Chapitre 51 : Edward Masen

Des milliers de sentiments traversaient mon corps et mon esprit. Je ne savais comment réagir, comment survivre au choc, aux mots qu'il venait de me dire.

Ses prunelles jade restaient plantés dans les miennes, incandescentes, brillantes… vives…

Cela faisait tellement longtemps que je ne l'avais plus revu. Huit longues années depuis ce fameux jour, le jour où j'ai voulu tout arrêter.

Je ne savais dire quelle émotion prédominait. J'étais plus chamboulée qu'heureuse de le revoir, j'étais moins triste qu'extatique. À vrai dire, je ressentais même un peu de culpabilité.

Je me sentais coupable d'avoir attendu si longtemps avant de le revoir. De l'avoir un peu abandonné il y a huit années de cela. De l'avoir vu partir, meurtri, sans avoir eu le courage de le rattraper.

Coupable, parce que j'étais dans un couple stable avec Sasha et que je ne le sentais pas très bien pour nous, tout ça.

Coupable, parce que je ne savais plus rien de lui désormais. Il avait partagé mon amour si longtemps, à présent c'est un inconnu que j'ai devant moi.

Sans m'en rendre compte, je sentis mes yeux se remplir d'une humidité nouvelle, et une larme coula le long de ma joue.

Ses mains toujours en coupe, il l'écrasa avec son pouce, le visage neutre mais les yeux trahissant des millions d'expressions à la fois.

Il avait toujours été beau. C'était le plus bel homme que je voyais devant moi, plus beau encore que les stars de cinéma.

Je repris enfin mes esprits et inspirais fortement.

« Je suis désolée » dis-je finalement.

Je baissais la tête et retourna m'assoir. Je me sentais un peu mal, j'avais dû mal à respirer et mon cœur battait trop fort, lourdement dans ma poitrine.

« Je n'aurais jamais dû te quitter comme ça… »

« Tu avais de bonnes raisons de le faire, » reprit-il, toujours debout en face de moi.

« Edward… »

Silence.

« Quoi ? »

« Que s'est-il passé… après ? »

Un éclair de douleur traversa ses prunelles, les rendant plus sombres un petit quart de seconde.

Il déglutit difficilement avant de reprendre place sur sa chaise de bureau. Il prit son visage dans ses mains.

« Pourquoi es-tu partit si… en colère ? » soufflais-je très bas.

« Bella. »

Il releva doucement sa tête.

« C'est vrai, j'étais en colère. Je suis rentré dans la maison et je suis monté dans la chambre et j'ai cassé… un mur. Et le cadre retenant notre photo. Je l'ai mal vécu, et pourtant je m'en doutais. »

Le coin de ses lèvres descendait vers le bas, ses sourcils se fronçaient. Je pouvais ressentir sa tristesse et sa douleur. J'en souffrais également.

Puis, une chose qu'il m'avait dite me revint en mémoire.

« Je t'ai aimée, Edward. »

Il me regarda, pantois.

« Ce jour-là, tu m'as demandé si je ne t'avais jamais aimé. Je l'ai fait, je t'ai aimé comme… personne. Ça me fait mal que tu croies le contraire, alors je voulais te le dire. »

Un sourire tordu et sans joie remplaça la grimace.

« Non, Bella. Tu ne m'aimais plus, en tout cas pas quand j'étais à New York. Et, je peux le comprendre. »

Je me penchais vers son bureau et tendis ma main, l'invitant à la prendre.

Il me regarda, confus, avant de saisir ma main dans la sienne et de faire un sourire.

« Je m'en suis remis, ne t'en fais pas pour ça. C'était difficile au début mais j'avais de bons amis. Déjà, sur le moment, Alice et Jasper. Mais ensuite, quand je suis rentré… tu n'imagines pas la tête que j'avais, Garrett m'a vu et à cru que quelque chose de grave était arrivé – il imaginait un accident ou que j'avais tué quelqu'un, » rit-il. « Il m'a aidé. »

Je soufflais. Il n'avait pas été seul, comme je ne l'avais pas été. Nous avions tous les deux quelqu'un sur qui compter, au final. Des amis.

« Je suis désolé pour le message sec le soir de mon anniversaire. »

« Je comprends, ne t'excuse pas. »

« J'étais avec mes amis. On était dans un bar quand je l'ai reçu. Je l'ai vu et Ely également. »

Il rit.

« Elle m'avait dit 'Quoi, elle ose te quitter comme une merde et elle t'envoie ce message après des mois sans nouvelles ?' alors, j'ai répondu sèchement. J'avais encore besoin un peu de temps et… je ne sais pas vraiment, je ne voulais plus que tu me contactes. »

Je pouffais.

« Ça à fonctionner, je n'ai plus osé t'envoyer un message après ça, » ris-je.

« Désolé » sourit-il.

Je riais encore.

« Et toi ? Comment tu as géré ? » me demanda-t-il.

« Grâce à Senna et Angela, principalement. Mais il y a eu Mike aussi, » rougis-je.

Il se tendit.

Je me dépêchais de lui raconter immédiatement la suite, sans mentir.

« Je suis sortie deux ans et demi avec lui. »

Il hocha simplement la tête.

« Il te traitait bien ? » s'enquit-il.

Je pouffais.

« Oui. »

« Tant mieux alors. »

Il ne pouvait décemment pas m'en vouloir d'être sortie avec quelqu'un après notre rupture.

« Et toi ? »

Il sourit.

« Oui, je suis sorti sept ans avec Elyanna. »

« La fille qui a lu le message ? »

Il rit franchement, pressant légèrement ma main.

« Oui, c'est elle. Je me suis mis avec elle presque un an après notre rupture. »

« A peu près comme moi et Mike. Sept ans ? »

Impressionnant. Edward faisait donc vraiment partie de cette catégorie de personne à rechercher le grand amour et se contenter uniquement de celui-là.

« Oui. On s'est quitté il y a quelques mois, en décembre. On allait fêter nos sept ans. »

« Pourquoi vous vous êtes quittés ? »

Il soupira.

« C'était une danseuse. C'est avec elle que je suis allé jouer à Broadway, c'était d'ailleurs sa chanson qui avait été sélectionnée et que nous avions joués. Elle voulait faire une tournée en Europe et moi je voulais me séparer des projecteurs. Nous avions simplement emprunté une autre route. Nous nous sommes aidés, d'ailleurs. »

Il rit.

« Je l'aidais à préparer son voyage, elle m'aidait avec le bar. C'est elle qui a trouvé que ces locaux étaient à louer. Elle est partie en janvier. »

« Tu étais heureux avec elle ? »

« Oui. Oh oui, nous étions bien. »

Je souris.

« C'est super chouette. Et maintenant, tu as trouvé quelqu'un d'autre ? »

Il planta ses yeux dans les miens.

« Je ne suis pas sûr. »

Je brisais son regard, soudainement mal à l'aise.

« Je suis avec quelqu'un, » avouais-je.

Je ne pus voir la déception dans son regard, je continuais en contemplant nos doigts entrelacés.

« Nous sommes en couple depuis trois ans. J'habite avec lui. »

Il ne dit rien pendant un long moment. Je me permis à retrouver son regard après quelques minutes de silence.

Ils étaient prudents, calme. Essayant d'être neutre.

« Tu l'aimes ? » me demanda-t-il.

« Suffisamment, » répondis-je directement.

Je sentis soudainement l'atmosphère s'alourdir et je changeais rapidement de sujet.

« Et que sont devenus Alice et Jasper ? Toujours ensemble ? »

Il se mit à rire franchement.

« Ils sont mariés ! »

Je le regardais, choquée.

« Ce n'est pas vrai ! Pourquoi je n'ai pas été mise au courant ? »

« Ha ha ha ! Aucune idée, honnêtement. Elle ne savait peut-être pas comment te contacter. Ils se sont dit 'oui' il y a deux ans. »

« Woah. Je suis si heureuse pour eux. »

« Tu peux l'être. Alice est restauratrice d'art dans un musée et elle a également ouvert une galerie d'art pour les amateurs à New York. Jasper est psychologue dans un centre pour jeunes souffrant de troubles alimentaires, si tu veux tout savoir. »

Je souris.

« Rosalie ? »

« Elle finit ses études de médecine. Elle voudrait venir me rejoindre ici, à Chicago. »

« Elle est toujours avec Emmett ? »

Il me regarda les sourcils froncés.

Je me sentis rougir.

« Hum… ils ne sont pas sortis ensemble en fait. Rosalie à décréter que c'était trop compliqué de sortir avec quelqu'un qui va à la fac, ensuite elle a décider de se concentrer sur ses études. »

« Oh. Je pensais qu'ils allaient être ensemble, enfin. Ils semblaient un peu être comme Alice et Jasper pour moi… »

Pouvais-je lire dans les pensées ?

Au fur et à mesure que je finissais ma phrase, je pouvais clairement lire dans les yeux d'Edward 'et moi qui pensaient que nous l'étions également, comme Alice et Jasper…'

Mais il ne dit rien.

Je me raclais la gorge et relâcha ma main de la sienne.

« Ça va aller pour finir ton article ? » s'enquit-il.

Je souris, il était toujours aussi attentionné.

« Ne t'en fais pas pour ça. Je te ferai la meilleure critique que tu n'aies jamais eu. »

Et ainsi, nous avions continué à parler de nos vies, rattrapant huit ans de séparation.

Il me montra une photo de Elyanna. Elle était… magnifique.

Grande, mince, élancée… ses cheveux d'un roux flamboyant tombaient en cascade dans son dos. Elle avait les yeux verts d'eau, l'un plus vert que l'autre. Elle arborait quelques tâches de rousseur sur le nez et les joues, nez qui d'ailleurs était fin et retroussé. Entre ses dents, un léger diastème qui la rendait incroyablement belle et séduisante. Une beauté unique.

Il me raconta l'avoir rencontré le jour de sa première audition. Elle avait fait tomber l'un de ses chaussons de danse, tant elle avait peur d'arriver en retard et elle était stressée. Il le lui avait ramassé et rappelé. D'après elle, il avait sauvé son audition.

Ils se sont revus le jour de la rentrée et sont directement devenus amis. Il lui disait tout.

Et puis, je l'ai quitté et elle a été une épaule sur laquelle pleurer, une amie sur qui compter.

Et l'année suivante, en janvier, elle lui avait avoué commencer à avoir des sentiments. Alors, il l'avait embrassée.

Ils avaient tellement partagé ensemble… ils avaient habité ensemble pendant cinq ans.

Cinq ans de vie commune.

Ses parents étaient toujours dans leur grande villa à Concord, ils étaient bien là et ne bougeaient pas. Ils étaient finalement contents de passer du temps juste à deux mais adoraient quand ils venaient leur rendre visite.

Ils aimaient le fait que leurs enfants volaient de leurs propres ailes. C'était adorable.

Finalement, je sortis à une heure du matin du bar.

Nous avions parlé longtemps, riant, se contant le temps perdu.

Edward insista à me ramener chez moi ce que je refusais – j'étais venue en voiture donc il accepta me laisser partir seule.

« Bella ? » me retint-il.

Je me retournais.

« J'aimerai avoir ton numéro ou connaitre ton nom sur Facebook… »

« Oh. Je n'ai pas Facebook. »

Il me contempla, choqué.

« Ça doit être pour ça que je ne t'ai jamais trouvée, » rit-il.

« Tu m'as cherchée ? »

« Quand j'en ai créé un, oui. Juste pour voir. C'était il y a longtemps. »

« Faudrait peut-être que j'y pense, » avouais-je.

« Peut-être. »

« En attendant, voici mon nouveau numéro. »

Je lui écris mon numéro sur une serviette avant de m'enfuir vers ma voiture.

Je rentrais chez moi aux alentours d'une heure trente. Sasha m'attendait devant la télévision.

« Ca a été ton interview ? Tu es restée longtemps. »

« Oui, je suis désolée. »

Je rangeais ma veste dans le placard avant de m'installer sur le canapé où il se trouvait. Je me blottis dans ses bras.

« Tu n'aurais pas dû m'attendre. »

« Je n'avais pas sommeil. »

Je sentis un léger mensonge mais je ne relevais pas.

« Le bar appartient à un ancien ami de l'université, nous avons un peu rattrapé le temps perdu. »

Il se tendit.

« Quel ami ? »

« Edward, » avouais-je dans un soupir.

Il se recula et desserra son étreinte.

« Ton ex ? »

J'hochais la tête.

Il grimaça avant de se lever et de partir vers la chambre.

Il n'était pas du genre jaloux, habituellement, qu'avait-il ?

Il n'était pas vraiment câlin non plus, je savais que je ne devais pas prendre son retrait personnellement, mais cette fois je le pris moyennement bien.

Je sentis mon téléphone vibrer. Je ne fus pas surprise d'y voir un numéro inconnu m'envoyer un SMS.

Voici mon nouveau numéro. J'espère que tu es bien rentrée. On se revoit bientôt ? Edward.

Un grand sourire illuminait mes traits. Je devrais probablement penser à me créer un compte Facebook finalement, j'avais envie de voir ce que le sien dirait…

Je lui répondis rapidement.

M'invites-tu à la soirée d'ouverture de ton bar ?

La réponse fusa également.

Avec plaisir. Vendredi 17 juin, 19 heures.

Mon cœur rata un battement.

J'allais vraiment le revoir.

Je souris bêtement encore quelques minutes avant de me souvenir d'où je me trouvais.

Que m'arrivait-il ? J'étais avec quelqu'un bon sang ! Quelqu'un qui était apparemment jaloux d'Edward et qui était partit se décamper dans notre lit.

Après une longe lamentation, je retrouvais Sasha dans le lit. Il était couché à l'autre bout, de son côté. Soupirant, j'entrais sous la couverture et m'endormis rapidement.

Dans mes rêves, je revoyais Edward. Et, curieusement, j'étais heureuse de le retrouver près de moi.