour capturer cet avant-poste avant que l'armée nous rejoigne dans la vallée. Mais nous envoyer immédiatement en mission est tout bonnement...
- Ça suffit ! déclara Ulabore d'un ton brusque. Arrêtez de braire comme un bantha séparé de son troupeau ! Vous avez reçu vos ordres, à vous maintenant de les exécuter ! Ou voulez-vous savoir ce qu'il advient des soldats qui défient leurs supérieurs ?
Dess comprit subitement la situation. Ulabore savait que l'ordre reçu était une erreur, mais il était bien trop effrayé pour aller à son encontre. L'ordre devait provenir directement d'un des Seigneurs Noirs. Ulabore préférait mener ses troupes à la boucherie, plutôt que d'affronter le courroux d'un Maître Sith.
Dess refusait de le laisser mener la Marche Obscure à la catastrophe. Il ne voulait pas d'une nouvelle Hsskhor. Il hésita l'espace d'un instant, avant de frapper le lieutenant au visage et de l'assommer.
Un silence ébahi envahit les troupes lorsque Ulabore s'effondra au sol. Dess retira rapidement les armes de l'officier, puis il se retourna et désigna deux des nouvelles recrues de la Marche.
- Vous deux, vous garderez un œil sur le lieutenant. Assurez-vous qu'il ait tout le confort nécessaire lorsqu'il se réveillera, mais ne le laissez pas approcher du poste de communication.
Il se tourna ensuite vers l'officier de communication :
- Envoyez le message au QG juste avant la tombée de la nuit afin de leur rapporter le succès de notre mission. L'armée pourra ainsi pénétrer dans la vallée. Cela nous laissera deux heures pour atteindre notre objectif avant qu'elle ne nous rejoigne.
Il se tourna finalement vers le reste des soldats de son unité et marqua une légère pause pour que ces derniers saisissent bien la gravité de ses paroles.
- Ce que je viens de faire est un acte de mutinerie, affirma-t-il. Il se peut que quiconque me suive à partir de cet instant soit traduit en conseil de guerre une fois que tout ceci sera terminé. Si certains d'entre vous pensent qu'ils ne pourront plus suivre mes ordres après ce que je viens de faire, qu'ils le disent sur-le-champ et je laisserai le commandement de cette mission au trooper Adanar.
Il balaya les soldats du regard. Personne ne prit la parole, mais ils levèrent tous leur poing et frappèrent par deux fois légèrement leur poitrine, juste au-dessus du cœur.
Submergé de fierté, Dess déglutit un long moment avant de pouvoir donner le dernier ordre aux soldats – ses soldats.
- Soldats de la Marche Obscure, rompez !
Les soldats rompirent les rangs par groupes de deux ou trois. Adanar rejoignit Dess.
- Ulabore n'oubliera pas ce qui vient de se passer, lui dit-il calmement. Qu'est-ce que tu vas faire de lui ?
- Après la capture de cet avant-poste, ils voudront décorer notre officier commandant, répondit Dess. Je parie qu'il préférera se taire et accepter mon acte de mutinerie, plutôt que de laisser l'information circuler sur ce qui vient de se produire.
- Il me semble que tu as tout prévu, reprit Adanar en grognant.
- Pas tout, reconnut Dess. Je ne suis pas encore sûr de la stratégie à adopter pour détruire cet avant-poste.
Eh bah, Ulabore l'a pas vue venir celle-là, c'est le moins qu'on puisse dire ;)
