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Chapitre n°20 :
Cour martiale
Trois heures plus tard, la bataille était terminée. La mission avait été une totale réussite : ils avaient capturé l'avant-poste, et la République ignorait qu'à l'heure actuelle, des milliers de troopers Sith marchaient dans la vallée pour les attaquer à l'aube. La bataille avait été rapide et sanglante : quarante-six soldats de la République avaient trouvé la mort, contre neuf dans l'unité d'élite de Dess.
À chaque fois qu'il perdait l'un des siens, Dess éprouvait une sensation d'échec. Mais au regard de la difficulté de leur mission, un nombre de pertes aussi minime était déjà une victoire.
Une fois leur objectif atteint, Dess laissa Adanar et un petit groupe de soldats en faction dans l'avant-poste. Le reste de l'unité était reparti au camp de base, avec Dess à sa tête.
Sur le chemin, ce dernier tenta d'ignorer les murmures et les regards furtifs que lui lançaient ses troupes. Lucia avait fait le récit de ses tirs incroyables, et l'unité ne parlait que de ça. Aucun des soldats n'était suffisamment intrépide pour s'adresser à Dess directement, mais quelques bribes de conversation lui parvinrent néanmoins.
En toute honnêteté, il ne pouvait pas les blâmer. En y réfléchissant, il ne savait pas lui-même ce qu'il s'était réellement passé. Dess était un bon tireur, mais en aucun cas un tireur d'élite. Il avait pourtant réussi une douzaine de tirs inconcevables, avec une arme qu'il n'avait jamais utilisée auparavant – et la plupart de ces tirs avaient été effectués après avoir été aveuglé par une bombe. C'était incompréhensible. Un peu comme si, après avoir perdu la vue, un pouvoir mystérieux avait guidé ses actions. La sensation avait été à la fois grisante et terrifiante. D'où venait ce pouvoir. Et pourquoi ne parvenait-il pas à le contrôler ?
Il était tellement perdu dans ses pensées qu'il ne reconnut pas tout de suite les étrangers qui les attendaient au camp de base. Il ne comprit la situation qu'une fois arrêté et menotté.
- Content de vous revoir, sergent, lui lança Ulabore d'une voix remplie de haine.
Dess regarda autour de lui. Une dizaine de gardes – la police militaire de l'armée Sith – l'entourait, leurs armes dégainées. Ulabore se tenait derrière eux, une belle ecchymose à l'endroit où Dess l'avait frappé. Ce dernier aperçut également, derrière le lieutenant, les deux jeunes recrues qu'il avaient laissées dans le campement. Elles fixaient le sol, embarrassées et honteuses.
- Vous avez vraiment cru que ces deux bleus n'allaient pas réagir en voyant leur lieutenant ligoté comme un vulgaire prisonnier ? railla Ulabore, abrité derrière les gardes armés. Et qu'ils allaient vous suivre dans votre folie ?
- Cette folie vous a sauvé la vie ! cria Lucia.
Dess leva ses mains menottées pour la faire taire, car la situation pouvait rapidement dégénérer.
Les autres soldats ne pipant mot, Ulabore parut gagner en courage. Il franchit le mur de gardes qui le protégeait et rejoignit Dess.
- Je vous avais prévenu de ne pas désobéir à mes ordres, lui cracha-t-il au visage. Vous allez voir maintenant comment la Confrérie des Ténèbres traite les soldats mutins !
Quelques-uns des membres de la Marche Obscure s'apprêtèrent à dégainer leurs armes, mais Dess secoua la tête, et tous s'immobilisèrent. Les membres de la police militaire avaient déjà leurs blasters en main, et n'hésiteraient pas à les utiliser. Les troopers s'effondreraient avant même de pouvoir dégainer.
- Qu'y a-t-il, sergent ? le pressa Ulabore en se rapprochant encore de lui. Vous n'avez plus rien à dire ?
Dess savait qu'il pourrait tuer le lieutenant d'un geste rapide, même si les gardes l'abattaient ensuite. Dess aurait la satisfaction de ne pas mourir seul. Chaque parcelle de son corps désirait attaquer et achever leurs deux existences dans un bain de sang et un déluge de tirs de blasters. Il parvint néanmoins à résister à cette envie. Sacrifier sa vie de cette façon n'avait aucun intérêt. Le conseil de guerre allait probablement prononcer sa mort, mais il aurait peut-être une chance de s'en sortir s'il était jugé.
Ulabora s'approcha de lui, le gifla et cracha sur ses bottes, avant de reculer.
- Emmenez-le, ordonna-t-il aux gardes en se retournant.
En s'éloignant, Dess remarqua les expressions de Lucia et des soldats qu'il avait sauvés quelques heures plus tôt. Il eut le sentiment qu'à la prochaine mission de l'unité, Ulabore serait victime d'un accident malheureux – et fatal. Cette pensée lui fit esquisser un sourire.
Les gardes, leurs armes pointées sur lui, le convoyèrent dans la jungle pendant plusieurs heures. Ils n'abaissèrent leurs armes uniquement que lorsqu'ils aperçurent les sentinelles protégeant le périmètre du principal campement Sith.
- Un prisonnier pour le conseil de guerre, s'exclama l'un des gardes d'un ton impassible. Allez prévenir le Seigneur Kopecz.
L'une des sentinelles le salua et s'éloigna en courant.
Ils conduisirent Dess dans le campement, puis vers la prison. Ce dernier vit que de nombreux soldats le reconnaissaient. Du haut de ses deux mètres et avec son crâne chauve, c'était une figure imposante, dont la plupart des soldats avaient entendu parler. Voir cet archétype du parfait soldat être conduit devant la cour martiale ne les laissait pas indifférents.
Ils atteignirent la prison de fortune du campement, une fosse de trois mètres sur trois entourée d'un petit champ de force, utilisée pour confiner les espions et les prisonniers de guerre. Les gardes avaient débarrassé Dess de ses armes au moment de son arrestation. Ils le fouillèrent maintenant plus attentivement et lui retirèrent tous ses effets personnels. Ils désactivèrent le champ de force et le poussèrent brutalement dans la fosse sans se soucier de lui retirer ses menottes. Il tomba sur le sol dur, et en se relevant tant bien que mal, entendit un bruit caractéristique, celui du champ de force qui se réactivait derrière lui et l'emprisonnait.
Dess était seul dans la fosse. Les Sith n'avait pas coutume de garder longtemps leurs prisonniers. Il commença à se demander s'il n'avait pas commis une faute grave en renonçant à se sacrifier. Il avait espéré que ses états de service passés pourraient jouer en sa faveur lors de son jugement, mais il réalisa que sa renommée pouvait tout aussi bien le desservir. Les Seigneurs Sith n'étaient pas réputés pour leur tolérance ou leur miséricorde. Il avait désobéi à un ordre de sa hiérarchie et il se pouvait très bien qu'ils décident de le punir sévèrement pour l'exemple.
Il attendit un long moment au fond de la fosse et finit par s'endormir, épuisé par le combat et la marche forcée. Il se réveilla et se rendormit plusieurs fois, distinguant un instant la lumière du jour, mais lorsqu'il se réveilla définitivement, la nuit était tombée.
Il n'avait encore rien mangé et son estomac grognait en signe de protestation, littéralement tenaillé par la faim. Il avait la gorge sèche et sa langue lui semblait avoir doublé de volume, l'étouffant presque. En outre, il sentit sa vessie le tirailler de plus en plus, mais il ne voulait pas se soulager, la fosse empestant déjà suffisamment comme ça.
Ils allaient peut-être simplement le laisser là et attendre qu'il meure lentement. Au regard des rumeurs qui couraient sur les tortures Sith, il espérait presque que ce serait le cas pour lui. Mais il n'avait pas abandonné. Pas encore.
En entendant des bruits de pas approcher, il se releva en chancelant, ses mains toujours menottées. À travers le champ de force, il distingua les silhouettes de plusieurs gardes et celle d'un individu vêtu d'une longue cape noire.
- Conduisez-le dans mon vaisseau, ordonna le personnage encapuchonné d'une voix rauque. Je m'occuperai de lui sur Korriban.
Eh oui, un cliffhanger, j'ai osé ;)
