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Il se pourrait bien que ce chapitre cache un tout nouveau tournant dans la vie du Sergent Heldane... (nom de famille de ma création, au fait – j'avais oublié de le préciser –, car j'en avais vraiment besoin pour la suite lointaine de la saga).
Chapitre n°21 :
Bane
Dess ne distingua pas le visage de l'homme qui avait ordonné son transfert. Ce dernier avait déjà disparu lorsque les gardes l'extirpèrent de la fosse. Ils lui apportèrent de la nourriture et de l'eau, et le laissèrent se laver. Ils lui avaient retiré les menottes, mais ils ne le quittèrent pas des yeux jusqu'à ce qu'il monte à bord d'un petit vaisseau en partance pour Korriban.
Personne ne lui adressa la parole pendant toute la durée du voyage, et Dess ne savait pas ce qui se déroulait. Au moins, il n'était plus menotté. Il considéra cela comme un bon présage.
Ils arrivèrent sur Korriban au milieu de la journée. Dess s'était attendu à ce que le vaisseau atterrisse à Dreshdae, la seule cité de ce monde sinistre et inhospitalier. Or, il se posa dans un petit spatioport édifié au-dessus d'un ancien temple surplombant une vallée désolée. Un vent frais soufflait sur l'aire d'atterrissage quand il descendit du vaisseau, mais peu lui importait. Après les heures passées dans la cabine à l'atmosphère confinée, le moindre courant d'air était le bienvenu. Il sentit un frisson parcourir son corps au moment de poser le pied sur le sol de Korriban. Il avait entendu dire que la planète avait été jadis d'une puissance considérable, mais que seules des ombres demeuraient maintenant de ce passé prestigieux. L'atmosphère de cette planète lui parut hostile, et il l'avait même perçue dès que le vaisseau s'en était approché. Depuis son point d'observation, il décela d'autres temples disséminés à la surface du monde désertique. Malgré la distance, il devina les roches érodées et les pierres effondrées des arches d'entrée autrefois grandioses. Par-delà la vallée, la cité de Dreshdae ressemblait à une petite tache.
Un autre personnage encapuchonné l'attendait sur l'aire d'atterrissage. Il remarqua immédiatement qu'il ne s'agissait pas du même individu que celui aperçu derrière le champ de force sur Phaseera. Cette personne n'avait ni la taille ni l'envergure de son bienfaiteur, dont Dess avait ressenti le caractère autoritaire.
L'individu, de sexe féminin de l'avis de Dess, lui fit signe de le suivre. Elle le guida en silence jusqu'à une volée de marches qui descendait à l'intérieur du temple. Ils atteignirent un étage et empruntèrent un nouvel escalier, puis ils répétèrent l'opération jusqu'à atteindre le niveau inférieur du temple. Des portes et des couloirs permettaient d'accéder à chaque étage. Dess entendit des conversations et des bruits divers s'en échapper.
Sa guide resta muette, et Dess s'abstint de briser le silence. En théorie, il était toujours leur prisonnier. D'ailleurs, elle le menait peut-être même vers le conseil de guerre. Il n'allait pas aggraver davantage sa situation en posant des questions stupides.
Lorsqu'ils accédèrent au rez-de-chaussée du temple, elle le mena vers une arche de pierre donnant sur un autre escalier. Ce dernier était différent des précédents : étroit et sombre, il descendait en colimaçon dans les entrailles de la planète. Sans rien dire, sa guide lui tendit une torche qu'elle décrocha de l'un des murs, puis elle s'écarta pour le laisser passer.
Se demandant à nouveau ce qui arrivait, Dess descendit l'escalier avec précaution. Il ne put deviner à quelle profondeur il s'enfonçait dans le sol, car il avait des difficultés à s'orienter dans un escalier aussi étroit. Il atteignit la dernière marche après plusieurs minutes, et découvrit un long couloir qui s'étendait devant lui. Il aperçut une salle à son extrémité.
Cette dernière était plongée dans l'obscurité. Quelques torches étaient pendues ici et là sur les murs, leurs flammes mourantes parvenant à peine à percer les ténèbres.
Dess s'arrêta sur le seuil et attendit que sa vue s'adapte à l'obscurité. Il parvint à distinguer un individu à l'intérieur. Ce dernier lui fit signe.
- Approche.
Dess frissonna, bien qu'il ne fasse pas froid. L'atmosphère était électrique, emplie d'une puissance qu'il parvenait aisément à discerner. Il fut surpris de ne pas s'en effrayer, et comprit que son frisson était lié à la perspective de cette rencontre.
Alors qu'il avançait dans la salle, le visage de l'individu encapuchonné se précisa, et Dess aperçut devant lui un Twi'lek. En dépit de sa robe ample, Dess remarqua qu'il était grand et costaud. Il mesurait presque deux mètres, et était de loin le plus grand Twi'lek que Dess ait jamais vu – bien qu'il demeurait lui-même plus grand que lui.
Ses lekkus s'enroulaient devant sa large poitrine et autour de son cou et de ses épaules musclées, ses yeux brillaient d'un éclat orange qui reflétait les flammes des torches. Il lui sourit et révéla des dents pointues, une caractéristique commune à tous les membres de son espèce.
- Je suis le Seigneur Kopecz des Sith, lui dit-il.
À cet instant, Dess comprit qu'il s'agissait de l'individu qu'il avait vu depuis le fond de la fosse sur Phaseera, et il inclina légèrement la tête pour le saluer.
- Je vais être ton juge, lui expliqua Kopecz de sa voix dénuée de toute émotion. Moi seul déterminerai ton sort. Tu peux être sûr que mon jugement sera sans appel.
Dess acquiesça une nouvelle fois. Le Twi'lek posa ses yeux oranges et pénétrants sur lui.
- Tu n'éprouves aucune amitié pour les Jedi ou la République.
Ce n'était pas une question, mais Dess voulut néanmoins y répondre.
- M'ont-ils jamais aidé ?
- Exactement, déclara Kopecz avec un sourire cruel. J'ai cru comprendre que tu avais livré de nombreuses batailles contre les forces de la République. Tes compagnons d'armes disent beaucoup de bien de toi. Les Sith ont besoin d'hommes comme toi pour gagner cette guerre.
Il s'arrêta un instant.
- Tu étais jusqu'ici un soldat modèle... jusqu'à ce que tu désobéisses à un ordre direct.
- Cet ordre était une erreur, répondit Dess.
Sa gorge était si sèche et si serrée qu'il eut même du mal à répondre.
- Pourquoi as-tu refusé d'attaquer l'avant-poste pendant la journée ? Serais-tu un lâche ?
- Un lâche n'aurait pas accompli la mission, rétorqua Dess d'un ton brusque, l'accusation piquant sa fierté.
Kopecz pencha la tête sur le côté et attendit un moment.
- Une attaque en plein jour était une erreur tactique, poursuivit Dess en cherchant à se justifier. Ulabore aurait dû rapporter cette information au centre de commandement, mais il était trop effrayé. C'est lui le lâche, pas moi. Il préférait mourir aux mains de la République plutôt que d'affronter la Confrérie des Ténèbres. Moi, je refuse de sacrifier ma vie inutilement.
- C'est ce que je vois, d'après tes états de service, déclara Kopecz. Kashyyyk, Trandosha, Phaseera... si tous ces rapports sont exacts, tu as accompli des faits d'armes incroyables pendant ton service au sein de la Marche Obscure. Des exploits qui semblent tout bonnement irréalisables.
Dess s'irrita du sous-entendu du Twi'lek.
- Ces rapports sont le strict reflet de la réalité, répliqua-t-il.
- Mais je n'en doute pas.
Kopecz n'avait visiblement pas remarqué le ton agacé de Dess – ou il ne s'en souciait pas.
- Sais-tu pourquoi je t'ai fait venir sur Korriban ?
Dess commençait à comprendre que cette conversation n'était pas vraiment un conseil de guerre, mais plutôt une sorte d'épreuve dont il ignorait les implications.
- Je pense que j'ai été choisi pour quelque chose.
Kopecz lui adressa un autre sourire sinistre.
- C'est bien. Tu as l'esprit vif. Que sais-tu de la Force ?
- Pas grand-chose, reconnut Dess en haussant les épaules. C'est une chose à laquelle croient les Jedi, une grande puissance qui est supposée être présente dans chaque endroit de l'univers.
- Et que sais-tu des Jedi ?
- Je sais qu'ils croient être les protecteurs de la République, rétorqua Dess en ne dissimulant pas son mépris. Je sais qu'ils ont une grande influence au sein du Sénat. Et je sais que beaucoup de personnes pensent qu'ils possèdent des pouvoirs mystiques.
- Et la Confrérie des Ténèbres ?
Dess réfléchit un instant.
- Vous êtes les chefs de notre armée, et les ennemis jurés des Jedi. Et beaucoup de personnes pensent que vous possédez également des talents spéciaux.
- Et toi, qu'en penses-tu ?
Dess hésita à donner à Kopecz la réponse qu'il attendait, car il ne savait pas véritablement quelles étaient les attentes de son juge. Il répondit finalement en son âme et conscience :
- Je pense que la plupart de ces récits sont très exagérés.
- C'est une croyance commune, précisa Kopecz en acquiesçant d'un signe de tête. Ceux qui ne comprennent pas les voies de la Force considèrent ces histoires comme des mythes ou des légendes. Mais la Force est réelle, et ceux qui la maîtrisent possèdent des pouvoirs que tu ne peux même pas imaginer. Tu as participé à de nombreuses batailles, mais tu n'as jamais fait l'expérience de la guerre véritable. Tandis que les troupes cherchent à contrôler les mondes et leurs lunes, les Maîtres Jedi et les Seigneurs Sith cherchent à se détruire les uns les autres. Nous sommes poussés à une confrontation finale inévitable. La faction qui survivra, que ce soit celle des Sith ou des Jedi, déterminera la destinée de la galaxie pour les millénaires à venir. Dans cette guerre, la vraie victoire ne sera pas obtenue grâce aux armées, mais par l'intermédiaire de la Confrérie des Ténèbres. La Force et ceux qui la maîtrisent représentent notre plus grand atout. Des individus comme toi.
Il s'arrêta un instant pour que Dess saisisse le sens de ses paroles.
- Tu es spécial, Dessel Heldane. Tu possèdes de nombreux dons incroyables. Ces dons sont des manifestations de la Force, et ils t'ont beaucoup aidé dans ta carrière de soldat. Mais pour l'instant, tu en as simplement gratté la surface. La Force est réelle, elle existe tout autour de nous. Tu peux même ressentir sa puissance dans cette salle. La ressens-tu ?
Dess hésita un bref instant avant d'opiner du chef.
- Je la sens. Chaude, comme une bombe prête à exploser.
- C'est le pouvoir du Côté Obscur, le feu bouillonnant de la passion et des émotions. Et je le sens également en toi. Il brûle dans tes veines. Il brûle comme ta colère et te rend fort.
Kopecz ferma les yeux et pencha la tête en arrière comme pour se nourrir de cette chaleur. L'extrémité de ses lekkus s'agita légèrement. Seul le léger crépitement des torches venait rompre le silence. Une goutte de sueur perla sur le crâne chauve de Dess, puis lui coula dans le cou. Il ne l'essuya, mais se trémoussa, mal à l'aise tandis qu'elle roulait entre ses omoplates. Ce simple mouvement parut sortir le Twi'lek de sa transe.
- Tu as été en contact avec la Force par le passé, mais tes capacités sont insignifiantes comparées aux pouvoirs d'un véritable Seigneur Sith, finit-il par admettre. Je sens un grand potentiel en toi. Si tu restes ici sur Korriban, nous t'apprendrons à contrôler la Force.
Dess demeura sans voix.
- Tu ne seras jamais plus un soldat sur les lignes de front, poursuivit Kopecz. Si tu acceptes mon offre, cette partie de ta vie est définitivement derrière toi. Tu recevras un entraînement spécifique pour t'ouvrir aux voies du Côté Obscur. Tu rejoindras la Confrérie des Ténèbres, et tu ne reverras jamais plus la Marche Obscure.
Dess sentit son cœur battre à tout rompre et sa tête lui tourner. En réalité, il avait toujours su qu'il était un être unique en raison de ses dons exceptionnels. Et il découvrait aujourd'hui que ces derniers n'étaient rien comparés à ce qu'ils pourraient devenir.
Une part de lui-même hésitait toutefois à quitter son unité sans même dire adieu à ses camarades. Il ne considérait pas Adanar, Lucia et les autres comme de simples frères d'armes : ils étaient ses amis. Pouvait-il les abandonner de cette façon pour rejoindre les Seigneurs Sith ?
Il se remémora les dernières paroles de Groshik sur Apatros : Ne compte pas sur les autres pour t'aider. En fin de compte, tout le monde est seul dans l'existence. Les survivants sont ceux qui savent se débrouiller seuls.
Tout ce qu'il possédait, il l'avait donné à son unité. Il leur avait sauvé la vie un nombre incalculable de fois. Et en fin de compte, lorsque les gardes étaient venus l'arrêter, ils n'avaient rien pu entreprendre pour le défendre. Ils auraient tenté d'intervenir s'il les avait laissés faire, mais ils auraient échoué. Dess réalisa que son unité – ses amis – ne pouvaient plus rien pour lui désormais.
Il devait se débrouiller seul, comme toujours. Il aurait été stupide de rejeter une telle opportunité.
- Je suis honoré, Seigneur Kopecz, et j'accepte votre offre avec gratitude.
- La voie des Sith n'est pas pour les faibles, l'avertit le grand Twi'lek. Ceux qui chancellent sont... abandonnés, lui lança-t-il d'un ton menaçant.
- Personne ne m'abandonnera, répondit Dess sans broncher.
- C'est ce que nous verrons, s'exclama Kopecz.
Il ajouta :
- C'est un nouveau commencement pour toi. Une nouvelle vie. La plupart des novices qui arrivent ici choisissent un nouveau nom de baptême et abandonnent leur ancienne existence.
De toute manière, Dess n'avait aucune envie de garder un lien quelconque avec son existence passée. Un père brutal, un travail pénible dans les mines d'Apatros – il avait toujours cherché à changer le cours de sa vie. La Marche Obscure lui avait offert un échappatoire temporaire. Il avait maintenant l'opportunité d'abandonner définitivement ce passé. Il devait simplement choisir la Confrérie des Ténèbres et ses enseignements. Pour des raisons qu'il ne put expliquer, il ressentit la froide morsure de la peur le transpercer. Cette dernière le fit hésiter.
- Veux-tu te choisir un nouveau nom, Dessel Heldane ? lui demanda Kopecz, ressentant probablement son hésitation. Veux-tu renaître ?
Dess acquiesça. Kopecz sourit à nouveau.
- Et comment devrons-nous t'appeler, désormais ?
La peur n'allait pas l'arrêter. Il allait la prendre à bras-le-corps, la maîtriser. Il utiliserait ce qui, jadis, l'avilissait, pour devenir fort et puissant.
- Je m'appelle Bane. Bane des Sith.
